Séance en hémicycle du 23 juin 2021 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je salue M. Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, présent en tribune.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le 23 juin 1894, le baron Pierre de Coubertin réunit à la Sorbonne les acteurs du sport mondial avec pour objectif de faire renaître les jeux Olympiques.

En 1948, le Comité international olympique choisit de commémorer cet acte fondateur en organisant le 23 juin la Journée Olympique, qui est, depuis lors, célébrée chaque année.

À cette occasion, et à un mois, jour pour jour, de l’ouverture des jeux de Tokyo, je veux apporter, au nom du Sénat, notre soutien aux 1 400 athlètes et accompagnateurs de la délégation française.

Je veux adresser à l’équipe de France, à nos athlètes Olympiques et Paralympiques, un message d’encouragement, eux qui ont vu leur période de préparation aux Jeux perturbée par la crise que nous traversons.

Le public français sera, comme lors de chaque olympiade, uni derrière ses champions, notamment au travers des nombreuses manifestations qui auront lieu sur l’ensemble du territoire.

À l’issue de ces Jeux, le 8 août, la flamme passera de Tokyo à Paris pour la tenue, en 2024, du plus grand événement jamais organisé en France, qui est aussi une véritable chance pour notre pays. Monsieur le Premier ministre, cela vous rappellera une mission que vous avez conduite !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Au-delà de nos athlètes, je veux adresser ici un message de sympathie à l’ensemble de la filière sportive, touchée par de longs mois de restrictions. J’ai à l’esprit notamment les associations, le sport amateur comme le sport professionnel.

Tel est le message que je souhaitais vous adresser, mes chers collègues, ainsi qu’à tous ceux qui nous regardent sur Public Sénat, à l’ouverture de notre séance de questions d’actualité au Gouvernement.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, la commission des lois demande au Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, pour une durée de six mois, afin de mener une mission d’information sur les dysfonctionnements constatés dans l’organisation des élections départementales et régionales de juin 2021.

La conférence des présidents a fixé à demain, dix heures trente, l’examen en séance publique de cette demande.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Chacun sera attentif aux valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, et celui du temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Cette question s’adressait initialement à Mme la ministre de la culture, Roselyne Bachelot.

Ce week-end, un jeune rennais de 22 ans avait décidé d’aller danser. Après des mois de couvre-feu et de confinement, c’est à Redon, avec quelques centaines de jeunes, qu’il devait renouer avec la fête. Il y perdra une main, victime de la répression phénoménale de cette rave ; victime, une nouvelle fois, d’une grenade tirée de façon indéterminée dans la foule ; victime de méthodes de maintien de l’ordre placées sous le régime de l’escalade de la violence.

Protestations sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

En plus des atteintes aux personnes, les forces de l’ordre ont procédé à la destruction de 100 000 euros de matériel musical à coups de hache. Dans quel autre pays voit-on les forces de l’ordre détruire du matériel musical, avec autant d’acharnement, en dehors de toute procédure et s’en réjouir sur les réseaux sociaux ?

Murmures prononcés sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

L’absence de réaction du ministère de la culture démontre une nouvelle fois le mépris dans lequel celui-ci tient cette scène et la jeunesse.

Il y a quelques semaines, lors de la présentation des protocoles sanitaires de déconfinement du monde de la culture, face à l’absence de perspectives pour les musiques actuelles et les concerts debout, je posais la question à Roselyne Bachelot : allons-nous passer un été culturel sous le signe de la répression ?

Exclamations sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Ce lundi 21 juin, premier jour de l’été, nous avons enfin eu la réponse : plusieurs rassemblements festifs ont été dispersés sous des pluies de grenades lacrymogènes et de désencerclement.

Après un an et demi de confinement, la jeunesse de ce pays veut faire la fête, elle veut communier, mais n’a pas de perspectives claires.

Exclamations redoublées sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

À l’Élysée, lundi, sous les dorures, on a pu danser avec Jean-Michel Jarre ; dans la rue, en revanche, on a matraqué et dispersé.

Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Madame la ministre, ma question est la suivante : la politique culturelle pour la jeunesse est-elle sous-traitée à un ministre de l’intérieur, dont l’incompétence à organiser des élections n’a d’égale que son incompétence en matière de maintien de l’ordre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Son approche répressive des rassemblements festifs, qui met en danger notre jeunesse, va-t-elle être revue ? Quelles sont les perspectives culturelles pour notre jeunesse cet été ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement.

Debut de section - Permalien
Sarah El Haïry

Monsieur le sénateur Dossus, la jeunesse mérite mieux que des caricatures. Depuis plus de dix ans, les services de l’État chargés de la jeunesse, de l’intérieur, de la culture, de la santé mettent en œuvre des médiations interministérielles avec les organisateurs de fêtes et de rassemblements festifs.

Ce réseau de médiateurs est aujourd’hui déployé sur l’ensemble de nos territoires, et ces acteurs permettent à notre jeunesse de sortir et de vivre pleinement. Le dialogue est de qualité entre l’État et les représentants d’associations, comme Freedom.

Nous sommes pleinement mobilisés pour que la jeunesse profite, cet été, de l’extérieur et du retour à la fête, mais en respectant notre État de droit.

Monsieur le sénateur, la ministre de la culture aurait pu répondre à votre question, mais elle est retenue à l’Assemblée nationale pour défendre le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès à la culture.

S’agissant de la rave party que vous évoquez, on peut comprendre l’envie de faire la fête, mais les règles sanitaires persistent, les lois de notre pays persistent et doivent être respectées.

Samedi 19 juin, l’évacuation du Teknival interdit de Redon – car il était interdit, je le rappelle – par les forces de l’ordre a été réalisée grâce à des manœuvres complexes, avec l’objectif d’agir vite. J’en profite pour saluer le calme et l’organisation de l’intervention des forces de l’ordre.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. David Assouline protestent.

Debut de section - Permalien
Sarah El Haïry

Le matériel de sonorisation devait être saisi très rapidement pour mettre fin à cette infraction et pour permettre l’évacuation des lieux dans le calme.

Debut de section - Permalien
Sarah El Haïry

Dans le cadre de la procédure judiciaire de saisie, s’il y a eu des dégradations, les faits seront établis sous l’autorité du procureur de la République en fonction des éventuels contentieux.

Monsieur le sénateur, la reprise et les réouvertures doivent se dérouler dans le cadre de la loi et des règles. C’est la raison pour laquelle la ministre de la culture a reçu l’ensemble des festivaliers et des acteurs de la culture, afin de permettre un retour à la normale le plus vite possible avec des jauges à 100 % à l’extérieur, dès le 21 juin, selon le souhait du Président de la République et du Premier ministre, partagé par les acteurs des concerts et des festivals.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

M. Thomas Dossus . Il fut un temps où les autorités françaises savaient dialoguer avec les organisateurs ; aujourd’hui, vous privilégiez la matraque, c’est totalement irresponsable !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Monsieur le ministre de l’intérieur, le spectre d’une abstention massive nous menaçait. Pour une fois, les sondages ne se sont pas trompés et l’ensemble de la classe politique a reçu une douche froide. L’abstention a atteint un niveau historique : deux Français sur trois ne se sont pas exprimés.

N’est-il pas urgent d’éclaircir les origines de ce phénomène et d’esquisser des pistes de réflexion, au-delà des satisfactions et des déceptions politiques des uns et des autres ?

Le covid a sa part de responsabilité, certes, et le chemin vers les isoloirs n’était peut-être pas la priorité des Français.

Si la grande gagnante est l’abstention, j’aimerais connaître la ou les sources de cet étrange paradoxe : il est très souvent reproché à notre classe politique nationale d’être éloignée du terrain ; mais quand vient le temps des élections locales, les électeurs sont aux abonnés absents.

On a vu les « gilets jaunes » se plaindre du manque de représentativité ; on entend les jeunes se lamenter du manque de rendez-vous démocratiques, mais quand ces rendez-vous sont fixés, cela fait « pschitt ! », il n’y a plus personne pour les honorer.

Comment expliquer cette désaffection démocratique ?

Je n’ai pas d’explications satisfaisantes et les ratés de livraison des professions de foi ne justifient pas tout. Alors que nous disposons de moyens de communication vertigineux, je m’interroge sur les modalités de l’exercice démocratique.

Aussi n’est-il pas temps de se poser officiellement certaines questions ? La concomitance de deux élections le même jour est-elle heureuse ? Ne serait-il pas opportun de recourir à des solutions technologiques face à un certain archaïsme démocratique, en admettant le vote par correspondance ou le vote par internet, même si beaucoup y sont réticents ? Ne faudrait-il pas se poser la question du vote obligatoire voire du vote blanc, même si cela ne s’inscrit pas forcément dans la démarche constitutionnelle ? Qui compose cette majorité silencieuse ?

Après quarante ans de vie politique locale comme ancien maire d’une commune rurale et vingt années de vie parlementaire, je suis, comme nous tous, abasourdi par cette désaffection des électeurs.

Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le sénateur Jean-Pierre Decool, l’abstention nous choque tous, bien évidemment. Des questions doivent être posées puisque, comme vous l’avez dit, le silence et là, il veut dire quelque chose et il vient de loin.

Pour les premières élections régionales, à la fin des années 1980, 77 % de Français étaient allés voter. Lors des élections de 2015, qui n’étaient pas organisées en concomitance avec un autre scrutin, qui n’ont pas été reportées, à l’occasion de laquelle les professions de foi sont, pour la plupart, arrivées à l’heure, qui ne se sont pas déroulées durant une crise comme celle du covid, 50 % seulement des Français étaient allés voter.

En plus de vingt ans, l’abstention a donc augmenté de vingt points aux élections locales. Nous avons d’ailleurs constaté le même niveau d’abstention dans de très nombreuses grandes villes de France au premier tour des élections municipales de mars dernier 2020 comme au second, lorsque celui-ci a été nécessaire.

En revanche, pour l’élection présidentielle, même si elle connaît une participation en baisse, 75 % des Français vont aux urnes.

Nous pouvons bien sûr nous poser la question des modalités, qui peuvent très certainement être améliorées en conservant le secret du scrutin afin d’éviter les pressions communautaires, patriarcales ou familiales. Il faut évidemment réfléchir à la modernisation du vote.

Nous pouvons toutefois également considérer que l’abstention s’explique non pas simplement par ces modalités, mais aussi par les politiques plus profondes qui touchent l’Occident, dans la mesure où tous les pays sont touchés, et singulièrement la France.

Monsieur le sénateur, nous devons y réfléchir collectivement, après le second tour des élections régionales et départementales. Avec un peu de recul, la concomitance des deux scrutins, souhaitée en 2015, n’était peut-être pas la meilleure des solutions pour favoriser la bonne compréhension de nos concitoyens. Nous pourrions également modifier les lois pour nous permettre de faire un seul bureau de vote, par exemple, et de rendre plus clairs un certain nombre d’exercices de vote.

Il nous faut réfléchir aux modalités du scrutin, et je suis évidemment à la disposition du Parlement, et singulièrement du Sénat, pour cela.

M. Frédéric Marchand applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains . – M. Olivier Cigolotti applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Des enveloppes de professions de foi dans les fossés et dans les poubelles, des enveloppes de professions de foi empilées sur les boîtes aux lettres des mairies, des enveloppes de professions de foi brûlées au coin des chemins, voilà la triste réalité d’une distribution chaotique et inadmissible des documents de propagande partout en France.

Des millions d’électeurs n’ont reçu aucun des documents, pourtant indispensables pour les informer de la tenue des élections et pour éclairer leur choix.

Alors que la crise sanitaire a privé les candidats des moyens habituels de mener campagne, vous n’aviez aucun droit à l’erreur !

Dès lors que l’on fait du « quoi qu’il en coûte » son credo, on ne lésine pas sur les moyens.

Après avoir affaibli le Parlement et ignoré les corps intermédiaires, après avoir favorisé le tirage au sort des concitoyens et l’établissement de conventions citoyennes, après avoir professé le « en même temps », qui contribue à donner le sentiment que, même si on élit quelqu’un, ce sont d’autres qui sont légitimes pour s’occuper de la question qui a motivé le vote, votre fiasco dans la distribution a abouti dimanche à une abstention record.

Monsieur le ministre de l’intérieur, comment comptez-vous mettre un terme à votre hold-up de la démocratie ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le sénateur Duplomb, j’ai entendu M. le président du Sénat évoquer la commission d’enquête que vous allez sans doute créer. De par les pouvoirs dont est investie l’Assemblée sénatoriale et avec l’assentiment de notre volonté politique, tout document utile sera fourni et nous répondrons à toute demande d’éclaircissement.

Je crois l’avoir d’ailleurs fait ce matin, alors que j’étais convoqué par le président Buffet dès potron-minet devant votre commission des lois. J’ai expliqué qu’il y a eu des dysfonctionnements graves dans la distribution de la propagande électorale. À notre connaissance, cela a concerné 9 % de plis non distribués par les deux sociétés, La Poste et Adrexo, qui se partagent le marché à parts égales. Tous les documents seront fournis dès aujourd’hui à la commission des lois.

Je rappelle que ce sont deux directives européennes de 1997 et 2002 qui ont libéralisé le service postal et notamment, c’est explicitement prévu, la distribution de propagande électorale ; et que c’est une loi de 2005 qui a obligé le Gouvernement à mettre en concurrence deux sociétés seulement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Vous n’étiez pas obligés de les choisir !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Car seules deux sociétés sont aujourd’hui validées par l’autorité administrative indépendante qu’est l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) : Adrexo et La Poste.

Vous évoquez les moyens consacrés à la distribution de propagande ; ceux-ci ont été multipliés par deux en dix ans : de 150 millions d’euros en 2010, ils sont passés à 328 millions d’euros dans le budget pour cette année.

Bien évidemment, il y a eu des dysfonctionnements inacceptables. À plusieurs reprises, nous l’avons rappelé aux deux sociétés, et singulièrement à Adrexo. Le président de La Poste lui-même a fait remarquer que des dysfonctionnements s’étaient produits de son côté, mais cela concerne principalement Adrexo.

Des plis n’ont pas été distribués : cela peut tenir à une défaillance dans la distribution elle-même, entièrement imputable à la société elle-même, ou à la mauvaise tenue des listes électorales, laquelle relève du ministère de l’intérieur. J’en prends donc ma part. En outre, de la propagande électorale a été détruite, ce qui est absolument inacceptable.

Il est évident que je répondrai à toutes les questions que posera votre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Monsieur le ministre de l’intérieur, à vous écouter, vous n’êtes jamais en faute.

Pourtant, à mon sens, la vérité est que votre gouvernement est coupable.

Coupable de ne pas avoir réagi en temps et en heure à un problème sur lequel vous étiez alertés depuis des semaines.

Coupable d’avoir misé sur un coup de poker en choisissant une entreprise au bord de la faillite, pensant que l’abstention vous servirait, alors que celle-ci n’a finalement qu’amplifié votre élimination du second tour dans plusieurs régions.

Coupable de jouer un jeu dangereux, en voulant réduire le débat démocratique à un affrontement entre saint Macron et le diable Le Pen.

Alors que votre score aux régionales vous rappelle vos pires cauchemars, la droite républicaine, qui vous a mis au monde, n’est pas morte !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Ma question portera sur la position française à l’égard de l’Iran.

Je voudrais la mettre en perspective : tout à l’heure, nos collègues de la commission de la défense et des affaires étrangères, et son président, Christian Cambon, débattront avec vous, monsieur le Premier ministre, sur les conditions de la souveraineté française, sur sa remontée en puissance, sur la révision de la loi de programmation militaire et l’association du Parlement à celle-ci.

Ils exprimeront probablement leur préoccupation quant à l’évolution des menaces et, en particulier, quant aux risques de conflits dits de haute intensité.

Or une source majeure de conflits de haute intensité se situe au Moyen-Orient, avec l’interférence de plusieurs « États puissances ». La relation entre l’Occident et l’Iran est donc un sujet important. Négociations de Vienne etJCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action – plan d’action global commun), changement politique aux États-Unis et en Israël, élection, le 18 juin, du président Raïssi, nucléaire balistique : toutes ces questions sont interconnectées.

Où en est, monsieur le ministre, la position française à l’égard de l’Iran ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Monsieur le sénateur Bonnecarrère, la France a pris acte de l’élection de M. Ebrahim Raïssi à la présidence de la République d’Iran, le vendredi 18 juin. Le nouveau président iranien prendra ses fonctions fin août, à la suite du président Rohani.

La France maintiendra bien évidemment, à l’égard du futur président iranien, les attentes fortes et les positions claires qu’elle faisait valoir auprès de son prédécesseur. Cela concerne, d’abord, les préoccupations que nous avons régulièrement exprimées à titre national, mais aussi avec nos partenaires européens, quant à la situation des droits de l’homme en Iran.

Concernant la situation de nos ressortissants détenus en Iran, nous continuerons à la suivre avec beaucoup de force dans les semaines à venir.

Bien évidemment, nous conserverons également des attentes fortes en matière nucléaire, puisque les négociations sont engagées depuis plusieurs années sur la perspective d’un retour à la pleine mise en œuvre de l’accord de Vienne sur le nucléaire. Cela concerne les États-Unis, qui en sont sortis mais dont le changement d’administration change la donne et, bien sûr, l’Iran, qui ne respecte plus une partie importante de ces dispositions.

La diplomatie française est donc pleinement mobilisée dans le cadre de ces négociations avec nos partenaires allemands et britanniques, ainsi qu’avec la Russie et la Chine et en lien étroit avec les États-Unis.

Jean-Yves Le Drian rencontrera très prochainement à Paris son homologue américain, Antony Blinken, pour évoquer notamment la question des négociations sur le nucléaire. Nous souhaitons que celles-ci puissent aboutir rapidement, car le temps ne joue pour personne dans cette crise.

Des décisions difficiles devront être prises dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines si elles ne devaient pas avancer.

Au-delà de ces négociations sur le nucléaire, nous avons des discussions sur le retour des efforts de paix au Moyen-Orient, dans lesquelles la France est très impliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Avec l’Iran, les choses sont rarement blanches ou noires, mais souvent blanches et noires.

Pour le volet noir, pensons à nos concitoyens Fariba Adelkhah et Benjamin Brière, qui sont retenus dans des conditions insupportables.

Pour le volet blanc, car il existe bel et bien, pensons au rôle décisif joué par les Iraniens pour arrêter Daech à Erbil, au côté des Kurdes.

Pensons aussi à l’espace de sécurité qu’ils pourraient être demain pour nous, eu égard au regard très particulier que portent sur notre pays deux de leurs voisins : l’Afghanistan et le Pakistan.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

Madame la secrétaire d’État, jeudi dernier, vous vous êtes déshonorée en ayant recours à la réserve de vote puis au vote bloqué pour tordre le bras des députés de votre majorité.

Cette manœuvre procédurale est d’autant plus scandaleuse qu’il s’agissait d’une journée réservée à l’initiative parlementaire et que la proposition de loi émanait du droit de pétition exercé par nos concitoyens.

Sur le fond, vous avez surtout refusé de reconnaître l’autonomie des personnes en situation de handicap.

En refusant d’individualiser le calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), vous avez préféré renvoyer chaque personne dépendante du fait d’un handicap à une autre forme de dépendance, économique, vis-à-vis de sa compagne ou de son compagnon de vie.

Cette humiliation pour la personne dépendante est pourtant dénoncée par l’ensemble des associations.

Au nom de la responsabilité budgétaire, le Gouvernement s’enferme dans une posture bien éloignée des valeurs de progrès et d’humanité.

Ma question est la suivante : allez-vous inscrire à l’ordre du jour de la session extraordinaire la proposition de loi qui reconnaît l’autonomie des personnes handicapées ou préférez-vous botter en touche en prétextant l’examen du budget pour voter un abattement fiscal sans rapport avec l’individualisation de l’AAH ?

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Annick Billon, Élisabeth Doineau et M. Christian Bilhac applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d ’ État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, quel dommage de voir tout le travail que le Gouvernement a mené depuis le début du quinquennat en commun avec le Parlement, avec les députés, avec les sénateurs, en matière de handicap remis en cause au nom de l’opportunisme politique !

Protestations sur l ’ ensemble des travées, à l ’ exception de celles du RDPI. – Huées sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Vous dites que le Gouvernement fait preuve de frilosité budgétaire, mais il a consacré 2 milliards d’euros d’investissements sur ce quinquennat pour l’allocation aux adultes handicapés : 2 milliards !

Mme Patricia Schillinger et M. François Patriat applaudissent.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Vous vous êtes indignés d’une baisse de 5 euros des aides personnalisées au logement (APL), mais vous méprisez, de l’autre côté, une augmentation de 100 euros par mois de l’AAH : 100 euros de plus, car elle a été portée à 900 euros par mois pour plus de 1, 2 million de bénéficiaires.

Non, monsieur le sénateur, notre approche n’est pas guidée par la seule volonté budgétaire. Elle est guidée par le fait d’assurer un système social fondé sur les principes de solidarité et de redistribution, par la conviction que les personnes en situation de handicap ont des compétences et sont des citoyens à part entière.

Au contraire de vos propos, un abattement fiscal est une avancée majeure pour les personnes, qui a tout à voir avec l’autonomie, puisque cela représente 110 euros de plus par mois en moyenne pour les bénéficiaires qui sont en couple et plus de 180 euros de gain pour les couples dont le revenu du conjoint est situé autour du SMIC.

Au nom des valeurs que porte votre groupe, vous devriez vous réjouir que l’on flèche l’argent vers ceux qui en ont le plus besoin et non vers les plus aisés, comme c’est le cas avec la déconjugalisation.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d ’ État. Quand notre mesure ne fait aucun perdant, la vôtre prend l’AAH des personnes qui travaillent. Nous portons une mesure de simplification, une mesure de justice sociale.

Mme Laurence Cohen proteste.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Je souhaite que le texte qui a été voté à l’Assemblée nationale aboutisse. Parce que je crois à cette mesure redistributive qui est au cœur de notre ADN politique, oui, monsieur le sénateur, j’inscrirai quoi qu’il arrive cette avancée majeure dans le budget de l’État pour 2022.

Je le ferai, car le Gouvernement est fier de la politique d’émancipation

Protestations sur de nombreuses travées.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

que nous portons depuis 2017 et parce que nous apporterons ainsi un soutien constant au pouvoir d’achat des personnes concernées, que je respecte profondément.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Gérard Lahellec, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Madame la secrétaire d’État, votre entêtement à imposer la prise en compte des revenus des conjoints dans le calcul de l’AAH pour faire des économies budgétaires est en réalité dogmatique.

Vous refusez la proposition d’individualiser l’allocation aux adultes handicapés, estimée à 750 millions d’euros, et vous défendez votre proposition d’abattement fiscal de 200 millions d’euros, ce qui n’est, certes, pas rien.

Pour trouver les 500 millions d’euros nécessaires, il suffirait, par exemple, d’imposer les dividendes des actionnaires à hauteur de 1 %.

Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

M. Gérard Lahellec. Nous regrettons que le Gouvernement fasse ce choix et nous saurons nous en souvenir, comme les associations du secteur !

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

La filière automobile fait face depuis plusieurs années à deux révolutions, technologique et écologique, qui ont bouleversé son modèle économique.

Le Président de la République a dévoilé, il y a un an, un plan de soutien inédit à la filière automobile, durement touchée par la crise, lequel prévoyait plus de 8 milliards d’euros d’aides, d’investissements et de prêts pour soutenir et accompagner la reconversion du secteur.

C’est l’ambition du plan de relance : préparer la reprise en encourageant le développement de l’industrie de demain, tout en accompagnant celles et ceux qui font partie des secteurs sinistrés.

Vendredi dernier, l’annonce du lancement du fonds d’accompagnement et de reconversion des salariés de la filière automobile marque une nouvelle étape dans le déploiement du plan automobile.

La signature de la convention entre les acteurs de la filière permettra de conforter le troisième volet du plan de soutien à l’automobile, annoncé au mois de mai dernier.

Le ministre de l’économie l’a rappelé la semaine dernière à l’Assemblée nationale : avec le plan de relance, nous offrons une perspective aux Français, celle d’un redressement de l’économie en deux ans, qui doit nous permettre de retrouver en 2022 le niveau de développement économique de 2019, tout en accompagnant les emplois menacés vers les secteurs d’avenir.

Madame la ministre, quelle est la place du fonds d’accompagnement dans cette perspective et comment pouvons-nous faire en sorte que les forces vives du secteur automobile soient au cœur de la reprise que nous appelons tous de nos vœux ?

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l ’ emploi et de l ’ insertion. Monsieur le sénateur Bernard Buis, permettez-moi tout d’abord de saluer votre réélection, dimanche dernier, dès le premier tour, au conseil départemental de la Drôme.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Je félicite également toutes celles et tous ceux qui ont été élus ou réélus dimanche dernier.

Murmures ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Comme vous l’avez indiqué, face aux mutations de la filière automobile, nous devons tous nous mobiliser pour accompagner les salariés dans ces transitions. C’est tout l’objet du fonds d’accompagnement et de reconversion des salariés de la filière automobile.

Ce fonds, cofinancé à hauteur de 20 millions d’euros par les constructeurs Renault et Stellantis et à hauteur de 30 millions d’euros par l’État, permet de renforcer l’accompagnement des salariés des entreprises de la filière affectées par des restructurations. Il s’adresse particulièrement aux salariés des entreprises de la sous-traitance automobile en situation de redressement ou de liquidation judiciaire.

Ces salariés seront accompagnés de manière renforcée par des cellules territoriales d’appui au reclassement. Concrètement, cela pourra se traduire par le financement de formations qualifiantes, par le versement d’aides à la création d’entreprise ou à la mobilité, ou encore par des primes au reclassement.

Ce dispositif est d’ores et déjà mobilisé pour les salariés de MBF dans le Jura, dont je partage l’émotion à la suite de l’annonce de la liquidation de leur entreprise.

Au-delà de ce dispositif sectoriel, nous avons mis en place des moyens substantiels pour la formation des salariés : 1 milliard d’euros à l’aide à la formation du Fonds national de l’emploi (FNE-formation), financés dans le cadre de France Relance.

Grâce au dispositif Transitions collectives, nous accompagnons également la reconversion des salariés dont les emplois sont menacés, en leur proposant des formations susceptibles de leur permettre de rebondir vers des secteurs qui recrutent au sein de leur bassin d’emploi.

Comme vous le constatez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour permettre à chaque salarié de rebondir rapidement.

M. Didier Rambaud applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

M. Bernard Buis. Madame la ministre, je suis heureux que les entreprises sous-traitantes ne soient pas oubliées, car celles-ci, particulièrement celles qui font l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation, s’en inquiétaient.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Que reste-t-il de l’État quand il n’est plus capable d’assurer correctement le cœur même de ses missions, à savoir l’organisation des élections ? Le ministère de l’intérieur est-il bien tenu ? Telles sont les questions que beaucoup se posent depuis le scrutin de dimanche dernier.

Ma question s’adresse à M. Darmanin.

Lors de votre audition de ce matin, monsieur le ministre, vous nous avez expliqué qu’il était compliqué pour notre pays d’organiser deux élections le même jour. J’ai compris que vous faisiez référence à votre propre expérience, puisqu’en sus de vos fonctions de ministre vous étiez candidat deux fois aux élections de dimanche dernier…

Rires et applaudissements sur de nombreuses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Pendant ce temps, des élus de tous bords et de tous les territoires ont constaté que des plis non distribués avaient été jetés dans les fossés ou brûlés dans les bois. Le corps préfectoral lui-même nous a parfois fait part de sa honte au regard de l’image que l’État renvoie de lui-même.

Vous répondiez dimanche en citant les chiffres communiqués par Adrexo, selon lesquels 21 000 plis n’auraient pas été distribués. Dans ma seule région de Bourgogne-Franche-Comté, j’aurais pu vous annoncer dès dimanche qu’on dépassait ces chiffres !

Si l’on en croit le ministère de l’intérieur, la responsabilité de ces dysfonctionnements, notamment ceux qui sont imputables à la société Adrexo, revient, a, à Lionel Jospin, b, à La Poste et, c, au Parlement, qui a autorisé la tenue de ce scrutin par vote ; comme dans tous les bons questionnaires, plusieurs réponses sont possibles.

Puisque c’est la faute de tout le monde, sauf la vôtre, monsieur le ministre, il reviendra à la commission d’enquête du Sénat de définir l’ampleur des dysfonctionnements observés dimanche.

Dans cette attente, je vous poserai une question très politique : à partir de quel taux de non-distribution de la propagande électorale estimez-vous que votre propre responsabilité est engagée ?

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, UC et Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le sénateur, vous avez participé ce matin à la réunion de la commission des lois. Vous avez donc connaissance des échanges que nous avons eus.

Il est un fait établi que la privatisation de la distribution du courrier, notamment de la propagande électorale, a été négociée, entre 1997 et 2002, par un gouvernement que vous souteniez.

Il est un fait établi que, depuis 2005, un marché public s’impose au ministère de l’intérieur pour la distribution de la propagande électorale.

Il est un fait établi qu’il y a toujours eu des dysfonctionnements. Ces derniers n’ont certes jamais été de la hauteur de ceux que nous avons connus – c’est une évidence –, mais, à titre d’exemple, je rappellerai que, lors des dernières élections municipales, la propagande électorale n’a pas été distribuée du tout dans des communes entières, comme celle d’Annecy.

Il est un fait établi que seules deux sociétés sont aujourd’hui qualifiées par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), autorité administrative indépendante, pour répondre au marché public que le ministère de l’intérieur doit conclure en vertu de la loi et des directives européennes.

Or par définition, les deux lots, qui représentent un marché de plus de 200 millions d’euros, doivent être attribués à deux sociétés différentes. Dès lors qu’il n’est plus possible de confier la distribution de la propagande électorale à une régie, nous sommes légalement tenus de mettre en concurrence les sociétés qualifiées par l’Arcep. Celles-ci n’étant qu’au nombre de deux, elles ont logiquement toutes deux remporté le marché.

La responsabilité de la société Adrexo dans la non-distribution des plis, dont les images ont été relayées par les réseaux sociaux, et dans une moindre mesure, celle de La Poste, est évidente. Cela nous conduira sans doute à ne pas payer une partie du marché, voire à le révoquer.

J’attendrai toutefois l’élection de dimanche prochain, car je ne suis pas de ceux qui souhaitent démotiver les personnes qui, aujourd’hui, distribuent ces propagandes électorales et s’efforcent de redresser la barre, alors que celle-ci est effectivement bien mal en point.

(Exclamations sur les travées du groupe SER.) J’aurai tout loisir de le démontrer devant la commission d’enquête.

M. Martin Lévrier applaudit.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

J’ajoute enfin, monsieur le sénateur, que le taux de participation constaté dans les bureaux de vote pour lesquels la distribution de la propagande a été attribuée à La Poste ne diffère que d’un point de celui constaté dans les bureaux de vote pour lesquelles cette distribution a été attribuée à Adrexo. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur le ministre, votre responsabilité ne s’arrête pas à la question de la propagande officielle. Les sénateurs socialistes vous avaient alerté sur l’ampleur de l’abstention à venir.

Nous avions proposé, dans cinq textes et au travers de trente amendements, des solutions alternatives, parmi lesquelles l’étalement du vote sur plusieurs jours ou le vote par correspondance.

L’approche de ces élections a été un fiasco, et ce taux d’abstention est un record dans l’histoire de la République. Votre responsabilité est évidemment engagée sur l’ensemble de ces points !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

De nombreux maires de l’Hérault ont récemment protesté contre la diminution des horaires d’ouverture des bureaux de poste, mais également contre la transformation de bureaux de poste en agences postales communales.

Si l’on comprend que, dans les communes les plus rurales, les agences postales assurent les services de proximité, cette évolution est plus contestable dans des communes de 3 000 ou 4 000 habitants, sans oublier les fermetures surprises de certains bureaux, ou encore l’insuffisance de la compensation financière versée par La Poste aux communes pour les agences postales communales.

En effet, selon le récent rapport d’information de nos collègues Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon, le déficit imputable aux quatre missions de service public confiées à La Poste s’élève, en 2020, à 2, 103 milliards d’euros, dont 1, 32 milliard pour le service universel postal, 296 millions pour le transport et la distribution de la presse, 227 millions pour l’aménagement du territoire et 260 millions pour l’accessibilité bancaire.

Pourtant, monsieur le ministre, La Poste n’a reçu de l’État que 503 millions en compensation, ce qui représente un déficit de 1, 6 milliard d’euros. Il paraît difficile, dans ces conditions, de maintenir le service public.

Ma question est la suivante : monsieur le ministre, quand envisagez-vous de mettre fin à cette situation ?

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Martine Filleul applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le sénateur Bilhac, à la fin du mois de mai, vous m’aviez déjà adressé un courrier dans lequel vous évoquiez les sujets de la présence postale et de la réorganisation en cours du groupe La Poste.

Comme vous le savez parfaitement, depuis une loi de 2010, La Poste est tenue de remplir un certain nombre d’obligations liées au service universel, notamment en matière d’accessibilité, puisqu’elle doit maintenir au moins 17 000 bureaux et points de contact sur le territoire, et s’assurer que 90 % de la population se trouve à moins de cinq kilomètres au plus ou à vingt minutes de trajet au plus de ces bureaux et points de contact.

Toujours en matière de service universel, elle est également soumise à l’obligation d’assurer la distribution du courrier cinq jours sur sept.

Ces obligations sont un cadre. La Poste peut s’en acquitter soit directement, soit dans le cadre d’agences postales communales issues de conventions passées avec les communes, soit, enfin, au travers de points de contact établis en association avec des commerçants.

Malgré cela, La Poste connaît des difficultés. Le nombre d’objets, colis ou courriers qu’elle traite annuellement a été divisé par deux – il est passé de 18 milliards à 9 milliards entre 2008 et 2019 – et le nombre de courriers prioritaires adressés par les ménages chaque année a été divisé par sept.

Cela se traduit par des déficits et, partant, par la nécessité de réorganiser le service postal et de voir La Poste transformer ses métiers. Celle-ci s’y emploie, au travers d’une réorganisation territoriale, de partenariats accrus, mais aussi par la multiplication d’activités et par une forme de diversification.

Pour accompagner cette réorganisation, le Gouvernement et l’État répondront présents. Le Premier ministre a eu l’occasion de le préciser en réponse aux interrogations et inquiétudes exprimées par la présidente de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

Par ailleurs, le 28 mai, l’ancien député Jean Launay nous a remis un rapport dans lequel il propose un certain nombre de pistes, que nous instruisons.

La compensation supplémentaire doit-elle prendre une forme budgétaire ou une forme fiscale ? Faut-il opter pour un mix de ces solutions ?

Nous savons que ce problème est devant nous et que nous devons le traiter. Nous mettrons à profit le projet de loi de finances pour 2022 afin de répondre aux inquiétudes, mieux accompagner La Poste et, ainsi, garantir sa présence sur le territoire et un bon niveau de service à l’ensemble des usagers.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

J’entends bien vos propos, monsieur le ministre. Je tiens toutefois à rappeler combien La Poste est importante dans les territoires ruraux, mais aussi dans les quartiers difficiles ou sensibles. Les Français sont très attachés à ce service public historique.

Vous vous retranchez quelque peu derrière l’Arcep, mais l’État a versé à La Poste 50 millions d’euros de moins que le montant préconisé par l’Arcep en compensation de sa mission d’aménagement du territoire. De grâce, respectez les chiffrages de l’Arcep !

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Martine Filleul applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, comment en sommes-nous arrivés là ? Nous avons atteint, dimanche, les taux de participation les plus bas de l’histoire de la République.

À titre personnel, je n’ai pas à me plaindre, puisque, chez moi, nous avons remporté un large succès, fruit de notre travail au quotidien sur le terrain.

Mais si l’on prend un peu de hauteur, il s’agit d’un vrai déni de démocratie, et vous avez, au Gouvernement, une lourde responsabilité.

La première responsabilité est celle d’une campagne d’information minimaliste sur l’existence de deux scrutins locaux. Bien sûr, la réalité, c’est que vous êtes en campagne présidentielle. M. le Président étant en pleine tournée électorale, vous avez choisi de mettre ces deux scrutins sous le boisseau. Vous êtes d’ailleurs allés jusqu’à annoncer la date de la présidentielle entre les deux tours : c’est dire à quel point cela vous obsède !

Il est vrai que vous avez tout de même découvert le charme des Hauts-de-France : vous y avez envoyé pas moins de cinq ministres. Comme par hasard, il s’agit du terrain d’un des concurrents de droite qui vous semble sans doute le plus dangereux. Cela prouve, encore une fois, que vous ne pensez qu’à la présidentielle.

La deuxième responsabilité est l’affaire – déjà évoquée – de la propagande électorale. Il y a deux ans, le Gouvernement voulait la supprimer. Cette fois, il a imaginé pire, puisqu’il a demandé aux candidats d’écrire et d’imprimer leur profession de foi au moment où ils déposaient leur candidature. Il s’agit pourtant d’un document de campagne de dernière minute par excellence.

De surcroît – cela a été dénoncé –, certains de ces documents ont été distribués un mois avant le scrutin, alors que d’autres ne sont jamais arrivés.

Vous avez tué la mobilisation électorale.

La troisième responsabilité est l’intervention de M. le Premier ministre, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, sur la fusion des listes LR et En Marche. Si l’opération a fait « flop », elle a provoqué l’incompréhension, le désintérêt, voire le dégoût de l’électorat.

Monsieur le Premier ministre, puisque vous avez été l’apôtre du front républicain, que ne vous entend-on dénoncer les accords que la gauche vient de passer avec l’extrême-gauche pour garder ses présidences ? Pourquoi ne demandez-vous pas à vos listes En Marche de se retirer…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

M. Philippe Pemezec. … pour faire front contre cette tendance radicale et islamo-gauchiste ?

Exclamations à gauche. – M. Sébastien Meurant applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

Ma question est double : comment justifiez-vous le passage à la trappe de ces deux scrutins ? Comment comptez-vous faire barrage à la présence d’élus d’extrême-gauche prônant la révolution et le communautarisme, et qui veulent maintenant mettre le feu à la France ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations à gauche.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le sénateur Pemezec, vous comprendrez aisément que je me borne à vous répondre sur ce qui relève de ma responsabilité, c’est-à-dire l’organisation du scrutin des élections départementales et régionales.

Premièrement, comme je l’ai indiqué ce matin devant la commission des lois du Sénat – nous pourrons y revenir plus longuement, je l’imagine, dans le cadre de la commission d’enquête –, pour la première fois depuis 1986, la France a organisé deux scrutins sur tout le territoire national en même temps.

Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et SER. – M. Laurent Duplomb proteste.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Ainsi, depuis 1986, la France n’a jamais organisé deux scrutins en même temps sur l’ensemble du territoire.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Deuxièmement, la plupart de nos voisins européens, qui ont un système démocratique tout à fait semblable au nôtre à quelques exceptions près – tous nos voisins n’ont pas des scrutins à deux tours, tous n’observent pas un délai de cinq jours entre deux tours d’élection et une partie d’entre eux ont mis en place un certain nombre de dispositions différentes pour le vote –, ont reporté leurs élections. Ainsi, en 2021, un certain nombre de nos voisins européens, dont l’Italie – pour citer la plus grande démocratie située à nos portes –, n’ont pas organisé d’élections, notamment locales.

Troisièmement, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, nous avons eu un long débat – chacun peut en témoigner – pour savoir si nous devions tenir ces élections. Celles-ci avaient déjà été reportées par deux fois, une première fois à cause de la crise de la covid, et une deuxième fois, par décret, pour permettre une meilleure couverture vaccinale de la population.

Si la distribution de la propagande est soulevée – je le comprends, et j’aurai l’occasion de m’en expliquer largement au nom du Gouvernement –, permettez-moi de souligner que les présidents et assesseurs des bureaux de vote ont été vaccinés, que les tests ont été faits et que tous les bureaux de vote ont été ouverts, à l’exception de quelques-uns à Marseille – cela relève, vous le savez bien, de la responsabilité non pas de l’État, mais de celle de la mairie.

Je salue d’ailleurs les maires de France, qui ont su organiser ce scrutin dans des circonstances absolument exceptionnelles, y compris dans les territoires touchés par des inondations extrêmement graves, comme le sud de l’Aisne ou l’Essonne.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

Ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre.

L’an dernier, les sinistres occasionnés par les intempéries ont coûté 1, 5 milliard d’euros, un montant supérieur à la moyenne de ces quarante dernières années.

Or la situation s’aggrave : je n’en veux pour preuve que les récentes inondations causées par de violents orages dans plusieurs départements, engendrant de graves dégâts et de nombreuses victimes. Les maires des communes concernées demandent la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Ces conséquences croissantes du changement climatique mettent sous tension le régime dit CatNat et démontrent la nécessité d’assurer sa pérennité.

À notre demande, une mission d’information portant sur la gestion des risques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation a été constituée au Sénat en 2019. Nicole Bonnefoy, rapporteure de cette mission d’information, et ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont déposé une proposition de loi, adoptée à l’unanimité par le Sénat, visant à mieux protéger et accompagner les victimes, à déplafonner le fonds Barnier et à renforcer le pouvoir des maires, toujours en première ligne dans ces circonstances.

Malheureusement, ce texte n’a pas été soutenu par votre gouvernement, qui n’a pas souhaité l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Le comble, c’est qu’un texte étrangement similaire a été déposé.

Pis encore, le projet de loi Climat est totalement silencieux sur ces questions, alors même qu’il comporte un titre censé traiter de l’adaptation des territoires au changement climatique. Pourtant, il y a urgence.

Monsieur le Premier ministre, quand reconnaîtrez-vous l’état de catastrophe naturelle pour ces territoires ? Quand prendrez-vous sérieusement ce sujet en considération, en apportant les réponses législatives et financières qui s’imposent ?

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Madame la sénatrice Filleul, vous avez raison, de tels événements climatiques extrêmes risquent de se multiplier, se multiplient déjà, et nous devons en tirer les conséquences.

Ces conséquences sont d’abord immédiates. À ce titre, je tiens à saluer l’efficacité des secours engagés sur le terrain dans de nombreux départements, notamment du nord de la France.

Ensuite, nous devons prendre des décisions afin de nous doter de dispositifs nous permettant, à l’avenir, de nous montrer plus résilients face à ces phénomènes.

Cela suppose d’instituer des indemnisations plus pérennes. Le fonds Barnier a été augmenté de 50 % en 2021, pour atteindre 205 millions d’euros. Si cela a permis de faire face à l’urgence, nous ne réglerons pas tout de la sorte.

Le plus important, maintenant, est de prévenir en nous efforçant de réduire la vulnérabilité de nos territoires. L’une des mesures phares du projet de loi Climat et résilience – qui n’est pas suffisamment évoquée – est à ce titre la réduction de l’artificialisation des sols.

En effet, nous savons que l’artificialisation des sols est une des causes aggravantes des inondations, du fait du ruissellement qu’elle entraîne. L’eau ne pouvant par définition s’infiltrer dans un sol imperméabilisé, l’artificialisation des sols est une des premières causes des catastrophes que nous vivons aujourd’hui.

Je regrette d’ailleurs que, lors de l’examen de ce texte en commission, la territorialisation de l’objectif de division par deux d’ici à 2030 du rythme d’artificialisation ait été remise en cause par le Sénat.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Outre ce projet de loi Climat, permettez-moi de mentionner les investissements, à hauteur de 144 millions d’euros, réalisés par l’État et par Météo-France pour développer des capacités de prévision, ou encore le dispositif d’alerte Vigicrues Flash, disponible depuis le mois de mai. J’incite tout le monde à prévenir les élus locaux de cette possibilité de s’inscrire à ces alertes Vigicrues Flash, qui permettent de gagner un temps précieux – seuls 15 % des maires y sont abonnés.

Je pourrais évoquer bien d’autres sujets, mais nous aurons l’occasion de débattre de tout cela plus largement lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Babary

Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

Monsieur le ministre, partout dans le monde, l’activité repart et les économies se relancent après la crise sanitaire. En France, nous assistons à un rebond technique : après l’effondrement de 8 % du PIB, sa progression devrait atteindre 6 % cette année.

Si une lecture partielle de la situation pourrait nous conduire à un excès d’optimisme, toute comparaison montre à quel point notre économie ressort de la crise plus dégradée que celles de nos voisins.

Nos parts de marché à l’exportation régressent. « Ces chiffres sont mauvais », déclariez-vous en février dernier. En effet, pour l’année 2020, les chiffres publiés par la direction générale des douanes et droits indirects traduisent une inquiétante dégradation : le déficit commercial de la France, qui était déjà de 57, 9 milliards d’euros en 2019, atteint désormais 65, 2 milliards d’euros.

Les exportations françaises de biens et services se sont contractées plus fortement que dans les autres pays de la zone euro : –19, 3 % pour notre pays, contre –13, 2 % pour la zone euro.

Le déficit commercial de la France s’est aggravé, pour atteindre 3, 6 % du PIB, alors que les soldes de l’Espagne et de l’Italie s’amélioraient. Quant à l’Allemagne, elle maintient un excédent de 5, 5 % de son PIB.

La part de la France dans les exportations de la zone euro est à son plus bas niveau depuis vingt ans, et les chiffres de 2021 continuent à se dégrader. Plus grave encore, cette détérioration concerne la quasi-totalité des catégories de produits, y compris, désormais, le secteur agroalimentaire.

Quelle conclusion tirer de ces résultats désastreux ?

La compétitivité de nos entreprises s’est dégradée, la fiscalité française est plus que jamais désavantageuse par rapport aux autres pays, et notre industrie poursuit son érosion.

Monsieur le ministre, le déclassement français est-il donc inéluctable ? Personne ne peut s’y résoudre. C’est pourquoi nous attendons des actions fortes de votre part !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Monsieur le sénateur Babary, il est exact que le déficit commercial extérieur de la France s’est dégradé en 2020 par rapport à 2019. La crise de la covid et le fait que celle-ci a particulièrement affecté des secteurs forts à l’international pour la France, tels que l’aéronautique, expliquent cette dégradation en 2020.

Le Gouvernement est totalement mobilisé pour redresser le commerce extérieur français, structurellement déficitaire depuis des années. Notre stratégie repose sur quatre axes.

Le premier est la compétitivité. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, car je sais que vous connaissez bien ces sujets, mais je ne peux vous laisser affirmer que la compétitivité des entreprises françaises se dégrade : au contraire, elle s’améliore, notamment grâce aux décisions fiscales qui ont été prises par le Gouvernement depuis 2017.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

La baisse de la fiscalité sur le capital, la baisse de l’impôt sur les sociétés, la baisse des impôts de production, le rapprochement des négociations au sein des entreprises du terrain, la simplification de la relation des entreprises avec l’administration, le paquet mis sur la formation professionnelle et sur l’innovation permettent à la France, en 2020, pour la deuxième année consécutive, d’être le pays le plus attractif en matière d’investissements étrangers sur son sol. Nous aurons l’occasion d’y revenir lundi dans le cadre de Choose France, un grand événement visant à conforter l’attractivité de la France.

Le deuxième axe est la stratégie industrielle. Celle-ci doit être encore plus forte qu’elle ne l’a été au cours des années précédentes. C’est tout l’objectif du plan France Relance, qui mise sur les secteurs industriels d’avenir.

Le troisième axe est de promouvoir une politique commerciale européenne moins naïve. Nous devons nous doter d’outils nous permettant de mieux protéger nos entreprises. Cette démarche est au cœur des initiatives françaises visant à infléchir la politique commerciale européenne. D’ici à la présidence française, nous entendons démontrer, au travers des outils juridiques auxquels nous travaillons, que les choses changent en Europe.

Enfin, le quatrième axe est l’accompagnement des entreprises, notamment des PME, à l’avenir desquelles je sais que vous êtes particulièrement attaché, monsieur le sénateur. Celles-ci doivent être mieux accompagnées à l’international. C’est pourquoi cet objectif est au cœur du volet export du plan de relance, que j’ai l’honneur de porter depuis maintenant plus de six mois au sein du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Lana Tetuanui

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ‘ ia ora na !

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Madame la ministre, depuis ma première mandature, soit depuis 2015, je suis continuellement interpellée par des fonctionnaires titulaires polynésiens qui émettent le vœu de rentrer servir dans leur territoire d’origine après plusieurs années d’affectation en métropole, loin de leur famille.

Convient-il rappeler que la Polynésie française se situe à 18 000 kilomètres de l’Hexagone et que toute visite de nos fonctionnaires à leur famille suppose de traverser deux océans, et ce à un coût prohibitif ?

Si des évolutions sont certes intervenues, vous conviendrez qu’il est tout à fait normal, pour un enfant du pays, d’émettre le vœu de travailler dans la collectivité dont il est originaire, dès lors qu’il y a une vacance d’emploi correspondant à son grade dans son administration déconcentrée en Polynésie.

Or force est de constater que, malgré la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite ÉROM, instituant le caractère prioritaire – je pèse mes mots – du retour en outre-mer en vertu du critère du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM), certains ministères techniques ignorent ce principe et privilégient l’affectation des fonctionnaires expatriés, au détriment de nos enfants ultramarins qui ont fait l’effort de passer les concours à l’échelon national puis de s’expatrier en métropole sans les avantages fournis uniquement dans le sens Paris-Papeete.

De tels agissements de la bureaucratie parisienne nous laissent pantois en Polynésie et méritent d’être ouvertement dénoncés.

Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour que les fonctionnaires ultramarins soient définitivement considérés comme prioritaires quant à leurs vœux de mutation à destination de leur territoire d’origine ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la sénatrice Tetuanui, comme vous le savez, depuis le début du quinquennat, le Gouvernement est entièrement mobilisé pour faire en sorte que la fonction publique soit plus représentative de l’ensemble des bassins de vie dont nous avons la responsabilité.

Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

C’est dans cet esprit que nous nous sommes engagés à faciliter, quand ils le souhaitent, le retour des fonctionnaires originaires des outre-mer dans leur territoire.

Je tiens à rappeler un principe fondamental : comme tout fonctionnaire ultramarin pour son territoire, les fonctionnaires d’origine polynésienne sont bien prioritaires pour accéder aux emplois de la fonction publique en Polynésie.

À cette fin, le critère du centre des intérêts matériels et moraux, le CIMM, que vous mentionnez, comme priorité légale d’affectation permettant le retour de nos fonctionnaires dans leur territoire d’origine, est particulièrement important. En tant que ministre de la fonction publique, je m’attache à promouvoir ce dispositif avec force auprès de nos agents publics.

Comme le prévoit la loi de 2019, je vous remettrai, dans les tout prochains jours, un rapport sur ce sujet. Nous y dressons un bilan des dispositifs mis en place depuis 2017. Celui-ci montre que cette priorité légale récente constitue une véritable accélération des possibilités de mutation pour les agents qui les sollicitent.

En effet, depuis 2017, les demandes effectuées au titre du centre des intérêts matériels et moraux aboutissent dans 28 % des cas à une affectation, soit un taux deux fois supérieur à celui des affectations attribuées au titre des autres priorités telles que la situation de handicap ou le rapprochement familial. Autrement dit, le centre des intérêts matériels et moraux est bien, dans l’application dans notre droit, la priorité des priorités.

En Polynésie spécifiquement, il apparaît que certains agents qui souhaitent revenir ne recourent pas suffisamment à ce dispositif. Je m’attache donc, avec les employeurs publics, à faire en sorte que ces agents aient bien accès à toute l’information, car, comme vous le savez, quelque 1 800 postes d’emploi sont actuellement ouverts dans les collectivités et départements d’outre-mer sur la plateforme Place de l’emploi public.

Soyez assurée, madame la sénatrice, que je continuerai d’œuvrer, avec l’ensemble de mes collègues du Gouvernement, à cet enjeu crucial qu’est l’affectation de nos agents publics dans les outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

La semaine dernière, au terme d’une séance surréaliste et d’un passage en force du Gouvernement, l’Assemblée nationale a refusé de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, dite AAH. En ayant recours au vote bloqué, vous avez empêché la tenue d’un débat légitime sur notre système de solidarité. Vous avez exprimé une nouvelle fois votre peu de considération à l’égard du Parlement, mais, surtout, à l’égard de tous ceux qui, depuis longtemps, se battent pour l’autonomie financière des personnes handicapées.

En effet, le mécanisme actuel de calcul de l’AAH est injuste. Le bénéficiaire qui est en couple se voit privé de son allocation, dès lors que les revenus communs excèdent un plafond de ressources. Il se retrouve en situation d’extrême dépendance pour les dépenses quotidiennes. Je pense aux femmes handicapées, dont les revenus sont généralement plus faibles que ceux de leur conjoint. Je pense aux personnes qui font le choix de ne pas se mettre en couple pour ne pas perdre leur allocation. Je pense à ceux qui n’ont parfois d’autre choix que de se séparer pour retrouver leur indépendance financière.

Le Sénat, le 9 mars dernier, s’est prononcé en faveur de cette mesure de justice sociale, répondant au succès d’une initiative citoyenne sur la plateforme e-pétitions, voulue par le président Gérard Larcher pour établir un contact direct avec nos concitoyens.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : allez-vous revenir sur votre position moralement regrettable, en acceptant enfin de supprimer les revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d ’ État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Gruny, je me demande bien ce qui a pu se produire entre le mois d’octobre 2018 et aujourd’hui, pour que votre groupe politique balaie d’un revers de main ses principes…

Exclamations ironiques sur des travées du groupe CRCE.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Permettez-moi de vous rappeler que, en 2018, dans ce même hémicycle, votre groupe affirmait, à propos de la déconjugalisation de l’AAH, que « la volonté de nier la situation familiale du bénéficiaire pour individualiser l’allocation participe de cette vision individualiste de l’homme et de la société qui tend vers un éclatement du lien social et une déconstruction de la famille ». Vous vous opposiez massivement, par principe, au nom des valeurs qui font la colonne vertébrale politique de votre groupe, à la déconjugalisation de l’AAH et à ses effets. Vous vous refusiez à considérer la société comme une simple addition d’individus autonomes aux intérêts propres.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Où sont donc passés ces principes de solidarité nationale et familiale, madame la sénatrice ? Considérez-vous à présent le couple comme une zone de violence permanente où les personnes en situation de handicap seraient systématiquement soumises ou sous emprise ?

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Parlons également de responsabilité budgétaire ! Vous vous érigez en permanence en garants du bon usage des deniers publics et vous passez votre temps à nous donner des leçons de gestion. §Pourtant, vous êtes prêts à ouvrir la voie à un revenu universel sans condition de ressources et à élargir par conséquent ce principe au RSA, sur le budget des départements !

Pour rappel, le coût de la déconjugalisation du RSA est chiffré à 9 milliards d’euros. Si nous l’ajoutons à celui de la déconjugalisation de l’AAH, je serais très curieuse de connaître votre stratégie budgétaire.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Sophie Cluzel

Allons-nous financer des hausses d’allocations avec les impôts des Français ? Eh bien, non ! La réforme que nous portons, c’est zéro perdant et 110 euros de plus pour 120 000 personnes en couple. Elle n’est faite d’aucune promesse vaine, car nous pourrons l’appliquer dès le 1er janvier 2022, en toute équité et justice sociale.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme Pascale Gruny. Concernant l’aspect budgétaire, quand on est dans le « quoi qu’il en coûte », je pense que, pour les personnes en situation de handicap, on ne fait pas dans le détail !

Exclamations sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Au sujet de la position de mon groupe en 2018, vous le savez, certaines personnes handicapées perdront une partie de leur allocation si l’on ne sépare pas les revenus du conjoint. Nous voulions une étude d’impact sur cette mesure. Ses résultats nous ont conduits à revoir notre position.

(Rires sur les travées du groupe RDPI.) sur les personnes en situation de handicap !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Un texte est prêt à être examiné, et nous sommes à votre disposition. Il sera l’occasion de revenir sur le sujet, et vous verrez que, grâce aux collègues issus de l’ensemble des travées, il finira par passer. Nous ne faisons pas, nous, de politique politicienne §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Monsieur le Premier ministre, madame la ministre du travail, le 9 juin dernier, je vous interrogeais sur la réforme du chômage et ses effets dévastateurs pour les plus précaires. À cette occasion, le Gouvernement affirmait qu’aucun demandeur d’emploi ne serait pénalisé par cette réforme et qu’elle se justifiait par une situation économique favorable et un marché du travail en très nette reprise.

Hier, le Conseil d’État a infirmé ces propos. Saisie par les syndicats, la juge des référés a suspendu le mode de calcul proposé par le Gouvernement et qui devait entrer en vigueur le 1er juillet prochain. La juge pointe les incertitudes économiques qui ne permettent pas la mise en place de ces nouvelles règles. Cette réforme rend moins favorable l’indemnisation du chômage des salariés qui alternent contrats courts et inactivité.

Ce nouveau contretemps pour votre réforme arrive après l’échec des négociations avec les partenaires sociaux en 2018. Malgré cet échec, vous aviez pris un décret, en juillet 2019, qui redéfinissait le régime d’assurance chômage. En novembre 2020, le Conseil d’État l’a annulé partiellement.

Vous avez pris un nouveau décret, le 30 mars 2021, qui amendait le mode de calcul. Cela a donné lieu à une nouvelle saisine par les syndicats et à une nouvelle suspension par le Conseil d’État. Quand pensez-vous abandonner ce bras de fer qui dure depuis trois ans ?

Je rappelle que, d’après l’étude d’impact menée par l’Unédic, 1 150 000 personnes constateraient une baisse moyenne de 17 % de leur allocation, dont 345 000 jeunes qui peinent à trouver un emploi stable.

Cette réforme est injuste et accentue les inégalités. Elle prévoit de faire des économies sur les chômeurs, en particulier sur les plus précaires. Nous vous le demandons à nouveau, monsieur le Premier ministre : abrogez une bonne fois pour toutes cette réforme injuste !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Madame la sénatrice Annie Le Houerou, je vous remercie de me donner une nouvelle fois l’occasion de le dire : aucun demandeur d’emploi ne verra son allocation baisser dans le cadre de la réforme. Le montant global des allocations est maintenu, et seuls les demandeurs d’emploi qui gagnent plus en étant au chômage qu’en travaillant pourront avoir, demain, une allocation plus basse, qu’au demeurant ils toucheront plus longtemps.

Je vous invite à relire la décision du Conseil d’État. Elle ne remet absolument pas en cause la réforme de l’assurance chômage. Le Conseil d’État ne retient aucun des arguments de fond soulevés par les organisations syndicales. Il nous dit que ce n’est pas le bon moment pour modifier le mode de calcul de l’allocation chômage, car, selon son analyse, la conjoncture économique serait trop incertaine.

Pour ma part, je constate que l’économie repart et que les embauches sont très dynamiques. Je pense, madame la sénatrice, que vous entendez comme moi des chefs d’entreprise qui font état de difficultés de recrutement. C’est donc maintenant qu’il faut faire évoluer les comportements sur le marché du travail et qu’il faut lutter contre la précarité.

De plus, je précise, puisque tout le monde ne semble pas l’avoir compris, que le bonus-malus entrera en vigueur dès le 1er juillet prochain pour les entreprises. Nous travaillons donc à rassurer davantage les acteurs, tant sur la situation économique que sur la dynamique de l’emploi.

Nous préciserons, dans les prochains jours, les modalités d’une mise en œuvre rapide de la réforme de l’assurance chômage. Dans l’immédiat, nous allons publier un décret pour prolonger les règles actuelles de calcul de l’allocation chômage, afin que les demandeurs d’emploi continuent d’être indemnisés après le 1er juillet.

L’ambition du Gouvernement reste inchangée : accompagner la reprise de notre économie en répondant aux besoins de recrutement des entreprises et lutter contre la précarité, notamment grâce à une mise en œuvre rapide de la réforme de l’assurance chômage.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Madame la ministre, nous n’entendons pas les mêmes échos… Vous refusez de reconnaître l’injustice de votre réforme, pointée par le Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Drexler

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

La filière bois française est dans une situation critique. Le plan de relance américain, une forte demande chinoise, et bientôt russe, dopent la demande de bois à l’échelle mondiale, avec pour effet une flambée des prix sans précédent, qui n’est pas sans conséquences pour notre pays.

Des grumes et des sciages de chênes et de résineux sont trop massivement exportés, ce qui met en péril nos ressources nationales. Les prix s’envolent, car les traders étrangers ont des moyens financiers bien supérieurs à ceux des acheteurs français.

Les professionnels de la construction bois, les charpentiers et les menuisiers de nos territoires ne peuvent plus honorer leurs commandes. Des chantiers se trouvent à l’arrêt, d’autres ne pourront démarrer comme prévu.

Face à ce phénomène, il est essentiel de trouver rapidement des leviers d’action, même si nous savons que la situation est complexe et que les marges de manœuvre sont limitées, eu égard à la réglementation européenne.

La semaine dernière, dans le cadre des débats sur la loi Climat, un amendement visant à restaurer la carte professionnelle d’exploitant forestier a été adopté par le Sénat. Nous espérons que cette mesure sera maintenue lors des débats à l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour rétablir cette situation devenue critique et pour protéger les entreprises françaises qui dépendent de ce secteur ?

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame la sénatrice Drexler, vous l’avez dit, la situation est complexe. Un certain nombre de règles, notamment communautaires, mais pas seulement, s’imposent à nous et encadrent la manière dont nous pouvons répondre aux problématiques de la filière bois.

Il y a deux difficultés, dont l’une, conjoncturelle, est liée non seulement à une reprise économique très rapide partout dans le monde, mais aussi à des comportements spéculatifs. Pour faire face aux difficultés d’approvisionnement et à l’augmentation du coût des matières premières, en particulier du bois, nous travaillons avec le comité de filière depuis le mois d’avril dernier. Il s’agit à la fois d’appeler les grands donneurs d’ordres à éviter les surstocks et d’inciter les acheteurs publics à ne pas appliquer de pénalités sur les marchés qui seraient retardés par des problèmes d’approvisionnement. C’est ce que fera l’État, et nous avons invité les collectivités qui le souhaiteraient, dans le respect de la libre administration, à le faire aussi.

Par ailleurs, nous sommes convaincus que la réponse ne doit pas seulement être conjoncturelle, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans le cadre que vous avez évoqué. Elle doit aussi être de plus long terme, ce qui exige de développer des outils très transversaux. À ce titre, vous avez évoqué les dispositions de la loi Climat qui prospéreront au cours du débat parlementaire.

Dans le cadre du plan de relance et des politiques qu’il mène, le Gouvernement a la volonté de décarboner l’économie, en particulier le secteur de la construction, et de faire la promotion de la filière bois, ce qui nécessite de structurer celle-ci. Plus précisément, dans le cadre du plan de relance, une enveloppe globale de 200 millions d’euros est consacrée à la création d’un Fonds forêt non seulement pour accompagner les propriétaires en matière de diversification et de renouvellement des parcelles, mais aussi pour accompagner la filière en matière de plantations et de graines, ou encore pour améliorer la connaissance cartographique de la forêt.

Nous irons plus loin, puisque très prochainement deux appels à manifestation d’intérêt seront ouverts : le premier portera sur la construction bois carbone et le second sur le développement des produits bois et des systèmes de construction. L’objectif est de permettre à la filière bois française de s’adapter aux réglementations environnementales en matière de construction de bâtiments neufs et de renforcer cette chaîne de valeur de la filière forêt. C’est un travail de longue haleine.

Les réponses conjoncturelles que j’ai évoquées prendront effet immédiatement, aussi compliquées soient-elles parfois à mettre en œuvre, du fait des questions réglementaires que vous avez mentionnées. Nous devons travailler les uns et les autres à structurer la filière forêt et la filière bois plus avant dans le temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Sabine Drexler, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Drexler

En ce qui concerne la forêt publique, des mesures ont été prises pour garantir l’approvisionnement de la filière française, notamment par le biais de contrats d’approvisionnement ou de ventes labellisées de chênes. Cependant, plus de 60 % des stocks de bois privés français sont vendus à des professionnels pour être exportés.

Il est capital de trouver les outils qui permettront de réguler cet approvisionnement. La France doit peser de tout son poids au niveau européen pour que des mesures de préservation de nos ressources naturelles soient mises en place, afin d’échapper à la prédation de nos ressources forestières et à ses conséquences économiques et sociales, qui pourraient bien se révéler dramatiques.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Jacquemet

Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur et concerne le financement des locaux de la gendarmerie par les communes. Certaines communes du département du Doubs nous ont interpellés mon collègue Jean-François Longeot et moi-même à ce sujet. Reste que le problème se pose aussi dans de nombreux autres départements.

La construction des gendarmeries est assurée par des organismes dédiés comme Idéha ou Soderec, qui refacturent ensuite un loyer aux communes, loyer que l’État leur rembourse en contrepartie de la jouissance des locaux.

Au début, l’opération est équilibrée, en grande partie, sinon totalement. Au fil du temps, néanmoins, ces deux loyers n’évoluent pas de la même manière. Le premier s’adosse à un indice BT01 du bâtiment, qui augmente, et le second à l’évaluation du service France Domaine, qui déprécie les immeubles et, donc, diminue les loyers de l’État au fil des années. En résumé, l’un monte quand l’autre descend.

Très rapidement, une différence apparaît entre le loyer demandé par les organismes constructeurs et le loyer versé par l’État aux communes. Le manque à gagner constaté, par exemple, dans quatre communes du département du Doubs, Bavans, Bethoncourt, Étupes et Hérimoncourt, s’échelonne de 50 000 à 183 000 euros par an, ce qui représente pour l’une de ces communes une perte de plus de 1 million d’euros sur dix ans.

Monsieur le ministre, avez-vous connaissance de cette situation ? Si oui, comment comptez-vous mettre fin à cet effet ciseaux préjudiciable aux finances des collectivités ? Pourquoi l’État ne payerait-il pas directement le loyer des gendarmeries aux promoteurs plutôt que de conserver la commune comme intermédiaire ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Madame la sénatrice, ce problème est effectivement important. Il touche en particulier la gendarmerie nationale, dont vous connaissez l’implantation territoriale dans des communes aux ressources parfois modestes.

Une caserne de gendarmerie est à la fois un lieu de service public et de logement des militaires, ce qui rend sa construction particulière. Aujourd’hui, près de 25 % des casernes appartiennent à l’État. Les autres appartiennent aux collectivités locales ou font l’objet de baux emphytéotiques administratifs. Ces BEA ont été rendus possibles par la dernière loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Cela explique que, par manque de financement public local, et aussi national, la construction de ces casernes ait donné lieu aux difficultés que vous avez mentionnées en matière d’indices. Je ne les sous-estime pas, mais, pour compléter votre propos, il faut préciser que ce système donne, à la fin, la propriété du site à la commune. Il ne faut pas l’oublier, car c’est pour cela que l’État ne verse pas directement d’argent aux promoteurs, sauf à devenir lui-même propriétaire, alors que ce n’est pas ce que souhaite, me semble-t-il, une grande partie des élus locaux.

Cependant, cette situation ne peut pas durer, pour trois raisons : premièrement, il y a les raisons financières que vous évoquez ; deuxièmement, il faut tenir compte de la responsabilité des travaux qu’il incombe de faire dans ce genre de bâtiment, puisque, par définition, le patrimoine doit être rénové, en particulier quand il s’agit du logement des familles de gendarmes à qui nous devons fournir le meilleur environnement possible ; troisièmement, comme vous l’aurez compris, nombreuses sont les communes qui ne souhaitent pas la remise en cause de ces modèles, de peur que la gendarmerie ne s’en aille. Je tiens à dire que la gendarmerie ne s’en ira d’aucune implantation territoriale.

Dans la Loppsi que je prépare à la demande du Président de la République et du Premier ministre, nous reverrons ce système de construction, en travaillant par exemple avec la Caisse des dépôts et ses filiales pour développer une solution plus intéressante pour la sphère publique. Nous réglerons également le problème des baux qui sont concernés, comme je le fais déjà dans certains cas particuliers, à la demande de certains élus. Je suis d’ailleurs à votre disposition pour renégocier ces contrats. Nous y arrivons souvent, même si, face à certaines difficultés – l’État n’a aucune espèce de doute sur ce point –, il faut payer le juste prix pour effectuer les travaux de maintenance qui s’imposent si l’on veut que les casernes de gendarmerie continuent d’accueillir les familles des gendarmes dans de bonnes conditions.

Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Jacquemet

Mme Annick Jacquemet. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour aider ces communes à retrouver un équilibre financier. Comme vous le disiez, l’implantation des gendarmeries est importante, et personne ne veut voir les gendarmes partir ailleurs. Je crois, néanmoins, qu’il faut aussi entendre le cri d’alarme des élus qui ont du mal à boucler leur budget.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 30 juin 2021, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.

La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création d’une mission d’information sur les influences étatiques extraeuropéennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences (demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants).

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mercredi 23 juin 2021

À 16 h 30, le soir et la nuit

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote sur cette déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la programmation militaire

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 20 minutes pour le groupe Les Républicains, 15 minutes pour le groupe Socialiste, écologiste et républicain, 12 minutes pour le groupe Union Centriste, 10 minutes pour les groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, Rassemblement Démocratique et Social Européen, communiste républicain citoyen et écologiste, Les Indépendants - République et Territoires et Écologiste - Solidarité et Territoires et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• 10 minutes attribuées à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et 5 minutes attribuées à la commission des finances

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 22 juin à 15 heures

En application de l ’ article 39, alinéa 6, du règlement, le vote sur cette déclaration donnera lieu à un scrutin public ordinaire et aucune explication de vote ne sera admise.

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (texte de la commission n° 667, 2020-2021)

Jeudi 24 juin 2021

À 10 h 30

- Examen d’une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qu’il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête sur les dysfonctionnements constatés dans l’organisation du premier tour des élections départementales et régionales du 20 juin 2021

- quatre conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l’échange des compétences et talents (texte de la commission n° 617, 2020-2021)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Japon, d’autre part (texte de la commission n° 687, 2020-2021)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord-cadre entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Australie, d’autre part (texte de la commission n° 689, 2020-2021)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de partenariat pour les migrations et la mobilité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde (texte de la commission n° 619, 2020-2021)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 22 juin à 15 heures

- Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la bioéthique (texte n° 677, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission spéciale.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 14 juin à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 15 juin après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 21 juin à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 23 juin matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 23 juin à 15 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (texte de la commission n° 667, 2020-2021).

À 14 h 30 et le soir

- Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur les influences étatiques extraeuropéennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences (demande du groupe RDPI)

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : jeudi 24 juin à 10 h 30

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (texte de la commission n° 667, 2020-2021).

Vendredi 25 juin 2021

À 9 h 30, 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (texte de la commission n° 667, 2020-2021).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la programmation militaire.

La parole est à M. le Premier ministre.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025, adoptée à une très large majorité en 2018, a traduit l’engagement pris par le Président de la République devant la Nation en 2017 de fixer une nouvelle ambition pour notre défense nationale et de restaurer les moyens qui lui sont affectés.

Permettez-moi d’emblée de saluer, devant la Haute Assemblée, le travail de la ministre des armées, Mme Florence Parly, qui a élaboré, puis appliqué cette loi avec la rigueur et la détermination qu’on lui connaît. Permettez-moi également de remercier Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée placée sous son autorité.

Ce texte a fait l’objet d’un important travail avec le Parlement, tant lors de sa préparation que dans le suivi de son exécution. Je voudrais saluer tout particulièrement les sénateurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat qui y ont, notamment en 2017 et 2018, activement contribué.

Le texte prévoyait que la LPM ferait l’objet d’une actualisation de façon à fixer, au-delà de 2023, la trajectoire des ressources qui devaient permettre d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République, notamment celui de porter le budget des armées à 2 % du PIB à l’horizon de 2025. Il se trouve que la crise sanitaire, ou plus exactement ses conséquences économiques et financières, a significativement bouleversé le contexte dans lequel cette actualisation était prévue.

D’une part, en raison de la récession, il se trouve que l’objectif de 2 % du PIB est déjà atteint. D’autre part, et surtout, la durée de la crise sanitaire – qui n’est, hélas ! pas complètement derrière nous – et ses conséquences économiques, dans un contexte qui reste incertain et que personne ne pouvait anticiper au moment de la préparation de la LPM, ont changé les conditions de cette actualisation et, donc, les perspectives pour 2024 et 2025, puisque tel est l’objet de ce débat.

C’est pourquoi j’ai décidé, et je l’assume, de ne pas soumettre au Parlement à ce moment précis de texte actualisant la loi de programmation militaire. L’actualisation devra bien sûr avoir lieu, et ce dès que l’horizon économique et financier se sera éclairci. En contrepartie, j’ai voulu que l’effort entrepris pour notre défense soit débattu de manière solennelle et, je l’espère, confirmé par la représentation nationale. J’ai également souhaité que le Parlement puisse délibérer de la mise en œuvre de cette programmation militaire et des inflexions éventuelles à lui donner. C’est la raison pour laquelle j’ai une nouvelle fois – mais pour la première fois, me semble-t-il, s’agissant d’un Premier ministre pour un sujet intéressant notre défense nationale – invoqué l’article 50-1 de la Constitution.

Cette loi de programmation militaire porte, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une ambition claire : permettre à la France de retrouver un modèle d’armée complet et équilibré, à la hauteur des enjeux stratégiques d’aujourd’hui et de demain. Cette ambition est d’autant plus indispensable que nous sommes désormais confrontés à un « dérèglement du monde », pour reprendre les mots du chef de l’État.

À la menace toujours présente du terrorisme, à cette menace qui relaie son obscurantisme par les réseaux de communication les plus modernes, tout en faisant appel à la technologie pour exploiter ou tenter d’exploiter les failles de nos systèmes de sécurité, à l’émiettement de la violence sans frein qu’elle provoque, s’est ajoutée la montée des appétits de certains pays en quête de puissance.

Pour construire un modèle complet et équilibré, capable de faire face aux menaces d’aujourd’hui comme à celles de demain, le Président de la République a voulu donner l’impulsion nécessaire à une transformation profonde de nos armées. C’est ce qu’a traduit la loi de programmation militaire.

Le premier objectif, le plus urgent, était d’abord de réparer les armées, dont les matériels étaient en mauvais état.

La ténacité et le professionnalisme de nos soldats, marins et aviateurs, dont l’engagement est souvent allé bien au-delà de ce que prévoyaient les contrats opérationnels, et à qui je veux une nouvelle fois rendre hommage devant vous, suffisaient de moins en moins à pallier la dégradation de leurs conditions d’intervention. Il fallait donc réparer pour rendre à nos armées les moyens de remplir durablement les missions qui sont les leurs.

Le second objectif consistait à préparer l’avenir, c’est-à-dire à anticiper, moderniser et innover, de sorte que nos forces disposent des matériels les plus performants, en nombre suffisant, et adaptés aux nouvelles menaces.

C’est avec la ferme volonté de réussir cette double opération de régénération et de modernisation que nous avons prévu une hausse historique du budget militaire. La force de nos armées et, donc, notre aptitude à rester maîtres de notre destin aux côtés de nos voisins européens et de nos alliés dépendent en effet de notre capacité à nous inscrire dans le temps long de l’histoire.

À cet effet, il convenait d’abord de disposer de budgets en conformité avec nos besoins. Dans les dix années précédant le vote de la LPM en 2018, les crédits votés en loi de finances initiale dans le cadre de la mission « Défense » étaient quasi systématiquement inférieurs à ceux qui étaient prévus, cet écart pouvant aller jusqu’à 2, 3 milliards d’euros pour une année donnée. Durant cette période, comme le Sénat l’a souvent relevé, ce ne sont pas moins de 3, 8 milliards d’euros de crédits qui ont fait l’objet d’annulations ou de régulations et pas moins de 60 000 postes qui ont été supprimés dans nos armées, si bien que notre effort de défense est progressivement passé de 2, 1 % à 1, 78 % du PIB en 2017.

C’est à cette situation qu’il convenait de mettre fin ; ce que, ensemble, nous avons fait. Le budget annuel a en effet été porté, par la volonté de l’exécutif et par votre vote, à près de 40 milliards d’euros, seuil symbolique qui devrait être dépassé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, contre environ 30 milliards d’euros en moyenne annuelle sur la période précédente.

Très concrètement, après une augmentation de 1, 8 milliard d’euros en 2018, ce sont des hausses de crédits de 1, 7 milliard d’euros qui ont été confirmées chaque année. Au total, depuis le début du quinquennat, le budget annuel des armées aura augmenté de plus de 25 %. Sur cette même période, en cumulé, le montant de ces ressources supplémentaires a atteint 27 milliards d’euros, soit plus de deux années de dépenses d’équipement, et une accélération sans précédent de l’investissement en faveur de nos armées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’appelle votre attention sur le choix politique et budgétaire que nous avons fait récemment, en 2020 et en 2021, de maintenir cette dynamique, alors même que la crise sanitaire nous a par ailleurs conduits à puiser très significativement dans nos finances publiques. Je le dis, car certains pays se sont servis de leurs dépenses militaires comme variable d’ajustement. Tel ne fut pas le cas de la France.

Aussi, je peux affirmer devant vous que les ressources et les objectifs de la programmation sont strictement respectés.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

C’est une réalité que vous me permettrez de qualifier d’historique, puisqu’il s’agit de la première LPM pour laquelle, annuellement, le montant des crédits exécutés est conforme à celui qui a été autorisé par la représentation nationale. Ce ne fut qu’exceptionnellement le cas pour les lois de programmation antérieures, comme vous le savez toutes et tous. C’est dans ce même esprit que nous préparons la loi de finances pour 2022.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que la mise en œuvre de la loi de programmation militaire ait permis d’obtenir des résultats significatifs.

Les premières mesures – vous y avez d’ailleurs contribué – ont été « à hauteur d’homme », selon l’expression consacrée. Elles ont permis d’agir sur le quotidien de celles et ceux qui choisissent le métier des armes. Ces mesures très concrètes visent en effet à améliorer leurs conditions de vie, d’entraînement et de combat.

Ainsi, nous avons investi de manière inédite dans les infrastructures, notamment pour ce qui concerne le casernement. Nous avons porté une plus grande attention aux familles et aux conditions de logement, mais aussi veillé à mieux accompagner les personnels dans leurs carrières, notamment à travers la mise en place d’une nouvelle politique de rémunération plus moderne et plus juste.

Parallèlement, nous avons accéléré la modernisation des équipements. C’est notamment le cas de notre dissuasion nucléaire, dont le renouvellement des composantes aériennes et sous-marines est désormais engagé. Je fais aussi référence bien sûr aux nouveaux véhicules blindés conçus dans le cadre du programme Scorpion, qui renforcent considérablement la puissance de feu et la protection de notre armée de terre. Je pense encore à notre marine, à qui les nouveaux sous-marins de type Suffren, les Fremm – les frégates européennes multi-missions –, et, demain, le futur porte-avions vont permettre de faire face aux nouveaux défis posés par les perturbateurs de l’ordre international en mer. Je pense à notre armée de l’air dont la flotte d’avions de chasse et de drones armés se classera au meilleur rang mondial et qui a enfin pu renouveler son parc d’avions de transport et de ravitailleurs.

Certains ont pu s’inquiéter ici même des retards qu’ils croyaient observer dans les livraisons de tel ou tel type d’équipement. Mme la ministre des armées pourra vous donner toutes les explications nécessaires, notamment les aléas qui en sont la cause. Ceux-ci sont d’une certaine façon la contrepartie d’une loi de programmation ambitieuse, qui compte des centaines de programmes différents. À l’intérieur du cadre global, certains programmes prennent de l’avance, d’autres du retard. Ces variations sont finalement le reflet d’une gestion dynamique et réactive de la programmation. L’essentiel est que nos forces disposent des équipements dont elles ont besoin au bon moment, pour pouvoir s’engager sur les théâtres d’opérations.

Par ailleurs, et c’est un élément fondamental de notre politique de défense, la modernisation de nos forces doit s’accompagner d’une autonomie stratégique renforcée et d’un effort inédit en matière de renseignement. C’est évidemment dans ce secteur que la lutte contre le terrorisme exigeait un investissement majeur. Nous l’avons consenti : entre 2019 et 2023 – permettez-moi d’anticiper –, le montant annuel moyen du budget consacré au renseignement sera d’environ 400 millions d’euros, contre 260 millions d’euros en moyenne sur la période 2014-2018.

Nos services de renseignement verront leurs effectifs augmenter, puisque 25 % des créations de postes prévues par la LPM leur sont consacrées. De nouvelles capacités seront développées, en particulier pour intercepter les communications des groupes terroristes. En outre, le fonctionnement de nos services sera modernisé : la construction du nouveau siège de la DGSE, tout récemment confirmée par le Président de la République, en est une illustration emblématique.

Il en va de même s’agissant du domaine cyber. La loi de programmation militaire prévoit de consacrer 1, 6 milliard d’euros à la consolidation de l’autonomie stratégique de la France. L’accroissement du nombre de cybercombattants traduit notre volonté d’investir ce nouvel espace de conflictualité. Nous visons un objectif de plus de 4 000 au terme de la période couverte par la LPM. Le ministère dispose d’ores et déjà de 3 000 cybercombattants. Un pôle cyber des armées sera créé pour concentrer les expertises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouvel élan donné à notre défense va évidemment de pair avec la volonté de la France d’amplifier la relance de l’Europe de la défense. L’Union européenne a ainsi fait du Fonds européen de défense une réalité tangible, avec un premier budget qui atteint 8 milliards d’euros courants. L’Union investit désormais directement dans les capacités militaires, ce qui constitue une avancée majeure dans sa prise en compte des enjeux de défense.

Il en va de même de la Facilité européenne de paix, qui, soutenue par la France et approuvée par le Conseil européen le 22 mars dernier, a été dotée d’un budget à hauteur de 5 milliards d’euros : ce fonds témoigne de l’engagement collectif des pays de l’Union européenne à s’engager pour la paix et la stabilité internationales. Notre pays a donc joué un rôle moteur pour que des projets ambitieux soient lancés dans le cadre de la coopération structurée permanente, qui a donné lieu à la validation de quarante-six projets auxquels participent vingt-cinq pays.

Avec nos partenaires européens, nous avons aussi lancé des programmes d’équipements stratégiques. Je pense en particulier au système de combat aérien du futur, qui associe la France, l’Allemagne et l’Espagne. Ce programme ambitieux, qui combinera avions de chasse et drones d’accompagnement, donnera à nos pays et, plus largement, à l’Europe un avantage stratégique pour la maîtrise du ciel et les missions dans la troisième dimension.

Dans le champ opérationnel, l’Initiative européenne d’intervention constitue un cadre souple pour réunir les nations qui veulent agir ensemble. Elle est en train de s’imposer comme une instance reconnue d’interopérabilité stratégique.

Pour en revenir à la France, je veux insister devant vous sur les impacts de la loi de programmation militaire en termes de relance, d’industrie et d’emploi.

Dans le cadre de la première partie de cette loi, sur cinq ans – entre 2019 et 2023 –, pas moins de 110 milliards d’euros auront été injectés dans l’économie pour les équipements, les infrastructures, ainsi que pour le maintien en condition opérationnelle. Ces crédits viennent soutenir fortement notre économie.

Sur les exercices 2021 et 2022, qui correspondent à la période du plan de relance, ce sont 40 milliards d’euros qui seront investis dans nos entreprises et nos territoires, notamment à travers le plan de soutien aéronautique. Il faut ajouter à ces montants ceux qui sont liés à nos exportations d’armement, grâce auxquelles, entre 2018 et 2020, plus de 21 milliards d’euros de commandes ont contribué au dynamisme de nos régions. Comment ne pas insister devant vous sur les succès du Rafale à l’export, notamment avec les ventes récentes à la Grèce, à l’Égypte et à la Croatie, qui irriguent tout le tissu industriel de l’aéronautique de défense ?

Ces investissements sont ciblés pour conjuguer efficacité économique et pertinence opérationnelle. Je voudrais saluer ici les efforts menés par la direction générale de l’armement pour soutenir l’écosystème des industries de défense, si important pour notre souveraineté industrielle, avec une attention toute particulière portée aux petites et moyennes entreprises.

Au total, les investissements prévus dans le cadre de la LPM vont contribuer à créer environ 25 000 emplois directs supplémentaires d’ici à 2022 et jusqu’à 70 000 à l’horizon de 2025. La seule industrie de défense représente près de 200 000 emplois de haut niveau, répartis dans toutes les régions – j’y insiste devant la chambre des territoires.

Je rappelle également que notre armée est le premier service recruteur de l’État. Elle ouvre chaque année à des dizaines de milliers de jeunes le chemin de la compétence, de l’épanouissement et de la méritocratie républicaine. Enfin, comme vous le savez, elle reste implantée en de nombreux endroits de notre territoire national.

Les objectifs visés par la loi de programmation militaire ont donc été pleinement respectés. Je tiens devant vous à saluer l’action, sous l’autorité de la ministre, du chef d’état-major des armées, du délégué général pour l’armement et de la secrétaire générale pour l’administration du ministère des armées : ils ont tous joué un rôle décisif dans la mise en œuvre de ce texte. Permettez-moi, dans cette circonstance particulière, de réserver une mention spéciale au général François Lecointre, qui vit les moments ultimes de sa carrière militaire.

Applaudissements.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

L’évolution du contexte stratégique est venue confirmer la pertinence des priorités données à la loi de programmation militaire.

Depuis 2018, la prolifération des armes nucléaires suscite à nouveau une inquiétude majeure. Les actes hostiles se sont multipliés dans les airs et sur les mers, par exemple en Méditerranée ou en mer de Chine. Certaines puissances régionales ont pris des positions stratégiques sans égard pour le droit international.

Quant à la menace terroriste, je l’ai déjà évoquée, elle s’est diversifiée et développée. Les dispositions figurant dans la loi de programmation militaire doivent nous permettre de relever ces défis.

Comme vous le savez, face à de nouvelles menaces, nous avons d’ores et déjà procédé à des inflexions, par exemple – je veux y insister devant le Sénat – en renforçant notre action dans le domaine spatial. La création d’un commandement interarmées dédié, l’effort que nous faisons pour pouvoir opérer dans l’espace, pour y surveiller nos adversaires, pour protéger nos satellites s’inscrivent dans cette projection déterminée vers un avenir qui ne peut se permettre de dupliquer ce qui existe déjà. Le budget d’équipement consacré à l’espace a ainsi été quasiment doublé depuis 2017.

Les crises récentes et les leçons que notre pays a su en tirer ont conduit à des ajustements qui permettent désormais de détecter les menaces et de nous rendre plus résilients. C’est tout le sens des efforts que nous déployons pour accroître nos capacités opérationnelles, notamment dans les domaines prioritaires que sont le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique, mais aussi la santé, la lutte anti-drones et la lutte informationnelle.

Nos forces, qui s’adaptent sans cesse aux menaces, sont fortement mobilisées, notamment pour lutter contre le terrorisme, tant dans le cadre d’opérations extérieures, au Sahel ou au Levant par exemple, que sur le territoire national, en particulier dans le cadre de l’opération Sentinelle, qui est active depuis 2015 et que nous devons maintenir encore aujourd’hui. Mais cette menace, comme la situation géopolitique du reste, évolue. C’est pourquoi nous cherchons simultanément à ajuster la programmation militaire et à adapter nos engagements en fonction du contexte stratégique.

Ne pas s’adapter en permanence au terrain comme aux circonstances revient évidemment à prendre un risque majeur. Cette règle, aussi ancienne que l’art de la guerre, est toujours d’actualité. C’est évidemment la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé la transformation de notre dispositif au Sahel. Le passage d’une logique propre aux opérations extérieures à celle d’un dispositif de coopération accrue avec les pays du G5 Sahel doit nous permettre de faire encore mieux face aux défis de cette région.

Ainsi, grâce à la force européenne Takuba, nous continuerons à lutter contre les groupes terroristes et accompagnerons nos partenaires du Sahel. Cette force est tout à fait inédite : pour la première fois, des pays européens s’engagent ensemble, mais de manière autonome, dans des actions de combat. Nos partenaires et alliés ont ainsi compris à quel point la stabilité de cette région du monde conditionnait la sécurité du continent européen. Je voudrais, à cette tribune, leur rendre une nouvelle fois un hommage solennel.

Cette évolution marque une étape significative dans notre engagement au Sahel. Le Gouvernement proposera au Parlement un débat spécifique sur le sujet.

Je veux rendre hommage à nos soldats, marins et aviateurs engagés en opérations extérieures. Alors qu’une attaque au véhicule suicide vient de blesser six de nos soldats, en même temps que quatre civils maliens, j’ai à l’esprit, en cet instant, tous ceux qui ont payé leur engagement au prix du sang. Nous leur en serons éternellement reconnaissants, car la France n’oublie jamais celles et ceux qui sont tombés pour défendre notre liberté et notre souveraineté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à l’effort historique réalisé sous l’impulsion du Président de la République, nos armées ont pu être dotées de ressources à la hauteur de leurs missions et engager leur reconstruction et leur modernisation. Cet effort engage évidemment la Nation tout entière et, comme je l’ai dit et illustré, il mobilise des ressources financières considérables. Cet effort, nous vous proposons de le poursuivre sans relâche ; de le poursuivre pour que notre pays puisse assurer sa défense et faire face aux défis qui viennent ; de le poursuivre, parce que sa longue histoire a appris à notre pays, de génération en génération, le caractère redoutable de ces défis.

Je considère que ce travail ne peut être conduit qu’en accord avec le Parlement. Je vous le dis au moment où j’apprends que le Bundestag a voté en faveur du SCAF, auquel je faisais référence précédemment.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Aussi, la ministre et moi-même sommes particulièrement à l’écoute de vos contributions, analyses et propositions que ce débat permettra de mettre en exergue. À l’issue de ce débat, je vous demanderai par votre vote de renouveler l’engagement que nous avons pris en 2018 et de confirmer ainsi notre ambition collective, en matière tant de défense que de moyens concrets, significativement renforcés, que nous affectons à nos forces armées et à nos soldats grâce à cette loi de programmation militaire. C’est une question de sécurité, c’est une question de souveraineté, c’est une question qui fonde le rayonnement de la France dans le monde !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je veux à mon tour, et au nom de tous nos collègues, avoir une pensée pour nos forces armées, singulièrement pour nos forces engagées en OPEX, qui payent un lourd tribut – les six blessés que vous avez évoqués, monsieur le Premier ministre, en témoignent. C’est aussi et surtout pour eux que le Sénat se bat.

Madame la ministre des armées, il y a trois ans, vous déclariez dans cet hémicycle : « Le Gouvernement ne souhaite pas se soustraire à une évaluation qui interviendra à un moment où la majorité et le chef de l’État seront toujours aux responsabilités. » Vous affirmiez ainsi, avec beaucoup de sincérité, que le Gouvernement assumerait l’évaluation de la LPM devant le Parlement.

Force est de constater que cette actualisation promise devant le Sénat et inscrite dans la loi elle-même ne s’est pas franchement concrétisée devant le Parlement. Croyez bien que nous le déplorons. Est-ce parce que les circonstances ont changé ? Oui, les circonstances ont changé, mais dans un sens défavorable, avec la montée des menaces, la crise du covid-19 et la pression toujours plus forte sur nos finances publiques ! C’est précisément pour cela qu’il fallait une loi.

Cette programmation militaire, que le Sénat a soutenue à une immense majorité – 326 voix pour, 14 voix contre –, nécessitait et nécessite toujours d’être actualisée. Ce que nous contestons, c’est la méthode qui a été employée.

Je vous le dis très simplement, monsieur le Premier ministre : alors que, jusqu’à présent, sur trois exercices budgétaires, vous avez respecté l’engagement de la loi de programmation militaire – je vous en donne acte –, notre commission n’a pas vraiment compris cette décision d’ignorer l’application de l’article 7. Elle nous déçoit, compte tenu de la confiance que nous avions placée dans le Gouvernement.

On ne trouvera pas plus de cohérence à cette décision en se référant aux orientations données par le Président de la République. J’ai assisté, à Brest, aux vœux qu’il a adressés aux forces armées ; je l’ai entendu saluer « le rôle essentiel de nos parlementaires qui, chaque année, veillent à la bonne exécution de la loi, protégeant nos propres engagements et notre capacité à affronter les défis de demain ». Au reste, à chaque exercice budgétaire, le Sénat a voté le budget des armées. Faire respecter les engagements pris et affirmer notre capacité à faire face aux menaces de demain, c’est bien cela l’objectif du Sénat !

Puisque le Gouvernement nous a refusé cette loi d’actualisation promise, nous avons dû mener, trois ans après le vote de la LPM, notre propre travail d’analyse du périmètre d’actualisation. Ce travail de six mois, que j’ai mené au nom de la commission, avec Jean-Marc Todeschini, a été réalisé grâce au soutien déterminé de nos huit rapporteurs budgétaires pour avis. Je veux ici solennellement les remercier, d’autant qu’ils ont travaillé dans des conditions difficiles, se heurtant souvent à un refus de communiquer un certain nombre d’informations. Or ce travail collectif a abouti à des conclusions importantes.

Sur la forme, les enjeux de cette actualisation ne permettent pas, à l’évidence, de traiter cette dernière au cours d’un débat de deux heures, pas plus que lors d’auditions en commission.

Sur le fond, la loi d’actualisation de la LPM, ce sont des chiffres et des tableaux, c’est la possibilité de creuser certains sujets, d’établir des priorités, d’identifier les retards, les redéploiements et les surcoûts et, donc, les économies à réaliser en fonction de ces priorités. In fine, c’est la possibilité d’amender le projet du Gouvernement…

Je vous écoutais avec attention dresser ce bilan, certes élogieux, mais regardons l’avenir : vous ne proposez rien de tout cela, alors que c’est la norme démocratique dans tous les parlements et que vous l’aviez promis au Parlement, à nos armées et aux Français. Alors, de quoi parlons-nous ou, plutôt, de quoi aurions-nous dû parler ?

Le Gouvernement a affirmé que la loi ne se justifiait pas, puisque, finalement, l’actualisation était modeste, portant sur 1 milliard d’euros sur l’ensemble de la LPM. Pourtant, bien des éléments nouveaux sont survenus ces trois dernières années : l’irruption de nouvelles menaces, la cyberdéfense, l’espace, la nécessité d’accroître notre capacité en matière de renseignement, les retards des industriels, les conséquences de la vente des Rafale prélevés sur nos propres forces, le coût de la propulsion nucléaire du futur porte-avions de nouvelle génération, le coût des études, la commande non prévue d’une frégate de défense et d’intervention supplémentaire et, bien sûr, l’impact de la covid-19.

C’est pourquoi, de notre point de vue, la réalité est tout autre : alors que nous n’en sommes même pas à la moitié de la LPM, nous avons chiffré le périmètre d’actualisation à 8, 6 milliards d’euros. C’est huit fois plus que ce qui avait été annoncé ! Croyez-moi, il ne s’agit pas d’un travail de « petit comptable », comme vos amis de l’Assemblée nationale se sont permis de l’affirmer hier.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Ce n’était pas très aimable pour notre assemblée, mais passons…

Pourtant, nous avions fait le choix de retenir une estimation très prudente. Il faudrait y ajouter les chiffres que le ministère des armées ne nous a pas communiqués sur les sommes nécessaires, d’ici à 2025, pour la préparation opérationnelle et l’adaptation à la haute intensité.

La conséquence, c’est la révision à la baisse de nombreux programmes. C’est de cela qu’il fallait nous parler, monsieur le Premier ministre ! Vous auriez dû évoquer la baisse du système de lutte anti-mines du futur et le fait que le bâtiment hydrographique ne sera pas livré durant cette LPM, alors même qu’il s’agit de remplacer des bâtiments qui datent de 1980. De même, vous auriez dû mentionner le programme Scorpion, dont l’accélération était l’un des éléments mis en valeur pour cette LPM. Lui aussi prend du retard : 27 Griffon de moins que prévu seront livrés en 2025. Qu’en sera-t-il des Jaguar ? Et quid de la modernisation du char Leclerc, dont la pérennité dans nos forces armées est aujourd’hui en question ?

Quant à la régénération des véhicules blindés légers, notre commission ne cesse de vous alerter : ce sont 123 véhicules qui manqueront en 2025 !

Il y a également les forces spéciales : dans le contexte que nous connaissons au Sahel, comment expliquer que 51 véhicules légers des forces spéciales manquent et que le nombre de poids lourds ait été réduit de moitié, alors même qu’ils sont si importants ? C’est vrai, c’est un travail de comptable…

Enfin, il y a le sujet majeur des Rafale. Contrairement à ce que le Gouvernement a affirmé, la cible de 129 Rafale en 2025 ne sera pas atteinte : elle a été revue à 117 Rafale en raison du prélèvement des 12 appareils du contrat croate. Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous devant le Sénat que ces 12 appareils seront bien remplacés ? Quand le seront-ils ?

Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Au-delà de ces grands programmes, d’autres sujets méritaient tout autant un examen attentif par le Parlement. C’est le cas du service de santé des armées ; voilà longtemps que nous alertons sur la centaine de médecins qui manque à ce service. Malheureusement, nos travaux ont révélé une aggravation de la situation : le déficit de 97 postes en 2020 est passé à 136 postes en 2021, en pleine crise du covid-19 !

Enfin, l’annonce de la fin de l’opération Barkhane, sans plus de précisions à ce jour, est évidemment un élément majeur de toute programmation militaire. Là encore, nous avons appris cela par voie de presse. Lorsque le Sénat avait organisé un débat sur l’opération Barkhane en février dernier, jamais le Gouvernement n’avait évoqué la fin de l’opération comme une option possible.

Rappelons que le surcoût des OPEX a déjà coûté 600 millions d’euros au budget de la défense pour les seules années 2019 et 2020. Or le Sénat, dans la LPM, avait fait voter le principe d’une prise en charge interministérielle de ce surcoût. Le Gouvernement a totalement ignoré cette disposition – nous le regrettons.

Quelle sera la conséquence de la fin de l’opération Barkhane sur les crédits des armées ? Faut-il espérer un coût moindre ? Faut-il redouter à court terme un surcoût lié au démantèlement de certaines installations ? Sur ces questions, vous avez annoncé un débat ; il intervient bien tard, mais je le prends comme un signe d’espérance.

En fait, on voit bien que, vu l’ampleur des sommes en jeu et la gravité des sujets, une loi d’actualisation était indispensable. Alors, monsieur le Premier ministre, pourquoi y avez-vous renoncé ? Vous nous répondez : on ne connaît pas le PIB à l’horizon de 2025. Permettez-moi de vous le dire, c’est à la fois trompeur et inquiétant.

C’est trompeur, car, le fond du sujet, ce n’est pas un pourcentage de PIB, lequel varie actuellement de manière très sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Le fond du sujet, c’est le montant des crédits nécessaires pour faire face aux besoins de l’Ambition 2030 du Président de la République. Le niveau des crédits est connu, nous l’avons discuté en 2018 : c’est une enveloppe globale de 295 milliards d’euros sur sept ans.

C’est aussi inquiétant : en refusant de confirmer la trajectoire financière, vous faites quelque part planer le doute sur la programmation. Si cette enveloppe n’est pas tenue, c’est l’ensemble de la LPM qui risque d’être fragilisée – d’autres LPM en ont été l’illustration.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le Premier ministre, les sénatrices et les sénateurs qui sont devant vous sont tous des élus de terrain. Nous savons bien quelle est la situation de nos finances publiques et de notre économie au sortir de la crise du covid-19. Oui, cet objectif de 295 milliards d’euros est difficile à tenir, mais il est indispensable : il y va de la sécurité des Français ! Or, pour que nos compatriotes acceptent de fournir cet effort, encore faut-il qu’ils aient conscience des enjeux et des choix à faire. Cette validation des choix ne peut prendre qu’une forme en démocratie : le vote de la loi par le Parlement.

Alors, monsieur le Premier ministre, parlons de la suite. Hier, vous avez proposé une nouvelle méthode. De toute évidence, ce débat ne peut servir d’actualisation de la LPM. En revanche, il pourrait être le début du travail qui aurait pu avoir lieu entre le Gouvernement et le Parlement.

Nous sommes capables de tout entendre, de tout comprendre. C’est le non-respect par le Gouvernement de l’article 7 de la LPM qui a tout déclenché. Votre déclaration d’aujourd’hui sera jugée à l’épreuve des faits.

Il revient à chaque groupe de s’exprimer, mais écoutez bien ceci : le Sénat est une institution de la République dont la mission, quoi qu’il en coûte, est de contrôler l’action du Gouvernement. Sur la défense et les forces armées, le soutien du Sénat ne vous a jamais manqué. Alors, à votre tour, donnez-nous des preuves de votre respect pour le Sénat !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Joël Guerriau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en venons aux orateurs des groupes politiques.

Dans le débat, la parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile d’intervenir après le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

« Les Nations ne peuvent pas avoir de tranquillité sans une armée ; pas d’armée, sans une solde ; pas de solde sans des impôts. » Tacite rappelait ainsi que la sécurité a un coût, auquel il est dangereux d’échapper.

Après le démantèlement de l’Union soviétique, certains ont cru à un désarmement progressif, pensant qu’il suffirait d’engranger les dividendes de la paix en se plaçant sous le parapluie militaire américain. En France, nos armées ont trop souvent été la variable d’ajustement des politiques publiques. C’est ainsi que le budget de la défense est passé de 2, 30 % du PIB en 2007 à 1, 79 % en 2016. Or nos armées ont été constamment actives, tant sur la scène internationale qu’à l’intérieur de notre territoire.

Nous voulons leur rendre hommage. Nos soldats, qui sacrifient jusqu’à leur vie pour la défense de la France, dont certains ont été récemment blessés au Mali, doivent avoir des moyens adaptés à leur mission. À cet égard, la loi de programmation militaire votée en 2018 marque un tournant que nous saluons ; à compter de cette date, la France s’est engagée à inverser la tendance et à renforcer ses capacités de défense.

Cette remise à niveau s’appuie notamment sur une analyse exprimée dans la Revue stratégique, selon laquelle le monde dans lequel nous vivons devient plus instable et plus dangereux. La révision de cette analyse, au début de l’année, a été l’occasion de constater que les tendances envisagées en 2017 se confirment et qu’elles sont même en train de se réaliser plus vite que prévu.

La France reste une cible privilégiée des djihadistes, en raison de ses valeurs et de son action en faveur de la liberté. Le retour des talibans en Afghanistan, accompagné par le retrait des troupes américaines, laisse craindre l’émergence d’un sanctuaire djihadiste. Au Sahel, territoire cinq fois plus étendu que l’Afghanistan, les islamistes gagnent du terrain.

Notre armée doit également faire face à la menace grandissante exercée par des États qui emploient des stratégies hybrides à notre encontre. Ces derniers ont engagé un travail de sape de l’ordre mondial. Ils procèdent à des coups de force dès qu’ils le peuvent ; nous l’avons vu en Géorgie, en Ukraine, au Haut-Karabagh, en Méditerranée orientale, en Libye, au Venezuela ou encore en Syrie. Le plus souvent accomplies en zones grises, leurs actions franchissent parfois des lignes rouges : ce fut le cas avec l’emploi d’armes chimiques en Syrie, mais aussi lors d’assassinats au Royaume-Uni ou en Malaisie.

La communauté internationale ainsi que les Occidentaux n’ont pas toujours su apporter les réponses adéquates à ces agressions. Et pour cause, les stratégies hybrides ont précisément pour objet d’être difficiles à attribuer et de se situer sous le seuil de déclenchement de riposte des pays ciblés. Ces États cherchent à affaiblir nos démocraties au moyen de stratégies indirectes ; ils manipulent l’information et tentent d’influencer nos élections. Nous devons nous donner les moyens de relever ce défi dans le cadre de l’actualisation de cette LPM.

Ces agressions interviennent alors que les États-Unis ne consacrent plus autant d’attention à l’Europe. En effet, cela fait maintenant près de dix ans que le pivot américain vers l’Asie a été amorcé. Après une période de « mort cérébrale », le dernier sommet de l’OTAN a laissé espérer le retour des Américains auprès de leurs alliés. Il a surtout permis de confirmer que Pékin est la priorité numéro un de Washington.

Dans cette perspective, il est indispensable que les Européens deviennent plus résilients. L’Union européenne est cependant encore loin de pouvoir assurer la défense de ses peuples. La France doit donc absolument adapter son modèle et se préparer à un conflit de haute intensité.

En 2018, au-delà des clivages politiques, une très large majorité de sénateurs a soutenu l’adoption de la LPM. Nous sommes tous convaincus de la nécessité de donner à nos soldats les moyens d’accomplir les missions qui leur sont confiées. Depuis 2019, et jusqu’en 2025, la France doit consacrer 295 milliards d’euros à sa défense ; les efforts doivent aller croissant.

Nous sommes déçus par le fait que l’actualisation de 2021 ne se fasse pas par l’intermédiaire d’une loi. D’abord, parce que nous avons toujours eu à cœur de contribuer au mieux à la définition des efforts consentis par la Nation au profit de nos soldats, qui savent pouvoir compter sur notre entier soutien. Ensuite, parce que le parallélisme des formes imposerait que le Parlement actualise les lois de programmation qu’il a lui-même votées.

Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes félicité de la vente de Rafale à la Grèce, à l’Égypte et à la Croatie. Or le remplacement à neuf de ces avions représente un surcoût et un délai de livraison pour notre armée de l’air. L’incendie du sous-marin nucléaire d’attaque Perle implique quant à lui un lourd prélèvement budgétaire. Le coût des OPEX, qui devait être pris en considération dans un cadre interministériel, et d’autres aspects cités par le président Christian Cambon conduisent à des dérapages budgétaires évidents nécessitant des arbitrages, qui méritent donc que le Parlement puisse jouer pleinement son rôle.

La sécurité de nos soldats est prioritaire. Il ne faudrait pas que les petits équipements, notamment la rénovation des véhicules blindés légers, puissent être une variable d’ajustement.

L’année 2020 a été une année de bouleversements dont nous subissons encore aujourd’hui les effets. La pandémie a contracté le PIB de manière significative, entraînant mécaniquement l’atteinte de l’objectif de 2 % consacré à la défense. Aucun parlementaire n’ignore que des choix délicats doivent être faits. L’existence de surcoûts et l’émergence de nouvelles priorités opérationnelles rendent les évolutions incontournables dans un contexte incertain.

Vous l’avez rappelé, cette crise intervient à la fin du quinquennat. Le prochain Président de la République devra prendre des décisions dans un contexte que nous ne connaissons pas encore. Il devra notamment assurer la relance de l’économie, sans quoi rien n’est possible. Le chemin de crête est extrêmement étroit, car la relance ne doit pas oblitérer les autres priorités de notre pays, surtout en matière de défense.

Or une grande partie des efforts de la LPM portent sur les dernières années de la programmation : 48 % du budget prévu par la loi de programmation militaire concerne le prochain quinquennat. Des arbitrages devront donc être décidés. Comme il s’agit d’arbitrages éminemment politiques, nous aurions souhaité que l’exécutif décide non pas seul, mais de concert avec la représentation nationale, comme ce fut le cas en 2015 pour la précédente LPM. À l’heure où le monde se réarme, tout retard peut mettre en danger la France et faire courir le risque de son déclassement.

Vous avez indiqué, monsieur le Premier ministre, plusieurs domaines prioritaires que nous approuvons : le renseignement, le cyberespace et le domaine spatial. Vous nous avez également invités à faire des propositions. À ce titre, je souhaiterais insister sur un sujet de première importance, alors que nous cumulons des retards.

À l’échelle planétaire, la France est tenue d’exercer sa souveraineté sur 11 millions de kilomètres carrés d’océan. Les moyens que nous y consacrons sont-ils à la hauteur de ce défi ? Sommes-nous réellement en mesure de contrôler et de protéger nos intérêts ?

Les Chinois et les Russes déploient des moyens considérables en mer. Or vous avez décidé de reporter d’un an le programme CHOF de renouvellement de la flotte hydrographique et océanographique. N’est-ce pas là un paradoxe ? Nous devrions au contraire accélérer la mise en œuvre de ce programme. Je pense sincèrement que vous devriez revenir sur cette orientation. Il s’agit d’un enjeu majeur pour notre nation. Nous sommes en train d’accumuler un retard préoccupant au sujet des fonds marins. Le budget que nous consacrons à ce sujet est beaucoup trop faible eu égard à l’importance des enjeux.

Vous ajoutez à la LPM une enveloppe de 40 millions d’euros, qui permettra de développer le prototype d’un robot sous-marin. Ainsi, nous commencerions à nous doter d’une capacité d’investigation à grande profondeur à la fin de l’année 2022. Dans le cadre d’une actualisation de plusieurs milliards d’euros, et alors que d’autres nations en sont déjà à des déploiements opérationnels, ce montant est insuffisant. Plusieurs grandes puissances consacrent des moyens significatifs afin de prendre le contrôle des câbles sous-marins. En maîtrisant nos communications, nous protégeons nos intérêts économiques. Dans ce domaine, ne répétons pas les erreurs du passé ; je pense en particulier aux drones.

Je souhaite appeler votre attention sur un autre sujet : la surveillance aérienne dans la zone Indo-Pacifique. Alors que la marine attendait douze Falcon 2000, elle ne recevra finalement que six de ces appareils lors de l’exécution de la présente LPM – la livraison des six autres appareils est reportée à la prochaine loi de programmation. Dans cette vaste région du monde où les capacités militaires d’autres nations ne cessent de croître, un arbitrage à la baisse risque de nous être lourdement préjudiciable.

En résumé, nous souhaitons que le ministère des armées soit conforté. Comme je le disais en introduction, notre sécurité a un prix ; la Nation, dans son entier, doit l’assumer. Tous les sénateurs de mon groupe soutiennent notre armée et les objectifs de la LPM. Néanmoins, certains s’abstiendront en raison de l’absence d’actualisation par une loi.

Applaudissements sur des travées des groupes UC et RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, je veux à mon tour apporter mon soutien à nos soldats encore durement éprouvés.

Il y a trois ans, lors de l’adaptation de la loi de programmation militaire pour 2019-2025, le groupe écologiste n’existait pas au Sénat ; il n’a donc pas pu se prononcer sur les orientations de ce texte. Aujourd’hui, ce débat nous donne l’occasion de nous exprimer : nous la saisissons volontiers, non sans amertume, car nous constatons qu’à rebours des engagements pris en 2018 par le Gouvernement, inscrits noir sur blanc à l’article 7 de cette loi, ce débat n’est, hélas ! qu’un ersatz du véritable contrôle parlementaire que nous devrions exercer.

Sur ce point, je ne m’étendrai pas trop, mes chers collègues, car si nos visions de l’appareil militaire divergent, nous partageons aujourd’hui cette amertume, cette incompréhension, voire cette colère face aux manquements du Gouvernement. En effet, lorsque ce dernier a présenté il y a trois ans une programmation militaire très ambitieuse – j’y reviendrai –, le Parlement a fait le choix de soutenir cet effort budgétaire exceptionnel, sous la condition d’un contrôle renforcé et d’une exigence de transparence, et ce notamment en cas d’adaptation de la LMP au contexte sécuritaire et économique.

Depuis 2018, l’évolution du contexte international n’a rien eu d’un long fleuve tranquille. Nous avons connu une pandémie, une crise économique mondiale, des changements majeurs dans notre engagement au Sahel, l’accélération des développements technologiques, la réapparition de conflits armés ouverts dans le Caucase et au Proche-Orient et l’accroissement des tensions à l’échelle mondiale. Comment croire que de tels bouleversements n’affectent pas profondément nos orientations stratégiques ?

En toute cohérence avec les évolutions du contexte international, les ajustements de la programmation militaire sont nombreux. Dès lors, pourquoi insister sur la mise en œuvre « à l’euro près » de cette programmation, selon les éléments de langage ministériels ? Nous savons pourtant, grâce à un travail important de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, que je tiens à saluer, que cette trajectoire budgétaire n’est respectée qu’en apparence. Ainsi, les calculs de la commission permettent d’affirmer que le périmètre budgétaire d’actualisation, qui aurait dû faire l’objet d’un examen parlementaire, serait non pas de 1 milliard d’euros, comme annoncé, mais de 8, 6 milliards d’euros. Sur cette enveloppe considérable, le Parlement, hélas ! ne se prononcera pas. Cette mise à l’écart est inacceptable.

De surcroît, nous sommes très inquiets des arbitrages qui seront faits ou qui ont déjà été décidés. Le renforcement de l’effort en faveur de certains programmes indispensables – programme spatial et programme numérique – ou plus discutables – propulsion nucléaire du futur porte-avions et cession de Rafale à la Croatie et la Grèce – pénalise d’autres programmes pourtant prioritaires, affectés par des économies et des reports.

Dans un premier temps, nous alertons le Gouvernement sur la fragilisation des programmes qui touchent directement les conditions de vie et de travail du personnel de nos armées, programmes qui avaient permis de dire de cette LPM qu’elle était « à hauteur d’homme ». Certes, nous saluons l’ajustement de 240 millions d’euros fait en faveur du plan Famille en 2019 et en 2020, mais, en parallèle, un nombre important de programmes qui touchent directement la protection, la sécurité et le bien-être de nos soldats, notamment ceux qui sont engagés en OPEX, ont fait l’objet de renoncements. J’en veux pour preuve l’abandon de 123 véhicules blindés légers par rapport à l’objectif initial. Du fait de leur mission de reconnaissance et de liaison en OPEX, ces véhicules sont très exposés aux mines et aux engins explosifs improvisés. Leur rénovation est donc essentielle pour la protection de nos soldats. Les objectifs relatifs au parc de véhicules blindés multi-rôles, comme le Griffon – eux aussi assurent la sécurité des soldats en OPEX –, déplorent également le manque de 27 véhicules.

D’autres aspects de la vie de nos forces armées, et pas des moindres, restent encore délaissés. L’effort en faveur du service de santé des armées semble trop faible alors que les départs de médecins des forces, dus notamment au manque de moyens et à la sursollicitation, sont nombreux.

Ce déficit de médecins compromet le suivi psychologique de nos soldats, lesquels sont pourtant particulièrement exposés aux traumatismes et à d’autres blessures psychiques. À ce sujet, nous nous interrogeons sur les effets qu’aura le dispositif Athos, expérimenté cette année. Pour ces personnels, comme pour l’ensemble du corps médical des forces armées, on se demande encore par quels moyens le ministère entend lutter contre le turnover.

En 2020, le rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire confirmait que le nombre de départs dans les forces armées restait particulièrement élevé. Nos soldats ne sont pas épargnés ; ils quittent les armées notamment en raison de logements inadaptés à leurs besoins, ou simplement défaillants. Le groupe écologiste soutient donc des efforts plus importants en faveur des infrastructures, des équipements et des services essentiels aux conditions de vie et de travail de nos forces armées, ainsi que du personnel de santé.

En second lieu, nous formons le vœu que les programmes faisant l’objet d’une coopération européenne, comme le système de lutte anti-mines du futur (Slamf), ne soient pas sujets à des reports, à l’heure où la construction de l’Europe de la défense est un enjeu crucial. Alors que le Président de la République n’a que ce mot à la bouche, il est essentiel que, pour une fois, les actes suivent les paroles.

En effet, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires considèrent que le maintien à long terme d’un modèle d’armée complet est insoutenable pour une puissance moyenne comme la France, en particulier quand le spectre opérationnel s’élargit à de nouveaux espaces de conflictualité comme le numérique ou le spatial – vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre.

Dans l’équilibre actuel des grandes puissances mondiales, nous devons penser à l’échelle continentale. Une coopération systématique entre les armées européennes permettrait à la France, en allant au bout du pari de l’interdépendance communautaire européenne, de dépasser l’idée selon laquelle nous pourrions prolonger indéfiniment ce coûteux modèle.

C’est précisément ce que nous enseignent les ajustements dont nous débattons : le déploiement accéléré de programmes à effet majeur dans ces nouveaux espaces de conflits se répercute sur les investissements nécessaires à l’entretien et à la modernisation du reste de notre appareil militaire et sur l’attractivité des métiers de nos armées.

C’est donc en partie pour des raisons financières que la France doit se projeter davantage dans une stratégie pleinement continentale, en recherchant activement des coopérations européennes pour l’ensemble de ses programmes.

Au-delà même de cette question financière, l’Europe de la défense est essentielle dans le contexte actuel de reconfiguration de l’espace mondial.

Cette Europe de la défense doit aller au-delà du seul financement du développement de technologies et de capacités militaires. Tel est désormais le cas, d’ailleurs, grâce au Fonds européen de la défense (FED). L’affaiblissement progressif de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) exige bien davantage.

À cet égard, la question de l’avenir du parapluie nucléaire se pose de manière accrue en Europe. Une réflexion s’impose quant au rôle du parapluie français, alors que nous nous engageons dans un renforcement de notre système de dissuasion nucléaire. Ne devrions-nous pas, à l’inverse, engager une discussion commune afin de progresser vers la réduction de nos arsenaux respectifs, dans l’esprit du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, qui nous engage ? La France ne saurait maintenir indéfiniment son système actuel de dissuasion nucléaire.

Au-delà de ces questionnements relatifs aux rapports entre l’Europe de la défense et l’alliance transatlantique, il est indéniable qu’un consensus se dessine sur la nécessité de progresser vers un véritable outil de défense européen. La France a joué, joue et doit continuer à jouer un rôle moteur en la matière.

Mes chers collègues, vous l’avez compris : si aujourd’hui notre groupe ne s’oppose pas à cet effort budgétaire, c’est parce que nous considérons qu’un tel effort devrait servir la vision européenne de la défense que nous soutenons.

Au milieu du gué, il nous paraît de toute façon difficile de revoir à la baisse la trajectoire budgétaire prévue : il ne faudrait pas reculer encore au détriment de programmes essentiels déjà pénalisés par vos arbitrages.

Voilà esquissée notre contribution au contrôle parlementaire qui aurait dû avoir lieu. Le Gouvernement ayant décidé de s’affranchir de la loi malgré les innombrables éléments qui nécessitent une actualisation législative, nous voterons contre cette déclaration.

Parmi les menaces auxquelles nous aurons à faire face au cours des prochaines années, les plus importantes ne seront pas de celles que l’on éloigne grâce à une armée puissante.

Ces menaces, ce sont celles que représentent les effets dévastateurs du changement climatique aux quatre coins du globe.

Du Proche-Orient au Sahel, où nos troupes continuent de se battre, le changement climatique et son cortège de sécheresses et de catastrophes naturelles sont et seront à l’origine de l’immense majorité des conflits armés.

Cela vous paraîtra peut-être encore suffisamment éloigné de vos propres vies pour que vous ne vous en alarmiez pas outre mesure. Mais, mes chers collègues, peut-être avez-vous lu vous aussi le document du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié ce matin par l’Agence France Presse (AFP). Peut-être avez-vous lu ces mots : « Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et de nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre. » Dès lors, peut-être entendrez-vous notre appel : nous ne pouvons miser sur la montée en puissance de notre seul appareil militaire pour assurer la stabilité de la France et de l’Europe dans les prochaines décennies. Même si nous parvenons à limiter à deux degrés la hausse des températures, les conséquences du changement climatique dans l’espace mondial seront telles que seule une solidarité mondiale exceptionnelle permettra d’y faire face.

Pas plus tard qu’hier, nous débattions du projet de loi de programmation relatif à l’aide publique au développement, dont les montants paraissent bien dérisoires par rapport aux dépenses de défense.

Pourtant, en luttant contre la raréfaction des ressources naturelles, pour la préservation des terres agricoles et, plus largement, pour le maintien des populations locales sur leurs lieux de vie, on fera plus pour préserver l’humanité de la guerre qu’avec tout l’arsenal militaire possible et imaginable.

Ces deux débats successifs sur deux lois de programmation témoignent de la nécessité d’un changement de pied de notre action extérieure ; hélas ! nous en sommes bien loin !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, mon ami Richard Yung et moi-même nous partageons le temps de parole dévolu au groupe RDPI, au nom duquel je tiens à mon tour à exprimer à nos 30 000 soldats déployés notre reconnaissance pour leur engagement. Je veux leur dire la fierté que nous inspire leur action. J’ai également une pensée émue pour leurs frères d’armes tombés pour que notre liberté puisse perdurer.

Trois années se sont écoulées depuis le vote de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025 : voilà trois ans que ce cadre constitue le socle d’une politique de défense française ambitieuse et de rupture après des décennies de restrictions budgétaires.

Monsieur le président de la commission, vous avez chiffré le périmètre d’actualisation à 8 milliards d’euros ; mais que n’ont-ils été déployés avant, ces 8 milliards ? Admettons ensemble que les renoncements capacitaires des dernières décennies expliquent les fragilités structurelles que subissent aujourd’hui nos armées.

C’est donc un soulagement pour nos armées que le Président de la République ait souhaité réparer ces fragilités, et je remercie la ministre des armées, Florence Parly, qui a agi avec détermination pour que le cap soit tenu.

Monsieur le Premier ministre, vous venez de rappeler les chiffres : ces trois dernières années, l’effort de défense a été conforme à la trajectoire budgétaire prévue par la LPM. Il a été rehaussé à un niveau inédit afin qu’à l’horizon 2030 on atteigne un modèle d’armée complet et équilibré.

Il est vrai qu’une programmation militaire ne se résume pas à un budget ou à une liste comptable d’équipements et de matériels : elle est avant tout une vision et une projection dans l’avenir de la place de la France dans le monde. C’est pourquoi cette LPM s’est attachée à répondre au mieux à un contexte géopolitique alarmant, dont la caractérisation dans la revue stratégique de 2017 a été confortée dans l’actualisation stratégique de 2021. Cela confirme la pertinence des priorités identifiées dès 2017 ainsi que des derniers ajustements destinés à prendre en compte l’actualité récente.

Cette LPM s’inscrit dans le temps long. Elle garantit à la France les moyens d’une crédibilité qui soit à la hauteur de ce qu’elle est : une puissance nucléaire, membre du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est aussi pourquoi cette loi porte haut les couleurs de l’Europe, au service d’une autonomie stratégique européenne. Je pense par exemple à la dynamique créée par la responsabilisation accrue des Européens dans le cadre de l’Alliance atlantique.

Dans une Union européenne à la recherche de sa boussole stratégique, la France a agi sans rechigner en faveur de l’Europe de la défense. D’ailleurs, notre commission des affaires étrangères n’a pas manqué de soutenir cette action, en appelant à un ambitieux fonds européen de la défense.

Je regrette de ne pas retrouver dans le récent rapport de notre commission l’enthousiasme de nos échanges du début d’année avec nos collègues du Parlement grec : la vente de Rafale à la Grèce y est examinée sous un angle uniquement comptable. Elle est pourtant la concrétisation d’une défense européenne que nous appelons de tous nos vœux. Elle renforcera utilement l’interopérabilité entre nos forces armées, car il n’est plus possible de continuer avec une telle fragmentation des systèmes d’armement entre Européens.

Les préoccupantes provocations de la Turquie en Méditerranée orientale ont elles aussi guidé de tels choix. Y opposer un discours souverainiste trahit une faiblesse de vision stratégique à long terme.

Vous-même, monsieur le président de la commission, avez déclaré : « Nous consentons très volontiers à cet effort », car il s’agit « d’un signal fort, mais aussi d’un acte fort, dont la portée opérationnelle doit être soulignée ».

Avec cette programmation militaire, nous faisons le choix stratégique de l’innovation, du renseignement, de la cybersécurité, mais aussi du spatial, ce champ « assumé de rivalité stratégique permanente, voire de conflictualité ».

Dans les domaines de la détection, de la protection et de la préparation, les derniers ajustements renforceront notre capacité à agir. Nous nous en félicitons et nous accordons une vigilance particulière aux fonds marins, qui donnent lieu à des risques multiples – mes collègues l’ont rappelé.

Surtout, nous faisons le choix de placer l’amélioration des conditions de vie du soldat en tête de nos priorités. Le plan Famille y contribue indéniablement et, lors des auditions, Mme la ministre nous a donné toutes les assurances nécessaires en ce domaine.

Mes chers collègues, nos armées ont aujourd’hui besoin de notre vote de soutien ; nous devons poursuivre l’effort de redressement et de modernisation de notre armée et maintenir un cap budgétaire ambitieux dans le grave contexte de récession économique que nous connaissons.

Nos armées ont besoin que nous soutenions le choix fait par le Gouvernement d’une base industrielle et technologique de défense forte, à l’abri des prédations étrangères.

Monsieur le Premier ministre, comme vous, nous disons oui à l’union et à la concorde : les membres du groupe RDPI vous apporteront leur soutien en votant pour cette déclaration !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de André Guiol

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à saluer la mémoire de tous nos soldats qui ont payé leur engagement de leur vie. J’ai également une pensée pour leurs familles ainsi que pour les blessés, qu’on évoque rarement, mais qui nous regardent peut-être et qui souffrent actuellement dans leur chair.

Nous sommes à mi-parcours de l’exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Maintenir un modèle d’armée complet et cohérent : c’est l’objectif qu’avait fixé le chef de l’État en 2017. Ce cap justifie l’effort financier tracé depuis 2019, première année d’exécution de la LPM.

Cet effort est pleinement justifié et compris par la majorité d’entre nous au regard des turbulences géopolitiques pointées dans la revue stratégique de 2017 et toujours à l’œuvre.

Sur le plan comptable, où en sommes-nous aujourd’hui ? Si l’on s’en tient au budget de la défense que nous avons voté à la fin du mois de décembre dernier – c’était, pour moi, le premier –, il faut reconnaître que la trajectoire a été une nouvelle fois respectée, avec 39, 2 milliards d’euros de crédits approuvés pour 2021. Depuis 2019, près de 1, 7 milliard d’euros supplémentaires ont ainsi été injectés chaque année.

Cette programmation dynamique a vocation – cela a été dit – à préparer et à garantir un modèle d’armée complet à même d’intervenir sur tous les fronts, de la terre jusqu’à l’espace, au service de la sécurité de nos concitoyens et des intérêts de la France.

Nous sommes réunis cette après-midi pour en débattre, et, hélas ! seulement pour en débattre – monsieur le Premier ministre, vous le savez, nous attendions bien plus qu’un simple débat.

Les orateurs précédents l’ont rappelé : le Sénat attendait le projet de loi d’actualisation promis par l’article 7 de la loi de 2018. Tel n’est pas le choix qui a été fait ; c’est regrettable. Vous en avez exposé les raisons : il vous semble périlleux de consolider les ressources après 2023, eu égard au contexte économique et budgétaire que nous connaissons.

On peut comprendre cette position. On pourrait aussi choisir, néanmoins, de faire confiance au Parlement et au sens des responsabilités qui anime les uns et les autres, de surcroît lorsqu’il s’agit de se pencher sur un domaine régalien – d’un tel sens des responsabilités, d’ailleurs, le vote quasi unanime en faveur du projet de loi de programmation pour les années 2019 à 2025 est l’illustration.

Quoi qu’il en soit, je n’insisterai pas davantage ; je saisirai l’occasion qui nous est malgré tout donnée de commenter l’évolution des ressources dont nos armées ont besoin pour affronter des défis de plus en plus lourds.

En effet, le contexte géostratégique n’est guère propice à la baisse du niveau de conflictualité. Dans ces conditions, nous devons nous attendre, pour nos armées, à un engagement élevé, voire de haute intensité – vous l’avez vous-même rappelé.

La revue stratégique de 2017 pointait un certain nombre de menaces ; elles n’ont pas disparu, bien au contraire.

Le « triangle stratégique » États-Unis-Russie-Chine s’affirme, avec toutes les tensions afférentes. Pour ce qui est de nos alliés américains, la bonne nouvelle est l’arrivée aux commandes de Joe Biden, qui permet de tourner la page de l’ère Trump. L’Europe doit cependant conserver une autonomie stratégique en ne se laissant pas totalement enfermer dans la rivalité entre Pékin et Washington. Ce n’est pas chose aisée : on a pu le constater une nouvelle fois lors du dernier sommet de l’OTAN.

Quant à la Russie, dont nous n’occultons pas la grande « stratégie byzantine » aux effets délétères, elle est un partenaire à bien des égards – je pense, par exemple, à la lutte contre le terrorisme –, ce qui nous invite au maintien d’un dialogue constant avec Moscou. Un équilibre doit être recherché. À l’issue du prochain Conseil européen, nous devrions en savoir un peu plus sur la manière dont Josep Borrell compte mettre en œuvre avec la Russie son triptyque « riposter, contraindre, dialoguer ». Ainsi présentée, l’équation que doit résoudre le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité semble compliquée.

J’ai brièvement évoqué la question du terrorisme : force est de constater que ce danger est toujours aussi prégnant. Il en est de même, plus globalement, de la progression du fondamentalisme islamiste.

La situation en Afghanistan est particulièrement inquiétante. Au Sahel, malgré des succès certains sur le terrain et l’engagement exemplaire des milliers de militaires français dans la bande sahélo-saharienne, la persistance d’États faillis complique la tâche ; on peut notamment le déplorer au Mali. Dans ces conditions, les groupes terroristes se régénèrent plus vite que les États ne s’organisent.

On peut certes regretter l’extinction de Barkhane, mais les conditions ne semblent plus réunies pour obtenir des avancées probantes sans mettre en danger nos soldats, dont la présence est en outre parfois mal comprise par les populations locales. Au reste – vous l’avez précisé, monsieur le Premier ministre –, il ne s’agit pas de renoncer : la France devrait rester fortement engagée à travers l’internationalisation de Barkhane.

À nous, élus du RDSE, cette formule convient, car elle acte une responsabilité plus collective dans la région. Je pense en particulier à nos partenaires européens impliqués au sein de la force Takuba. Sa montée en puissance est une bonne chose, même si nous n’ignorons pas les difficultés inhérentes à sa mise en place. La France ne peut plus rester seule en première ligne sur des fronts qui concernent la sécurité de toute l’Europe !

Je n’oublie pas les autres défis qui se posent à notre défense. Ils sont nombreux : les cyberattaques de plus en plus fréquentes – les précédents orateurs les ont évoquées –, la criminalité organisée, le risque sanitaire identifié en 2017 et devenu réalité en 2020 avec la covid, l’instrumentalisation politique de la pression migratoire par la Turquie et, depuis peu, par le Maroc, etc.

Nous sommes dans une sorte de « brouillard de guerre », pour reprendre les mots de Clausewitz, avec ses ennemis invisibles et hybrides.

Le général Lecointre l’a plusieurs fois rappelé devant notre commission des affaires étrangères : « Il n’y a aucune raison de penser que cette instabilité cesse d’ici dix ou vingt ans. » Aussi, à l’évidence, la France doit-elle maintenir ses capacités opérationnelles.

Disons-le : la loi de programmation militaire a permis une remise à niveau tant des effectifs que du matériel et des équipements. Certaines livraisons ont progressé par rapport à la cible, même si, pour certains programmes, le rythme n’est pas tout à fait conforme aux espérances. Je pense en particulier aux véhicules Griffon, très attendus par l’armée de terre.

L’effort porté sur les armes individuelles, avec les livraisons substantielles de fusils d’assaut HK 416 F, et sur la rénovation de l’équipement du combattant mérite d’être souligné. Cet effort garantit la crédibilité de l’axe central de la loi de programmation – une loi à « hauteur d’homme » –, que vous rappelez régulièrement, monsieur le Premier ministre, madame la ministre des armées.

Je n’oublie en aucun cas les hommes et les femmes qui s’engagent au service de notre pays ; j’attache également beaucoup d’attention, en effet, à l’amélioration du quotidien du soldat et je me réjouis de voir que le plan Famille sera renforcé pour y pourvoir.

Au rang des inquiétudes, en revanche, je partage certaines des observations exposées par la commission des affaires étrangères.

Ainsi, nous souhaitons quelques éclaircissements sur les programmes qui font l’objet d’ajustements budgétaires, dont le cumul représenterait 1 milliard d’euros, voire plus si l’on en croit les estimations affinées.

Où se situent exactement les économies et les reports ? À terme, comment seront absorbés l’impact des surcoûts récurrents des opérations extérieures (OPEX), la cession de Rafale à la Grèce et à la Croatie ou encore les effets des missions exercées par l’armée durant la pandémie via l’opération Résilience ? À plus long terme, l’effort budgétaire sera-t-il suffisant pour couvrir les nouveaux champs de conflictualité que deviendront, faute d’être régulés, l’espace et les fonds marins ?

Toutes ces préoccupations appellent, entre le Gouvernement et le Parlement, une confiance mutuelle que la loi d’actualisation était susceptible de consolider. Comme le déclarait Pierre Reverdy, repris par Simone Veil, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ».

Mes chers collègues, en ouvrant mon propos, je rappelais que la trajectoire budgétaire fixée par la loi de programmation militaire avait été jusqu’à présent respectée. Les engagements financiers sont en effet tenus pour les trois premières années. Ce critère étant à nos yeux essentiel, nous accueillerons favorablement la déclaration du Gouvernement !

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, conformément à l’article 7 de la LPM votée en 2018, nous attendions en cette année 2021 un projet de loi d’actualisation. Tout le justifiait : non seulement cet engagement législatif, mais aussi les évolutions du contexte géostratégique et le bouleversement des priorités qu’impose la crise pandémique pour la sécurité humaine mondiale. Mais le débat n’aura pas lieu.

J’y insiste : sur toutes les travées, on attendait ce texte, que l’on ait voté le projet de loi de programmation militaire ou qu’on l’ait, comme nous, refusé.

Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé d’expédier cette discussion essentielle en deux heures, en nous demandant un quitus pour la suite de la mise en œuvre de la trajectoire programmée. Autrement dit, vous réduisez une fois encore le rôle du Parlement dans l’élaboration de choix nationaux fondamentaux.

Escamoter le Parlement sur des sujets d’une telle importance est grave, d’autant que le contrôle parlementaire sur notre stratégie de défense est déjà largement limité par les prérogatives exorbitantes du chef de l’État. Engagement des opérations militaires extérieures, autorisation des exportations d’armes, dissuasion nucléaire : les domaines réservés réduisent beaucoup le rôle du Parlement, alors qu’il y va de la sécurité de la France.

Un débat d’actualisation aurait ouvert un espace démocratique ô combien nécessaire : il aurait été bien plus efficace qu’un projet de loi de finances, au titre duquel les marges de manœuvre sont réduites à peu de chose.

Les sommes en question sont pourtant considérables. La loi de programmation militaire prévoit une dépense globale de 295 milliards d’euros sur toute la période. D’après le rapport de notre commission des affaires étrangères, 198 milliards d’euros ont été programmés jusqu’en 2023. Il resterait donc 95 milliards d’euros à engager sur les deux dernières années pour porter à 50 milliards d’euros, en 2025, le budget militaire de la France, déjà passé à quelque 39 milliards d’euros cette année.

Alors qu’à peine la crise du covid ralentie votre gouvernement reprend le refrain de la « maîtrise des dépenses publiques » contre les dépenses sociales, expliquez-nous ce que vous allez sacrifier pour atteindre un tel niveau de dépenses militaires ! Vous l’expliquez d’autant moins que, selon notre commission, les surcoûts à prévoir atteignent déjà 8, 6 milliards d’euros, ce qui aurait dû être une raison supplémentaire de débattre du périmètre d’actualisation.

Il semble d’ailleurs que l’amélioration de la condition de nos militaires, les équipements « à hauteur d’homme » pour nos soldats et le maintien en condition opérationnelle, dont nous étions convenus de la nécessité lors de l’adoption du projet de loi de programmation, servent d’ores et déjà de variables d’ajustement.

Le service de santé des armées reste lui aussi en grande souffrance, le déficit en effectifs pour les médecins de premier recours s’étant fortement aggravé au cours de l’année écoulée.

Une loi d’actualisation aurait permis davantage de transparence ; à l’opposé, on nous demande un blanc-seing sans réel contrôle parlementaire, alors même que la privatisation croissante de nos industries d’armement affaiblit le contrôle nécessaire de la Nation et fait s’envoler les coûts.

Les enjeux d’une loi de programmation d’une telle ampleur ne peuvent être examinés en faisant abstraction des concepts stratégiques qu’elle entend servir.

Depuis 2017, le discours présidentiel n’a cessé de renforcer l’affirmation selon laquelle notre sécurité ne saurait être assurée qu’avec un « modèle d’armée complet sur tout le spectre d’intervention », toujours davantage capable d’« entrer en premier » dans des conflits de « plus en plus haute intensité ». La montée des menaces justifierait donc une armée de plus en plus tournée vers la projection de nos forces.

Or, au moment même où vous réaffirmez ce modèle de projection, l’échec de l’opération Barkhane au Sahel sonne comme un rappel à l’ordre. Nous y avons pourtant englouti progressivement plus de 1 milliard d’euros par an.

Notre assemblée, qui a moult fois sollicité auditions et débats pour examiner et évaluer le bilan réel de cette intervention militaire d’envergure, a appris par la presse le revirement présidentiel sur Barkhane. Là encore, quel mépris du Parlement !

Pour notre part, nous n’avons cessé de donner l’alerte. Nous étions face à un engrenage : la militarisation risquait de créer un terrain propice à l’extension des menaces djihadistes, lesquelles prospèrent dans le chaos créé par la guerre dans des pays d’Afrique toujours pillés et vulnérables à la déstabilisation. Malheureusement, nous y sommes ; les violences s’étendent partout en Afrique – au Mali, au Burkina Faso, dans la région des trois frontières, en Côte d’Ivoire ou encore au Mozambique.

Puisqu’il faut bien décrypter ce que l’on refuse de venir nous expliquer au Parlement, il semble que la « rationalisation » de notre politique d’intervention militaire en Afrique soit moins un « retrait » de nos armées qu’une « reconfiguration », le but étant de déployer nos forces d’intervention plus avant et dans un plus grand nombre de pays. Le logiciel semble donc inchangé, mais les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Pendant ce temps, comme le montrera probablement – et malheureusement – le vote définitif du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, nous sommes incapables de programmer une véritable montée en charge de notre aide publique au développement vers l’objectif de 0, 7 % du PIB.

Demain, nous nous réunirons en commission mixte paritaire pour examiner une nouvelle fois ce projet de loi de programmation. Nous aurons été incapables d’y inscrire un engagement ferme de 28 milliards d’euros – dix fois moins que la LPM ! – à destination des pays les plus pauvres d’ici à 2025.

Pourtant, ces milliards ne sont-ils pas indispensables à la sécurité du monde ? Notre priorité militaire peut-elle véritablement tenir lieu de politique de sécurité planétaire ? Ne faudrait-il pas au contraire travailler à de nouvelles logiques de développement et de coopération, qui fassent reculer le moins-disant fiscal et qui confortent la mobilisation des ressources internes de ces pays ?

Si nous ne nous donnons pas les moyens d’une lutte ambitieuse contre la pauvreté, la sous-alimentation, les dérèglements climatiques et toute forme d’insécurité humaine dans le monde, il y a fort à parier que la militarisation croissante de nos relations internationales n’engendrera ni paix, ni sécurité collective, ni recul des formes de guerre hybrides ou asymétriques. Bien au contraire, elle entraînera la dissémination des violences et des conflits. Et je ne parle pas des ventes d’armes, dont nous sommes un champion mondial : elles dispersent un peu partout dans ce monde instable des arsenaux qui sont de véritables bombes à retardement, comme on l’a vu récemment au Yémen.

Ainsi, tout nous incite à réinterroger les objectifs de la LPM.

Nous prétendons créer de la sécurité mondiale en développant notre capacité militaire de projection dans tous les domaines. Nous le faisons en revendiquant le concept, élaboré par l’OTAN, des 2 % de dépenses militaires dans les budgets nationaux des pays de l’Alliance atlantique.

Nous courons sur tous les fronts de l’escalade armée : en Europe de l’Est, avec les manœuvres militaires de l’OTAN face à la Russie ; dans la zone Indo-Pacifique, avec les démonstrations de force maritimes aux côtés des États-Unis face à la Chine ; en Europe, pour promouvoir de coûteux programmes industriels de défense aux objectifs stratégiques au demeurant très mal définis ; en Afrique, comme je l’ai dit.

Nous nous apprêtons à lancer le projet d’un porte-avions de nouvelle génération à propulsion nucléaire, estimé à 10 milliards d’euros d’ici à 2038, et pour quels objectifs ? La sécurité de nos espaces maritimes ? Ou bien plutôt dans une logique de puissance et de projection, là encore, de nos forces extérieures ?

Nous jouons un jeu dangereux en usant de notre puissance militaire comme d’une arme politique et diplomatique, loin de nos besoins de sécurité nationale.

Nous acceptons sans broncher la militarisation de l’espace. Or c’est probablement l’un des dangers les plus grands, et peut-être l’un des plus coûteux, du XXIe siècle. En parallèle, nous lançons à notre tour, avec fierté, un commandement militaire de l’espace. La LPM prévoit d’importants investissements en la matière afin de rivaliser avec les programmes massifs états-uniens, russes, chinois et israéliens.

On le sait : les traités de 1967 et de 1979 doivent être révisés. Pourtant, en octobre 2018, notre gouvernement s’est montré particulièrement discret quand il s’est agi de discuter d’une telle révision. Les Nations unies déclaraient ainsi par la voie d’un communiqué : « Sans pour autant écarter la possibilité d’un nouveau traité, pour la France, le Royaume-Uni ou l’Italie, l’urgence est toutefois d’adopter au plus vite de nouvelles mesures qui répondent aux préoccupations les plus aiguës. » En d’autres termes, on a préféré mettre le doigt et même les deux mains dans une machine dont on sait qu’elle nous happera le bras.

Nous sommes les acteurs d’une escalade militaire mondiale qui est repartie à un rythme fou, tout autant tirée par les appétits de profits que font miroiter la sophistication et les ruptures technologiques que par les entrepreneurs de violence et de guerre, étatiques ou non, qui prospèrent dans les insécurités mondiales.

Où allons-nous ? Combien de temps allons-nous continuer ainsi ? Pour préparer quelle paix ou, plus exactement, quelle guerre ?

Ce cycle apparaît de nouveau sans fin. Loin du fatalisme de la guerre et des menaces, la France, tout en assurant sa sécurité, devrait lever haut et fort le drapeau de la désescalade. Or nous ne sommes jamais au rendez-vous des batailles mondiales pour le désarmement.

Un vent de mobilisation s’est levé aux Nations unies pour relancer un processus mondial de désarmement militaire, avec la signature par de nombreux pays du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) ; nous avons combattu cette dynamique plutôt que de nourrir le débat mondial et multilatéral en faveur de nouvelles étapes de désarmement nucléaire.

À son terme, la LPM aura consacré plus de 37 milliards d’euros à la modernisation de notre dissuasion. Or agir pour débarrasser le monde et notre pays de ce fardeau dans un processus multilatéral de désarmement reste une condition de la sécurité collective et de la paix.

Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, vous l’aurez compris : les élus de notre groupe s’opposeront au quitus que vous nous demandez, parce que de tels engagements budgétaires ne peuvent être ratifiés à la légère, encore moins aujourd’hui qu’hier, et parce que nous avons plus que jamais besoin de repenser les concepts mêmes de défense nationale et de sécurité humaine globale planétaire. On ne saurait les considérer, ces concepts, au seul prisme de la progression de nos dépenses militaires !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, en 2018, lors de l’examen initial de la loi de programmation militaire pour la période 2019-2025, le Sénat a unanimement salué l’effort sans précédent souhaité par le Gouvernement en matière de défense nationale. La LPM fixe de réelles ambitions pour nos forces, en tirant les enseignements d’un contexte stratégique marqué par l’augmentation et l’intensité des menaces.

Après de nombreuses années de déflation et d’une réduction de moyens incohérente au regard de l’engagement de nos armées en opérations extérieures, cette loi de programmation a permis de réparer certaines fragilités et de préparer, à l’horizon de 2030, la défense de notre Nation et de l’Europe tout entière, grâce à une trajectoire de remontée en puissance.

Les quatre axes prioritaires de la loi de programmation ont été validés et confortés par le Sénat : l’amélioration des conditions d’exercice de nos militaires, le renouvellement des capacités opérationnelles, le renforcement de notre autonomie stratégique dans les domaines de l’espace, du cyber et du renseignement, ainsi que le défi de l’innovation pour faire face aux enjeux à venir.

À ces points de vigilance, le Sénat a souhaité ajouter une « clause de revoyure » afin de suivre, année après année, la trajectoire budgétaire et le calendrier des livraisons. C’est donc avec beaucoup de déception que nous avons appris, monsieur le Premier ministre, que la révision de la loi de programmation militaire ne s’effectuerait pas par voie législative.

Mes collègues rapporteurs pour avis de la mission « Défense » du budget et moi-même avons accompli, à la demande du président de la commission Christian Cambon, un travail de fond, afin d’être prêts à remplir notre rôle lorsque le projet de loi d’actualisation nous serait soumis. Ainsi, dès la préparation du débat budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2021, nous avons engagé et multiplié les auditions.

Nous nous sommes parfois sentis bien seuls à travailler sur ce sujet, sans nous défaire jamais de l’impression que des consignes de non-communication avaient été transmises. Comment expliquer autrement que des questions liées à la trajectoire de remontée de la préparation opérationnelle et à sa conformité aux objectifs fixés par la LPM n’aient pas obtenu de réponse ?

Vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre, le Sénat n’est pas disposé à accepter que l’actualisation de la programmation militaire se réduise au seul débat que nous avons aujourd’hui. Le Sénat a voté la LPM à la quasi-unanimité et il a largement salué et soutenu cette ambition de reconstruction, mais nous avions alerté le Gouvernement sur l’importance des efforts à fournir en matière de préparation opérationnelle.

En effet, nos soldats ne sont pas suffisamment entraînés par rapport aux standards internationaux et la remontée de l’activité opérationnelle a été reportée à 2025, alors que cette dernière est essentielle à leur sécurité en OPEX. Nous ne pouvons que constater que certains indicateurs ne progressent pas, même s’il est difficile d’apprécier si les moyens mis à la disposition de nos armées sont adaptés aux efforts à produire.

Lors de nos déplacements, nous mesurons les attentes de nos marins, de nos aviateurs et de nos soldats, dont nous saluons l’engagement exceptionnel ; nous mesurons également leur satisfaction de voir arriver le premier sous-marin de classe Barracuda, les avions ravitailleurs A330 MRTT (Multi Role Tanker Transport), les premiers Griffon ou les fusils d’assaut HK 416 F ; mais, dans le détail, le compte n’y est pas tout à fait.

Lors de l’examen de la LPM, deux dispositions avaient été adoptées sur l’initiative de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : la fixation d’objectifs annuels de progression de l’activité opérationnelle et la présentation d’un bilan annuel de remontée de la préparation opérationnelle. Aucune de ces deux dispositions n’a été mise en œuvre.

Notre travail préparatoire nous a permis d’estimer que les trajectoires de remontée de la préparation opérationnelle, non transmises, ne sont pas respectées. À titre d’exemple, les équipages des chars Leclerc ont vu la durée de leur entraînement diminuer de 35 % entre les deux premières années d’application de la loi de programmation.

Dans ces conditions, comment atteindre les objectifs de haute intensité à l’horizon de 2030 en prenant en compte l’actualisation stratégique ? Là encore, les discours qui tendraient à reporter à la prochaine LPM l’accélération de la préparation opérationnelle en vue de la haute intensité ne sont pas compatibles avec la réalité des faits. La haute intensité ne sera atteinte que si la trajectoire est mise en œuvre suffisamment tôt, avec exigence et régularité.

J’en arrive à l’entretien programmé des matériels (EPM), qui doit bénéficier de 35 milliards d’euros sur la durée de la LPM, dont 22 milliards d’euros d’ici à 2023. Pour respecter les objectifs définis, en supposant un effort identique chaque année jusqu’en 2023, les crédits consacrés à l’EPM devraient s’établir à 4, 4 milliards d’euros par an. Or nous n’y sommes pas, car les crédits inscrits dans les lois de finances initiales pour 2019, 2020 et 2021 ont été bien inférieurs ; manquent 900 millions d’euros au titre des trois premières années d’exécution.

D’autres facteurs contribuent à accroître encore les besoins en entretien programmé des matériels.

Certains sont conjoncturels, tels que le coût de réparation du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Perle pour une soixantaine de millions d’euros, le rattrapage de la réduction d’activité de l’armée de l’air en début d’exécution de la LPM ou encore le surcoût lié à l’utilisation d’aéronefs vieillissants du fait de la livraison des douze Rafale destinés à la Grèce.

D’autres sont structurels et découlent de la mise en œuvre de la politique de verticalisation des contrats d’entretien programmé des matériels, notamment dans le domaine aéronautique. Ces contrats verticalisés se traduisent dans un premier temps par des surcoûts en raison de la création de nouvelles chaînes industrielles d’EPM et de la remise à niveau des stocks de pièces de rechange étatiques, transférés à l’industriel lors de la mise en œuvre du contrat verticalisé.

Ainsi, les besoins d’EPM exprimés par les armées jusqu’à la fin de la programmation seront supérieurs aux crédits prévus par la LPM, alors que les dernières années d’exécution, 2024 et 2025, se caractérisent déjà par une marche impressionnante, la dotation budgétaire dédiée à l’EPM devant atteindre 6, 5 milliards d’euros.

De tous ces sujets, monsieur le Premier ministre, nous aurions pu et dû débattre longuement, sans oublier les services de soutien de nos armées, essentiels, dévoués, cultivant l’excellence malgré des conditions difficilement tenables. Comment peut-on voir se creuser encore, en pleine pandémie, le déficit en médecins de premier recours ? Comment peut-on atteindre des taux de projection des équipes chirurgicales supérieurs à 200 % ? Vous le voyez, les sujets ne manquent pas ; ils sont d’une importance cruciale pour nos forces, ce qui justifie pleinement notre exigence d’un débat parlementaire approfondi.

Les efforts engagés par le Gouvernement pour nos armées sont reconnus par le Sénat. Il serait souhaitable que le Gouvernement reconnaisse réciproquement le rôle du Parlement sur ces sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Certes, la défense est vue comme un domaine régalien, mais le lien entre la Nation et son armée est plus important que jamais, alors que la pandémie a mis notre pays dans une situation économique préoccupante.

Pour conclure, je souhaite évoquer la réduction du format de l’opération Barkhane. Autre sujet, même méthode : c’est par la presse et les réseaux sociaux que nous avons appris, le 10 juin dernier, la volonté du Président de la République, après un deuxième coup d’État au Mali, de redimensionner et de revoir les modalités d’engagement de nos forces au sein de Barkhane !

Huit ans se sont écoulés depuis le début de l’opération Serval, lancée en 2013 et relayée par Barkhane. Sur ce théâtre d’opérations, cinquante-cinq soldats français ont perdu la vie. Chacune de ces morts est une plaie ouverte pour nous tous, car, même si nous n’avons eu à nous exprimer qu’une seule fois, par un vote sur l’envoi de nos soldats français au Mali, nous avons bien donné l’autorisation requise par l’article 35 de notre Constitution à cette OPEX.

Là encore, nous comprenons la nécessité de revoir notre engagement, compte tenu du contexte, mais, je le répète, c’est par voie de presse que nous avons appris la volonté du Président de la République, alors que le Sénat avait pris, voilà quelques semaines, l’initiative d’un débat portant sur le bilan et les perspectives de Barkhane. J’aimerais entendre votre analyse sur ce sujet, monsieur le Premier ministre. L’adhésion démocratique aux efforts budgétaires nécessaires à nos armées passe – c’est indispensable – par un travail parlementaire.

Ainsi, vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre, dans leur grande majorité, mes collègues du groupe UC s’abstiendront sur votre déclaration ; un certain nombre d’entre eux voteront néanmoins pour. Le Parlement, notamment le Sénat, ne saurait être considéré comme une variable d’ajustement. Ne nous y trompons pas, nous n’avons qu’un seul objectif : donner à nos forces armées les moyens de faire face à leurs engagements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, cela a été dit et répété : le Sénat avait adopté la loi de programmation militaire 2019-2025 à une très large majorité des groupes politiques, dont le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, auquel j’ai l’honneur d’appartenir.

Aussi, monsieur le Premier ministre, je me permets de vous poser la question sans détour : pourquoi ne pas procéder à une actualisation législative de la loi de programmation militaire ? Est-ce par crainte de vous confronter au Parlement ou est-ce simplement pour nous signifier votre mépris que vous avez choisi de sacrifier à la pire tradition des pratiques autoritaires et antiparlementaires de la Ve République ?

M. le Premier ministre s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Cette décision est tout d’abord une erreur de droit. En effet, l’article 7 de la LPM prévoit explicitement une actualisation en 2021. Je vais me permettre, monsieur le Premier ministre, de vous en donner lecture, au cas où vous ne l’auriez pas bien lu : « La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont l’une sera mise en œuvre avant la fin de l’année 2021. Cette dernière aura notamment pour objet de consolider la trajectoire financière et l’évolution des effectifs jusqu’en 2025. » Cette disposition correspond donc à un devoir du Gouvernement. Une petite déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, ne saurait se substituer, en droit, à la discussion article par article d’un projet de loi autorisant l’exercice du droit d’amendement. Un débat n’a pas force de loi ; vous faites donc le choix, dans un État de droit, de vous asseoir sur un texte pourtant adopté à une très large majorité par le Parlement.

Si cette décision est une erreur de droit, elle est aussi une faute politique. Notre nation s’est engagée dans un effort contributif très important en faveur des armées d’ici à 2025. Le financement de certains projets, dont le choix de la propulsion nucléaire pour le futur porte-avions, va nous engager sur plusieurs générations.

Par ailleurs, le désengagement de Barkhane, annoncé par le Président de la République sans davantage de consultation du Parlement, alors que ce dernier doit approuver tout engagement extérieur de plus de quatre mois, justifie à lui seul la nécessité d’un débat sur la LPM. C’est une faute politique que de refuser de consulter le Parlement sur une politique publique aussi majeure et stratégique que la défense de la Nation.

Cette décision est d’autant plus étonnante que le Parlement, en particulier le Sénat et sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, n’a jamais fait défaut à la ministre des armées. Nous avons adopté très largement la LPM et nous avons voté, dans les projets de loi de finances successifs, les crédits correspondant aux trois premières années d’exécution de la LPM.

Peut-être le Gouvernement pense-t-il que le Parlement n’est pas en mesure d’entendre les besoins d’ajustement et de redéploiement ? Cela est fâcheux, alors que cette LPM était le fruit d’une coconstruction intelligente – le président Cambon l’a rappelé – entre le Parlement et la ministre des armées. En matière de défense, il faut chercher le consensus, qui fait partie des acquis de la Ve République.

Quelles sont les conséquences de cette volonté de contourner le Parlement ?

L’article 3 de la LPM ne détaille les ressources en crédits de paiement de la mission « Défense » que jusqu’à l’année 2023 incluse, pour un montant total de 197, 8 milliards d’euros pour la période 2019-2023. Le même article prévoit en outre que les « crédits budgétaires pour 2024 et 2025 seront précisés à la suite d’arbitrages complémentaires dans le cadre des actualisations prévues à l’article 7, prenant en compte la situation macroéconomique à la date de l’actualisation ainsi que l’objectif de porter l’effort national de défense à 2 % du produit intérieur brut en 2025. » Autrement dit, les exercices 2024 et 2025 ne sont pas couverts par cette LPM. Ainsi, en programmation, ce sont environ 97 milliards d’euros qui passent à la trappe, puisque les prévisions de la LPM s’élevaient à 295 milliards d’euros sur la période 2019-2025.

Le même tour de passe-passe est effectué sur les effectifs. Alors que l’article 6 de la LPM reporte l’essentiel de l’effort à la fin de la période, l’annulation de l’actualisation rend très hypothétiques les quelque 4 500 créations d’emplois prévues entre 2023 et 2025.

Je souhaite enfin apporter quelques précisions sur vos renoncements par rapport aux objectifs fixés, dans la mesure où le Gouvernement raisonne à enveloppe budgétaire constante. Les travaux menés nos rapporteurs, en particulier par le président Cambon, sur l’actualisation de la loi de programmation ont mis en évidence deux risques majeurs pesant sur la trajectoire financière : les OPEX et l’export d’armement.

Le désengagement de Barkhane est un processus qui ne peut être que progressif, tant sur le plan opérationnel que sur le plan budgétaire. On peut donc escompter une diminution en sifflet jusqu’au terme de l’exécution de l’actuelle LPM, mais – Mme la ministre l’a rappelé à juste titre – la fin de Barkhane ne signifie pas notre désengagement du Sahel.

Pour ce qui concerne le soutien aux exportations, deux difficultés se font jour : d’une part, la cession de matériels d’occasion, prélevés sur le parc existant ; d’autre part, l’accélération de certaines commandes de matériel neuf visant à soutenir le plan de charge des entreprises de notre base industrielle et technologique de défense.

Si cet effort contribue à la pérennité et à l’autonomie stratégique de notre industrie de défense, ce modèle affaiblit les capacités opérationnelles des forces. On a abordé la question de l’estimation du coût de cession des Rafale d’occasion à la Grèce et à la Croatie ; l’opération est bienvenue, mais comment allons-nous négocier cette délicate transition entre le prélèvement des appareils vendus et l’arrivée du nouveau matériel ? Nous estimons à 960 millions d’euros le coût de l’ajustement lié à ces exports.

Par ailleurs, la commande d’une troisième frégate de défense et d’intervention, passée en mars 2021 pour une livraison en 2025, n’était pas prévue dans la LPM.

J’en arrive aux renoncements qu’implique cette actualisation. L’absence d’une véritable transparence sur les arbitrages défavorables nous oblige à procéder par déduction pour identifier les reports ou les retards de livraison, qui concerneront le Slamf, le programme Capacité hydrographique et océanographique future (CHOF), le système de drones tactiques ou encore le remplacement des poids lourds de 4 à 6 tonnes.

D’autres renoncements par rapport à la cible sont à déplorer en matière de parc matériel : réduction de la capacité des Rafale, retards de livraison sur les véhicules terrestres, déficit préoccupant de médecins au service de santé.

Il est regrettable que l’exigence de transparence envers le Parlement sur l’ensemble de ces points ne soit pas respectée. Le contrôle parlementaire est indispensable au succès de l’action militaire du Gouvernement. Nous regrettons sincèrement que votre gouvernement ait fait le choix de le contourner, monsieur le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a pris la décision, récemment – nous étions prêts à agir autrement –, de voter contre votre déclaration.

Je souhaite que mes derniers mots soient pour nos soldats. Puissent-ils entendre l’hommage que le Sénat leur rend, et qu’ils soient assurés du soutien et de l’engagement sans faille des sénateurs socialistes à leurs côtés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Nous vous avons bien écouté, monsieur le Premier ministre, mais nous n’avons été ni convaincus ni rassurés. Nous attendions le dépôt, en 2021, d’un véritable projet de loi, assorti d’une étude d’impact et tirant les enseignements de l’actualisation de la revue stratégique.

Au lieu de cela, que nous proposez-vous ? Pour préparer ce débat, vous avez transmis aux groupes politiques un document intitulé Note d ’ accompagnement amont au débat 50-1, qui s’apparente davantage à une plaquette de communication qu’à une présentation chiffrée et exhaustive des choix et ajustements opérés par la ministre des armées. Cette méthode est pire que tout… Vous nous demandez de nous prononcer sur le bilan de votre action depuis 2019 et de soutenir – je cite la note d’accompagnement – « la poursuite de la remontée en puissance de nos forces armées ». Mais sur le fondement de quels chiffres ? De quels arbitrages ?

Soit le Gouvernement se trompe de méthode – demander un vote d’approbation avant d’avoir discuté du fond, c’est, comme on dit chez moi, placer la charrue avant les bœufs –, soit il se trompe de question, car réduire le débat sur l’actualisation à un soutien ou non au Gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux.

Le président Cambon l’a rappelé : le Sénat a massivement approuvé les objectifs de la loi de programmation militaire à l’horizon de 2025 et, au-delà, vers l’Ambition opérationnelle 2030. Ayant fait ce choix, nous sommes – le Parlement et le Gouvernement – solidairement comptables de la programmation militaire devant nos concitoyens et devant les militaires, à qui nous confions notre sécurité et notre défense.

Dès lors, pourquoi manquer l’occasion qui nous était offerte de faire de l’actualisation de la LPM un véritable sujet de débat collectif, afin d’aboutir à un consensus et donc à une appropriation et à une approbation par le plus grand nombre ? C’est la définition même de la démocratie représentative… À laisser le débat se tenir dans un cercle fermé, …

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

… les sujets de défense deviennent suspects. À étouffer le débat et à le réduire à un exercice de communication sans pédagogie ni contradiction, la défense pourrait se résumer, dans l’esprit des non-initiés, à un boulet budgétaire pour la Nation. Cette absence de dialogue conduit la société civile à remettre en cause les choix et les orientations de notre pays.

Or, à l’heure où la menace est protéiforme et où l’affrontement se produit dans de multiples domaines, nous voilà bloqués dans une impasse, la faute à un État gestionnaire et technocrate plus que visionnaire et stratège.

M. le Premier ministre ironise.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Vous l’aurez compris, je m’associe pleinement aux conclusions exposées par le président Cambon quant à l’absence de transparence du Gouvernement et à l’ampleur des ajustements mis en œuvre par la ministre des armées. Ce que nous avons fait sous la forme d’un rapport d’information, avec les moyens du bord – tous les intervenants avant moi l’ont rappelé – et en procédant par déduction à partir des réponses parcellaires et parfois volontairement lacunaires de nos interlocuteurs, aurait mérité de prendre la forme d’un rapport législatif.

Si cette LPM devait être « à hauteur d’homme », elle devait surtout être à la hauteur de la menace qui sourd et de l’histoire qui s’écrit dans la bande sahélo-saharienne, en Méditerranée orientale, dans le Haut-Karabagh, en Libye ou sur les frontières plus immatérielles de l’innovation et des technologies duales telles que les drones – autant de sujets que nous avons défrichés, autant de rapports souvent restés lettre morte.

Concernant le programme 146, « Équipement des forces », ma collègue Hélène Conway-Mouret et moi-même avons d’emblée identifié des reports, voire des renoncements, sur certains objectifs fixés pour 2025. Je fais référence aux bâtiments de guerre contre les mines, aux systèmes de drones tactiques, aux douze Rafale qui seront cédés à la Croatie et qui ne seront pas remplacés, au retard de livraison des véhicules blindés légers (VBL) régénérés – j’y reviendrai – et des véhicules des forces spéciales, ou encore à l’étalement très préjudiciable du programme Scorpion.

Le tableau du parc matériel prévu pour 2025 est, je le rappelle, annexé à la loi de programmation. Toute modification de la cible de 2025 doit donc être actée dans la loi ; ce que la loi fait, seule la loi peut le défaire, sauf à nier ce qui fait le cœur de notre démocratie parlementaire !

Ensuite, c’est par un travail de déduction, qui n’est pas digne de la relation de confiance qui doit s’établir entre le Parlement et l’exécutif sur des sujets d’une telle gravité, que nous nous sommes rendu compte que le périmètre des ajustements budgétaires dépassait très largement le milliard d’euros annoncé par le Gouvernement. En réalité, les ajustements annuels opérés de 2019 à 2021 représentent déjà 3, 1 milliards d’euros, qui sont fléchés vers des programmes à effet majeur jugés – à juste titre – prioritaires : le renseignement, la détection et les services spatiaux, le numérique et la cyberdéfense, la rénovation et la prolongation de la durée de vie des chars Leclerc et le lancement des études de propulsion nucléaire du futur porte-avions de nouvelle génération, qui doit entrer en service en 2038.

Je n’oublie pas non plus l’effort budgétaire supplémentaire réalisé en faveur du volet hébergement du plan Famille. Là encore, nous sommes loin du compte, puisqu’il faut ajouter à ces ajustements le surcoût des OPEX – 600 millions d’euros rien que pour 2019 et 2020 –, le reste à charge de la cession des Rafale à la Grèce et à la Croatie, sur lequel aucune donnée ne nous a été communiquée, l’achat d’une frégate de défense et d’intervention (FDI) supplémentaire et des dépenses de soutien et d’imprévus telle la réparation du SNA Perle, qui, soit dit en passant, est une prouesse à saluer.

Au total, sur le fondement d’estimations prudentes, nous constatons que ces ajustements représentent près de 7, 4 milliards d’euros. Si l’on y ajoute le coût prévisionnel de l’entretien programmé des matériels, le respect de la trajectoire de remontée de la préparation opérationnelle à l’horizon de 2025 et les moyens qui devront être déployés pour atteindre la haute intensité en 2030, c’est sur un périmètre minimal de 8, 6 milliards d’euros qu’aurait dû porter l’actualisation.

Soyons clairs, il s’agit d’un simple constat. Ce que nous dénonçons, ce ne sont pas ces ajustements, qui peuvent tout à fait être justifiés ; c’est le manque de transparence sur les concessions qui devront être faites par ailleurs pour financer ces efforts.

À l’heure du « quoi qu’il en coûte », devenu un mantra plus dangereux qu’utile pour notre pays lourdement endetté, comment comprendre que, dans un domaine de l’action publique où l’effort est indispensable car imposé par la réalité du monde, votre gouvernement rogne les dépenses militaires, qui plus est en catimini ?

Notre méthode de travail, celle qui consiste à analyser le fond avant de prendre position, démontre bien que le Gouvernement doit travailler avec le Parlement, de manière sincère et transparente.

Si les objectifs fixés pour 2025 ne peuvent pas être atteints, comme vous l’avez sous-entendu dans votre propos liminaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

… mieux vaut en parler dès maintenant afin de corriger le tir, plutôt que d’escamoter le sujet et de faire des promesses électorales pour mieux revenir dessus après la présidentielle.

Le président Cambon a énuméré la liste des renoncements ; je souhaite revenir plus précisément sur deux d’entre eux.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Les renoncements, c’était avant !

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Tout d’abord, pour ce qui concerne le Rafale, le risque que fait peser la cession de matériels d’occasion sur notre programmation militaire est nouveau, sur le plan tant financier que capacitaire. Ainsi, la cible fixée à l’horizon de 2025 pour le parc des Rafale de l’armée de l’air et de l’espace ne sera pas atteinte. Le président de la commission a précédemment indiqué qu’elle s’élevait à 129 unités, en raison du non-remplacement des douze Rafale d’occasion cédés à la Croatie ; peut-être nous donnerez-vous de bonnes nouvelles à ce sujet, monsieur le Premier ministre, mais j’en doute…

Se posera en outre l’équation complexe de la disponibilité opérationnelle d’un parc réduit – il faut le souligner – de 9 %. La question de la réduction capacitaire ne trouve pas de réponse à ce stade, comme le chef d’état-major des armées – je veux moi aussi lui rendre hommage – nous l’a confirmé en commission, sauf à améliorer l’activité du parc existant et à prolonger, le cas échant, la durée de vie des Mirage 2000-5, au prix d’un surcoût en EPM et en maintien en condition opérationnelle (MCO).

Quant à la dimension financière de l’opération, il s’agit de céder des appareils opérationnels qu’il faudra remplacer au prix du neuf ; le modèle économique de ces partenariats stratégiques atteint donc déjà ses limites… Par ailleurs, bien qu’il faille se féliciter du nouveau succès à l’export du Rafale en Indonésie, en version neuve cette fois, ce n’est pas un problème de coût qui se posera à l’armée de l’air, mais bien celui du calendrier de livraison des futurs avions par Dassault, qui ne dispose que d’une seule chaîne de montage de Rafale – je rappelle qu’il faut trois ans entre une commande et une livraison.

Je regrette en outre que l’ambition d’une LPM « à hauteur d’homme » soit remise en cause par les retards de livraison sur les véhicules blindés légers et les véhicules des forces spéciales. Ces programmes s’avèrent déterminants pour la sécurité et la protection de nos soldats en OPEX, comme vous l’avez fort justement rappelé, monsieur le Premier ministre. Les véhicules blindés légers, du fait des missions de reconnaissance et de liaison qu’ils remplissent, sont particulièrement exposés aux risques balistiques, aux mines et autres engins explosifs improvisés (EEI). Or le retard pris dans la régénération des VBL semble acté dans l’actualisation de 2021.

J’ai maintes fois alerté Mme la ministre des armées ou le délégué général pour l’armement (DGA) sur cette question, sans qu’aucune solution tangible n’ait été présentée en vue d’une résolution du problème avant la fin de la LPM, pour accélérer par exemple l’arrivée des véhicules blindés d’aide à l’engagement, ou VBAE. La même question peut se poser pour le véhicule qui remplacera l’engin blindé du génie en matière de lutte contre les risques de mines et autres EEI.

Il y va de la protection individuelle de nos militaires. On ne saurait se satisfaire que de tels retards soient imputés à des problèmes industriels.

D’ici à 2025, il reste quatre ans pour exiger que le retard soit rattrapé ; monsieur le Premier ministre, il s’agit d’une demande que je vous adresse solennellement aujourd’hui, au nom du groupe LR.

En conclusion, permettez-moi de vous livrer le fond de ma pensée. Le Gouvernement a raté la dernière occasion qui lui était offerte avant 2022 de présenter dans de bonnes conditions les efforts d’adaptation de nos armées à l’environnement international plus menaçant et imprévisible qui nous entoure.

Nous ne voudrions pas que cette loi de programmation militaire souffre des mêmes syndromes que les grandes réformes portées par votre gouvernement, à savoir le syndrome de la déconnexion entre les déclarations et les actes et les ravages de la politique du « en même temps ».

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Et les mandatures précédentes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

En début de LPM, le Président de la République annonçait que la dissuasion était sanctuarisée, que le développement des capacités dans le domaine du cyber était une priorité, tout comme le renseignement, et j’en passe. Or, quand tout devient prioritaire, plus rien ne l’est.

Et les priorités politiques ont fini par prendre le pas sur les priorités opérationnelles. Les programmes à effet majeur sont devenus des objets politiques avant d’être des réponses à des besoins opérationnels. Cette mainmise du politique sur les affaires militaires a stérilisé l’échelon interarmées et réduit les états-majors au rôle de sténographes de la pensée complexe.

L’État stratège n’est pas celui qui réactualise en catimini pour pouvoir revenir sur la parole donnée ; l’État stratège n’ambitionne pas de réorienter ce qu’il ne pourra pas respecter. L’État stratège est celui qui voit loin, qui associe, qui croise et qui capitalise. Il milite pour un échelon interarmées maître de son destin, ayant les moyens d’anticiper, de se préparer et de se réformer pour faire face aux ruptures actuelles et futures.

C’est pourquoi, s’il y a des dépenses supplémentaires, il faut discuter de manière lucide et en toute transparence des économies ou des sacrifices à réaliser par ailleurs. Nous le devons aux militaires, femmes et hommes qui, pour notre sécurité, mettent leur vie en danger. Ils méritent notre indéfectible soutien.

En 2018, monsieur le Premier ministre – beaucoup l’ont rappelé avant moi –, la LPM a recueilli dans cet hémicycle 95 % de votes favorables : 326 voix sur 348. Aujourd’hui, je crains que votre entêtement dans la rétention d’information ne transforme finalement tout l’or que vous avez mis dans cette LPM en plomb.

Au vu de ces éléments, le groupe LR a décidé, avec regret, de se prononcer contre votre déclaration.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, j’attaque mon huitième mandat parlementaire, ce qui témoigne d’une certaine passion pour la vie parlementaire et pour le contrôle que nous exerçons.

Pourtant, cette passion n’a absolument rien à voir avec l’importance que j’accorde, monsieur le Premier ministre, aux relations multiséculaires entre la France et son armée. Je ne suis pas un gaulliste historique, cher Roger, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

… mais La France et son armée est certainement la démonstration la plus forte de la continuité de la construction de notre pays. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, les liens multiséculaires que je viens d’évoquer sont absolument fondamentaux.

Dans cet hémicycle – je m’y exprime très librement –, nous aurons, cette semaine, consacré plus de temps au vélo-cargo et aux pistes cyclables en milieu périurbain qu’aux 295 milliards d’euros de la loi de programmation militaire.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Daniel Chasseing, Joël Guerriau et Jean-Claude Requier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je ne reviendrai pas sur l’intervention du président Cambon, que je soutiens totalement. Vous avez senti, monsieur le Premier ministre, car vous êtes un homme suffisamment subtil pour évaluer toutes les variations des caractères, combien le président de la commission des affaires étrangères et de la défense nationale, ainsi que tous les membres de cette commission, étaient choqués par une procédure dont ils ne comprennent absolument pas l’utilité. Vous disposez en effet dans cette assemblée, au-delà des divisions partisanes, d’un très large soutien concernant l’action de notre armée et la façon dont elle est conduite.

Je ne reviendrai pas non plus sur l’intervention brillante de mon jeune collègue Cédric Perrin, qui maîtrise absolument ces dossiers. Je voudrais simplement vous saisir, monsieur le Premier ministre, de l’obligation qui vous est faite d’engager le débat en réponse aux appels du Président de la République lui-même.

Voilà en effet une situation extraordinaire : en juin 2018, nous adoptons une loi de programmation militaire ; en décembre 2019, c’est-à-dire dix-huit mois plus tard, le Président de la République, parce qu’il est jeune et parce qu’il aime la provocation – on peut bien évidemment le lui pardonner –, nous explique que l’OTAN est en mort cérébrale. Enfin, tout récemment, le 10 juin dernier, il annonce, quelques semaines après un débat parlementaire sur l’opération Barkhane, la fin de cette dernière. Madame la ministre, vous ne l’aviez sans doute pas pressentie, puisque nous ne l’avions pas évoquée durant ce débat auquel vous avez participé. Vous aviez donc l’occasion, au travers d’un débat parlementaire, de rétablir le lien de confiance et de compréhension entre un Parlement, en tout cas un Sénat, qui soutient pour l’essentiel cette action, et votre action elle-même, qui doit s’adapter à l’environnement.

Permettez-moi de prendre pour exemple la « mort cérébrale » de l’OTAN. Il se trouve que l’OTAN a choisi – j’y vois une victoire diplomatique pour la France – de se réunir à Paris pour annoncer son nouveau programme. Dans un communiqué interminable, tout à fait typique de cette littérature internationale incompréhensible dont la boussole indique rarement le nord, sont égrenés – quand même ! – quelque soixante-dix-neuf points ; mais on n’y trouve aucune des réponses aux questions que le Président de la République posait à juste titre.

Ainsi de la Turquie, membre de l’OTAN, qui compromet notre vision collective européenne en Syrie, en Méditerranée orientale ainsi qu’au Caucase, naturellement, entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.

Concernant par ailleurs l’ennemi que l’OTAN voudrait nous imposer – je suis président du groupe d’amitié France-Russie –, que la relation bilatérale avec la Russie ne soit pas la plus simple à cogérer, c’est certainement vrai. Mais le Président de la République a-t-il l’intention d’épouser la politique de l’OTAN consistant à faire de la Russie l’ennemi que vous aimerez haïr ? Je pense profondément qu’un débat parlementaire aurait permis d’approfondir ce sujet et que des leçons auraient pu en être tirées.

Derrière la Turquie, en effet, il y a des moyens matériels. Si les avions grecs nous posent des problèmes, si les avions croates nous posent d’autres problèmes – Cédric Perrin, notamment, les a évoqués –, c’est bien qu’il y a un sujet turc en Méditerranée et une absence de réponse et de clarification de la part de l’OTAN.

Nous avions besoin de ce débat, et il n’a pas eu lieu. À ce tableau j’ajouterai la Chine, dont les États-Unis, à juste titre, dénoncent les menées impérialistes en mer de Chine orientale, vis-à-vis du Japon, et dans le détroit de Formose, vis-à-vis de Taïwan. Allons-nous être entraînés dans cette affaire, et de quels moyens disposerons-nous ?

Sur le sujet des moyens militaires et maritimes, les réponses apportées dépendent aussi de ce que font nos alliés. De ce débat, nous avions besoin ; et vous n’auriez d’ailleurs dû avoir aucune crainte à l’ouvrir devant nous car, en général, nous nous parlons et nous nous comprenons. Or vous ne le faites pas ; c’est complètement désarmant !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Justement, je l’ai ouvert !

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs Les Républicains

Il fallait plus que deux heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Autre sujet sur lequel le Président de la République est intervenu : Barkhane. La décision qu’il a prise peut s’expliquer, j’en suis convaincu. Mais elle mérite au moins un débat, un échange !

La Constitution, à cet égard, est formelle : certes, le Président de la République est le chef des armées – c’est l’article 15. Reste que c’est le Gouvernement, responsable, lui, devant le Parlement, qui conduit et détermine la politique de la Nation. Et s’il revient au Président de la République de négocier et de ratifier les traités, ceux-ci doivent jusqu’à preuve du contraire être présentés au Parlement pour approbation législative.

Il y a donc, en l’espèce, un déficit absolument incompréhensible. Une profonde et inacceptable désinvolture à l’égard du Parlement est-elle en cause ? Les sujets de défense sont suffisamment graves pour qu’on prenne le temps de respecter ceux qui sont, par leurs votes, par leur soutien constant et par leurs analyses, les appuis les plus solides des décisions afférentes.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Joël Guerriau et Dany Wattebled applaudissent également.) Je n’ai pris que sept minutes, parce que je n’avais que cela à dire, l’essentiel ayant été exprimé avec compétence par des collègues qui ont la passion de ces sujets. Quand on a la passion de la France et quand on aime son armée, on donne à cette dernière tous les soutiens possibles, et on consolide ce soutien en s’adressant au Parlement et au monde politique. Ce soutien vous était acquis ; pourquoi diable ne l’avoir pas mobilisé ?

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Notre Président de la République a la tentation du superficiel, de l’émotif, du spectaculaire et du tirage au sort. Je préfère l’élection et, d’ailleurs, les électeurs nous préfèrent – nous venons de le voir. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre des armées, mes chers collègues, je souhaite profiter du temps qui m’est imparti, cinq minutes, pour aborder la question sensible des surcoûts liés aux opérations extérieures. Cela me donne l’occasion de m’associer à l’hommage rendu à nos soldats par de nombreux orateurs avant moi.

Chaque année, nous votons une dotation budgétaire destinée à couvrir ces surcoûts. Depuis 2001, soit depuis vingt ans, cette dotation n’a jamais permis de couvrir les surcoûts constatés. Néanmoins, depuis 2019, leur budgétisation se rapproche des besoins grâce à l’augmentation progressive de la dotation initiale : de 850 millions d’euros, elle est passée à 1, 1 milliard d’euros, ce qui représente une hausse de 30 %.

Les besoins de financement additionnels, c’est-à-dire les surcoûts nets non couverts par la dotation initiale, ont essentiellement été financés par un recours à la réserve de précaution. Je tiens à cet égard à saluer l’effort de transparence et de sincérité budgétaire accompli par le ministère des armées.

Dans son rapport sur le budget de l’État en 2020, la Cour des comptes considère que l’aboutissement de la trajectoire de la dotation a mis un terme aux sous-budgétisations chroniques des surcoûts OPEX. L’intégration des dépenses liées aux missions intérieures au sein de la dotation initiale a également contribué à l’amélioration de la programmation de ces coûts.

Afin de parachever ce mouvement, la Cour des comptes recommande d’inclure dans la dotation initiale les dépenses de personnel liées aux opérations intérieures telles que l’opération Sentinelle. Monsieur le Premier ministre, quelle suite le Gouvernement envisage-t-il de donner à ces propositions ?

Malgré l’amélioration de la programmation budgétaire des surcoûts, la majorité sénatoriale reproche au Gouvernement de ne pas recourir à la solidarité interministérielle pour couvrir ces surcoûts nets. Cette critique ne me semble pas justifiée, dans la mesure où les crédits de la réserve de précaution sont interministériels.

De surcroît, au regard des circonstances exceptionnelles auxquelles nous faisons face, il paraît difficile de faire jouer cette solidarité interministérielle au-delà de la mobilisation de la réserve de précaution. Que dirait-on si l’on prélevait des crédits destinés à la santé, à la vaccination ou à l’action sociale pour financer ces OPEX ?

Force est de constater que les efforts déployés par le Gouvernement tranchent nettement avec l’inaction des gouvernements Raffarin, Villepin et Fillon. Ces gouvernements n’ont, en effet, rien fait pour mettre fin à la sous-dotation des surcoûts OPEX.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pis, ils ont financé les besoins de financement additionnels par des annulations de crédits d’équipement des forces, alors même que la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 disposait que ces surcoûts devaient être financés par la réserve de précaution interministérielle. Au total, près d’un milliard d’euros d’équipement des forces ont ainsi disparu. À l’époque, j’ai entendu peu de litanies sur la chute de notre dotation à l’armée… ( M. Gérard Longuet s ’ esclaffe.)

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. La majorité sénatoriale est d’autant plus mal placée pour donner des leçons que le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été marqué par une baisse des budgets annuels de 2 milliards d’euros entre 2009 et 2012, par la fermeture de quatre-vingt-trois emprises militaires et par la suppression de près de 60 000 emplois militaires.

M. Laurent Duplomb s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Avant de conclure, je souhaite saluer la décision du Président de la République relative à la reconfiguration de l’opération Barkhane. Cette décision est bienvenue : elle participe d’une logique d’européanisation et d’internationalisation de la lutte contre le terrorisme, en somme de meilleur partage du fardeau. À cet égard, je souhaite savoir comment la transformation du dispositif militaire français au Sahel se traduira sur le plan budgétaire.

Pour ces raisons, monsieur le Premier ministre, notre groupe soutiendra votre déclaration.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, malgré des débuts très chaotiques marqués, en 2017, par une coupe drastique de 850 millions d’euros, nous avons abordé l’examen du projet de loi de programmation militaire, l’année suivante, dans un état d’esprit de consensus et de dialogue permanent avec la ministre, qui prévaut jusqu’à ce jour.

Entendez, dès lors, notre incompréhension totale, exprimée par notre collègue Gérard Longuet, face au choix assumé que vous faites de ne pas respecter l’article 7 de la loi que nous avons adoptée, tout en rappelant, par ailleurs, que vous respectez le Parlement. Le « en même temps » a ses limites… Entendez également notre incompréhension de vous voir finalement privilégier un débat de trois heures, alors que nous discutons du plus gros investissement de l’État, qui détermine les moyens consacrés à la défense de notre pays et à la sécurité de celles et de ceux qui s’engagent pour assurer cette défense.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir prévu un vote sur un projet de loi d’actualisation plutôt qu’un blanc-seing politique ? Nos militaires, comme nos industriels, d’ailleurs, n’attendent pas des indications, mais des engagements chiffrés ; surtout, ils attendent de savoir que ceux-ci seront respectés, comme ce fut le cas depuis trois ans.

Nous nous réjouissons de la bonne exécution de la LPM, mais l’actualisation nous aurait offert des garanties concernant l’exécution à venir. L’incertitude de la courbe du PIB, que vous avancez comme argument, devrait au contraire nous convaincre de sécuriser la trajectoire budgétaire de la défense pour les années 2024 et 2025.

Ce débat est un rendez-vous raté. Notre soutien était acquis à une véritable discussion sur les ajustements à apporter en cours de programmation. Nous souhaitions accompagner des décisions parfois difficiles, parce que nous les comprenons, et continuer tout simplement à travailler dans la confiance et la transparence sur les enjeux majeurs que sont l’amélioration opérationnelle, la disponibilité des équipements, l’évolution des effectifs et le respect de la trajectoire financière.

Pour ce qui est du bilan, au tiers du parcours de la LPM, les réponses partielles du ministère des armées nous ont confirmé ce que nous savions déjà, à savoir qu’il existe des besoins nouveaux et que ceux-ci devront être financés à enveloppe constante.

Certains grands projets financièrement très lourds seront probablement sanctuarisés : le renouvellement de la dissuasion nucléaire, le porte-avions de nouvelle génération ainsi que – nous le savons depuis quelques heures – le système de combat aérien du futur (SCAF). Mais nous craignons des effets d’éviction sur d’autres programmes, d’autant que l’apparition de nouvelles menaces génère des besoins capacitaires dans les domaines spatial et cyber ou dans celui de la lutte anti-drones. Concernant l’armée de terre, le traitement des obsolescences du char Leclerc sera coûteux ; si l’on veut être prêt pour la haute intensité et réaliser l’Ambition 2030, cette remise à niveau devra se faire sans effet d’éviction sur d’autres aspects du programme Scorpion.

Certes, les évolutions de la programmation sont naturelles dans un contexte stratégique fluctuant, s’agissant de programmes industriels lourds et technologiquement complexes. Mais nous avons besoin de clarté, monsieur le Premier ministre, sur les programmes sanctuarisés et sur ceux pour lesquels vous envisagez un ralentissement. Quels seront les impacts de ces arbitrages sur la mise en œuvre des objectifs de la LPM à l’horizon de 2025 ?

Les questions en suspens sont nombreuses, donc, rendant impérative une revoyure : il nous faut planifier l’avenir et ne pas nous contenter de revisiter le passé, que nous connaissons.

Si l’on prend en compte les surcoûts des OPEX et les diverses dépenses nouvelles de soutien et d’imprévus, on dépasse à l’évidence les 8 milliards d’euros – cela a été dit. Il s’agit certes d’estimations, mais elles n’ont rien de fantaisiste : nous nous contentons de recenser des ajustements qui sont indiscutables. Si le Gouvernement n’est pas d’accord sur les chiffres, il lui appartient de mieux en informer le Parlement.

Je voudrais également mettre l’accent sur l’un des objectifs majeurs de la loi de programmation : celui qui consiste à prendre en compte les besoins « à hauteur d’homme et de femme ».

Les programmes à effet majeur sont indissociables des autres opérations d’armement qui visent à renforcer les équipements et la protection individuelle de nos soldats. Qu’il s’agisse de l’armement léger, de la vision nocturne ou des dispositifs de lutte contre les engins explosifs, l’effort d’équipement promis au titre de la LPM ne doit pas être relâché.

Concrètement, un suivi tout particulier doit être accordé aux petits équipements, qui occupent une grande place dans la sécurité du combattant et doivent être préservés à tout prix, ou « quoiqu’il en coûte », comme pourrait dire le Président de la République. À l’heure où la nouvelle nous arrive d’une énième attaque à la voiture piégée au Sahel, je voudrais adresser une pensée solidaire à nos blessés et à leurs familles et exprimer toute notre reconnaissance à celles et ceux qui s’engagent jusqu’au sacrifice de leur vie.

Face à la menace des mines et des engins explosifs, nous demandons l’accélération de la livraison des kits de blindage commandés en urgence, afin de renforcer la protection des véhicules blindés légers.

Comme l’a dit mon collègue Cédric Perrin, il faudrait aussi songer à ériger en priorité nouvelle le projet de véhicule blindé d’aide à l’engagement, ou VBAE, pour commencer à remplacer le VBL avant la fin de la LPM.

Nous constatons des retards dans les livraisons du programme Scorpion. Nous pouvons également nous interroger sur notre autonomie en matière d’approvisionnement en munitions. Notre rapport d’information a mis en évidence la nécessité de chiffrer dès à présent les besoins en matériels et en préparation opérationnelle afin de remplir les objectifs de l’actualisation stratégique et de l’Ambition 2030 – ces besoins se chiffrent en milliards d’euros.

La question des effectifs, c’est-à-dire de la fidélisation et de l’amélioration de la vie militaire, n’est pas accessoire par rapport à celle des équipements. Il y va au contraire de la valeur cardinale de nos armées, celle sur laquelle doit reposer le lien de confiance entre la Nation et ses forces armées – nous en sommes tous ici convaincus, je le sais. C’est pourquoi il est dommage que nous ne puissions offrir en retour aux femmes et aux hommes qui nous protègent, et qui méritent mieux qu’une simple déclaration politique ou générale, une loi d’actualisation sécurisant leurs moyens et leur condition militaire.

À cet égard, au nom de mon groupe politique, je m’associe pleinement à l’appel lancé en faveur du service de santé des armées. Il est urgent de doter ce service des personnels suffisants et d’offrir à nos médecins et infirmiers de meilleures conditions de vie, à la hauteur de leur engagement pour la Nation.

Pour toutes ces raisons, qui s’ajoutent à celles qui ont déjà été évoquées par mon collègue Gilbert Roger, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat votera contre la déclaration du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Laurent applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Dominique de Legge, au nom de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Au terme de ce débat, monsieur le Premier ministre, quel décalage entre vos propos, qui se résument à de l’autosatisfaction – comme s’il n’y avait aucune ombre ni aucun problème dans l’application de la LPM ! –, et le bien-fondé des questions qui vous ont été posées et pour lesquelles nous attendons des réponses !

Monsieur le Premier ministre, on ne peut pas en même temps dire qu’on respecte le Parlement et se flatter de recourir systématiquement à l’article 50-1 de la Constitution, comme si le Parlement était une chambre d’enregistrement

M. le Premier ministre ironise.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

On ne peut pas, comme vous l’avez fait, dire que les 2 % du PIB sont atteints mais qu’il faut poursuivre l’effort sans préciser en même temps selon quelles modalités il faut poursuivre cet effort. On ne peut pas dire que nos capacités opérationnelles sont maintenues et en même temps céder des Rafale sans annoncer quand, comment et à quel coût ils seront remplacés.

On ne peut pas en même temps dire – je reprends vos termes – que la crise bouleverse les conditions de l’actualisation de la LPM, ce qui est reconnaître un bouleversement, et ne pas appliquer l’article 3, qui a justement été écrit pour que soit prise en compte l’évolution de la situation macroéconomique.

On ne peut pas en même temps dire qu’on respecte la LPM et refuser d’appliquer deux de ses articles. On ne peut pas en même temps faire valoir le « quoi qu’il en coûte » pour répondre à la crise sanitaire et ne pas en tirer les conséquences pour nos forces armées.

Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, nul n’est au-dessus des lois, fût-il Jupiter.

M. le Premier ministre s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

M. Dominique de Legge, au nom de la commission des finances. Au terme de ce débat, lorsque nous passerons au vote, peut-être aurez-vous une satisfaction. On a théorisé, à propos de votre mouvement, le « et de droite et de gauche » ; je crains qu’au moment du vote vous ayez bel et bien la satisfaction de voir les travées de droite et de gauche unanimes…

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une loi de programmation militaire a pour finalité de protéger les Français, aujourd’hui et demain.

La LPM est l’outil indispensable au soutien de l’engagement politique du Président de la République en matière de défense : un plan de frappe de près de 300 milliards d’euros pour réparer et préparer nos armées.

La loi de programmation militaire, c’est la réponse à une ambition, celle que le Président de la République a définie pour répondre aux enjeux d’un contexte stratégique – certains d’entre vous en ont rappelé les contours – marqué par une accentuation des tensions internationales, par la persistance de la menace terroriste et par l’affirmation désinhibée de puissances établies ou émergentes. Les milieux conventionnels ne sont pas seuls concernés : le sont également les milieux hybrides que sont le cyberespace, la datasphère ou l’espace exo-atmosphérique.

M. le Premier ministre l’a rappelé, cette ambition est celle d’un modèle d’armée complet dotant nos forces militaires de moyens d’action autonomes dans tous les champs d’opérations – milieux terrestre, maritime, aérien, spatial, grands fonds marins, espace numérique –, et ce, autant que possible, dans le cadre de coopérations.

Je ne vous apprends rien en évoquant cette ambition, puisque vous y avez pleinement adhéré et avez partagé l’analyse sur laquelle elle repose. La semaine dernière encore, monsieur le président de la commission, vous me rappeliez, non sans une certaine fierté, que le Sénat avait voté le 28 juin 2018 cette loi de programmation militaire sans réserve, à une majorité de 326 voix contre 14.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Par ce vote, vous avez exprimé à une très large majorité votre plein soutien aux orientations capacitaires et à la trajectoire financière de la LPM. Vous avez considéré en effet que nos forces armées en avaient besoin, qu’elles méritaient un effort national à la hauteur de leur engagement, que, tout simplement, un tel soutien était nécessaire.

Et comment en aurait-il été autrement ? Pendant des années, le budget des armées n’avait cessé de diminuer alors que, dans le même temps, les engagements de la France allaient croissant. Pendant des années, la défense avait été la variable d’ajustement des finances publiques. §Voilà maintenant quatre ans que ce n’est plus le cas, et je m’en félicite.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Nous aussi !

M. Gérard Longuet renchérit.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

L’engagement de nos soldats, aviateurs et marins est constant et sans réserve. Nous devons donc être à la hauteur.

Dès 2017, sans même attendre le vote de la loi de programmation militaire, nous avons assuré – quand je dis « nous », c’est nous tous – la croissance du budget des armées, avec une hausse de plus de 1, 8 milliard d’euros en 2018 et de 1, 7 milliard d’euros chaque année depuis lors.

La trajectoire financière de cette loi de programmation militaire s’est donc traduite par l’injection cumulée de 27 milliards d’euros supplémentaires dans notre économie. Autrement dit, en quatre ans, nous avons apporté l’équivalent de deux années de budget d’investissement supplémentaires.

Sur la période 2019-2023, les crédits budgétaires inscrits dans la LPM s’élèvent au total à 198 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un plan de relance destiné à la défense seule. C’est considérable et c’est essentiel pour notre économie, qui en a plus besoin que jamais au sortir d’une crise sanitaire sans précédent.

Quand je parle de croissance du budget de la défense, je ne parle pas de promesses, mais d’actes. Vous le savez mieux que personne : comme l’a rappelé M. le rapporteur des finances, il y a les lois de finances initiales, mais il y a surtout l’exécution de ces lois de finances. Or, pour la première fois depuis des décennies, la LPM est respectée ; chaque année, les crédits ont été votés et les ressources affectées et exécutées conformément à la loi de programmation militaire.

J’en ai d’ailleurs rendu compte encore tout récemment à l’Assemblée nationale, au titre de l’année 2020, dans le cadre du « printemps de l’évaluation ». Et je ne doute pas, monsieur le président Cambon, que j’aurai encore à en rendre compte – c’est mon devoir – devant votre commission.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Cet effort historique s’inscrit dans la durée, comme l’a souligné M. le Premier ministre voilà quelques instants.

Depuis le vote de la loi de programmation militaire, nous avons fait du chemin, et cela se voit. Pour reprendre une formule que les anglophones affectionnent, la LPM « délivre ».

Je ne détaillerai pas devant vous la longue liste des matériels qui ont d’ores et déjà été livrés à nos forces. Les matériels arrivent dans les unités ! Et nous constatons – vous constatez – chaque jour l’impact positif de ce changement sur le moral de nos militaires.

Quand on parle de loi de programmation militaire, on a souvent tendance à se concentrer sur les grands équipements ; mais c’est en fait bien davantage : la guerre se gagne certes avec des matériels, mais elle se gagne surtout avec des femmes et des hommes servant notre pays avec courage et avec abnégation. Et, précisément, la LPM 2019-2025 se caractérise par sa hauteur d’homme.

Quand on attend de nos forces qu’elles s’engagent pleinement dans les missions qu’on leur a fixées, quand on exige d’elles le meilleur, on doit leur donner les moyens d’agir en toute sérénité, à la hauteur de leur engagement.

J’ai donc fait de cet axe une priorité majeure de la loi de programmation militaire, et je suis fière de pouvoir vous dire que les progrès sont là. La liste est longue et je sais que les membres de la commission des affaires étrangères et de la défense connaissent ces questions aussi bien que moi ; pour cette raison, je me contenterai de quelques exemples pour illustrer mon propos.

Une attention particulière a été apportée aux petits équipements, car ce sont les outils de travail du quotidien : près de 50 000 nouveaux fusils d’assaut ont été distribués, soit plus de 60 % de la cible ; 100 % des personnels déployés en opérations extérieures sont équipés du nouveau treillis ignifugé, plus protecteur que le précédent ; les nouveaux gilets pare-balles ont tous été livrés aux personnels qui devaient en être équipés.

Certains d’entre vous ont mentionné – je les en remercie – le plan Famille ; il est extrêmement complet. Il a été mis en place pour faire face aux difficultés que rencontraient les militaires et leurs familles dans leur vie quotidienne, parce qu’il n’y a pas de soldat fort sans famille heureuse. Les mesures retenues couvrent la condition du personnel, l’action sociale, la formation professionnelle, l’emploi des conjoints, le logement, l’hébergement… Vous l’avez compris, le cap est tenu en direction d’objectifs que nous avions fixés ensemble en 2018. Je dois donc avouer ma perplexité à entendre ceux qui en leur temps avaient voté des coupes budgétaires massives dire qu’ils vont s’abstenir, voire voter « sans complexe » contre une trajectoire en croissance, …

Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

… qui plus est conforme à la loi qu’ils ont votée voilà trois ans.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs Les Républicains

Article 7 !

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mesdames, messieurs les sénateurs, contre quoi allez-vous voter ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mme Florence Parly, ministre. Contre l’amélioration des conditions de vie de celles et ceux qui risquent leur vie pour nous protéger ?

Huées sur les travées du groupe Les Républicains, où l ’ on martèle les pupitres.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Je sais bien, cela vous gêne !

Allez-vous voter contre une meilleure protection des Français aujourd’hui et demain ?

C ’ est honteux ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Vous le savez très bien : s’il existe un sujet régalien qui devrait dépasser les clivages, eu égard aux enjeux qu’il revêt pour notre nation, c’est bien celui de la défense.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Je crois que les Français méritent mieux que ça.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Que leur protection devienne l’otage de querelles politiciennes est inadmissible et surtout dangereux !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ils veulent le respect du Parlement, les Français !

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mme Florence Parly, ministre. Et qu’en penseront les militaires ?

Le brouhaha redouble d ’ intensité.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous avons écoutés ; à nous de nous exprimer dans le silence.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Qu’en penseront les militaires eux-mêmes ?

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Le 14 juillet approche, mesdames, messieurs les sénateurs. L’attachement à nos armées ne se clame pas uniquement ce jour-là.

J’en viens à la question qui m’est posée.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs Les Républicains

Il était temps !

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mme Florence Parly, ministre. Pourquoi n’y a-t-il pas d’actualisation ?

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

L’objectif fixé par le Président de la République est clair : vous l’avez rappelé, il s’agit d’atteindre 2 % du PIB à l’horizon 2025 pour nos armées.

Or, si les ressources financières ont été fixées pour la première partie de la loi de programmation militaire, jusqu’en 2023 inclus, vous vous souvenez sans doute que l’exacte trajectoire reste à définir pour les deux dernières années, 2024 et 2025.

Si l’on s’en tenait, comme vous le préconisez, à la lettre de la LPM et de son article 7, que se passerait-il ? L’objectif de 2 % ayant été atteint dès 2020 – nous l’avons constaté –, cela signifie-t-il qu’il faudrait interrompre nos efforts ? Bien sûr que non ! Il faut les poursuivre – je n’ai entendu personne dire le contraire. Faut-il considérer que nos forces sont réparées et que nous pouvons en rester là ? Nous savons que le chemin à parcourir est encore long et que nous avons beaucoup à faire. Si vous soutenez la défense, comme vous venez de le réaffirmer avec force, il faut donc à l’évidence soutenir cette loi de programmation militaire : c’est un choix de cohérence.

(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Souhaiteriez-vous prendre le risque de pénaliser nos armées devant l’incertitude de la conjoncture économique ?

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Recourir à un texte législatif, mesdames, messieurs les sénateurs, eût été inopérant, car nous ne disposons pas de prévisions macroéconomiques fiables pour les années 2024 et 2025. §

Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne restons pas l’arme au pied, selon l’expression consacrée. Nous avons conduit en début d’année un travail important d’actualisation stratégique, dont je vous ai présenté les conclusions en détail le 17 mars dernier ; ce travail confirme toute la pertinence de l’ambition fixée pour notre défense.

S’y trouve toutefois souligné aussi que nous n’avions pas anticipé l’accélération de certaines menaces et de certaines tendances. Des inflexions sont donc nécessaires, autour de trois axes

Premier axe : « mieux détecter et contrer », c’est-à-dire renforcer la priorité donnée au renseignement en développant notamment nos capacités défensives et offensives dans le champ du cyber et du numérique.

Deuxième axe : « mieux se protéger », en accélérant l’effort porté sur la résilience, c’est-à-dire la protection de nos forces et des Français sur le territoire national, en ce qui concerne en particulier les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), la santé et la lutte anti-drones.

Troisième axe : « mieux se préparer », concerne l’entraînement et la préparation opérationnelle. Les conflits d’aujourd’hui montrent que nos armées doivent être prêtes à riposter dans tous les champs de la conflictualité, qu’ils soient matériels ou immatériels, ce qui suppose un entraînement plus conséquent et plus sophistiqué ; l’effort en cours sur la disponibilité des matériels y contribue directement.

Nous sommes donc bien en marche §vers l’actualisation : nous travaillons à ce qu’elle puisse intervenir en temps utile.

En attendant, j’entends beaucoup de choses qui me semblent relever du mythe, à moins qu’il ne s’agisse par là de tester les capacités de lutte contre la désinformation que nous développons. §Je voudrais couper court à certaines rumeurs ou, à tout le moins, aux mauvaises interprétations.

Les différents intervenants ont fait de multiples références au rapport d’information de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. À l’exception d’une synthèse de quelques pages, ce rapport demeure introuvable pour ceux qui le cherchent, ce qui n’empêche pas certains de le saluer. N’ayant pas eu la chance d’en être destinataire, il m’est difficile – vous en conviendrez – d’y répondre systématiquement, point par point.

Ce que j’ai pu en lire révèle une vision centrée sur les 5 % vides d’un verre à 95 % plein. Permettez-moi de vous le redire : nous sommes au rendez-vous et le verre est bien à 95 % plein !

On fait état de surcoûts ; ils s’élèveraient, dit-on, à 8, 6 milliards d’euros ! À ce propos, tout de même, votre synthèse est des plus ambiguës : bien qu’elle ne soit pas longue, il faut patienter jusqu’au milieu de la cinquième page pour y lire, entre deux phrases en gras, que « ces montants ne représentent en aucun cas un surcoût net sur l’enveloppe de la LPM ». Nous voilà rassurés ! Je vais vous le dire, quant à moi, de manière plus claire : il n’y a pas de surcoût de 8, 6 milliards !

Comme je vous l’ai dit, la programmation est un plan de bataille ; or, à la guerre, on s’adapte ! La LPM n’est donc pas un objet figé : nous avons fixé un cap sur une longue période et nous procédons à l’exécution en nous adaptant à la réalité, celle de la « vie des programmes », comme on dit, et celle de la conjoncture économique. La crise sanitaire, par exemple, a entraîné certaines difficultés pour nos industriels : certains n’ont pas toujours été en mesure de livrer les équipements dus à bonne date quand d’autres étaient en capacité de le faire.

Cet exercice n’a rien de théorique. Il a lieu chaque année – vous le savez très bien – et conduit à des ajustements de trajectoire capacitaire dont vous êtes informés à travers les documents budgétaires et les rapports d’exécution que nous produisons chaque semestre à votre attention.

Il semble que ce rapport de votre commission fasse référence à certains décalages. Mais, s’ils existent – j’y reviendrai dans un instant –, ces décalages résultent d’une analyse détaillée et d’une priorisation que les forces armées assument totalement.

Je voudrais relever un certain nombre d’erreurs. Vous évoquez par exemple le surcoût induit par le programme des FDI, les frégates de défense et d’intervention ; or il n’y a là aucun surcoût ! Nous avons simplement décidé d’anticiper d’une année la commande de la troisième frégate, qui était prévue avant la fin de la loi de programmation militaire. Où est donc le surcoût ? Il s’agit d’une décision qui permet d’assurer la continuité du plan de charge de Naval Group, à Lorient.

En ce qui concerne les dépenses liées au covid, je me félicite de l’agilité dont le ministère des armées a su faire preuve en se mobilisant pleinement pour que tous les crédits qui ne pouvaient être dépensés en raison des retards de certains travaux puissent être redéployés.

Nous avons donc accéléré la dépense partout où cela était possible, non pour le plaisir de dépenser l’argent public, mais bien pour répondre aux besoins de nos armées et pour soutenir notre économie au moment où elle en avait le plus besoin, en y injectant 1 milliard d’euros supplémentaires. Il ne s’agit pas d’un surcoût, mais de la mise en œuvre d’un système de vases communicants entre dépenses anticipées et dépenses retardées.

Je voudrais, dans un autre domaine, lever des inquiétudes qui ont été exprimées de manière récurrente : alors que nous enregistrons des succès historiques à l’exportation concernant le Rafale, je trouve extraordinaire qu’une excellente nouvelle pour nos emplois, pour nos entreprises et pour notre influence à l’international soit considérée par certains comme un problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

M. Cédric Perrin. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. le président de la commission se joint à cette dénégation.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Pour ce qui est de l’export de Rafale à la Grèce, vous savez que cette commande se traduira par la production par Dassault de dix-huit avions neufs. Et, comme je l’ai déjà souligné, une cadence de production d’un Rafale par mois représente 7 000 emplois, non seulement chez Dassault, mais aussi dans les 500 petites et moyennes entreprises qui contribuent à la chaîne de valeur du Rafale.

L’intérêt n’est pas moindre lorsqu’il s’agit de vendre des appareils d’occasion : nous avons déjà passé la commande qui permettra de compenser l’impact de la cession d’appareils d’occasion aux armées grecques pour notre armée de l’air et de l’espace.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Ces avions seront au rendez-vous en 2025.

Nous avons également rencontré un grand succès en Croatie, puisque nous allons y exporter douze avions. Là encore, contrairement à ce que j’ai pu entendre, et je m’en suis personnellement entretenue avec M. le président de la commission, ces appareils seront évidemment compensés à l’armée de l’air et de l’espace.

Certes, ils ne partent pas immédiatement : ils partent moins vite que les avions grecs. Mais nous allons passer cette commande ; où est donc le problème ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

S’il y avait eu un débat en bonne et due forme, nous l’aurions su !

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mais je vous l’ai dit, monsieur le président de la commission, et je vous le répète solennellement à cette tribune.

Vous le voyez, il y a finalement peu à redire sur cette loi de programmation militaire. §Et il est d’autant plus difficile d’y redire quand tant a manqué à nos armées sous les mandatures précédentes.

Cela a été fort bien rappelé : entre 2007 et 2015, le budget de la défense a été durablement maintenu autour de 30 milliards d’euros, ce qui ne permettait même pas de préserver le pouvoir d’achat de nos armées.

Entre 2009 et 2013, ce ne sont pas moins de 3, 8 milliards d’euros qui ont manqué à l’appel si l’on compare les budgets exécutés à ce que prévoyait une LPM pourtant calculée au plus juste.

Entre 2008 et 2015, 60 000 emplois ont été supprimés au sein du ministère de la défense. Ces suppressions ont pesé sur toutes les armées et sur tous les services de soutien à un moment où ils étaient particulièrement mis à contribution, ce qui a remis en cause la capacité des armées à conduire les opérations dans la durée.

Des réductions temporaires de capacité majeures avaient été consenties à l’occasion des lois de programmation militaire précédentes : patrouilleurs de la marine, avions ravitailleurs et de transport… La dernière LPM s’emploie non seulement à combler ces réductions temporaires de capacité, mais aussi à renouveler des équipements anciens dont le maintien en condition opérationnelle aurait été extrêmement coûteux.

Je m’étonne que l’on puisse s’offusquer du décalage d’un an du lancement du programme Capacité hydrographique et océanographique future quand notre marine a subi les conséquences des coupes budgétaires des périodes précédentes.

À cet égard, je vous renvoie à un excellent rapport du Sénat, dont la publication remonte à 2007 ; il y était déjà souligné que le programme des frégates multi-missions (Fremm) avait accumulé un retard de trois ans. Faut-il rappeler qu’ensuite le nombre de Fremm prévues a été ramené de dix-sept à huit, mais que le coût du programme, lui, n’a pas varié ? Autrement dit, la marine nationale a acquis ces bateaux à un coût unitaire multiplié par deux.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mme Florence Parly, ministre. Le Sénat, je le sais, j’en suis témoin, sait se distinguer, quand il le veut, par la qualité de ses travaux. Sur ce sujet on ne peut plus sérieux, celui de la programmation militaire, s’il vous plaît, retrouvez votre sérieux !

Protestations indignées sur les travées des groupes Les Républicains et SER . – M. François Patriat applaudit.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Le Sénat, quand il le veut, sait prendre ses responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bouloux

Encore faut-il qu’il y ait un État en face !

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mme Florence Parly, ministre. Vous l’avez prouvé en votant largement cette loi de programmation militaire ; vous l’avez prouvé en votant les budgets annuels qui en permettent l’exécution. Alors, ressaisissez-vous.

Les protestations redoublent sur les travées des groupes Les Républicains et SER.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mme Florence Parly, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs

Au revoir ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

… la LPM est un engagement pleinement respecté par le Gouvernement. Nous ne dévions pas de la cible ; le cap est fermement tenu.

Cette loi de programmation militaire, vous le savez mieux que quiconque, est une première étape vers l’Ambition 2030, vers le modèle d’armée complet, durable et équilibré qui permettra de protéger la France et les Français des menaces futures.

Cet effort de remontée en puissance de nos armées, nous le poursuivrons bien évidemment au cours de l’année 2021 et à travers le budget pour 2022. Il est essentiel que la représentation nationale y apporte son plein soutien, envoyant par là un signal fort à nos armées et aux femmes et aux hommes qui les font vivre ; ils vous écoutent, et ils apprécieront.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur cette déclaration.

Conformément à l’article 39, alinéa 6, de notre règlement, il va donc être procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?… Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :

Le Sénat n’a pas approuvé la déclaration du Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.