Mes chers collègues, cet article 6 constitue le quatrième article défavorable aux salariés ou participant à l’aggravation des conditions de travail et de précarité ! Quatre articles sur six, autant dire que cela témoigne du déséquilibre profond de ce texte ! Et encore devrais-je dire « quatre sur cinq », tant l’article 1er, je le rappelle, ne crée aucun droit et ne renforce pas la protection existante. Il entérine même l’existence de contrats précaires. Il s’agit là d’un résultat dont le MEDEF peut se féliciter.
Cet article 6 prévoit la création d’un nouveau contrat précaire, allongeant la liste des trente-six ou trente-sept contrats précaires déjà existants si l’on compte par avance le contrat de portage. On comprend donc que, pour vous, la seule manière de moderniser le marché du travail réside dans le fait de lui donner toujours plus de souplesse en le libérant des fameux carcans légaux que votre majorité ne cesse de dénoncer.
Il s’agit donc ici de créer un véritable contrat de projet ou de mission en direction des ingénieurs et des cadres. En somme, les employeurs pourront recourir à du personnel en leur confiant une mission particulière. Ils disposeront toutefois de la possibilité de les licencier au bout de douze mois, ou de dix-huit mois – cela devrait être précisé dans un instant –, et au bout de vingt-quatre mois. Ce licenciement résulterait non du mauvais accomplissement de leur mission par les salariés, mais tout simplement de l’arrivée d’un seuil présupposé fatidique de un an et de deux ans. L’employeur pourrait encore se séparer de son salarié au bout de trente-six mois ou à l’issue de la mission, sans compter qu’il peut toujours le faire pendant la période d’essai qui, je le rappelle, s’agissant de cadres, peut aller jusqu’à huit mois.
Je vois bien où est la flexibilité pour les employeurs, mais je cherche encore la sécurisation de l’emploi pour ces cadres !
En outre, l’argument de la limitation de ce projet de loi, tant dans le temps que dans le public visé, ne nous satisfait pas. Nous savons pertinemment que les employeurs trouveront dans cette disposition l’outil de précarisation qui correspond à leurs attentes et à leurs pratiques managériales. Il ne fait alors aucun doute que le patronat proposera au Gouvernement d’étendre ce dispositif à tous les salariés. L’un de nos collègues va d’ailleurs le proposer dans un instant !
Ce contrat, s’il était adopté, ferait peser sur les cadres et les ingénieurs une pression inacceptable. Ces derniers devraient satisfaire à toutes les attentes, à toutes les exigences, avec une seule certitude, celle de devoir quitter l’entreprise une fois la mission accomplie.
On se retrouvera donc dans la situation immorale où le cadre qui aura participé à l’essor de l’entreprise, qui aura permis le développement du capital et l’enrichissement de la société se verra licencier pour la qualité de ses bonnes performances !
C’est injuste socialement, et contradictoire, me semble-t-il, avec l’engagement présidentiel pris récemment d’associer les salariés à la réussite de l’entreprise en favorisant l’intéressement.
Il y aurait donc des salariés que l’on gratifie pour l’excellence de leur participation, ceux en CDI, et d’autres dont on se sépare pour le même motif, ceux en CDD à objet défini. Mais on sait également que ces mesures sont contreproductives dans la mesure où les salariés s’épanouissent lorsqu’ils ont la sécurité de l’emploi et où, de cet épanouissement, naît une productivité accrue. C’est ce qui est observé aux États-Unis, où l’on a pu constater une baisse de productivité à l’approche de la date de fin du contrat.
Ce contrat sera donc, au final, contreproductif pour les entreprises et dangereux pour les salariés. Je voudrais rappeler que les ingénieurs et les cadres figurent parmi les salariés les plus concernés par le stress au travail et les nouvelles formes de troubles de santé liés au travail ou survenant sur le lieu de travail. Nous gardons tous en mémoire la vague de suicides survenus dans un technocentre d’une grande marque française d’automobiles. Or, les négociations sur la pénibilité du travail sont au point mort.
Cette mesure aggravera les conditions de travail ; c’est pourquoi il nous semble opportun de l’écarter.