Intervention de Christian Cambon

Réunion du 23 juin 2021 à 15h00
Programmation militaire — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Je veux à mon tour, et au nom de tous nos collègues, avoir une pensée pour nos forces armées, singulièrement pour nos forces engagées en OPEX, qui payent un lourd tribut – les six blessés que vous avez évoqués, monsieur le Premier ministre, en témoignent. C’est aussi et surtout pour eux que le Sénat se bat.

Madame la ministre des armées, il y a trois ans, vous déclariez dans cet hémicycle : « Le Gouvernement ne souhaite pas se soustraire à une évaluation qui interviendra à un moment où la majorité et le chef de l’État seront toujours aux responsabilités. » Vous affirmiez ainsi, avec beaucoup de sincérité, que le Gouvernement assumerait l’évaluation de la LPM devant le Parlement.

Force est de constater que cette actualisation promise devant le Sénat et inscrite dans la loi elle-même ne s’est pas franchement concrétisée devant le Parlement. Croyez bien que nous le déplorons. Est-ce parce que les circonstances ont changé ? Oui, les circonstances ont changé, mais dans un sens défavorable, avec la montée des menaces, la crise du covid-19 et la pression toujours plus forte sur nos finances publiques ! C’est précisément pour cela qu’il fallait une loi.

Cette programmation militaire, que le Sénat a soutenue à une immense majorité – 326 voix pour, 14 voix contre –, nécessitait et nécessite toujours d’être actualisée. Ce que nous contestons, c’est la méthode qui a été employée.

Je vous le dis très simplement, monsieur le Premier ministre : alors que, jusqu’à présent, sur trois exercices budgétaires, vous avez respecté l’engagement de la loi de programmation militaire – je vous en donne acte –, notre commission n’a pas vraiment compris cette décision d’ignorer l’application de l’article 7. Elle nous déçoit, compte tenu de la confiance que nous avions placée dans le Gouvernement.

On ne trouvera pas plus de cohérence à cette décision en se référant aux orientations données par le Président de la République. J’ai assisté, à Brest, aux vœux qu’il a adressés aux forces armées ; je l’ai entendu saluer « le rôle essentiel de nos parlementaires qui, chaque année, veillent à la bonne exécution de la loi, protégeant nos propres engagements et notre capacité à affronter les défis de demain ». Au reste, à chaque exercice budgétaire, le Sénat a voté le budget des armées. Faire respecter les engagements pris et affirmer notre capacité à faire face aux menaces de demain, c’est bien cela l’objectif du Sénat !

Puisque le Gouvernement nous a refusé cette loi d’actualisation promise, nous avons dû mener, trois ans après le vote de la LPM, notre propre travail d’analyse du périmètre d’actualisation. Ce travail de six mois, que j’ai mené au nom de la commission, avec Jean-Marc Todeschini, a été réalisé grâce au soutien déterminé de nos huit rapporteurs budgétaires pour avis. Je veux ici solennellement les remercier, d’autant qu’ils ont travaillé dans des conditions difficiles, se heurtant souvent à un refus de communiquer un certain nombre d’informations. Or ce travail collectif a abouti à des conclusions importantes.

Sur la forme, les enjeux de cette actualisation ne permettent pas, à l’évidence, de traiter cette dernière au cours d’un débat de deux heures, pas plus que lors d’auditions en commission.

Sur le fond, la loi d’actualisation de la LPM, ce sont des chiffres et des tableaux, c’est la possibilité de creuser certains sujets, d’établir des priorités, d’identifier les retards, les redéploiements et les surcoûts et, donc, les économies à réaliser en fonction de ces priorités. In fine, c’est la possibilité d’amender le projet du Gouvernement…

Je vous écoutais avec attention dresser ce bilan, certes élogieux, mais regardons l’avenir : vous ne proposez rien de tout cela, alors que c’est la norme démocratique dans tous les parlements et que vous l’aviez promis au Parlement, à nos armées et aux Français. Alors, de quoi parlons-nous ou, plutôt, de quoi aurions-nous dû parler ?

Le Gouvernement a affirmé que la loi ne se justifiait pas, puisque, finalement, l’actualisation était modeste, portant sur 1 milliard d’euros sur l’ensemble de la LPM. Pourtant, bien des éléments nouveaux sont survenus ces trois dernières années : l’irruption de nouvelles menaces, la cyberdéfense, l’espace, la nécessité d’accroître notre capacité en matière de renseignement, les retards des industriels, les conséquences de la vente des Rafale prélevés sur nos propres forces, le coût de la propulsion nucléaire du futur porte-avions de nouvelle génération, le coût des études, la commande non prévue d’une frégate de défense et d’intervention supplémentaire et, bien sûr, l’impact de la covid-19.

C’est pourquoi, de notre point de vue, la réalité est tout autre : alors que nous n’en sommes même pas à la moitié de la LPM, nous avons chiffré le périmètre d’actualisation à 8, 6 milliards d’euros. C’est huit fois plus que ce qui avait été annoncé ! Croyez-moi, il ne s’agit pas d’un travail de « petit comptable », comme vos amis de l’Assemblée nationale se sont permis de l’affirmer hier.

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