Intervention de Bruno Mettling

Mission d'information Uberisation — Réunion du 22 juin 2021 à 15h45
Audition de M. Bruno Mettling chargé par le ministère du travail de coordonner une mission sur l'emploi des travailleurs des plateformes numériques

Bruno Mettling, chargé par le ministère du travail de coordonner une mission sur l'emploi des travailleurs des plateformes numériques :

Celui que vous avez choisi d'interroger aujourd'hui se définit comme un praticien, c'est-à-dire une personne qui observe depuis quelques années déjà l'impact de la transformation numérique sur le travail. J'ai souvent été frappé par le temps de retard de l'État, notamment en matière sociale, lorsque les grandes transformations sont à l'oeuvre. Il y a cinq ans, j'ai conduit, à la demande de M. François Rebsamen, une première réflexion au niveau national sur ce sujet, où se croisaient les points de vue des partenaires sociaux et ceux des experts du numérique. Le travail, remis à l'époque à Mme Myriam El Khomri dans un contexte difficile, avait abouti à une conclusion consensuelle, validée à la fois par le Mouvement des entreprises de France (Medef) et la Confédération générale du travail (CGT). Les partenaires sociaux, confrontés à cette transformation numérique, avaient le souci, d'une part, de construire ensemble un certain nombre d'équilibres et, d'autre part, de traiter avec la même exigence les opportunités et les risques entraînés par cette transformation. À l'époque, nous avions, par exemple, pointé la nécessité du droit à la déconnexion, repris ensuite dans la loi El Khomri.

J'ai également été le directeur des ressources humaines (DRH) d'Orange, premier employeur du numérique en France, pendant la crise sociale que l'entreprise a connue. Au-delà de la nouvelle économie, les gros acteurs industriels sont également confrontés à cette transformation numérique. Plus récemment, j'ai créé une structure dédiée à l'accompagnement de cette transformation. C'est dans ce cadre que Mme Élisabeth Borne, la ministre du travail, m'a demandé de coordonner une task force pour répondre à ce formidable défi.

Ces plateformes ont permis à environ 100 000 personnes d'accéder à l'emploi, sachant que beaucoup d'entre elles étaient, pour des raisons diverses, le plus souvent exclues du marché du travail. Dans le même temps, ces livreurs et ces chauffeurs sont victimes d'un déficit de droits et de protections qui me paraît inacceptable dans notre système social. La question se pose donc : comment y remédier, tout en gardant la dynamique porteuse de cette nouvelle économie ?

En nous appuyant sur une série de rapports - dont celui, de grande qualité, de la mission Frouin -, nous avons pu écrire, de manière rapide, ce projet d'ordonnance pour le Gouvernement. Au-delà du débat légitime sur la question du statut - salarié ou pas -, notre ambition était, dans le cadre de la négociation collective, de progresser sur les droits et les protections de ces travailleurs des plateformes. Quand on examine les problématiques de temps de repos, de revenu minimum, de transparence dans l'accès à l'information, la logique actuellement à l'oeuvre n'est pas respectueuse d'un certain nombre de droits sociaux fondamentaux.

Pour construire un dialogue social, il convient d'abord de désigner des représentants légitimes. Ce projet d'ordonnance, dans un secteur socialement très sensible, n'a pas suscité de protestation sociale, car la concertation fut assez large en amont. Nous avons essayé de définir des équilibres, incluant la responsabilité de l'État dans l'accompagnement de ce nouveau dialogue social. L'idée est d'agir vite, afin de permettre à une négociation de s'enclencher et à des droits nouveaux d'être octroyés.

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