Intervention de Anne-Catherine Loisier

Réunion du 22 juin 2021 à 21h30
Lutte contre le dérèglement climatique — Article 59, amendements 1800 1139 2055 279 1900 2058

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier :

La commission a émis un avis favorable sur les amendements rédactionnels ou de précision, à savoir les amendements n° 1800, 1139, 2055, 279 rectifié, 1900 et 2058.

En revanche, elle a estimé que la précision contenue dans l’amendement n° 926 rectifié bis était superfétatoire et déjà satisfaite dans les faits, d’où un avis défavorable.

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n° 1436 et 1106, qui tendent à enrichir le contenu du rapport d’évaluation de l’expérimentation au sein des collectivités territoriales volontaires.

Concernant les amendements visant à déplacer le curseur au sujet des menus végétariens, la commission a émis un avis défavorable sur tous ceux dont l’objet est de revenir sur la position d’équilibre qu’elle a adoptée, soit en voulant aller plus loin, soit en voulant revenir en arrière. Il s’agit des amendements n° 275 rectifié, 1895, 2175, 1896, 1897, 1370 rectifié, 1898, 277 rectifié, 1899, 1853 rectifié, 1854 rectifié, 1870 rectifié ter, 278 rectifié, 1852 rectifié et 882 rectifié bis.

Ces différents amendements posent deux questions : faut-il pérenniser ou non l’expérimentation en cours en restauration scolaire et faut-il aller plus loin qu’un menu végétarien par semaine en restauration collective ?

Concernant la question relative à la pérennisation de l’expérimentation, comme vous le savez, la loi Égalim a permis de mettre en place une expérimentation d’un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires. Cette expérimentation se déroule de novembre 2019 jusqu’en novembre 2021.

La commission ne souhaite pas revenir sur les engagements pris dans la loi Égalim auprès des acteurs concernés et tient à respecter le calendrier issu du travail parlementaire. Comment peut-on demander à des parlementaires de généraliser une expérimentation, sans s’appuyer sur une évaluation fiable de la mesure ?

Certes, un rapport a été remis, monsieur le ministre, mais il est partiel et, finalement, admet clairement qu’il est impossible de conclure. Je vous en citerai un certain nombre de passages. Au départ, le dispositif s’est heurté à des réticences et a confronté les opérateurs à de grandes difficultés pratiques. Ensuite, je le rappelle, dès mars 2020, il a été interrompu par la crise sanitaire et la fermeture des écoles, et son évaluation s’est trouvée biaisée par des effectifs réduits.

Le rapport d’évaluation souligne ces dysfonctionnements. En voici quelques exemples : « La notion même d’expérimentation suppose de partir d’un point 0 clairement identifié et de se fixer des indicateurs. Le calendrier de mise en œuvre de la mesure ne l’a pas vraiment permis. »

Les inspecteurs ajoutent « regretter de ne pas disposer encore de chiffres exhaustifs et fiables rendant compte avec précision de la réalisation de l’expérience ».

Le rapport devait mesurer l’impact de l’expérimentation sur le coût du repas, la fréquentation et le gaspillage alimentaire. Sur ces thématiques, « l’impact de la mesure sur la fréquentation […] n’a pas pu être établi de façon précise à la date de production du rapport par manque de données chiffrées ». « L’impact de la mesure sur le prix de revient des repas n’a pas non plus pu être établi de façon précise […] par manque de données chiffrées. » « L’impact de la mesure sur le gaspillage alimentaire n’a pas non plus pu être établi de façon précise. »

Après avoir expliqué qu’ils ne disposaient pas de suffisamment de recul, les inspecteurs inscrivent quelques constatations générales telles que : « le gaspillage est d’autant plus réduit que les plats sont savoureux ». Tout cela les amène à conclure qu’il est utile non pas de pérenniser, mais bien de mener l’expérimentation à son terme et de stabiliser la situation sans s’interdire de la faire évoluer.

Il est dès lors incontestable qu’il n’est, aujourd’hui, pas possible de tirer un quelconque enseignement des deux années passées d’expérimentation d’un menu végétarien hebdomadaire en restauration scolaire, globalement en raison de la crise du covid-19.

C’est sans doute pourquoi 75 % des maires interrogés s’opposent à cette pérennisation et pourquoi, monsieur le ministre, votre majorité demande, à l’amendement n° 2064, le report de la publication de son rapport d’évaluation des atteintes des objectifs, prévue initialement au 1er janvier 2022, à 2024.

La commission déplore cette pratique qui consiste à proposer des expérimentations d’une durée courte puis, sans évaluation, à les généraliser après à peine un an. Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, que votre ministère prenne l’habitude de ces pratiques. Permettez-moi de rappeler que les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) ont déjà été généralisés par la loi Égalim, sans évaluation, de la même manière que le seuil de revente à perte (SRP).

La commission des affaires économiques propose donc une solution de sagesse sur ces menus végétariens : non pas une pérennisation d’une expérimentation sans évaluation, mais une prolongation de deux années supplémentaires, qui compenseront les dix-huit mois de période covid-19 et permettront de disposer du recul nécessaire pour une véritable évaluation.

Il y va, monsieur le ministre, mes chers collègues, de l’objectivité de cette démarche. Cette option permettra aux élus locaux ayant déployé des efforts importants pour mettre en place ces menus de continuer d’en mesurer les effets. Pour d’autres, elle permettra de poursuivre, voire, pour les plus volontaires, d’engager ce déploiement.

Il n’y aura donc pas de coup d’arrêt dans le déploiement des repas végétariens pour les volontaires. Pendant ce temps, chose importante, nous pourrons consolider nos capacités d’approvisionnement en produits locaux et français.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur tous les amendements tendant à proposer la pérennisation de l’expérimentation plutôt que le respect des engagements pris initialement.

La seconde question est celle de savoir s’il faut aller plus loin, avec plus d’un menu végétarien par semaine en restauration scolaire ou un menu par semaine dans les crèches.

À ce titre également, il me semble essentiel de soutenir la position d’équilibre de la commission. Je le rappelle, d’un point de vue nutritionnel, l’Anses s’estime incapable de trancher la question de la qualité nutritionnelle de plus d’un menu végétarien par semaine pour les enfants et les adolescents. Je vous propose donc de ne pas aller au-delà.

La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements ayant pour objet d’aller plus loin qu’un menu hebdomadaire, notamment dans la restauration collective. À ce stade, il me paraît inutile de préciser dans la loi une obligation pour les self-services des personnels privés, dans la mesure où cette restauration pratique déjà l’offre végétarienne, souvent bien au-delà d’un menu par semaine.

Enfin, la commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 1370 rectifié, tendant à la suppression des expérimentations proposées dans la loi, notamment au sein de l’État et des collectivités territoriales volontaires. Les collectivités qui le veulent peuvent déjà le faire, ce qui n’engage aucune contrainte supplémentaire à leur égard.

Je souscris à un certain nombre des arguments de l’auteur de l’amendement, mais l’expérimentation proposée dans la loi permettra toutefois au Parlement de disposer d’un rapport d’évaluation qui lui sera utile pour nourrir les réflexions, en s’appuyant sur des retours pratiques des collectivités.

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