Intervention de Brice Castel

Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement — Réunion du 16 juin 2021 : 1ère réunion
Audition d'organisations syndicales représentant les personnels médico-sociaux de l'éducation nationale

Brice Castel, secrétaire général du syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUASFP FSU) :

Je suis le secrétaire général du syndicat majoritaire des assistantes sociales dans l'Éducation nationale.

Je vais resituer rapidement le fonctionnement du service social en faveur des élèves dans l'Éducation nationale. Ce service concourt à l'égalité des chances et à la lutte contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il est présent essentiellement dans le second degré (collèges et lycées) et est constitué d'environ 2 500 agents. Si on met cela en regard des 12 millions d'élèves, cela constitue un petit corps d'agents, qui interviennent souvent sur cinq à six établissements, selon les choix faits dans chaque département par la direction académique. Cela entraîne une présence d'une à deux journées par semaine.

Le rôle de l'assistante sociale au sein des établissements est d'abord le conseil social auprès des équipes et des chefs d'établissement et l'accompagnement auprès des élèves et des familles, à la demande de l'un ou de l'autre, voire d'un tiers au sein de l'équipe.

S'agissant du harcèlement, et si l'on reprend leur circulaire de mission, les assistantes sociales participent, par une approche globale de la qualité de vie des élèves au plan social, familial, sanitaire, économique, culturelle, à assurer des conditions favorables à leur réussite. C'est en lien avec la question du harcèlement et du cyberharcèlement. La question du harcèlement scolaire commence à être ancienne, à la différence de celle du cyberharcèlement. On observe une espèce de continuum entre l'intérieur et l'extérieur de l'établissement scolaire, sur des temps familiaux ou de loisirs. Cela rejaillit sur le temps scolaire, ce qui conduit - certes pas systématiquement - à une forme de boucle. Cela peut partir de l'établissement, se continuer en dehors, puis revenir sous une forme différente, voire aggravée via les réseaux sociaux, dans l'établissement.

Il existe des équipes pluri professionnelles, qui comprennent les assistantes sociales, les infirmières scolaires, les psychologues de l'Éducation nationale (PsyEN), les personnels de direction, les CPE et l'équipe pédagogique. Le travail de concertation et d'élaboration en équipe est indispensable dans la prise en charge des situations de harcèlement, et permet de pouvoir s'appuyer sur la richesse des compétences et des formations de chaque professionnel. Mais au regard des moyens disponibles et du temps de présence de chaque professionnel, ce temps d'équipe est relativement restreint. Il est parfois compliqué d'arbitrer entre la nécessité de prendre un temps d'échange en commun et le besoin de pouvoir accueillir les élèves et les familles, et les accompagner. C'est pourtant par cette complémentarité entre différents professionnels qu'on peut avoir une approche globale de la question du harcèlement et du cyberharcèlement.

Deux niveaux sont à mentionner en la matière. Tout d'abord, le niveau préventif : que met-on en place pour éviter que n'adviennent les situations de harcèlement, ou qu'en tout cas elles soient identifiables y compris par les élèves ? Les actions de prévention collective au sein des établissements scolaires jouent un rôle et se travaillent notamment dans le cadre des CESC, auxquels l'ensemble de l'équipe pluri professionnelle participe. Encore une fois, cela dépend des temps de présence au sein de chaque établissement, sachant que certains d'entre eux ne comptent pas d'assistante sociale en leur sein.

Ensuite, se pose la question aussi du traitement des situations. Vous avez parlé de procédure, mais comme l'a dit la collègue psychologue, il n'y a pas de procédure type. Cela dépend fortement de la spécificité de chaque situation, et de chaque établissement. Des politiques sont différentes : cela dépend aussi du territoire et des problématiques auxquelles il est confronté. En revanche, dans le traitement des situations, il faut avoir une approche la plus fine possible en échangeant le plus possible et en croisant les regards. Cela permet de définir les moyens d'action et l'accompagnement à mettre en place.

Je voudrais évoquer le travail avec les parents, en particulier autour du cyberharcèlement, qui se déroule à travers les outils numériques à disposition des élèves. On parle du téléphone, mais on peut aussi parler des tablettes et des ordinateurs. Pour pouvoir questionner le cyberharcèlement et l'usage des réseaux sociaux, le travail avec les parents est indispensable. Il commence par la prévention - ce qu'on peut appeler le soutien à la parentalité. Comment accompagne-t-on les parents pour pouvoir se repérer dans les usages des réseaux sociaux ? On peut très vite être dépassé sur son fonctionnement. Les enfants savent mieux que nous comment le contrôle parental fonctionne et savent très bien le contourner. Se pose aussi la question d'autres réseaux sociaux. Facebook est apparu il y a 15 ans, avant que n'émergent Twitter et Snapchat, et désormais on passe à TikTok et Instagram. Il faut en permanence se remettre à jour, ce qui est déjà compliqué pour les professionnels, mais aussi pour les parents.

Sur la question de la formation des enseignants et des personnels, je pose un point d'interrogation. Vous parliez du vocable du harcèlement scolaire. Je mets aussi un bémol sur ce qu'on entend par la formation. Je fais ainsi une distinction entre formation et sensibilisation, qui ne nécessitent pas les mêmes moyens. La réelle formation sur le harcèlement permet d'appréhender la complexité de la situation de harcèlement, repérer les signaux faibles, savoir comment agir et vers qui se tourner : elle nécessite un vrai temps. Elle pourrait être reliée à la question de la formation sur le développement de l'enfant, l'adolescence, qui élargit au-delà du pédagogique la formation des enseignants.

Enfin, en ce qui concerne le repérage au sein des établissements, le plus compliqué n'est pas de repérer les signaux forts, où un événement précis se produit et permet de mettre à jour une situation compliquée. Le plus difficile est de repérer les situations avant qu'elles ne s'installent dans la durée et n'empirent. Cela demande d'identifier les signaux faibles, ce qui requiert un vrai travail d'équipe. L'infirmière a évoqué les consultations au sein des infirmeries, où les élèves viennent d'eux-mêmes, ce qui constitue une porte d'entrée. Chacun d'entre nous, au sein de nos missions, a des portes d'entrées différentes, avec un regard situé à un autre endroit. Le croisement permet d'identifier ce qui pourrait mis en place pour répondre à une fragilité particulière, voire une situation de harcèlement.

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