Après ce qu’ont dit nos collègues et, plus particulièrement, Mme Raymonde Le Texier, il n’y aurait rien à ajouter. Mais, comme M. Fourcade est intervenu tout à l’heure et que je respecte beaucoup ses interventions, je me dois de répondre à la question préalable qu’il a en quelque sorte posée. Ayant en effet longtemps présidé la commission des affaires sociales de notre assemblée, il est certainement l’un des plus fins connaisseurs de ces sujets et, faut-il l’ajouter, un parlementaire confirmé.
Il est donc tout à fait surprenant de l’entendre nous demander pourquoi nous discutons alors qu’un accord est déjà intervenu. Et M. Fourcade d’en conclure que nous serions contre la négociation sociale !
Plusieurs d’entre nous vous ont déjà répondu, monsieur Fourcade, que nous n’étions pas contre la négociation, bien au contraire. Je ne reviens pas sur leurs arguments, notamment sur le caractère contraint de la négociation.
Mais, monsieur Fourcade, faut-il conclure de votre raisonnement que, du fait même de la loi de modernisation du dialogue social adoptée en janvier 2007, qui prévoit qu’une concertation intervienne entre les parties concernées avant toute législation sociale, le Parlement n’aurait plus qu’à enregistrer tel quel le résultat de ces négociations paritaires ?
À quoi bon, alors, discuter ? Pourquoi un Parlement et pourquoi une commission des affaires sociales ? Pourquoi un droit d’amendement ? Et, monsieur Fourcade, que faites-vous ici, alors qu’il vous serait si simple de ne venir qu’au moment du vote et d’effacer en quelques instants tous ces débats, tous ces blablas ?...
Mais non, vous êtes comme nous présent et désireux comme nous de faire votre travail de parlementaire. En l’espèce, nous devons procéder à la transcription d’un accord négocié entre deux parties, car, s’il y a bien eu accord, il n’a pas force de loi.
Nous tous, ici, avons pour charge de représenter la société tout entière et de défendre l’intérêt général. C’est bien ce que nous sommes en train de faire, et nous sommes donc fondés à intervenir à tout moment, et sur quelque accord que ce soit.
Il n’y a pas d’autre voix suprême dans notre pays que celle du souverain, et le souverain, c’est nous qui le représentons !
Sur cet accord, il est de notre devoir de défendre l’intérêt général, l’intérêt de la société tout entière, elle qui, tiers à la négociation et donc exclue de l’accord, devra pourtant assumer les conséquences non seulement matérielles mais aussi morales des licenciements. La société est tout de même fondée à avoir un avis sur la question !
Nous aurions de surcroît l’outrecuidance de prétendre pouvoir régler, depuis cet hémicycle, tous les problèmes de la compétition entre les nations, les firmes et les biens. Je vous reconnais bien là, monsieur Fourcade. Mais on pourrait aussi bien généraliser et se demander s’il est encore utile de débattre de quoi que ce soit puisque, de toute façon, les rapports de force qui régissent le monde extérieur nous écrasent…
S’agissant, précisément, de la compétitivité de nos entreprises, souffrez qu’il y ait deux visions de la question et non pas une seule.
La première, c’est que la compétitivité est globale : les produits français portent en eux tout ce qui caractérise, en amont, la production à la française, à savoir des services publics de grande qualité et, partant, un haut niveau de santé et d’éducation. Dans les comparaisons internationales, le poids de ces atouts n’est pas nul dès lors que le produit lui-même traverse nos frontières. Mais nous ne sommes pas toujours dans ce cas de figure. Le plus souvent, les entreprises françaises proposent leurs prestations à l’étranger et, pour ce faire, embauchent des travailleurs locaux, à qui s’applique le droit local. Or, vous le savez bien, nous n’avons nullement l’intention que le droit social « déménage » d’un pays à l’autre et que les migrants qui s’installent dans un pays se voient appliquer le droit social de leur pays d’origine. Ce serait très bon pour les travailleurs russes ou chinois embauchés localement, mais terrible pour nous !
À l’évidence, monsieur Fourcade, la question ne se pose pas dans des termes aussi simples que vous l’avez formulée. En outre, en quoi la stabilité des relations sociales, la lutte contre la précarité, la tranquillité d’esprit seraient des facteurs défavorables à la qualité de la production hexagonale ? En quoi la précarité et la peur du lendemain constitueraient des stimulants pour l’ouvrier et le feraient travailler davantage et mieux ?