Intervention de Jean-Claude Tissot

Réunion du 23 juin 2021 à 21h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Article 62, amendement 2177

Photo de Jean-Claude TissotJean-Claude Tissot :

Avant de défendre cet amendement, je souhaite répondre à M. le ministre, ainsi qu’à nos collègues de droite. Ce n’est pas parce que nos visions de l’agriculture diffèrent que nous devons nous déchirer et nous stigmatiser les uns les autres.

Ces deux visions sont respectables ; il nous appartient d’en débattre calmement et sereinement. S’il est normal que la majorité s’exprime, permettez-nous, à tout le moins, de dire ce que nous avons à dire au sujet de l’agriculture.

Alors que la Convention citoyenne pour le climat a pointé le poids important des engrais de synthèse dans les émissions de gaz à effet de serre, alors que l’étude d’impact du présent projet de loi reconnaît la taxation des engrais azotés comme une des mesures les plus nécessaires et les plus structurantes en la matière, le texte que nous examinons aujourd’hui est loin d’être à la hauteur des enjeux.

En effet, malgré les recommandations de plusieurs institutions telles que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou, à l’échelon français, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), il n’existe pas de taxe spécifique sur l’utilisation d’engrais azotés de synthèse.

Nous sommes pourtant le premier pays consommateur d’engrais de synthèse, dont notre collègue Angèle Préville a brillamment démontré l’impact environnemental majeur : émissions de protoxyde d’azote, dégradation de la qualité de l’air, pollution aux nitrates de l’eau, tristement connue sous le nom de pollution aux algues vertes – ce n’est pas un jugement, mais un simple constat –, sans parler des risques et des accidents industriels, dont la fréquence et la dangerosité ont été rappelées dans un récent rapport commandé par votre gouvernement, monsieur le ministre, sur la gestion des risques liés à la présence d’ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux – c’est, là encore, un simple constat.

Dans ce contexte, nous ne nous laissons pas influencer par votre amendement n° 2177, monsieur le ministre, par lequel vous essayez de recentrer le débat sur les émissions d’ammoniac, qui sont – vous le savez – principalement dues à l’élevage – je suis moi-même éleveur – et non aux engrais.

Ainsi le présent amendement tend-il à créer une redevance sur l’azote de synthèse. Je tiens à indiquer clairement, dès la présentation de cet amendement, qu’il ne s’agit pas d’une mesure visant à pénaliser les agriculteurs, mais plutôt d’une incitation à la transition agroécologique.

En effet, les recettes d’une telle redevance devront être entièrement réaffectées aux agriculteurs et agricultrices afin d’accompagner financièrement le développement des substituts aux engrais azotés de synthèse – vous aussi souhaitez un tel développement, monsieur le ministre –, telles que les cultures de légumineuses diversifiées ou la déspécialisation des zones agricoles par le redéploiement des systèmes d’élevage herbagers.

Cette ressource financière pourra en outre faire office de compensation au titre des dépenses importantes engagées par les collectivités dans le traitement des eaux polluées par les engrais azotés – ne disposant que d’un chiffre européen, et non d’un chiffre français, je ne me risquerai pas à donner une estimation du coût de ce traitement.

Les répercussions de l’usage des engrais azotés sur notre environnement, sur notre biodiversité, sur la santé de nos agriculteurs exigent une réponse forte telle que l’instauration de la présente redevance incitative.

La réduction de l’utilisation des engrais azotés s’inscrit pleinement dans la transformation de notre agriculture vers un modèle raisonné et vertueux.

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