Intervention de Hussein Bourgi

Mission d'information Conditions de la vie étudiante — Réunion du 16 juin 2021 à 16h35
Audition de Mme Frédérique Vidal ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation

Photo de Hussein BourgiHussein Bourgi :

Mon intervention portera sur deux points. Le premier concerne la réaction du ministère et de ses équipes lorsque le premier confinement a été décidé. Je suis élu du département de l'Hérault et, sans vous faire offense, j'ai eu l'impression que vous n'aviez pas forcément mesuré la gravité de la situation. Du jour au lendemain, les restaurants universitaires ont fermé. Je le concède, les cités universitaires sont restées ouvertes, mais pas les restaurants universitaires. Les étudiants se sont donc retrouvés complètement démunis, livrés à eux-mêmes du jour au lendemain. La décision prise à l'égard des restaurants a été appliquée aux restaurants universitaires comme s'il s'agissait de brasseries. C'est alors que les collectivités locales - la région Occitanie, la ville de Montpellier - ont volé au secours des étudiants. Mais nous avons été confrontés à une difficulté. Nous siégeons au conseil d'administration du Crous et au conseil d'administration des universités, mais nous n'avons pas les fichiers et les contacts nécessaires pour proposer une aide aux restaurants. Il y a donc des marges de progression dans ce domaine : le rôle d'une région n'est pas uniquement de signer un contrat de plan État-Région, de siéger une fois par trimestre au conseil d'administration du Crous et une fois tous les deux mois au conseil d'administration des universités ! Ce n'est pas ce que l'on peut qualifier de relation partenariale.

Deuxièmement, je reconnais - quand les choses sont positives, je le dis - que les mesures prises ont été particulièrement bienvenues. Je pense notamment au repas à un euro, très bien accueilli dans les grandes métropoles urbaines. En revanche, dans les départements ruraux, notamment en Lozère où il n'existe pas de restaurant universitaire, des étudiants qui se sentaient oubliés ont appelé à l'aide sur les réseaux sociaux. Il y a eu les oubliés du Ségur de la santé, il y a eu aussi les oubliés du repas à un euro dans ces villes moyennes et ces territoires ruraux où il n'existe pas de restaurant universitaire. Dans ces territoires, il a fallu attendre pour que des conventionnements se mettent en place. Les étudiants des grandes métropoles peuvent se retourner vers les bureaux des étudiants (BDE), faire appel aux corporations, aux syndicats et aux associations étudiantes - que je souhaite saluer avec vous pour leur action de terrain - tandis que les étudiants des villes moyennes n'ont aucun relais. C'est la France à deux vitesses.

Par ailleurs, le chèque permettant d'obtenir un soutien psychologique est une bonne chose, cependant force est de reconnaître que le nombre de psychologues est très inférieur aux besoins. De plus, les services de médecine préventive dans les universités ne sont pas au niveau attendu. Je considère que la crise que nous traversons ensemble doit nous obliger à tirer des leçons pour l'avenir. Notre pays n'était pas préparé à faire face à cette crise : je nous englobe dans ce constat, mais votre ministère singulièrement n'était pas préparé. Nous devons tirer les leçons de cette crise dans l'hypothèse d'une deuxième pandémie.

Je souhaite aussi attirer votre attention sur deux catégories d'étudiants que vous n'avez pas évoquées dans votre propos : les étudiants ultramarins et les étudiants internationaux, qui se sont trouvés « assignés à résidence ». Contrairement à d'autres étudiants, ils n'ont pas pu rentrer chez eux. Ceux qui habitaient dans une résidence universitaire pouvaient bénéficier d'une vie collective, mais ceux qui résidaient dans un logement privé en ville se sont trouvés isolés, faute de pouvoir aller en cours et faute de camarades avec qui discuter dans le même immeuble. Ce sont ces étudiants que j'ai rencontrés sur le terrain et dont j'ai pu mesurer la grande souffrance psychologique : ils étaient à la fois inquiets pour eux-mêmes, pour leurs études mais aussi pour leurs parents qui avaient misé sur eux. Je pense notamment aux étudiants internationaux, dans la mesure où les études en France représentent un budget conséquent : lorsqu'une famille se sacrifie pour qu'un enfant fasse des études en France, mais qu'il existe une incertitude sur le fait que ces études aboutissent à un diplôme, de vraies angoisses voient le jour.

Je terminerai mon intervention en évoquant la situation des étudiants en médecine qui aujourd'hui crient leur inquiétude et leur détresse. Tout le monde s'accorde à dire que la réforme des études de santé arrive au mauvais moment en raison du contexte sanitaire. Beaucoup soulignent aussi que les études d'impact n'ont pas été clairvoyantes. Aujourd'hui, nous sommes face à un problème qu'il nous faut résoudre ensemble. Sur le territoire de l'ex-région Languedoc-Roussillon, la faculté de médecine affirme pouvoir proposer 360 places, mais les arbitrages aboutissent à 320 places, sans que l'on comprenne les raisons du gel des 40 places possibles. Les universitaires que j'ai rencontrés sur le terrain me parlent d'un dialogue de sourds. L'issue de cette crise serait que les arbitrages du gouvernement soient invalidés par le Conseil d'État. Je trouve regrettable que l'on en soit là alors que le sujet est la précarité étudiante, leur inquiétude et leur anxiété pour l'avenir. Dans un pays comme le nôtre, nous devrions être capables de nous parler et de faire un pas les uns vers les autres. Tout le monde aurait à gagner d'un dialogue constructif et de l'écoute de la parole des étudiants.

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