Recourir à un texte législatif, mesdames, messieurs les sénateurs, eût été inopérant, car nous ne disposons pas de prévisions macroéconomiques fiables pour les années 2024 et 2025. §
Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne restons pas l’arme au pied, selon l’expression consacrée. Nous avons conduit en début d’année un travail important d’actualisation stratégique, dont je vous ai présenté les conclusions en détail le 17 mars dernier ; ce travail confirme toute la pertinence de l’ambition fixée pour notre défense.
S’y trouve toutefois souligné aussi que nous n’avions pas anticipé l’accélération de certaines menaces et de certaines tendances. Des inflexions sont donc nécessaires, autour de trois axes
Premier axe : « mieux détecter et contrer », c’est-à-dire renforcer la priorité donnée au renseignement en développant notamment nos capacités défensives et offensives dans le champ du cyber et du numérique.
Deuxième axe : « mieux se protéger », en accélérant l’effort porté sur la résilience, c’est-à-dire la protection de nos forces et des Français sur le territoire national, en ce qui concerne en particulier les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), la santé et la lutte anti-drones.
Troisième axe : « mieux se préparer », concerne l’entraînement et la préparation opérationnelle. Les conflits d’aujourd’hui montrent que nos armées doivent être prêtes à riposter dans tous les champs de la conflictualité, qu’ils soient matériels ou immatériels, ce qui suppose un entraînement plus conséquent et plus sophistiqué ; l’effort en cours sur la disponibilité des matériels y contribue directement.
Nous sommes donc bien en marche §vers l’actualisation : nous travaillons à ce qu’elle puisse intervenir en temps utile.
En attendant, j’entends beaucoup de choses qui me semblent relever du mythe, à moins qu’il ne s’agisse par là de tester les capacités de lutte contre la désinformation que nous développons. §Je voudrais couper court à certaines rumeurs ou, à tout le moins, aux mauvaises interprétations.
Les différents intervenants ont fait de multiples références au rapport d’information de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. À l’exception d’une synthèse de quelques pages, ce rapport demeure introuvable pour ceux qui le cherchent, ce qui n’empêche pas certains de le saluer. N’ayant pas eu la chance d’en être destinataire, il m’est difficile – vous en conviendrez – d’y répondre systématiquement, point par point.
Ce que j’ai pu en lire révèle une vision centrée sur les 5 % vides d’un verre à 95 % plein. Permettez-moi de vous le redire : nous sommes au rendez-vous et le verre est bien à 95 % plein !
On fait état de surcoûts ; ils s’élèveraient, dit-on, à 8, 6 milliards d’euros ! À ce propos, tout de même, votre synthèse est des plus ambiguës : bien qu’elle ne soit pas longue, il faut patienter jusqu’au milieu de la cinquième page pour y lire, entre deux phrases en gras, que « ces montants ne représentent en aucun cas un surcoût net sur l’enveloppe de la LPM ». Nous voilà rassurés ! Je vais vous le dire, quant à moi, de manière plus claire : il n’y a pas de surcoût de 8, 6 milliards !
Comme je vous l’ai dit, la programmation est un plan de bataille ; or, à la guerre, on s’adapte ! La LPM n’est donc pas un objet figé : nous avons fixé un cap sur une longue période et nous procédons à l’exécution en nous adaptant à la réalité, celle de la « vie des programmes », comme on dit, et celle de la conjoncture économique. La crise sanitaire, par exemple, a entraîné certaines difficultés pour nos industriels : certains n’ont pas toujours été en mesure de livrer les équipements dus à bonne date quand d’autres étaient en capacité de le faire.
Cet exercice n’a rien de théorique. Il a lieu chaque année – vous le savez très bien – et conduit à des ajustements de trajectoire capacitaire dont vous êtes informés à travers les documents budgétaires et les rapports d’exécution que nous produisons chaque semestre à votre attention.
Il semble que ce rapport de votre commission fasse référence à certains décalages. Mais, s’ils existent – j’y reviendrai dans un instant –, ces décalages résultent d’une analyse détaillée et d’une priorisation que les forces armées assument totalement.
Je voudrais relever un certain nombre d’erreurs. Vous évoquez par exemple le surcoût induit par le programme des FDI, les frégates de défense et d’intervention ; or il n’y a là aucun surcoût ! Nous avons simplement décidé d’anticiper d’une année la commande de la troisième frégate, qui était prévue avant la fin de la loi de programmation militaire. Où est donc le surcoût ? Il s’agit d’une décision qui permet d’assurer la continuité du plan de charge de Naval Group, à Lorient.
En ce qui concerne les dépenses liées au covid, je me félicite de l’agilité dont le ministère des armées a su faire preuve en se mobilisant pleinement pour que tous les crédits qui ne pouvaient être dépensés en raison des retards de certains travaux puissent être redéployés.
Nous avons donc accéléré la dépense partout où cela était possible, non pour le plaisir de dépenser l’argent public, mais bien pour répondre aux besoins de nos armées et pour soutenir notre économie au moment où elle en avait le plus besoin, en y injectant 1 milliard d’euros supplémentaires. Il ne s’agit pas d’un surcoût, mais de la mise en œuvre d’un système de vases communicants entre dépenses anticipées et dépenses retardées.
Je voudrais, dans un autre domaine, lever des inquiétudes qui ont été exprimées de manière récurrente : alors que nous enregistrons des succès historiques à l’exportation concernant le Rafale, je trouve extraordinaire qu’une excellente nouvelle pour nos emplois, pour nos entreprises et pour notre influence à l’international soit considérée par certains comme un problème.