Vous l’aurez compris, je m’associe pleinement aux conclusions exposées par le président Cambon quant à l’absence de transparence du Gouvernement et à l’ampleur des ajustements mis en œuvre par la ministre des armées. Ce que nous avons fait sous la forme d’un rapport d’information, avec les moyens du bord – tous les intervenants avant moi l’ont rappelé – et en procédant par déduction à partir des réponses parcellaires et parfois volontairement lacunaires de nos interlocuteurs, aurait mérité de prendre la forme d’un rapport législatif.
Si cette LPM devait être « à hauteur d’homme », elle devait surtout être à la hauteur de la menace qui sourd et de l’histoire qui s’écrit dans la bande sahélo-saharienne, en Méditerranée orientale, dans le Haut-Karabagh, en Libye ou sur les frontières plus immatérielles de l’innovation et des technologies duales telles que les drones – autant de sujets que nous avons défrichés, autant de rapports souvent restés lettre morte.
Concernant le programme 146, « Équipement des forces », ma collègue Hélène Conway-Mouret et moi-même avons d’emblée identifié des reports, voire des renoncements, sur certains objectifs fixés pour 2025. Je fais référence aux bâtiments de guerre contre les mines, aux systèmes de drones tactiques, aux douze Rafale qui seront cédés à la Croatie et qui ne seront pas remplacés, au retard de livraison des véhicules blindés légers (VBL) régénérés – j’y reviendrai – et des véhicules des forces spéciales, ou encore à l’étalement très préjudiciable du programme Scorpion.
Le tableau du parc matériel prévu pour 2025 est, je le rappelle, annexé à la loi de programmation. Toute modification de la cible de 2025 doit donc être actée dans la loi ; ce que la loi fait, seule la loi peut le défaire, sauf à nier ce qui fait le cœur de notre démocratie parlementaire !
Ensuite, c’est par un travail de déduction, qui n’est pas digne de la relation de confiance qui doit s’établir entre le Parlement et l’exécutif sur des sujets d’une telle gravité, que nous nous sommes rendu compte que le périmètre des ajustements budgétaires dépassait très largement le milliard d’euros annoncé par le Gouvernement. En réalité, les ajustements annuels opérés de 2019 à 2021 représentent déjà 3, 1 milliards d’euros, qui sont fléchés vers des programmes à effet majeur jugés – à juste titre – prioritaires : le renseignement, la détection et les services spatiaux, le numérique et la cyberdéfense, la rénovation et la prolongation de la durée de vie des chars Leclerc et le lancement des études de propulsion nucléaire du futur porte-avions de nouvelle génération, qui doit entrer en service en 2038.
Je n’oublie pas non plus l’effort budgétaire supplémentaire réalisé en faveur du volet hébergement du plan Famille. Là encore, nous sommes loin du compte, puisqu’il faut ajouter à ces ajustements le surcoût des OPEX – 600 millions d’euros rien que pour 2019 et 2020 –, le reste à charge de la cession des Rafale à la Grèce et à la Croatie, sur lequel aucune donnée ne nous a été communiquée, l’achat d’une frégate de défense et d’intervention (FDI) supplémentaire et des dépenses de soutien et d’imprévus telle la réparation du SNA Perle, qui, soit dit en passant, est une prouesse à saluer.
Au total, sur le fondement d’estimations prudentes, nous constatons que ces ajustements représentent près de 7, 4 milliards d’euros. Si l’on y ajoute le coût prévisionnel de l’entretien programmé des matériels, le respect de la trajectoire de remontée de la préparation opérationnelle à l’horizon de 2025 et les moyens qui devront être déployés pour atteindre la haute intensité en 2030, c’est sur un périmètre minimal de 8, 6 milliards d’euros qu’aurait dû porter l’actualisation.
Soyons clairs, il s’agit d’un simple constat. Ce que nous dénonçons, ce ne sont pas ces ajustements, qui peuvent tout à fait être justifiés ; c’est le manque de transparence sur les concessions qui devront être faites par ailleurs pour financer ces efforts.
À l’heure du « quoi qu’il en coûte », devenu un mantra plus dangereux qu’utile pour notre pays lourdement endetté, comment comprendre que, dans un domaine de l’action publique où l’effort est indispensable car imposé par la réalité du monde, votre gouvernement rogne les dépenses militaires, qui plus est en catimini ?
Notre méthode de travail, celle qui consiste à analyser le fond avant de prendre position, démontre bien que le Gouvernement doit travailler avec le Parlement, de manière sincère et transparente.
Si les objectifs fixés pour 2025 ne peuvent pas être atteints, comme vous l’avez sous-entendu dans votre propos liminaire, …