Intervention de Jean Castex

Réunion du 23 juin 2021 à 15h00
Programmation militaire — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Jean Castex :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025, adoptée à une très large majorité en 2018, a traduit l’engagement pris par le Président de la République devant la Nation en 2017 de fixer une nouvelle ambition pour notre défense nationale et de restaurer les moyens qui lui sont affectés.

Permettez-moi d’emblée de saluer, devant la Haute Assemblée, le travail de la ministre des armées, Mme Florence Parly, qui a élaboré, puis appliqué cette loi avec la rigueur et la détermination qu’on lui connaît. Permettez-moi également de remercier Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée placée sous son autorité.

Ce texte a fait l’objet d’un important travail avec le Parlement, tant lors de sa préparation que dans le suivi de son exécution. Je voudrais saluer tout particulièrement les sénateurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat qui y ont, notamment en 2017 et 2018, activement contribué.

Le texte prévoyait que la LPM ferait l’objet d’une actualisation de façon à fixer, au-delà de 2023, la trajectoire des ressources qui devaient permettre d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République, notamment celui de porter le budget des armées à 2 % du PIB à l’horizon de 2025. Il se trouve que la crise sanitaire, ou plus exactement ses conséquences économiques et financières, a significativement bouleversé le contexte dans lequel cette actualisation était prévue.

D’une part, en raison de la récession, il se trouve que l’objectif de 2 % du PIB est déjà atteint. D’autre part, et surtout, la durée de la crise sanitaire – qui n’est, hélas ! pas complètement derrière nous – et ses conséquences économiques, dans un contexte qui reste incertain et que personne ne pouvait anticiper au moment de la préparation de la LPM, ont changé les conditions de cette actualisation et, donc, les perspectives pour 2024 et 2025, puisque tel est l’objet de ce débat.

C’est pourquoi j’ai décidé, et je l’assume, de ne pas soumettre au Parlement à ce moment précis de texte actualisant la loi de programmation militaire. L’actualisation devra bien sûr avoir lieu, et ce dès que l’horizon économique et financier se sera éclairci. En contrepartie, j’ai voulu que l’effort entrepris pour notre défense soit débattu de manière solennelle et, je l’espère, confirmé par la représentation nationale. J’ai également souhaité que le Parlement puisse délibérer de la mise en œuvre de cette programmation militaire et des inflexions éventuelles à lui donner. C’est la raison pour laquelle j’ai une nouvelle fois – mais pour la première fois, me semble-t-il, s’agissant d’un Premier ministre pour un sujet intéressant notre défense nationale – invoqué l’article 50-1 de la Constitution.

Cette loi de programmation militaire porte, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une ambition claire : permettre à la France de retrouver un modèle d’armée complet et équilibré, à la hauteur des enjeux stratégiques d’aujourd’hui et de demain. Cette ambition est d’autant plus indispensable que nous sommes désormais confrontés à un « dérèglement du monde », pour reprendre les mots du chef de l’État.

À la menace toujours présente du terrorisme, à cette menace qui relaie son obscurantisme par les réseaux de communication les plus modernes, tout en faisant appel à la technologie pour exploiter ou tenter d’exploiter les failles de nos systèmes de sécurité, à l’émiettement de la violence sans frein qu’elle provoque, s’est ajoutée la montée des appétits de certains pays en quête de puissance.

Pour construire un modèle complet et équilibré, capable de faire face aux menaces d’aujourd’hui comme à celles de demain, le Président de la République a voulu donner l’impulsion nécessaire à une transformation profonde de nos armées. C’est ce qu’a traduit la loi de programmation militaire.

Le premier objectif, le plus urgent, était d’abord de réparer les armées, dont les matériels étaient en mauvais état.

La ténacité et le professionnalisme de nos soldats, marins et aviateurs, dont l’engagement est souvent allé bien au-delà de ce que prévoyaient les contrats opérationnels, et à qui je veux une nouvelle fois rendre hommage devant vous, suffisaient de moins en moins à pallier la dégradation de leurs conditions d’intervention. Il fallait donc réparer pour rendre à nos armées les moyens de remplir durablement les missions qui sont les leurs.

Le second objectif consistait à préparer l’avenir, c’est-à-dire à anticiper, moderniser et innover, de sorte que nos forces disposent des matériels les plus performants, en nombre suffisant, et adaptés aux nouvelles menaces.

C’est avec la ferme volonté de réussir cette double opération de régénération et de modernisation que nous avons prévu une hausse historique du budget militaire. La force de nos armées et, donc, notre aptitude à rester maîtres de notre destin aux côtés de nos voisins européens et de nos alliés dépendent en effet de notre capacité à nous inscrire dans le temps long de l’histoire.

À cet effet, il convenait d’abord de disposer de budgets en conformité avec nos besoins. Dans les dix années précédant le vote de la LPM en 2018, les crédits votés en loi de finances initiale dans le cadre de la mission « Défense » étaient quasi systématiquement inférieurs à ceux qui étaient prévus, cet écart pouvant aller jusqu’à 2, 3 milliards d’euros pour une année donnée. Durant cette période, comme le Sénat l’a souvent relevé, ce ne sont pas moins de 3, 8 milliards d’euros de crédits qui ont fait l’objet d’annulations ou de régulations et pas moins de 60 000 postes qui ont été supprimés dans nos armées, si bien que notre effort de défense est progressivement passé de 2, 1 % à 1, 78 % du PIB en 2017.

C’est à cette situation qu’il convenait de mettre fin ; ce que, ensemble, nous avons fait. Le budget annuel a en effet été porté, par la volonté de l’exécutif et par votre vote, à près de 40 milliards d’euros, seuil symbolique qui devrait être dépassé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, contre environ 30 milliards d’euros en moyenne annuelle sur la période précédente.

Très concrètement, après une augmentation de 1, 8 milliard d’euros en 2018, ce sont des hausses de crédits de 1, 7 milliard d’euros qui ont été confirmées chaque année. Au total, depuis le début du quinquennat, le budget annuel des armées aura augmenté de plus de 25 %. Sur cette même période, en cumulé, le montant de ces ressources supplémentaires a atteint 27 milliards d’euros, soit plus de deux années de dépenses d’équipement, et une accélération sans précédent de l’investissement en faveur de nos armées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’appelle votre attention sur le choix politique et budgétaire que nous avons fait récemment, en 2020 et en 2021, de maintenir cette dynamique, alors même que la crise sanitaire nous a par ailleurs conduits à puiser très significativement dans nos finances publiques. Je le dis, car certains pays se sont servis de leurs dépenses militaires comme variable d’ajustement. Tel ne fut pas le cas de la France.

Aussi, je peux affirmer devant vous que les ressources et les objectifs de la programmation sont strictement respectés.

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