Intervention de Bruno Mettling

Mission d'information Uberisation — Réunion du 22 juin 2021 à 15h45
Audition de M. Bruno Mettling chargé par le ministère du travail de coordonner une mission sur l'emploi des travailleurs des plateformes numériques

Bruno Mettling, chargé par le ministère du travail de coordonner une mission sur l'emploi des travailleurs des plateformes numériques :

La Cour de cassation a rendu un arrêt important, reconnaissant la mise en situation de subordination dans le laps de temps où s'effectue la course. Beaucoup de livreurs ou de chauffeurs VTC souhaiteraient pouvoir continuer à exercer dans le cadre d'une activité d'indépendant. Dans l'équilibre important des droits et des devoirs, je considère que pouvoir choisir, à tout moment, entre vous et votre concurrent n'est pas compatible avec le statut de salarié, ne serait-ce que par rapport au principe de loyauté à l'égard de l'employeur. Le salariat est un recours utilisé pour faire progresser le niveau de protection. Même les collectifs les plus engagés qui, faute d'un dialogue social organisé, utilisent le salariat comme levier de pression, ne veulent pas rendre obligatoire pour tous le statut de salarié. Ils souhaitent que l'option puisse être offerte, ce qui pose des questions.

Je voudrais revenir sur l'exemple, souvent cité, de Just Eat. Cette plateforme, qui a opté pour le statut de salarié pour ses collaborateurs, ne vit que marginalement de l'activité de livraison : à titre principal, elle met en relation directe les restaurateurs et les clients. Elle n'a donc pas la même sensibilité dans son modèle économique, et elle a même intérêt à proposer un statut qualifié. Deux compléments d'information sont intéressants à savoir : le taux élevé de démission des livreurs ayant rejoint Just Eat précisément pour accéder à ce statut salarié ; et le dispositif de sélection mis en place par Just Eat, qui permet d'être plus exigeant sur la qualité de la prestation.

Just Eat tire le modèle vers le haut et peut conduire à améliorer la situation des livreurs ; mais n'imaginons pas non plus que la réponse de cette plateforme soit applicable et généralisable à l'ensemble des plateformes. Il s'agit, avant tout, de mettre l'accent sur la négociation collective et les accords pour faire progresser la situation dès l'année prochaine. Par ailleurs, un dispositif doit pouvoir accompagner ces évolutions et inciter au progrès social, soit à travers des mesures gouvernementales, soit à travers la requalification.

Les services financiers ressortent plutôt d'une logique de disruption numérique. Concernant les plateformes numériques, on observe deux grands enjeux aujourd'hui : les services à l'entreprise et les services à la personne. Dans ces deux domaines se structure une offre d'indépendants. Toutes les activités peu qualifiées, tournées vers la personne ou vers l'entreprise, peuvent proposer des solutions numériques.

Le secteur traditionnel, de son côté, doit adapter son offre ; je pense notamment au secteur de l'intérim. Par exemple, un restaurateur faisant face à la défection brutale d'un collaborateur doit pouvoir trouver en quelques minutes, via un outil numérique, un intérimaire pour deux ou trois heures, avec naturellement un statut de salarié répondant aux conventions de l'intérim. L'économie traditionnelle doit parvenir à un niveau supérieur de souplesse dans son mode de fonctionnement.

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