Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la bioéthique est un texte à part, qui, dois-je le rappeler, fixe des limites aux possibilités offertes par les progrès de la recherche. Concilier le possible et le souhaitable, voilà la mission délicate qui est la nôtre, la vôtre comme celle du Gouvernement, dans les débats qui nous réunissent depuis bientôt deux ans sur ce texte.
L’assistance médicale à la procréation (AMP) pour toutes les femmes était un engagement du Président de la République, un engagement qui trouve dans ce projet de loi des conditions d’application sereines, dignes et sécurisées pour les enfants issus de ce dispositif. C’est tout le sens du travail colossal qui a été mené sur le droit d’accès aux origines et sur l’instauration d’un nouveau mode de filiation.
Ce texte permet également d’autres avancées.
Je pense en particulier au don d’organes croisé et à l’accès aux transmissions des informations génétiques.
Je pense également à l’encadrement des traitements d’intelligence artificielle.
Je pense enfin à la gouvernance bioéthique renforcée, qui consolide le débat démocratique.
Je sais que certains sur ces travées aimeraient parfois aller plus loin sur certains sujets – d’autres, moins loin – et je respecte ce souhait qui épouse des aspirations sociétales sincères et parfois légitimes.
Ce texte ne satisfera pas tout le monde : il sera jugé tantôt frileux, tantôt audacieux. Ce sera toutefois, j’en suis convaincu, un texte équilibré, c’est-à-dire un texte ambitieux sans être aventurier, un texte responsable sans être tiède.
Le projet de loi accorde de nouveaux droits et apporte les ajustements rendus nécessaires par les évolutions techniques et sociétales. Accorder de nouveaux droits et de nouvelles protections, c’est la marque d’un progressisme qui a gardé le sens des conquêtes ; croyez bien que je ne perds pas de vue les principes qui donnent toute leur force à ces droits nouveaux. À chaque ligne de chaque article, nous avons scrupuleusement veillé à préserver l’équilibre entre le respect de la dignité de la personne humaine, l’autonomie de chacun et la solidarité de tous.
Ces mesures recouvrent notamment, avec l’article 1er du projet de loi, l’ouverture de l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules et non mariées. Nous avons pour cela respecté un impératif catégorique : offrir un cadre protecteur pour l’enfant à naître, qui, à sa majorité, aura la possibilité, sans condition, d’accéder aux informations relatives au tiers donneur ainsi qu’à l’identité de ce dernier.
Ce cadre protecteur sera garanti par une gestion centralisée des données relatives aux donneurs, aux dons et aux enfants nés de dons par l’Agence de la biomédecine. Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur accueillera les demandes des personnes nées de don et sollicitera l’Agence de la biomédecine pour obtenir les informations lui permettant d’exercer ses missions.
Nous pouvons être fiers de l’article 1er.
Je le dis non sans émotion, parce que je pense à tous ces couples de femmes qui, depuis tant d’années, s’engagent dans des parcours du combattant pour mener à bien leur projet parental. Je veux dire à tous ces couples de femmes que, dorénavant, leur projet parental, leur projet familial, sera pleinement reconnu et qu’elles seront accompagnées comme il se doit dans leurs démarches.
Il m’est arrivé d’entendre de drôles de propos sur de prétendus « désordres médicaux engendrés par les techniques de procréation médicalement assistée chez les enfants ». Par cet article, au contraire, la famille française s’agrandit, dans la diversité de ses modèles et dans la richesse de ses configurations. C’est un enjeu d’égalité ; la force de l’égalité républicaine, c’est précisément de reconnaître la diversité des situations, des parcours et des projets de chacun.
Dans le quinquennat précédent, le mariage pour tous a participé de ce mouvement vers l’égalité, bien loin du choc anthropologique redouté par certains. Je rends hommage à tous ceux qui, à l’époque, sur ces travées et ailleurs, ont permis à la France d’être fidèle à sa promesse d’égalité et d’émancipation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vois aucune raison valable à ce que les équilibres trouvés à l’Assemblée nationale se heurtent à des impasses, ici, au Sénat. J’aurais souhaité que votre assemblée se saisît de l’opportunité de discuter à nouveau ce texte ; je le souhaite encore ! Je crois avoir compris que vos intentions étaient tout autres, ce que je regretterais si cela devait se confirmer.