Intervention de Sylvie Amici

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 16 juin 2021 : 1ère réunion
Audition d'organisations syndicales représentant les personnels médico-sociaux de l'éducation nationale

Sylvie Amici, présidente de l'association des psychologues de l'Éducation nationale (APsyEN) :

Je suis psychologue de l'Éducation nationale et présidente de l'APsyEN, association professionnelle qui rassemble les psychologues qui interviennent du collège à l'enseignement supérieur. Notre association fête ses 90 ans cette année.

En avant-propos, je vous remercie et je réaffirme qu'en tant que psychologue, nous ne nous situons pas au niveau médico-social. Vous avez dû avoir des échos du mouvement et de la grève des psychologues le 10 juin dernier à l'échelle nationale et de tous les champs d'intervention des psychologues. Nous ne sommes pas d'accord pour nous englober dans cette appellation. Nous travaillons avec le corps médico-social, mais l'exercice de notre profession ne se réduit pas à ce champ d'intervention, et ce d'autant plus dans l'école et avec des adolescents.

En ce qui concerne les questions posées en introduction sur la formation des enseignants et des personnels, il se trouve que je suis aussi formatrice dans mon académie, celle de Créteil. Le système scolaire est déstabilisé, tout comme les professionnels, par de nombreuses réformes qui se cumulent à des échéances très courtes. La question est systémique : au niveau de la formation continue et initiale des enseignants, beaucoup de moyens sont redirigés vers l'accompagnement des réformes (approches didactiques, examens), et toutes ces questions transversales importantes (harcèlement, genre, inégalités) passent au second plan, voire sont mises de côté. Les enseignants qui partent en formation ne sont plus devant les élèves.

Je dis que la question est systémique car, et c'est mon deuxième élément, dans les établissements, beaucoup d'adultes, de CPE, par la déstabilisation de leur milieu et de leurs conditions de travail, sont fatigués et « ne savent plus vraiment où ils habitent ». Au niveau du lycée, les classes n'ont de classes que le nom et les groupes sont à géométrie variable. Les adultes sont déstabilisés. On ne peut pas agir sur le bien-être et limiter les effets de harcèlement et cyberharcèlement en l'absence de communauté éducative où les adultes vont bien et tiennent. Je souligne cet aspect systémique : on ne peut pas demander à l'école de réguler des pratiques qui vont mal, si eux-mêmes vont mal.

En lisant le titre de votre mission, et de façon anecdotique, je me demandais si vous évoqueriez ce que l'école peut générer d'anxiété auprès des professionnels et des enfants. Pour des enfants anxieux, recevoir, dans le cadre de Parcours Sup, des notifications tous les matins s'apparente à des phénomènes de stress, voire de harcèlement - selon le profil de l'élève bien sûr. Mais j'ai bien compris que vous parliez du harcèlement en milieu scolaire.

Sur la procédure suivie, vous posez la question comme si le paysage était unique. Elle dépend de la personne à qui le jeune vient déclarer, de comment la découverte va se faire, de la façon dont le jeune qualifie le harcèlement. En effet, des jeunes sont victimes de harcèlement mais ne le qualifient pas ainsi. Ils peuvent relier un comportement à de la jalousie, ou à d'autres émotions. La conduite à tenir est donc spécifique aux situations rencontrées.

En revanche, un travail collaboratif est mené en amont pour sensibiliser aux discriminations - qui sont souvent à l'origine du harcèlement -, à ce qui est acceptable dans les comportements amicaux et amoureux, et à ce qu'on est en droit de refuser venant d'adultes et d'adolescents. Cela s'étend au cyberharcèlement.

Enfin, il ne faut pas négliger que, par rapport à ces questions de harcèlement et cyberharcèlement, une autre question va s'emboîter : celle des jeunes en situation d'inclusion scolaire parce qu'ils sont porteurs de handicap ou de caractéristiques spécifiques. Les moyens pour les accompagner ne sont souvent pas à la hauteur : il faut prendre du temps pour intégrer l'élève. Il ne faut pas sous-estimer ces aspects systémiques. On doit penser aux moyens donnés pour que les adultes qui travaillent à l'école aillent bien et pour que la différence soit acceptée dans l'école. Il faut du temps, de la formation et de la continuité pour cela, et peut-être, donc, arrêter les réformes au niveau scolaire.

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