Intervention de Jean Castex

Réunion du 23 juin 2021 à 15h00
Programmation militaire — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Jean Castex :

C’est une réalité que vous me permettrez de qualifier d’historique, puisqu’il s’agit de la première LPM pour laquelle, annuellement, le montant des crédits exécutés est conforme à celui qui a été autorisé par la représentation nationale. Ce ne fut qu’exceptionnellement le cas pour les lois de programmation antérieures, comme vous le savez toutes et tous. C’est dans ce même esprit que nous préparons la loi de finances pour 2022.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que la mise en œuvre de la loi de programmation militaire ait permis d’obtenir des résultats significatifs.

Les premières mesures – vous y avez d’ailleurs contribué – ont été « à hauteur d’homme », selon l’expression consacrée. Elles ont permis d’agir sur le quotidien de celles et ceux qui choisissent le métier des armes. Ces mesures très concrètes visent en effet à améliorer leurs conditions de vie, d’entraînement et de combat.

Ainsi, nous avons investi de manière inédite dans les infrastructures, notamment pour ce qui concerne le casernement. Nous avons porté une plus grande attention aux familles et aux conditions de logement, mais aussi veillé à mieux accompagner les personnels dans leurs carrières, notamment à travers la mise en place d’une nouvelle politique de rémunération plus moderne et plus juste.

Parallèlement, nous avons accéléré la modernisation des équipements. C’est notamment le cas de notre dissuasion nucléaire, dont le renouvellement des composantes aériennes et sous-marines est désormais engagé. Je fais aussi référence bien sûr aux nouveaux véhicules blindés conçus dans le cadre du programme Scorpion, qui renforcent considérablement la puissance de feu et la protection de notre armée de terre. Je pense encore à notre marine, à qui les nouveaux sous-marins de type Suffren, les Fremm – les frégates européennes multi-missions –, et, demain, le futur porte-avions vont permettre de faire face aux nouveaux défis posés par les perturbateurs de l’ordre international en mer. Je pense à notre armée de l’air dont la flotte d’avions de chasse et de drones armés se classera au meilleur rang mondial et qui a enfin pu renouveler son parc d’avions de transport et de ravitailleurs.

Certains ont pu s’inquiéter ici même des retards qu’ils croyaient observer dans les livraisons de tel ou tel type d’équipement. Mme la ministre des armées pourra vous donner toutes les explications nécessaires, notamment les aléas qui en sont la cause. Ceux-ci sont d’une certaine façon la contrepartie d’une loi de programmation ambitieuse, qui compte des centaines de programmes différents. À l’intérieur du cadre global, certains programmes prennent de l’avance, d’autres du retard. Ces variations sont finalement le reflet d’une gestion dynamique et réactive de la programmation. L’essentiel est que nos forces disposent des équipements dont elles ont besoin au bon moment, pour pouvoir s’engager sur les théâtres d’opérations.

Par ailleurs, et c’est un élément fondamental de notre politique de défense, la modernisation de nos forces doit s’accompagner d’une autonomie stratégique renforcée et d’un effort inédit en matière de renseignement. C’est évidemment dans ce secteur que la lutte contre le terrorisme exigeait un investissement majeur. Nous l’avons consenti : entre 2019 et 2023 – permettez-moi d’anticiper –, le montant annuel moyen du budget consacré au renseignement sera d’environ 400 millions d’euros, contre 260 millions d’euros en moyenne sur la période 2014-2018.

Nos services de renseignement verront leurs effectifs augmenter, puisque 25 % des créations de postes prévues par la LPM leur sont consacrées. De nouvelles capacités seront développées, en particulier pour intercepter les communications des groupes terroristes. En outre, le fonctionnement de nos services sera modernisé : la construction du nouveau siège de la DGSE, tout récemment confirmée par le Président de la République, en est une illustration emblématique.

Il en va de même s’agissant du domaine cyber. La loi de programmation militaire prévoit de consacrer 1, 6 milliard d’euros à la consolidation de l’autonomie stratégique de la France. L’accroissement du nombre de cybercombattants traduit notre volonté d’investir ce nouvel espace de conflictualité. Nous visons un objectif de plus de 4 000 au terme de la période couverte par la LPM. Le ministère dispose d’ores et déjà de 3 000 cybercombattants. Un pôle cyber des armées sera créé pour concentrer les expertises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouvel élan donné à notre défense va évidemment de pair avec la volonté de la France d’amplifier la relance de l’Europe de la défense. L’Union européenne a ainsi fait du Fonds européen de défense une réalité tangible, avec un premier budget qui atteint 8 milliards d’euros courants. L’Union investit désormais directement dans les capacités militaires, ce qui constitue une avancée majeure dans sa prise en compte des enjeux de défense.

Il en va de même de la Facilité européenne de paix, qui, soutenue par la France et approuvée par le Conseil européen le 22 mars dernier, a été dotée d’un budget à hauteur de 5 milliards d’euros : ce fonds témoigne de l’engagement collectif des pays de l’Union européenne à s’engager pour la paix et la stabilité internationales. Notre pays a donc joué un rôle moteur pour que des projets ambitieux soient lancés dans le cadre de la coopération structurée permanente, qui a donné lieu à la validation de quarante-six projets auxquels participent vingt-cinq pays.

Avec nos partenaires européens, nous avons aussi lancé des programmes d’équipements stratégiques. Je pense en particulier au système de combat aérien du futur, qui associe la France, l’Allemagne et l’Espagne. Ce programme ambitieux, qui combinera avions de chasse et drones d’accompagnement, donnera à nos pays et, plus largement, à l’Europe un avantage stratégique pour la maîtrise du ciel et les missions dans la troisième dimension.

Dans le champ opérationnel, l’Initiative européenne d’intervention constitue un cadre souple pour réunir les nations qui veulent agir ensemble. Elle est en train de s’imposer comme une instance reconnue d’interopérabilité stratégique.

Pour en revenir à la France, je veux insister devant vous sur les impacts de la loi de programmation militaire en termes de relance, d’industrie et d’emploi.

Dans le cadre de la première partie de cette loi, sur cinq ans – entre 2019 et 2023 –, pas moins de 110 milliards d’euros auront été injectés dans l’économie pour les équipements, les infrastructures, ainsi que pour le maintien en condition opérationnelle. Ces crédits viennent soutenir fortement notre économie.

Sur les exercices 2021 et 2022, qui correspondent à la période du plan de relance, ce sont 40 milliards d’euros qui seront investis dans nos entreprises et nos territoires, notamment à travers le plan de soutien aéronautique. Il faut ajouter à ces montants ceux qui sont liés à nos exportations d’armement, grâce auxquelles, entre 2018 et 2020, plus de 21 milliards d’euros de commandes ont contribué au dynamisme de nos régions. Comment ne pas insister devant vous sur les succès du Rafale à l’export, notamment avec les ventes récentes à la Grèce, à l’Égypte et à la Croatie, qui irriguent tout le tissu industriel de l’aéronautique de défense ?

Ces investissements sont ciblés pour conjuguer efficacité économique et pertinence opérationnelle. Je voudrais saluer ici les efforts menés par la direction générale de l’armement pour soutenir l’écosystème des industries de défense, si important pour notre souveraineté industrielle, avec une attention toute particulière portée aux petites et moyennes entreprises.

Au total, les investissements prévus dans le cadre de la LPM vont contribuer à créer environ 25 000 emplois directs supplémentaires d’ici à 2022 et jusqu’à 70 000 à l’horizon de 2025. La seule industrie de défense représente près de 200 000 emplois de haut niveau, répartis dans toutes les régions – j’y insiste devant la chambre des territoires.

Je rappelle également que notre armée est le premier service recruteur de l’État. Elle ouvre chaque année à des dizaines de milliers de jeunes le chemin de la compétence, de l’épanouissement et de la méritocratie républicaine. Enfin, comme vous le savez, elle reste implantée en de nombreux endroits de notre territoire national.

Les objectifs visés par la loi de programmation militaire ont donc été pleinement respectés. Je tiens devant vous à saluer l’action, sous l’autorité de la ministre, du chef d’état-major des armées, du délégué général pour l’armement et de la secrétaire générale pour l’administration du ministère des armées : ils ont tous joué un rôle décisif dans la mise en œuvre de ce texte. Permettez-moi, dans cette circonstance particulière, de réserver une mention spéciale au général François Lecointre, qui vit les moments ultimes de sa carrière militaire.

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