Il est dit ailleurs dans le texte que le CDI est dorénavant la forme de contrat de travail de référence. Or, nonobstant cela, nous nous préparons, avec cet article 6, à créer un nouveau contrat de travail qui n’est ni le CDI ni le CDD, puisqu’il est moins qu’un CDD : il s’agit du fameux contrat de mission ou de projet, l’appellation ayant changé suivant les périodes. C’était une idée du MEDEF qui l’avait fait figurer dans ses propositions en 2002. Si mes souvenirs sont exacts, en 2004, Ernest-Antoine Seillières, au nom du MEDEF, avait salué la reprise du contrat de mission dans le rapport Virville commandé par François Fillon. Voilà pour l’historique.
Cet article vise à étendre aux cadres et aux ingénieurs, c'est-à-dire à 10 % de la population active, la possibilité de recours au CDD, alors qu’ils en étaient jusqu’à présent relativement protégés.
Ce CDD à objet défini est, en outre, plus précaire que le CDD actuel. Son terme est incertain – entre dix-huit et trente-six mois –, et l’employeur est le seul maître de la fixation de son terme. La durée maximale de ce CDD pourra en effet être de trente-six mois, alors que les CDD actuels ne peuvent pas excéder vingt-quatre mois.
Le CDD à objet défini pourra être rompu par l’employeur – et nous y revoilà ! – pour un simple motif réel et sérieux, alors qu’une faute grave est exigée pour pouvoir rompre un CDD normal. Autrement dit, ce contrat de travail, d’ailleurs plus proche de l’intermittence que du CDD, est caractérisé par un maximum de flexibilité.
Dans l’esprit du patronat, ce nouveau contrat avait clairement vocation à être étendu au-delà des cadres et des ingénieurs. D’ailleurs, on a entendu à cette tribune qu’il était proposé d’y soumettre l’ensemble des travailleurs, à l’instar de la suggestion de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, comme le rapporte le journal Les Echos du 10 avril dernier. C’est une logique d’individualisation des contrats par rapport à une tâche.
J’en arrive au cœur de l’affaire. Jusqu’à présent, dans la hiérarchie de la vulnérabilité, c’était à celui qui pouvait être le plus facilement remplacé que l’on donnait les contrats les plus précaires. Bref, il y avait entre la stabilité et l’instabilité, entre la précarité et la sécurité, une sorte d’échelle qui allait de l’emploi le moins qualifié vers l’emploi le plus qualifié.
Pour la première fois, on bouscule cet ordre en instituant pour les plus qualifiés, pour ceux qui sont en état de produire les prestations de plus haut niveau, exigeant la préparation la plus longue et le savoir incorporé le plus large, un contrat de mission, c'est-à-dire rien d’autre que le travail à la tâche, lequel n’existait jusqu’à présent que pour les emplois les moins qualifiés.
C’est une bien curieuse invention que ce contrat, car les entreprises peuvent avoir recours à une prestation de services en s’adressant à une autre entreprise ! Mais peut-être justement veut-on pousser les cadres et les prestataires de services des plus hauts niveaux de qualification à abandonner le statut de salarié d’une entreprise pour devenir travailleur indépendant ou entrepreneur individuel, puisque c’est vers ce type de rapports sociaux que tend désormais la société…
C’est une erreur terrible, parce que, quelle que soit l’appellation, c’est quand même bien du travail à la tâche ! J’interrogerais d’ailleurs volontiers les grands industriels de ce pays, …