Monsieur le ministre, avec cet article, vous entendez légaliser une activité jusqu’alors interdite, considérée comme un délit pénal et assimilable au délit de marchandage ou au prêt illégal de main-d’œuvre. Certaines sociétés recouraient toutefois à ce type de contrat, en spéculant sur une jurisprudence sociale instable, même si les tribunaux sanctionnaient généralement de telles pratiques.
Pourquoi légiférer afin d’intégrer cette pratique dans notre code du travail ? Ces nouveaux types de contrats auront-ils pour effet l’embauche massive de salariés ? Permettront-ils de lutter contre d’autres formes d’emplois plus précaires ? Il n’en est rien, je le crains.
De quoi s’agit-il ? Le contrat de portage instaure une relation triangulaire unissant une entreprise cliente, un salarié porté et une société de portage.
Le salarié porté démarche des sociétés, propose ses services, particulièrement dans le domaine du marketing, élabore un projet et le mène à bien. La société cliente bénéficie de cette relation. Quel est alors le rôle de la société de portage ? Il est quasiment nul ! Celle-ci se contente d’empocher une somme confortable de la part de la société cliente. Sa participation aura pour le moins été réduite à peu, voire à presque rien, ce qui ne l’empêchera pas de percevoir une commission.
Cela ne vous semble peut-être pas immoral, monsieur le ministre, mais tel n’est pas notre cas ! Pour nous, tout travail mérite salaire, et le travail revêt une importance capitale. Vous disiez vouloir donner plus à ceux qui travaillent plus ; là, vous donnez plus à ceux qui travaillent moins !
Et si le patronat avait un rêve, celui de l’extension de ce type de contrat ? L’avantage qu’il en retirerait me semble clair : l’individualisation à outrance de la relation contractuelle. Avec un tel dispositif, en effet, le salarié serait responsable du maintien de son emploi, du déroulement et de l’existence de ce dernier, puisqu’il lui appartiendrait de prospecter lui-même pour se constituer une clientèle. Enfin, vertu suprême, le salarié négocierait lui-même sa rémunération avec l’entreprise cliente.
Il s’agit donc d’une nouvelle forme de précarité, qui a l’incroyable avantage de faire directement dépendre le niveau des salaires du salarié porté de la capacité de ce dernier à négocier un contrat commercial. Faire peser l’enjeu du niveau de rémunération sur le salarié, voilà, à n’en pas douter, un très grand progrès !