Intervention de Annie David

Réunion du 7 mai 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Article 5

Photo de Annie DavidAnnie David :

Cet article 5 instaurant la fameuse rupture conventionnelle, l’un des piliers de votre projet de loi, monsieur le ministre, n’est rien de moins qu’une brèche supplémentaire dans la législation relative au licenciement et aux limites qui le concerne.

Cet article, nous dites-vous, est censé satisfaire les attentes des employeurs et des salariés. Pourtant, en y regardant de plus près, ce projet de loi n’apporte aux salariés aucun droit nouveau, comme mon collègue Guy Fischer et moi-même le dénonçons depuis hier.

En effet, soit la rupture conventionnelle est à l’initiative de l’employeur, et il s’agit alors de contourner la législation en matière de licenciement ; soit elle est à l’initiative du salarié et, dans ce cas, on voit mal quel intérêt aurait le salarié à accepter une telle rupture, si ce n’est pour la monétisation qui s’ensuit et l’ouverture d’un droit nouveau à l’assurance chômage !

S’agit-il réellement d’un avantage ? On peut en douter lorsque l’on connaît la politique de radiation que mène l’ANPE et la pénurie d’emplois qui pèse sur notre pays.

Quant à la monétisation, hormis le fait qu’il s’agit pour les personnes embauchées en dessous du seuil fatidique d’un an d’un nouvel outil de pression sur elles, ce n’est ni plus ni moins qu’un dû au salarié qui aurait touché une indemnité en cas de licenciement et, de plus, bénéficié de droits supplémentaires en cas de contestation !

Cependant, il est vrai que certains salariés, usés par l’exigence toujours plus élevée de productivité ou découragés par la dégradation des ambiances de travail et par le blocage de leur progression de carrière, souhaitent quitter leur emploi.

Il est vrai, également, que certains employeurs, peu sûrs de disposer d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, proposent à des salariés un départ négocié, suivi d’une transaction, une fois le faux licenciement notifié, la transaction pouvant, par la suite, être remise en cause par un juge, si le salarié démontre l’absence de concessions réciproques.

L’employeur demeure donc sous la menace d’une possible annulation de la transaction et d’une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. On comprend donc un peu mieux cette volonté d’instaurer une rupture conventionnelle !

Aussi, en permettant un licenciement sans cause réelle et sérieuse, car l’accord du salarié ne sera dans bien des cas qu’une fiction tant l’inégalité est importante entre les parties, l’accord met à bas quarante ans de construction des protections contre le licenciement arbitraire.

Enfin, je voudrais vous faire part des doutes exprimés par la Fondation Copernic et par le Syndicat des avocats de France, …

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