Intervention de Virginie Klès

Réunion du 25 octobre 2011 à 14h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Question préalable

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès, rapporteur :

Non, le texte n’était pas amendable. Cela a été dit, y compris sur vos propres travées : il fallait le récrire en totalité. Or, dans un délai aussi bref, c’était tout à fait impossible. D’ailleurs, il est parfois plus facile de repartir d’une page blanche.

C’est pourquoi je propose au Sénat d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, fruit d’une initiative conjointe de la commission et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC.

La majorité de la commission des lois considère qu’en introduisant la possibilité d’inciter fortement un mineur délinquant – j’insiste sur le fait qu’il s’agit d’obtenir l’accord d’une personne mineure, et non l’expression de la volonté d’insertion d’un majeur – à rejoindre un centre relevant de l’EPIDE en échange d’un abandon des poursuites, d’un ajournement de peine ou d’un sursis, la présente proposition de loi risque de déstabiliser ce dispositif d’insertion, dont la réussite repose sur le volontariat, de dénaturer ses objectifs et de brouiller son image à l’égard tant de ses partenaires, c'est-à-dire les élus, les citoyens ou les entreprises, que des jeunes volontaires et de leurs familles.

Par ailleurs, les moyens alloués à l’EPIDE pour la réalisation de ses missions actuelles n’étant déjà à la hauteur ni des objectifs affichés ni des objectifs souhaitables, il n’est pas raisonnable de lui confier des missions supplémentaires sans avoir préalablement garanti les ressources nécessaires.

Au demeurant, il serait sans doute souhaitable d’accorder un budget d’investissement à l’EPIDE, afin de lui permettre d’entretenir son patrimoine immobilier, qui est aujourd'hui disparate et plus ou moins adapté à ses missions, car parfois constitué de biens mis à disposition par des collectivités territoriales, dont certaines y ont vu l’occasion de faire réhabiliter des locaux désaffectés. Il en résulte que certains centres sont mal situés et que le maillage territorial est incomplet.

En outre, dans le contexte actuel de diminution des dépenses publiques, nous estimons qu’il y a lieu d’évaluer précisément l’incidence budgétaire de toute modification de la législation, afin notamment de s’assurer que la mise en œuvre de celle-ci ne s’effectuera pas au détriment d’autres modes de prise en charge plus adaptés.

La majorité de la commission des lois considère également que l’adaptation de l’organisation des juridictions pour mineurs aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-147 du 8 juillet 2011 ne peut se faire sans concertation préalable avec les magistrats et les professionnels concernés et que le délai fixé par le Conseil constitutionnel est suffisant pour mener à bien une telle concertation.

Il nous paraît donc totalement inacceptable de modifier l’ordonnance de 1945 par le biais d’un cavalier législatif, sans qu’ait été accompli un réel travail de fond, aboutissant à l’élaboration d’un code de la justice pénale des mineurs.

Enfin, les dispositions relatives aux modes de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs sont totalement dépourvues de lien avec le texte en discussion.

Pour l’ensemble de ces raisons, la majorité de la commission des lois invite le Sénat à adopter la présente motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

Nous estimons nous être exprimés largement sur le fond et n’avoir pas refusé le débat, contrairement à ce qui nous a été reproché. Nous récrirons entièrement ce texte !

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