Séance en hémicycle du 24 juin 2021 à 10h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bioéthique
  • couple
  • don
  • majorité
  • motion
  • relatif à la bioéthique

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle l’examen d’une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête afin de mener une mission d’information sur les dysfonctionnements constatés dans l’organisation des élections départementales et régionales de juin 2021.

Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de sa séance d’hier après-midi.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la demande de la commission des lois.

La demande de la commission des lois est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

En conséquence, la commission des lois se voit conférer, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour mener cette mission d’information.

Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d’être prise par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle l’examen de quatre projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée l’approbation de l’accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l’échange des compétences et talents (ensemble une annexe), signé à Nairobi le 13 mars 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi (projet n° 484, texte de la commission n° 617, rapport n° 616).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté.

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Japon, d’autre part, signé à Bruxelles le 17 juillet 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 538, texte de la commission n° 687, rapport n° 686).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord-cadre entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Australie, d’autre part, signé à Manille le 7 août 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 539, texte de la commission n° 689, rapport n° 688).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Est autorisée l’approbation de l’accord de partenariat pour les migrations et la mobilité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde (ensemble quatre annexes et une note verbale), signé à New Delhi le 10 mars 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 537, texte de la commission n° 619, rapport n° 618).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la bioéthique (projet n° 677, résultat des travaux de la commission n° 684, rapport n° 683).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la bioéthique est un texte à part, qui, dois-je le rappeler, fixe des limites aux possibilités offertes par les progrès de la recherche. Concilier le possible et le souhaitable, voilà la mission délicate qui est la nôtre, la vôtre comme celle du Gouvernement, dans les débats qui nous réunissent depuis bientôt deux ans sur ce texte.

L’assistance médicale à la procréation (AMP) pour toutes les femmes était un engagement du Président de la République, un engagement qui trouve dans ce projet de loi des conditions d’application sereines, dignes et sécurisées pour les enfants issus de ce dispositif. C’est tout le sens du travail colossal qui a été mené sur le droit d’accès aux origines et sur l’instauration d’un nouveau mode de filiation.

Ce texte permet également d’autres avancées.

Je pense en particulier au don d’organes croisé et à l’accès aux transmissions des informations génétiques.

Je pense également à l’encadrement des traitements d’intelligence artificielle.

Je pense enfin à la gouvernance bioéthique renforcée, qui consolide le débat démocratique.

Je sais que certains sur ces travées aimeraient parfois aller plus loin sur certains sujets – d’autres, moins loin – et je respecte ce souhait qui épouse des aspirations sociétales sincères et parfois légitimes.

Ce texte ne satisfera pas tout le monde : il sera jugé tantôt frileux, tantôt audacieux. Ce sera toutefois, j’en suis convaincu, un texte équilibré, c’est-à-dire un texte ambitieux sans être aventurier, un texte responsable sans être tiède.

Le projet de loi accorde de nouveaux droits et apporte les ajustements rendus nécessaires par les évolutions techniques et sociétales. Accorder de nouveaux droits et de nouvelles protections, c’est la marque d’un progressisme qui a gardé le sens des conquêtes ; croyez bien que je ne perds pas de vue les principes qui donnent toute leur force à ces droits nouveaux. À chaque ligne de chaque article, nous avons scrupuleusement veillé à préserver l’équilibre entre le respect de la dignité de la personne humaine, l’autonomie de chacun et la solidarité de tous.

Ces mesures recouvrent notamment, avec l’article 1er du projet de loi, l’ouverture de l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules et non mariées. Nous avons pour cela respecté un impératif catégorique : offrir un cadre protecteur pour l’enfant à naître, qui, à sa majorité, aura la possibilité, sans condition, d’accéder aux informations relatives au tiers donneur ainsi qu’à l’identité de ce dernier.

Ce cadre protecteur sera garanti par une gestion centralisée des données relatives aux donneurs, aux dons et aux enfants nés de dons par l’Agence de la biomédecine. Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur accueillera les demandes des personnes nées de don et sollicitera l’Agence de la biomédecine pour obtenir les informations lui permettant d’exercer ses missions.

Nous pouvons être fiers de l’article 1er.

Je le dis non sans émotion, parce que je pense à tous ces couples de femmes qui, depuis tant d’années, s’engagent dans des parcours du combattant pour mener à bien leur projet parental. Je veux dire à tous ces couples de femmes que, dorénavant, leur projet parental, leur projet familial, sera pleinement reconnu et qu’elles seront accompagnées comme il se doit dans leurs démarches.

Il m’est arrivé d’entendre de drôles de propos sur de prétendus « désordres médicaux engendrés par les techniques de procréation médicalement assistée chez les enfants ». Par cet article, au contraire, la famille française s’agrandit, dans la diversité de ses modèles et dans la richesse de ses configurations. C’est un enjeu d’égalité ; la force de l’égalité républicaine, c’est précisément de reconnaître la diversité des situations, des parcours et des projets de chacun.

Dans le quinquennat précédent, le mariage pour tous a participé de ce mouvement vers l’égalité, bien loin du choc anthropologique redouté par certains. Je rends hommage à tous ceux qui, à l’époque, sur ces travées et ailleurs, ont permis à la France d’être fidèle à sa promesse d’égalité et d’émancipation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vois aucune raison valable à ce que les équilibres trouvés à l’Assemblée nationale se heurtent à des impasses, ici, au Sénat. J’aurais souhaité que votre assemblée se saisît de l’opportunité de discuter à nouveau ce texte ; je le souhaite encore ! Je crois avoir compris que vos intentions étaient tout autres, ce que je regretterais si cela devait se confirmer.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Élisabeth Doineau, Nadia Sollogoub et M. Bruno Belin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 21 janvier 2020, nous engagions dans cet hémicycle l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la bioéthique. Près de dix-huit mois plus tard, pour notre troisième rendez-vous sur ce texte, nous ressentons une certaine déception.

Certes, la navette parlementaire a pu suivre son cours sans procédure accélérée, mais elle n’a pas permis d’enclencher un dialogue constructif entre l’Assemblée nationale et le Sénat, à tout le moins sur les pans les plus visibles ou les plus importants de ce texte.

Il nous appartient aujourd’hui d’en tirer les conséquences. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale vous proposera de mettre un terme à nos débats en votant une motion tendant à opposer la question préalable. Cette décision ne va jamais de soi, plus encore quand il s’agit d’une loi de bioéthique : nous le savons, ce n’est pas une loi tout à fait comme une autre.

Les lois de bioéthique ont vocation à traduire un équilibre entre ce que la science permet et ce que la société est prête à autoriser. Les enjeux sont aujourd’hui majeurs en matière de recherche, tant l’avancée rapide des connaissances ouvre d’opportunités de mieux comprendre la complexité du vivant.

Ce texte est attendu par la communauté scientifique sur ce volet essentiel. Il serait sorti plus fort du Parlement s’il s’était appuyé sur un consensus. À notre regret, cela ne sera pas le cas.

Au Sénat, nous avons eu à cœur d’accueillir les perspectives ouvertes par la recherche, notamment sur les cellules souches induites pluripotentes, sans céder sur nos principes éthiques fondamentaux.

Ce texte trace en ce sens des avancées dont nous avons soutenu le principe. Nous aurions parfois souhaité aller plus loin, pour ne pas faire prendre un retard préjudiciable à la recherche française dans un environnement international hautement concurrentiel.

Nous avons également tenu à affirmer des limites claires.

En matière de recherche, notre préoccupation principale a été de veiller à ce que la recherche ne franchisse pas les lignes rouges que sont notamment le respect de la barrière des espèces. Sur les embryons chimériques, les questions soulevées par ce type de manipulation ne peuvent être balayées d’un revers de main et laissées à la seule appréciation de l’Agence de la biomédecine.

Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, nous n’avons pas été suffisamment entendus par nos collègues députés comme par les ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement.

Certes, au terme de nos travaux, nous retenons quelques facteurs de satisfaction.

Des propositions issues du Sénat permettront demain, avec l’extension ciblée du dépistage néonatal, de prendre en charge des nouveau-nés sans perdre de précieuses semaines ou années de traitement.

Pour autant, le dialogue s’est figé sur des divergences profondes entre nos deux assemblées, comme celles qui portent sur le chapitre relatif à l’assistance médicale à la procréation (AMP). Même sur des points précis comme l’établissement de la filiation ou les modalités de l’accès à l’identité des donneurs de gamètes, les portes sont trop souvent restées fermées aux propositions de notre rapporteur Muriel Jourda, et ce dès la fin de la première lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Sur un sujet apparemment moins clivant comme celui de la gouvernance en matière de bioéthique, l’Assemblée nationale a préféré, de la même façon, ne pas tenir compte de nos observations.

C’est donc avec regrets, vous l’aurez compris, mes chers collègues, mais en responsabilité, que la commission spéciale vous demandera de voter la motion tendant à opposer la question préalable à l’issue de la discussion générale.

Si nous n’avons pu parvenir à un consensus sur ce texte, nos travaux auront contribué à enrichir certains de ses volets. Surtout, lors de ces nombreuses heures à débattre d’enjeux touchant parfois à l’intime, nos échanges ont montré notre capacité à nous écouter les uns les autres et à faire cheminer nos réflexions collectives au-delà de nos divergences. C’est bien cela qui, finalement, fait l’honneur de notre démocratie parlementaire, en particulier au Sénat.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi qu ’ au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dix ans après la précédente loi de bioéthique, nous parvenons au terme d’un processus législatif particulièrement long, certes ralenti par la crise sanitaire.

Ce projet de loi présenté par le Gouvernement à l’été 2019 s’est nourri des États généraux de la bioéthique, qui ont animé le débat public au cours de l’année 2018. L’exercice de remise à plat périodique de ces lois est nécessaire du fait de la spécificité de la « matière bioéthique » : son rythme gagnerait à être plus rapide, pour tenir compte de l’évolution rapide de la science et de la société. D’ailleurs, la définition de ce contenu gagnerait à être moins liée à des calculs politiques.

Le texte qui sera définitivement adopté par le Parlement n’est pas parfait. Il laissera aux uns et aux autres dans cet hémicycle, pour des raisons différentes, un goût d’inachevé même s’il trace des avancées.

La commission spéciale aurait souhaité aller plus loin sur certains volets, par exemple pour valoriser l’acte altruiste de don d’organes, en matière de recherche ou encore, comme l’a défendu notre collègue rapporteur Olivier Henno, pour encadrer l’accès à des tests génétiques déjà présents dans notre quotidien.

Sur d’autres points, les garde-fous que la commission spéciale a proposés n’ont pas été retenus par les députés : je le regrette en ce qui concerne le don d’organes post mortem des majeurs protégés ou encore le délai de conservation des gamètes de mineurs atteints de pathologie altérant leur fertilité, qu’elle avait proposé d’allonger.

Toutefois, des apports du Sénat resteront dans ce texte. C’est le cas sur la plupart des sujets que j’ai examinés en tant que rapporteur de la commission spéciale.

L’extension de la procédure de don croisé d’organes a été adoptée par les députés dans la rédaction du Sénat qui en précise les modalités.

Nous avons également élaboré un dispositif qui permettra d’améliorer la prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital.

L’Assemblée nationale a conservé l’ouverture du don du sang aux majeurs protégés, voté dans cet hémicycle, persistant toutefois à refuser le don du sang aux mineurs de 17 ans.

Sur les dons de corps, enfin, après les récents scandales, nous avons tenu à prévenir toute exonération générale de responsabilité pénale.

Ces avancées issues de nos travaux sont importantes pour la science, pour les patients.

Je partage cependant les regrets que Corinne Imbert vient d’exprimer au nom de la commission spéciale que n’ait pu être trouvé un consensus plus large avec nos collègues députés, comme avec le Gouvernement, sur des dispositions plus centrales de ce texte.

L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules a clivé nos débats, dans cet hémicycle comme dans le cadre de notre dialogue avec l’Assemblée nationale. Que l’on soit favorable – comme je le suis – ou au contraire, comme certains d’entre vous, mes chers collègues, opposé à cette réforme, nous avons été nombreux, dès la première lecture, à regretter l’adjonction de ce sujet à une loi de bioéthique. Cela a éclipsé dans le débat public d’autres enjeux majeurs, et c’est regrettable. Cela a également réduit notre capacité à engager un dialogue serein entre les deux assemblées et à trouver plus d’accord sur les sujets de bioéthique.

Après l’échec de la commission mixte paritaire à trouver un accord, principalement en raison des divergences insurmontables exprimées sur ce volet du texte à l’issue de la deuxième lecture, l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture un texte très proche de ses positions antérieures.

L’exercice de la navette parlementaire semble atteindre ses limites à ce stade des débats, même sur des sujets où un dialogue était a priori possible. Nous ne pouvons qu’en prendre acte. Mes chers collègues, la commission spéciale vous propose d’en tirer les conséquences en opposant, à l’issue de cette discussion générale, la question préalable. Ce n’est pas l’issue que l’on pouvait espérer pour une loi de bioéthique. Le temps viendra de repenser le sens et la méthode de révision de ces lois et de délier les calculs politiques qui procèdent à la définition de son contenu de ce travail.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi qu ’ au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a échoué et vingt-cinq articles restent en discussion pour la troisième lecture au Sénat du projet de loi relatif à la bioéthique. Nous avons constaté de nombreux points de désaccord ; je le regrette.

À l’article 1er, en première lecture, le Sénat a approuvé l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes tout en excluant les femmes seules du dispositif. Alors que l’Assemblée nationale proposait une prise en charge totale pour tous par la solidarité nationale, le Sénat a limité le remboursement de l’AMP aux couples hétérosexuels infertiles.

À titre personnel, je suis favorable à l’accès de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes. En matière de remboursement, j’ai proposé une solution de compromis, avec une prise en charge par la sécurité sociale et la complémentaire santé en cas d’absence de critère médical d’infertilité.

Le Sénat a rejeté à deux reprises l’article 2 sur l’autoconservation des ovocytes. Actuellement, en dehors des personnes atteintes de maladies graves, l’autoconservation des ovocytes est uniquement possible en contrepartie d’un don d’ovocytes. Cela ne me semble pas juste. Je suis donc favorable à l’ouverture de l’autoconservation des ovocytes.

Le parcours de l’assistance médicale à la procréation est long et éprouvant. La réussite de l’AMP n’est pas garantie et cette démarche doit être entreprise en gardant à l’esprit le risque d’échec. Je suis par conséquent favorable au diagnostic préimplantatoire pour limiter le nombre de fausses couches, et non pour favoriser l’eugénisme.

Je rejoins la position du Sénat sur la question de l’accès aux origines des enfants issus d’un don de gamètes. Je suis favorable à la communication systématique des données non identifiantes, mais à la préservation de l’anonymat des donneurs s’ils le souhaitent. À mon sens, le Sénat avait trouvé un bon équilibre à ce sujet et je regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas retenu cette proposition.

En matière de filiation des enfants nés de PMA (procréation médicalement assistée) dans un couple de femmes, j’approuve la position du Sénat, qui proposait un dispositif d’adoption facilité plutôt qu’une reconnaissance anticipée.

Je regrette la suppression par l’Assemblée nationale de la disposition, qui, au sein de l’article 4 bis, marquait une opposition très claire à la GPA en s’opposant à la reconnaissance du père d’intention dans la transcription en France de l’acte de naissance d’un enfant né de GPA à l’étranger.

Je suis également très réticent face aux évolutions proposées sur les recherches visant à créer un embryon chimérique ou transgénique. Nous ne maîtrisons pas les risques du devenir des cellules souches humaines introduites dans un embryon animal. Je comprends les enjeux que cette recherche représente en matière de greffe d’organes, mais nous appréhendons cette disposition.

La commission spéciale du Sénat, dont je salue le travail, a fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable sur ce projet de loi. Les rapporteurs nous ont fait part de la non-prise en compte des préoccupations du Sénat par les députés. Pourtant, avec une volonté réciproque des deux assemblées, il aurait été possible d’aboutir à un texte commun.

Le groupe Les Indépendants respecte toutes les sensibilités qu’il représente. Aussi, chacun de mes collègues votera de façon indépendante. En ce qui me concerne, même si je suis favorable à la PMA, je voterai la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission spéciale.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Élisabeth Doineau et M. Roger Karoutchi applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec cette nouvelle lecture – en l’espèce, la troisième – du projet de loi relatif à la bioéthique, nous arrivons au bout d’un long chemin. Il est grand temps de statuer définitivement sur ces dispositions, dont nous pensons qu’elles constituent, pour la plupart, des avancées utiles et attendues.

Globalement, ce texte issu des travaux de l’Assemblée nationale nous satisfait à quelques dispositions près. Nous nous réjouissons bien sûr que soient réintroduites les mesures phares que la majorité sénatoriale avait purement et simplement supprimées.

Je pense à l’article 1er, qui prévoit l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes et sa prise en charge par l’assurance maladie.

Je pense aussi à la possibilité pour les femmes d’une autoconservation de leurs ovocytes.

Je pense encore à l’accès aux origines pour tous les enfants conçus avec tiers donneur, à leur majorité.

Si nous souhaitions aller plus loin sur l’AMP post mortem ou dans le traitement de l’accès à l’AMP, en assurant une égalité de traitement au regard de l’identité de genre, il est certain que cette rédaction constitue déjà une avancée sociétale majeure et attendue.

L’AMP n’est pas une concession faite à l’époque : elle est l’aboutissement d’un long processus, qui nous amène à reconnaître une liberté, parce qu’elle correspond à une nécessité. Il y a une réalité biologique, mais il y a également une vérité humaine à laquelle nous devons répondre.

La société française a évolué vers un modèle familial qui ne se résume plus à une configuration unique, issue d’un modèle conjugal unique. Nos citoyens y sont prêts : les deux tiers des Françaises et des Français y sont favorables. Il faut maintenant l’acter.

Nous sommes également satisfaits que les députés aient répondu favorablement à un certain nombre de dispositions que nous défendions en deuxième lecture, comme la possibilité du recours au prélèvement d’organes chez les jeunes protégés ou encore l’interdiction de l’usage de l’IRM (imagerie par résonance magnétique) fonctionnelle à des fins judiciaires.

Nonobstant ces avancées, je formulerai rapidement quelques regrets.

L’Assemblée nationale a maintenu l’article 4 bis, qui interdit la transcription totale de l’acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d’un enfant né d’une GPA à l’étranger. Cette mesure est à contresens des récentes décisions judiciaires, selon lesquelles une GPA réalisée à l’étranger ne saurait faire, à elle seule, obstacle à la reconnaissance en France d’un lien de filiation intégral.

Pour ce qui est des modes de filiation, nous privilégions la présomption de parenté pour les couples non mariés, pour le conjoint ou la conjointe, lorsqu’un enfant naît d’une AMP, l’idée étant d’étendre aux couples de femmes le régime de droit commun prévu pour les couples hétérosexuels. C’est pour nous la solution la plus à même de garantir l’égalité entre les couples.

Sur les questions de recherche, nous actons de réelles divergences de fond avec l’Assemblée nationale, le Sénat restant attaché au maintien de l’interdiction absolue de la création d’embryons chimériques afin d’écarter tout risque de franchissement de la barrière des espèces. Cette position est partagée par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Enfin, nous regrettons que l’Assemblée nationale n’ait pas voulu profiter de ce véhicule législatif pour clarifier les pratiques et réaffirmer que l’interruption médicale de grossesse (IMG), que ce soit pour raison médicale ou en cas de détresse psychosociale, doit s’appliquer uniformément, dans tous les territoires. On constate encore trop souvent, localement, des divergences d’interprétation quant à l’opportunité de prendre en considération l’ensemble des détresses parmi les causes de péril grave justifiant la réalisation d’une IMG.

Quoi qu’il en soit, les sénateurs du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiennent globalement cette réforme. Nous sommes heureux que l’AMP pour toutes, ce droit nouveau, soit enfin consacrée.

Dans nos sociétés contemporaines en mutation, la reconnaissance d’un tel droit est salutaire. Sur ces enjeux, notre boussole est et restera l’humain et l’intérêt supérieur de l’enfant.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que nous sommes une nouvelle fois réunis pour discuter d’un texte charnière pour notre société, je tiens à débuter mon propos en remerciant tous les donneurs mis à l’honneur, il y a deux jours, lors de la vingtième Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe et de reconnaissance aux donneurs : merci à toutes celles et à tous ceux qui, par leur don ou celui de leurs proches, ont sauvé des vies et qui en sauveront d’autres encore à l’avenir.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Malheureusement, cet examen sera court, bien trop court à mon goût. Après une deuxième lecture complexe au Sénat, c’est un rejet simple qui nous attend aujourd’hui.

Le texte qui sera adopté définitivement prochainement comprend des avancées majeures et la déception à laquelle invitent nos débats ne doit pas effacer la portée de ce texte.

Ce projet de loi représente en effet une victoire pour tant de familles, ces familles du XXIe siècle singulières et belles. L’ouverture de l’AMP aux femmes seules, aux couples de femmes et aux couples non stériles le démontre.

Nous nous félicitons du rétablissement des articles 1er et 2 par l’Assemblée nationale. L’article 4 concernant la filiation des enfants nés à la suite d’une AMP pour les couples de femmes est essentiel pour leur reconnaissance en tant que mères – au pluriel – dès la naissance de leur enfant. Avec ces articles, ce sont des milliers de Français et Françaises qui verront leur vie changer.

On ne le répétera jamais assez, un enfant a surtout besoin d’être bercé dans l’amour, de grandir dans le respect et de s’épanouir dans la bienveillance. Le projet de loi permettra à encore plus de parents de remplir une telle mission.

L’Assemblée nationale a également rétabli certaines modalités qui nous apparaissent bienvenues. Je pense notamment à l’interdiction expresse de l’IRM fonctionnelle à des fins judiciaires à l’article 12. Notre amendement de rétablissement n’avait pas été adopté en deuxième lecture au Sénat, mais nous nous réjouissons que l’article ait ainsi été modifié par les députés.

Plusieurs avancées ont fait l’objet d’un vote conforme de nos deux assemblées ; c’est encore une preuve de la valeur de nos débats et de la capacité de compromis du Parlement. Je pense notamment à l’article 5, relatif à l’extension du don croisé d’organes à plus de deux paires de donneurs et receveurs pour améliorer l’accès à la greffe, à l’article 13, qui permet d’encadrer des dispositifs de neuro-modulation, ou encore à l’article 18, visant à encourager les « passerelles soin-recherches » par l’utilisation facilitée d’échantillons conservés à d’autres fins.

Le texte répond à l’enjeu unique des lois de bioéthique : amener nos politiques publiques vers l’avenir dans le respect des principes éthiques et moraux qui nous sont chers. C’est là toute la richesse de ces textes, empreints d’une telle complexité qu’ils nous imposent de faire preuve de responsabilité et de bienveillance.

Je tiens ici à remercier le Gouvernement de ne pas avoir eu recours à la procédure accélérée.

Bien que les débats ne soient pas toujours satisfaisants et que le dialogue s’atténue avec le temps, le texte sort enrichi par ces multiples examens. Je tiens d’ailleurs à souligner le travail constructif réalisé jusqu’à présent au sein de nos deux assemblées.

Toutes les avancées que le texte contient sont nécessaires. Elles répondent aux attentes de nombreux citoyens, aux envies de liberté de tous et au choix de solidarité de chacun.

Loin d’être accueilli unanimement, le projet de loi relatif à la bioéthique, par les sujets profonds et personnels qu’il aborde, met en lumière des visions divergentes, y compris au sein du groupe RDPI ; la liberté totale de chacun dans ses choix a toujours été garantie lors de l’examen de tels textes. Mais aujourd’hui, nous souhaitons tous que le débat ait lieu, et c’est d’une voix unanime que nous soutiendrons Xavier Iacovelli contre la motion, qui entache ce projet de loi ambitieux et nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur un sujet aussi essentiel que la bioéthique, je regrette que la commission mixte paritaire n’ait pas été conclusive.

La majorité de l’Assemblée nationale aurait été intransigeante, nous dit-on. Il nous arrive aussi – hélas ! – dans cet hémicycle de nous heurter à une majorité sénatoriale sûre d’elle et dominatrice.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Pour autant, nous ne renonçons jamais à débattre ni à argumenter pour faire évoluer les consciences. Car c’est bien de cela qu’il s’agit !

La loi de bioéthique revient régulièrement devant le Parlement pour adapter notre législation aux progrès de la science et à l’évolution des mentalités.

Le groupe RDSE refusera, plus que jamais, de voter la question préalable. En effet, dans un domaine aussi sensible que la bioéthique, qui relève de la conscience de chacun, il n’est pas de vain débat.

Nous avons foi en la richesse de l’échange, et nous restons ouverts aux évolutions possibles de nos avis par l’expression d’argumentations convaincantes.

De faux procès se sont tenus sur des querelles sémantiques qu’il conviendrait de dépasser. On a opposé le droit de l’enfant, avec sa noblesse et son caractère sacré, au droit à l’enfant, qui relèverait d’une exigence malvenue. Comme si le droit à l’enfant n’existait pas !

Lorsqu’un couple ou une personne souhaite adopter, l’agrément accordé ne relève-t-il pas, d’une certaine manière, d’un « droit à l’enfant » ? Idem s’agissant du nombre limité de tentatives qu’autorisent les équipes médicales pour les couples ou les mères désireuses d’une AMP.

Je trouve également que l’on considère avec suspicion le désir d’enfant des couples hétérosexuels ou homosexuels comme des parents isolés. Faudrait-il avoir honte de désirer un enfant à tout prix ? Pourquoi ne pas reconnaître qu’avoir un enfant pour lui transmettre de l’affection, assurer son éducation et permettre son épanouissement peut être la raison d’être d’un couple ou le projet d’une vie d’une personne seule ?

Considérer un tel désir comme un caprice égoïste ou irresponsable, c’est ne pas mesurer la souffrance de parents sans enfants ni les douleurs endurées par les femmes soumises aux épreuves d’une AMP.

Comment pouvons-nous ajouter à cette souffrance physique une détresse morale par le refus d’autoriser le recours aux possibilités thérapeutiques actuelles ?

Quel sens aurait le progrès scientifique si l’on en interdisait le bénéfice à ceux qui en ont besoin et qui le réclament ?

La finalité ultime de la médecine est de soulager les souffrances. Il faut entendre les souffrances de celles et ceux qui réclament un recours à l’AMP, qu’ils soient en couple hétérosexuel, homosexuel ou, parfois, seuls

J’ai aussi entendu parler d’enfant naissant sans père. Un enfant sans père, cela n’existe pas ! Il y a toujours un père biologique. Qu’il soit présent ou non, qu’il soit connu ou inconnu, il existe. Cela ne doit faire aucun doute dans nos esprits, comme dans l’esprit de l’enfant d’une mère célibataire ou d’un couple homosexuel.

Je souhaite revenir sur la ligne rouge que l’on a tracée à propos de la gestation pour autrui (GPA).

Les enfants nés sous X, qui peuvent être adoptés, sont bien le fruit d’une GPA, si les mots ont un sens. Certes, ils ne sont pas le fruit d’une fécondation pour autrui, qui reste interdite à ce jour lorsqu’elle est associée à une grossesse pour autrui. Mais la fécondation pour autrui est bien autorisée pour concevoir un embryon. Et la grossesse pour autrui n’est pas condamnée lorsqu’elle se conclut par un accouchement sous X. C’est la concomitance des deux qui trace la ligne rouge. Je prédis qu’un jour nous aurons à en débattre.

Car rien ne sera figé dans le marbre. Heureusement que notre génération ne condamne pas l’humanité pour l’éternité par manque d’humilité.

Les mentalités évoluent, comme les techniques. Et c’est toute la richesse de cette démarche bioéthique que d’être réinterrogée régulièrement pour s’enrichir de l’évolution des consciences.

Pour cela, nous ne devons pas être privés de débat !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici enfin arrivés en nouvelle et dernière lecture du projet de loi bioéthique, près de deux ans après le début de son examen.

Certes, le temps du débat parlementaire et le rôle de chacune de nos deux chambres sont évidemment essentiels. Mais, il faut bien l’admettre, pour ce texte, ce fut un véritable parcours du combattant, moins pénible, cela dit, que l’attente subie depuis plus de dix ans par des milliers de couples de femmes et de femmes seules avant la concrétisation des promesses présidentielles d’ouverture de la PMA à toutes.

Monsieur le secrétaire d’État, je regrette que, malgré les promesses, le Gouvernement ait retardé l’inscription du projet de loi relatif à la bioéthique à l’ordre du jour parlementaire. Il est peu probable que le premier bébé issu d’une PMA d’un couple de femmes ou d’une femme seule naisse avant la fin du mandat d’Emmanuel Macron.

Je veux le dire ici, j’éprouve une certaine colère lorsque je repense à l’imbroglio du vote du Sénat en deuxième lecture, où la majorité de droite a supprimé le droit à la procréation médicalement assistée (PMA) pour tous les couples de femmes et les mères célibataires.

Après avoir accepté l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens, mais limité son remboursement par la sécurité sociale en première lecture, la droite sénatoriale s’est radicalisée et caricaturée en deuxième lecture, en rejetant complètement l’accès à la PMA aux couples homosexuels, mais aussi aux femmes seules par une manœuvre, disons-le, politicienne !

M. Bernard Bonne s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ce durcissement de la position de la droite sénatoriale §a renvoyé une image de notre Haute Assemblée en complet décalage avec le reste de la société, puisque 67 % de nos concitoyennes et concitoyens soutiennent l’élargissement de la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes seules.

Mais le Gouvernement est, lui aussi, en décalage avec la société en refusant d’établir, dans ce texte, dès la naissance de l’enfant d’un couple de femmes une filiation claire et solide en faveur des deux femmes, des deux parents.

Monsieur le secrétaire d’État, à une présomption automatique de parenté, vous avez préféré une procédure spécifique pour les couples de femmes, qui devront passer par une reconnaissance anticipée de l’enfant devant notaire et l’ajout d’une mention sur son acte de naissance.

Le maintien de deux régimes juridiques distincts pour le mode d’établissement de la filiation entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes crée une discrimination selon l’orientation sexuelle que je tenais à dénoncer.

Je regrette également que la technique d’aide médicale dite ROPA (réception d’ovocytes de la partenaire) ait été refusée par la majorité gouvernementale aux couples lesbiens. Cette méthode de fécondation in vitro (FIV) est pourtant une solution pour des couples de femmes qui décident d’avoir un bébé ensemble et veulent toutes deux participer activement à la grossesse.

Enfin, il est dommageable de devoir attendre encore pour autoriser les personnes transgenres à accéder à la procréation médicale assistée et à l’autoconservation des gamètes.

Pour toutes ces raisons, il nous semble qu’un nouvel échange dans notre Haute Assemblée était indispensable.

Même si le groupe CRCE est favorable aux rédactions proposées par le Sénat sur la recherche sur les embryons, sur les cellules souches pluripotentes ou encore sur la modification du génome, qui nous paraissent plus protectrices contre le franchissement de la barrière des espèces, nous voterons contre la motion de la droite déposée au nom de la commission spéciale, car nous savons qu’elle est essentiellement liée à une opposition à la PMA.

À deux jours de la « Marche des fiertés », je veux dire aux couples de femmes, souvent déçues et impatientes, que cette fois-ci, ça y est, la loi va enfin être définitivement adoptée : l’Assemblée nationale aura le dernier mot, et, pour une fois, je ne le regrette pas !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. Après tant d’hésitations, de renoncements, la PMA pour toutes sera autorisée en France. Le camp des progressistes a gagné contre celui des rétrogrades

Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… qui craignent que la société ne s’effondre faute de figure paternelle.

Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir, notamment pour mettre un terme aux discriminations et aux violences dont sont victimes les personnes LGBTI+. Je continuerai d’être à leurs côtés.

Si le vote du Sénat ne nous enorgueillit malheureusement pas, je serai très émue de voir cette loi promulguée pour reconnaître à tous et toutes le même droit !

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rares sont les textes sur lesquels le Parlement a encore l’occasion de légiférer en procédure normale. Nous avons donc eu la chance de pouvoir examiner avec sérénité ce projet de loi relatif à la bioéthique, dont la nature même impose de prendre le temps de la réflexion, voire d’envisager de réexaminer ses propres positions. Ce fut le cas.

D’ailleurs, je tiens à remercier nos rapporteurs, qui, tout au long de la navette, n’ont pas manqué d’apporter l’éclairage et les précisions nécessaires à la bonne tenue de nos débats.

Malgré ce travail approfondi et leurs efforts sans faille, la commission mixte paritaire n’a pas – force est de le constater – pu parvenir à un accord. Nous le regrettons amèrement tant le sujet aurait mérité que nous trouvions une voie médiane, consensuelle et pragmatique.

Cette déception rassemble l’ensemble des sénateurs tant elle reste vraie, y compris pour ceux qui estiment que le volet sociétal de ce texte n’y avait pas sa place.

En effet, même si nous n’avions pas eu à examiner les articles relatifs à l’AMP, le fait qu’il reste d’autres articles en discussion montre qu’un consensus n’aurait pas pu être trouvé. Au-delà des divergences profondes sur les évolutions concernant l’assistance médicale à la procréation, les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat, par exemple en matière de recherche, étaient irréconciliables.

Beaucoup de choses ont été dites durant la navette. Les articles ont été largement commentés. Je ne reviendrai pas aujourd’hui sur ce qui a déjà été longuement débattu.

Les divergences irréconciliables concernent les articles 8, 9 et 10, relatifs aux conditions de réalisation des examens génétiques et de communication de leurs résultats à l’intéressé et à sa parentèle, mais aussi les articles 14 et 15 ou encore l’article 17, qui n’interdit la création d’embryons chimériques que lorsqu’ils résultent de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces.

Toutefois, d’autres articles ont fait l’objet de rapprochements entre les deux chambres.

Ainsi, l’Assemblée nationale a conservé partiellement l’un des apports du Sénat à l’article 7 bis, qui ouvre le don du sang aux majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative aux biens et assistance. À l’article 7 ter, elle a approuvé la position du Sénat relative à l’encadrement du don de corps. L’article 19 quater, introduit par le Sénat, a été validé par les députés ; il concerne la réalisation en première intention d’un examen génétique chez les nouveau-nés dans le cadre du dépistage néonatal pour la recherche d’anomalies génétiques ciblées susceptibles de mesure de prévention ou de soins. Les députés ont également suivi le Sénat à l’article 19 sur le diagnostic prénatal et à l’article 23 sur la revalorisation du rôle des conseillers en génétique.

Malheureusement, ces points d’accord ne pèsent pas lourd. Qui plus est, le projet de loi n’a pas permis de simplifier et de clarifier la gouvernante de la bioéthique. En effet, les députés ont réintroduit à l’article 29 six membres supplémentaires au sein du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Ils ont également confié des missions à l’Agence de la biomédecine qui l’éloignent de son cœur de métier.

J’en viens aux premiers articles du projet de loi, relatifs à l’assistance médicale à la procréation.

La question de la place de ces articles dans le projet de loi et les évolutions envisagées ont divisé notre hémicycle, y compris au sein de nos différents groupes. En repoussant ou en modifiant substantiellement les propositions qui nous étaient adressées, nous ne pouvions pas ignorer que la navette aboutirait à l’adoption des articles concernés sans prise en compte, même partielle, de la voix du Sénat par l’Assemblée nationale.

Comme souvent à l’issue d’une commission mixte paritaire non conclusive, et à l’instant où nous nous apprêtons à adopter une question préalable, nous nous interrogeons sur notre capacité à faire entendre notre voix. Tel est pourtant le cadre que nous impose la Constitution, et le phénomène est renforcé par le fait majoritaire.

Toutefois, l’intelligibilité de nos débats est garantie par leur publication au Journal officiel. À défaut d’avoir pu modifier profondément le dispositif de ce texte comme certains d’entre nous le souhaitaient, il convient désormais, me semble-t-il, de voter en faveur de la question préalable qui nous sera présentée par la commission spéciale au lieu d’ouvrir une nouvelle discussion dont nous connaissons déjà l’issue ; ce serait une redite de ce qui est déjà consultable.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera en faveur de la motion de procédure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici donc à la troisième lecture de ce projet de loi relatif à la bioéthique. « Enfin ! » a dit chacun des intervenants, l’examen de ce texte ayant débuté au mois de juillet 2019, voilà près de deux ans.

C’est peu dire que le Gouvernement a temporisé en ne souhaitant pas inscrire plus rapidement ce texte à l’ordre du jour. Au final – Bernard Jomier l’a rappelé –, dix années se sont écoulées depuis la dernière révision de la loi de bioéthique.

Mais ces deux ans d’examen du présent projet de loi ne nous ont pas permis de dépasser nos désaccords, même si – certains l’ont relevé – quelques avancées ont été constatées.

Une fois n’est pas coutume, nous avons eu tout le temps de débattre, puisqu’il n’y a exceptionnellement pas eu de procédure accélérée. Mais, bien entendu, le fait que le débat ait été si distendu ne nous a pas permis de travailler correctement.

Finalement, nous ressentons une véritable déception législative : le Gouvernement a fait le choix de mêler réforme de la PMA et révision de loi de bioéthique ; la majorité En Marche à l’Assemblée nationale ne souhaitait à l’évidence pas le moindre dialogue – nous l’avons constaté en commission mixte paritaire – et la droite sénatoriale est restée campée sur des positions radicalement opposées.

Ainsi que je l’ai indiqué, le choix d’introduire la réforme de la PMA dans le texte viciait totalement toute chance d’aboutir à un consensus. C’est effectivement ce qui s’est passé. Nous l’avions souligné dès la première lecture. Pourtant, ce texte est nécessaire. Il est attendu. Il touche à de vastes questions en matière de bioéthique. Mais tout cela a été rendu impossible.

La majorité du Sénat s’est évidemment engouffrée dans une telle brèche. Personne ne souhaita plus le consensus ; nous l’avons constaté au fil du temps. De fait, l’issue était jouée d’avance, chacun campant sur ses positions. Le dépôt de cette question préalable aujourd’hui en est aussi un symptôme.

Nous avions pourtant eu une lueur en première lecture. Le Sénat avait accepté le principe de l’ouverture de la PMA tout en l’encadrant, en la limitant et en en refusant de remboursement. Mais ce mouvement ouvert et progressiste a vite été rattrapé. En deuxième lecture, nous avons assisté à un imbroglio parlementaire invraisemblable qui s’est traduit par un recul : le vote de l’amendement excluant les femmes seules de la PMA, mais également la suppression totale de l’article 1er.

Le Sénat est donc passé à côté de l’histoire en s’enfermant dans une vision conservatrice de la famille. Pourtant, comme certains ici l’ont rappelé, cette réforme ne détruira pas la famille. Notre société évolue, et les schémas familiaux et parentaux avec elle.

Aujourd’hui, le choix qu’il était possible de faire face était d’accepter la réalité de notre société. C’est évidemment celui qu’a fait notre groupe depuis fort longtemps.

De telles familles existent déjà. Elles sont tout aussi heureuses que les autres ; elles le sont même parfois plus, car c’est un enfant désiré qui y arrive. Mais elles souhaitent simplement qu’on leur reconnaisse le droit d’exister, qu’il soit mis fin à l’hypocrisie et que les pratiques soient encadrées, afin de garantir aux femmes la sécurité et l’égalité.

Notre histoire parlementaire fourmille d’exemples de textes ayant servi de point de bascule dans notre organisation sociale. Dans cet hémicycle, nous avons souvent fait référence à la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, dite loi Veil. Nous pourrions également mentionner la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Nous avons l’occasion ici d’engager une avancée sociétale du même ordre tout en veillant, évidemment, à l’effectivité de ces droits nouveaux sans discrimination.

Bien entendu, notre groupe aurait souhaité aller plus loin sur l’application du droit commun relatif à la filiation pour les couples de femmes ou sur les possibilités d’autoconservation ou d’utilisation des gamètes. Le sujet a évidemment été occulté.

Les questions de bioéthique sont extraordinairement complexes. Elles sont également politiques. Nous devons en débattre collectivement, mais en réduisant les tensions. La science rend possibles les aspirations de la société. Il nous appartient à nous, en tant que législateurs, de trouver l’équilibre le plus fin et le plus juste. Je le rappelle, la France dispose d’un modèle spécifique en la matière, puisque la législation sur la bioéthique doit faire l’objet de réexamens réguliers.

Le projet de loi consacre tout de même plusieurs avancées : la levée en matière de don d’organes de certaines contraintes sur le développement du don croisé, l’affirmation d’un statut de donneur d’organes, des clarifications sur l’encadrement de l’IMG ou la création d’une délégation parlementaire à la bioéthique. Nous aurions évidemment aimé aller plus loin sur les dons d’organes, sur les tests génétiques – cela correspond aux attentes de nos concitoyens – ou, comme M. le rapporteur l’a évoqué, sur le diagnostic préembryonnaire.

Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je souhaite exprimer un grand regret. Une motion tendant à opposer la question préalable a été déposée. À dire vrai, si celle-ci devait être rejetée, notre groupe pourrait quasiment voter le texte adopté par l’Assemblée nationale, malgré quelques divergences. Nous considérons que l’humanité doit pouvoir faire des progrès sans bouleverser nos valeurs, identifier des risques, instituer des garde-fous, faire avancer les droits de chacun, en particulier ceux des femmes. Pour nous, c’est cela, le rôle du législateur.

Tel est notre état d’esprit. Il est très regrettable que le Sénat ne l’ait pas partagé.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail de nos rapporteurs, Muriel Jourda, Corinne Imbert, Olivier Henno et Bernard Jomier. Je n’oublie pas le président de la commission spéciale, Alain Milon, qui a animé nos débats.

Lors de l’examen des lois de bioéthique, les questions qui se posent à nous touchent à l’intime. En la matière, nul ne détient la vérité. Chacun doit pouvoir exprimer son opinion. La bonne tenue de nos débats au cours des deux précédentes lectures est à souligner.

Il est en effet essentiel d’écouter et de respecter chaque opinion, même si j’ai entendu des propos un peu excessifs ce matin. C’est l’honneur de notre assemblée d’avoir permis un débat ouvert sur un sujet aussi complexe.

Au sein du groupe Les Républicains, la liberté sur ce sujet est restée totale tout au long des débats. Chacun a pu se prononcer selon ses convictions, ses croyances, son histoire et ses doutes.

La nouvelle lecture du projet de loi relatif à la bioéthique, conséquence de l’échec de la commission mixte paritaire, nous laisse un goût amer.

L’accord sur la révision de la loi était difficile à trouver dès lors que le Gouvernement avait fait le choix d’inclure dans le texte les modifications sociétales relatives à l’accès à l’assistance médicale à la procréation. Si cette question avait fait l’objet d’un projet de loi distinct, nous aurions peut-être pu aboutir à un accord entre nos assemblées, comme ce fut le cas lors des précédentes révisions des lois de bioéthique de 2004 et 2011.

Après la PMA pour toutes les femmes, il y aura bientôt la GPA.

Le principe posé par l’article 1er au nom d’une égalité en matière de droit à l’enfant et à la procréation devrait intellectuellement inclure la gestation pour autrui.

Au cours de l’examen de l’article 1er en deuxième lecture devant le Sénat, M. le secrétaire d’État Adrien Taquet affirmait : « [L]’ouverture de l’assistance médicale à la procréation sera sans incidence sur l’interdiction de la gestation pour autrui, qui est antinomique des grands principes bioéthiques auxquels nous sommes tous attachés. » Aujourd’hui, sans doute. Mais demain ? On nous expliquera avec la même assurance qu’il s’agit d’une réforme de justice entre les couples de femmes et d’hommes, ce qui pourra s’entendre. Et on nous vendra alors une GPA dite « éthique ».

Toutes les propositions de la commission spéciale en matière de procréation et de filiation ont été écartées par les députés. Tout en actant l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées, celle-ci avait maintenu le critère médical, notamment d’infertilité d’accès à l’AMP pour les couples hétérosexuels, et réservé la prise en charge par la sécurité sociale aux démarches fondées sur des motifs médicaux.

En deuxième lecture, la confusion sur le vote de l’amendement tendant à instaurer l’AMP post mortem a entraîné le rejet de l’article 1er lors de la seconde délibération en deuxième lecture.

Promouvoir une égalité totale entre les couples est illusoire. Un enfant aura toujours deux lignées parentales différentes : c’est ce qui l’inscrit dans le genre humain, universellement mixte. On ne peut pas dire à un enfant qu’il est né de deux pères ou de deux mères, même s’il peut effectivement être élevé dans une famille mono ou homoparentale.

C’est d’ailleurs ce qui a motivé la rédaction de l’article 4, relatif la filiation, retenue par notre assemblée en première et deuxième lectures. Nous avions refusé le principe d’une filiation établie sur le fondement de la volonté pure pour les deux mères. Nous avions considéré l’adoption comme l’unique possibilité d’établir une telle filiation.

Le Sénat avait également souhaité un contrôle plus strict de la reconnaissance de la filiation d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une GPA. Il avait introduit l’article 4 bis, qui interdit toute transcription complète à l’état civil dans les cas de GPA. La transcription du lien biologique de filiation est établie, mais l’autre transcription se fait par des moyens autres qu’une transmission automatique, c’est-à-dire par l’adoption.

À titre personnel, j’étais favorable à la levée de l’anonymat en matière de don des gamètes. Chacun veut savoir qui il est et d’où il vient. La quête des origines est pour les enfants nés sous X ou par AMP un véritable combat. Certes, le donneur n’est pas le parent. Mais faire don de ses gamètes n’est pas un acte anodin et banal ; c’est transmettre une part de sa propre identité. D’ailleurs, les pays ayant levé l’anonymat ont vu non pas une diminution du nombre de donneurs, mais un changement du profil de ceux-ci.

En ce qui concerne le don d’organes, de tissus et de cellules, il est regrettable que les positions du Sénat sur le statut de donneur, ainsi que sur l’abaissement de l’âge du consentement pour le prélèvement de cellules hématopoïétiques et sur les dispositions relatives aux majeurs protégés n’aient pas été retenues par les députés.

Les questions fondamentales de bioéthique, en particulier celles qui sont liées à la recherche, ont été occultées par les débats sur la procréation et la filiation.

Sur le volet relatif à la recherche, le Sénat s’est attaché à concilier les espoirs considérables nés des apports de la science en matière de connaissances, de diagnostic précoce, de dépistage et de traitements, d’une part, et le refus de pratiques parfois déjà en vigueur dans des pays moins-disants du point de vue éthique, d’autre part.

L’essor de la médecine génomique doit être soutenu, mais dans un cadre sécurisé. Le Sénat avait trouvé le juste équilibre et évité le risque eugénique, mais l’Assemblée nationale a persisté dans sa volonté d’autoriser la création d’embryons chimériques par l’adjonction de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon animal. À défaut d’encadrement crédible, le Sénat s’était positionné contre cette possibilité lors des deux premières lectures, de même qu’il s’était opposé à la modification du génome d’un embryon humain.

Signe de leur obstination à vouloir maintenir des dispositions sans valeur ajoutée, les députés ont réintroduit les six membres supplémentaires issus du secteur associatif au sein du CCNE.

Nous allons nous prononcer dans quelques instants sur la motion déposée par la commission spéciale. Le rétablissement par l’Assemblée nationale de la quasi-totalité de son texte, y compris sur des points pourtant non clivants, démontre une fois de plus sa détermination à ne pas tenir compte des propositions du Sénat.

Pour toutes ces raisons, une large majorité du groupe Les Républicains votera en faveur de la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi, par Mmes M. Jourda et Imbert et M. Henno, au nom de la commission, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée en nouvelle lecture, relatif à la bioéthique (677, 2020-2021).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme le rapporteur, pour la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il m’appartient donc de présenter la motion tendant à opposer la question préalable que nous avons déposée, en nouvelle lecture, sur ce projet de loi relatif à la bioéthique.

Vous n’ignorez pas, mes chers collègues, que l’adoption de cette motion entraînera l’arrêt de l’examen de ce texte : il retournera donc à l’Assemblée nationale tel qu’il nous en est arrivé.

Cette motion n’a pas recueilli l’unanimité des voix en commission, mais une majorité assez importante d’entre elles. Comme vous l’aurez compris à l’écoute des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, elle ne témoigne d’aucune hostilité de notre commission, ou même du Sénat, envers l’ensemble des dispositions que contient ce projet de loi. Sur un certain nombre de points, nos deux assemblées sont même parvenues à un accord.

Cette motion signifie simplement que nous sommes sans doute parvenus au bout de ce que doit être une discussion parlementaire. En effet, une telle discussion n’a pas de valeur en elle-même, mais seulement pour l’échange qu’elle introduit entre les deux assemblées ; elle n’a de valeur que parce qu’elle constitue un processus de construction de la loi. Par la maturation des arguments de chacun, par leur examen réfléchi, on essaie de trouver un accord.

Or force est de constater que cette discussion a assez vite pris fin. J’y vois deux causes majeures ; l’une comme l’autre ont déjà été évoquées par les différents orateurs qui m’ont précédée.

La première cause tient au mélange des genres et à l’assez grande confusion que ce texte entretient entre des dispositions qui relèvent de la bioéthique, comme celles qui traitent de la recherche sur l’embryon, et des dispositions « sociétales », selon l’expression consacrée. Évidemment, nous pensons tous aux dispositions relatives à l’assistance médicale à la procréation et en particulier à son extension aux couples de femmes et aux femmes seules.

Outre que cette première partie sociétale a complètement phagocyté le débat, dans les médias comme dans les assemblées, il était parfois difficile, pour un certain nombre d’entre nous, d’être favorable à l’intégralité de ces deux volets, de sorte que le débat a tout de même été très largement parasité par ce mélange des genres présent dès l’origine dans le projet du Gouvernement.

La deuxième cause pourrait être résumée par une phrase extrêmement célèbre dans le monde politique : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire ! » C’est très clairement ce que nos collègues de l’Assemblée nationale nous ont signifié lorsque nous nous sommes rendus à la réunion de la commission mixte paritaire sur ce texte. Autrement dit, puisque nous sommes minoritaires, l’Assemblée nationale fait ce qu’elle veut !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Minoritaires, mais pour combien de temps ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Loin de moi l’idée de nier l’existence du fait majoritaire, qui est à l’évidence intimement lié à la démocratie, mais nous ne discutons pas aujourd’hui d’un texte comme les autres. Qu’il s’agisse de ses dispositions bioéthiques ou sociétales, nous avons affaire à une loi de société. Or de telles lois n’ont justement pas vocation à bouleverser la société, ou à faire état de l’opinion d’une majorité parlementaire. Elles ont vocation à constater un état de la société et à le traduire dans la législation.

Par définition, l’état de la société est rarement homogène ; tel est bien le cas pour les sujets qui nous ont ici occupés. Cette absence d’homogénéité a été parfaitement révélée par les états généraux de la bioéthique, si vous avez bien voulu vous pencher sur leurs travaux, qu’il s’agisse des sujets bioéthiques ou sociétaux.

Il était donc important, pour un tel texte, de rechercher un consensus. Je rappelle que toutes les lois de bioéthique ont été votées par consensus jusqu’à aujourd’hui. C’est la première fois qu’un texte de cette nature sera adopté sur le fondement de l’opinion unique de l’Assemblée nationale et non d’un dialogue constructif entre les deux chambres.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Il est selon moi extrêmement important de le souligner.

Nous n’avons pas pu avoir ce dialogue parce que, politiquement minoritaires, nous avions à leurs yeux juridiquement tort. C’est bien dommage et, comme plusieurs intervenants l’ont fait avant moi, je veux le déplorer à cette tribune.

Ces deux causes majeures expliquent que, si nous décidions aujourd’hui de poursuivre la discussion, elle ne pourrait être qu’une succession de monologues et non le dialogue qui aurait dû se tenir entre nos deux assemblées.

Je terminerai ma défense de cette motion par un propos peut-être plus personnel. Au fond, l’Assemblée nationale et le Sénat n’ont peut-être pas la même conception de ce texte relatif à la bioéthique.

J’en veux pour preuve la discussion qui s’est tenue sur l’article 7, relatif au don d’organes. Vous savez bien, mes chers collègues, que nous sommes tous présumés avoir consenti au don d’organes post mortem, sauf si nous nous inscrivons de notre vivant sur un registre attestant de notre refus de cette procédure.

Le Sénat, par l’adoption d’un amendement du rapporteur Bernard Jomier, avait exclu de ce consentement présumé les personnes majeures sous protection, c’est-à-dire des personnes qui sont incapables d’exprimer un consentement et par conséquent de refuser ce don post mortem. Cela paraissait assez naturel pour respecter la dignité des personnes protégées.

Cette disposition a été supprimée par l’Assemblée nationale, au motif, soutenu par M. le ministre de la santé, que nous devrions traiter tout le monde de la même façon en raison de la pénurie d’organes que l’on subit actuellement. §Il faudrait utiliser tout ce qui est à notre disposition ; au terme de cette logique, on finit par considérer ces personnes majeures protégées comme des banques d’organes !

Voyez-vous, au-delà des deux causes majeures que j’évoquais précédemment pour justifier la nécessité de mettre un terme à cette discussion avec l’Assemblée nationale, je me demande tout simplement si nous avons la même conception de la dignité de la personne humaine.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Alain Marc applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, contre la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous devions aujourd’hui examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la bioéthique.

Je dis bien « nous devions », car la majorité sénatoriale défend une motion tendant à opposer la question préalable. Celle-ci sera vraisemblablement adoptée, ce qui entraînera le rejet du texte. Je regrette ce choix.

Je le regrette, parce que ce texte porte en lui des avancées nécessaires et importantes.

Je le regrette surtout, car au-delà des désaccords qui nous opposent le Sénat se prive de débattre sur un texte important, qui intéresse les Français au regard des nombreux sujets de société qu’il traite.

Ce texte a fait l’objet d’un large consensus, avant même son inscription à l’ordre du jour des assemblées.

On se montre sceptique sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Dans chaque territoire, des débats ont été organisés par des espaces de réflexion éthique régionaux autour de neuf thématiques identifiées par le CCNE. Nous les retrouvons, en grande partie, dans ce texte.

Ce projet de loi, je le répète, traite de sujets de société majeurs.

Je pense à l’accès aux origines de l’enfant né d’une aide médicale à la procréation avec tiers donneur, ainsi qu’à la gestion des traitements de données relatifs aux tiers donneurs, à leurs dons et aux enfants nés de ces dons.

Je pense également à des sujets complexes, comme l’autoconservation des ovocytes ou la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Je pense bien sûr à l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes et à sa prise en charge par l’assurance maladie, avancée sociétale majeure qui figurait dans le projet présidentiel d’Emmanuel Macron.

Sur ce dernier point, pourtant central, comment expliquer les volte-face de la majorité sénatoriale entre la première lecture, où elle avait adopté les dispositions relatives à la PMA, même si elle avait limité son remboursement par la sécurité sociale aux seuls cas d’infertilité, et la seconde lecture où, de manière incompréhensible, elle a rejeté l’article 1er après avoir exclu les femmes seules du bénéfice de ces dispositions.

Pourquoi donc refuser de débattre à nouveau ? Est-ce dû aux difficultés rencontrées lors de la seconde lecture ? J’aimerais d’ailleurs qu’on s’y attarde.

L’article 1er a été rejeté dès le premier soir du débat. L’article 2 ayant subi à son tour le même sort, le texte adopté se limitait, après plusieurs heures d’examen, à un article 1A disposant qu’il n’existe pas de droit à l’enfant… Une nouvelle délibération a ensuite été annoncée à plusieurs reprises, mais elle n’a jamais eu lieu, au prix de contradictions multiples.

Bien sûr, nous étions satisfaits que l’amendement de cohérence que nous portions à l’article 19 pour assurer l’accès au diagnostic préimplantatoire pour les femmes non mariées ait été adopté en séance. Mais comment expliquer le rejet par la même assemblée, quelques jours auparavant, de la possibilité d’offrir une aide médicale à la procréation à ces mêmes femmes ?

Dans une tribune publiée dans le journal La Croix, la majorité sénatoriale prétend que « l’exécutif fait preuve d’une absence catastrophique de sens des priorités et des responsabilités » en réinscrivant ce texte à l’ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Vous appelez l’exécutif à la raison ! Pour ma part, je vous invite au respect du débat démocratique et de notre prérogative d’examiner, de construire et de voter la loi !

Trop souvent, vous parlez de « mépris du Parlement ». Mais combien de motions tendant à opposer la question préalable avez-vous déposées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Vous l’avez fait, en deuxième lecture, pour le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, le dernier projet de loi de finances et la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, sans même parler de la suppression de l’article 1er de la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, qui vidait de sa substance ce texte tant attendu par les Français. Ces motions, les unes après les autres, limitent nos débats et notre rôle démocratique.

Celle que vous présentez aujourd’hui se justifie, selon vous, par le fait que « le dialogue entre nos deux assemblées n’a jamais eu lieu ».

Je n’énumérerai pas de nouveau les apports que vous avez mentionnés dans l’exposé des motifs de cette motion. Mais je me dois d’en citer quelques autres : la possibilité d’actualiser les données médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme ayant consenti à l’accueil d’un embryon dans les établissements chargés de mettre en œuvre cette procédure ; le principe selon lequel un employeur ne peut pas proposer la prise en charge des frais d’autoconservation ; la possibilité de préciser les conditions de conservation des gamètes en cas de décès ; le fait que l’absence de révocation par écrit du consentement dans le délai imparti vaille confirmation ; enfin, la consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la durée maximale de conservation des données relatives aux tiers donneurs. Et il ne s’agit que d’apports provenant des trois premiers articles du projet de loi !

Il ne s’agit évidemment pas d’être d’accord sur tout, mes chers collègues. Les désaccords sont légitimes, c’est le propre de notre démocratie, a fortiori sur ces sujets sociétaux et de bioéthique, éminemment complexes, qui touchent à nos consciences individuelles et engagent notre conception même de la société française et de son évolution.

Ces divergences d’opinions traversent les groupes politiques, au-delà des clivages traditionnels. Ils touchent à l’intime et parfois même à notre histoire personnelle.

Mais le débat renforce les décisions collectives ; c’est par la confrontation des visions que nos sociétés évoluent. Ces points de vue divers sont présents au sein même de notre groupe ; nous les accueillons avec bienveillance. Nous laissons donc chacun libre de son vote et de son positionnement, mais nous restons unis derrière la recherche du dialogue.

Alors, faisons honneur à la Haute Assemblée ! Montrons aux Français l’importance du bicamérisme dans notre démocratie ! Soyons à la hauteur des enjeux ! Les questions abordées dans ce projet de loi, quelles que soient nos divergences, sont au cœur de la société et méritent d’être débattues.

C’est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à voter contre cette motion tendant à opposer la question préalable. Le groupe RDPI, en cohérence, le fera pour permettre au Sénat de débattre de ce texte.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet

Je regrette le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable, mais j’en prends acte, tout en émettant un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Sur le fond, comme Marie-Pierre de La Gontrie l’a bien exprimé, si le texte transmis par l’Assemblée nationale était soumis à notre vote, malgré ses imperfections, nous voterions en sa faveur.

Pour autant, nous ne rejetterons pas cette question préalable, parce que nous faisons le constat, après deux lectures et l’échec de la commission mixte paritaire, qu’il ne sert à rien de prolonger le débat.

Il serait fallacieux d’arguer que le Gouvernement utilise la procédure accélérée sur la plupart des textes pour justifier de prolonger cette fois-ci le débat au-delà du raisonnable J’appelle plutôt ceux de nos collègues qui soutiennent la majorité présidentielle et le Gouvernement sur les autres textes à faire en sorte qu’il cesse de recourir en permanence à la procédure accélérée.

Sur ce projet de loi, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé, les deux lectures devant le Parlement ont permis de réelles avancées ; le débat est donc utile sur tous les textes.

Nous ne rejetterons donc pas la question préalable, mais nous ne la voterons pas non plus. On ne peut en effet chérir des effets dont on déplore les causes.

Je suis d’accord avec Muriel Jourda sur ce point : il est absolument piteux que l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique se termine de cette façon-là, en queue de poisson, alors qu’il devrait faire l’objet du consensus le plus large possible.

Les causes de cet échec sont à rechercher d’abord du côté du Gouvernement : en mêlant une autre problématique à la révision des lois de bioéthique, il a créé les conditions de l’échec de l’examen de ce texte. La procédure de révision des lois de bioéthique et l’examen de leur contenu devraient être extraits des contingences politiciennes et l’on devrait cesser de donner à l’exécutif tout pouvoir pour déterminer le cadre de cette révision.

Toutefois, la responsabilité en incombe aussi à la majorité sénatoriale, qui a mis hors-jeu notre chambre lors de la deuxième lecture. Les membres de l’opposition ne sont d’ailleurs pas les seuls à le dire au Sénat ! Vous essayez à présent de masquer cet échec par le vote de cette motion de procédure, mes chers collègues ; vous en assumerez la responsabilité.

Pour notre part, nous avons été constants sur ce texte : oui au droit des femmes, oui au progrès de la recherche scientifique, non à cette confusion !

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Nous n’avons pas été surpris par le dépôt de cette motion, tant les divergences sont grandes entre l’Assemblée nationale et la majorité sénatoriale. Il était assez évident que nous n’aboutirions pas.

En revanche, nous regrettons vraiment ce qui s’est passé durant la deuxième lecture au Sénat. Le débat a été complètement tronqué et la majorité sénatoriale a durci son positionnement, allant jusqu’à supprimer l’article 1er. De surcroît, la parole donnée n’a pas été respectée, puisque l’engagement avait été pris de revenir sur l’examen de cet article 1er. Nous éprouvons donc une certaine déception et une forme de rancœur face à ce débat qui ne s’est pas tenu comme il aurait dû.

Nous aurions pu voter contre la question préalable, mais nous savons que cette loi est très attendue. Des associations nous ont fait part de leur volonté de voir ce texte entrer en vigueur au plus vite.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra donc sur cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je suis pour ma part favorable à la PMA, mais je vais voter en faveur de cette motion, car je fais confiance à nos rapporteurs. Ils ont accompli un très gros travail et nous expliquent ne pas avoir été entendus. Je n’ai aucune raison de ne pas les croire !

Le Sénat a voté contre l’article 1er en deuxième lecture, alors qu’il l’avait approuvé en première lecture. Certes, beaucoup de nos collègues étaient contre, mais la majorité s’était alors prononcée pour. Il me semblait que, sur cette base, nous pouvions nous entendre avec l’Assemblée nationale, dans le cadre du bicamérisme ; un accord aurait pu être trouvé autour des positions prises par le Sénat concernant l’adoption, l’anonymat des donneurs, la GPA, ou encore le don d’organes. Les dispositions que nous avions votées, notamment aux articles 4 et 4 bis, me paraissaient parfaitement adaptées.

Nous avions voté en faveur de la PMA dans un premier temps, mais les députés ont manqué d’ouverture. Je le regrette.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je voterai bien entendu cette motion tendant à opposer la question préalable.

Je le ferai pour les raisons qui ont été indiquées par Muriel Jourda, mais également parce que je suis persuadé qu’il n’y a vraiment pas lieu de discuter de ce sujet aujourd’hui.

Considérant l’absence totale de consensus entre les deux chambres, était-il vraiment urgent d’adopter une loi certes qualifiée de « bioéthique », mais qui aura les répercussions sociétales que l’on connaît ?

Y avait-il urgence, alors que nous sortons difficilement d’une pandémie et de son cortège de difficultés économiques et sociales, à déstructurer ainsi la société ?

Non, vraiment, il n’y avait pas lieu de discuter de ce texte aujourd’hui !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je veux tout d’abord revenir sur plusieurs propos de M. Iacovelli. En effet, le vote de la majorité en deuxième lecture a été différent de celui qui avait eu lieu en première lecture, mais ce pour une raison simple : le cafouillage d’un président de séance qui n’a pas voulu recompter l’ensemble des voix ! S’il l’avait fait, le vote n’aurait pas été le même. Et c’était un président issu de vos rangs !

Ensuite, mon cher collègue, vous n’avez pas assisté à la réunion de la commission mixte paritaire, mais je peux vous confirmer que Mme la rapporteure pour l’Assemblée nationale nous a fait comprendre que nous avions juridiquement tort, parce que nous étions politiquement minoritaires ! Cela me rappelle ce qui s’était dit, en d’autres temps, au très désagréable congrès de Valence… §Il est important de le dire pour éclairer sur cette discussion les citoyens qui nous écoutent aujourd’hui.

Pour le reste, monsieur le secrétaire d’État, ce projet de loi contient une partie bioéthique, sur laquelle les rapporteurs du Sénat avaient accompli un travail considérable, nettement supérieur à celui de l’Assemblée nationale. Les avancées qui avaient été obtenues en première lecture par nos rapporteurs étaient ainsi beaucoup plus importantes pour les doctorants et les postdoctorants que les dispositions finalement adoptées par l’Assemblée nationale : je pense à la génétique, aux cellules souches et à la recherche sur l’embryon.

Mais votre texte a été complètement parasité par la PMA pour les femmes seules ou en couple. Vous savez que j’y suis favorable et que je suis même favorable à la GPA, dépassant sur ce point certains membres de votre majorité.

Dès lors, comme l’a exprimé M. Fialaire dans la discussion générale, la majorité sénatoriale ne pouvait pas adopter un texte aussi global. Pour ma part, j’aurais voté sans problème la partie sociétale relative à la PMA et le texte de nos rapporteurs sur la partie bioéthique, car il va beaucoup plus loin pour nos chercheurs que la version de l’Assemblée nationale.

À l’issue de ces débats, après avoir écouté les uns et les autres, je voterai la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 136 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi relatif à la bioéthique est rejeté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à douze heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique et au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (projet n° 551, texte de la commission n° 667, rapport n° 666, avis n° 634, 635, 649 et 650).

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Monsieur le président, le Gouvernement demande, en accord avec les commissions concernées, l’examen en priorité des chapitres IV et V du titre IV, ainsi que des titres VI et VII, le vendredi 25 juin, à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

En application de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, le Gouvernement demande que les chapitres IV et V du titre IV, ainsi que les titres VI et VII, c’est-à-dire les articles restant en discussion depuis l’article 56 jusqu’à la fin du texte, soient examinés en priorité vendredi 25 juin, à neuf heures trente.

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Il est favorable, monsieur le président.

Je profite de cette occasion pour vous rappeler, mes chers collègues, qu’il nous reste 696 amendements à examiner. Le débat doit évidemment avoir lieu, mais je vous invite à la concision, étant donné que nous devons terminer l’examen de ce texte mardi prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La priorité est ordonnée.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 2 du chapitre II du titre III, à l’article 32.

TITRE III (suite)

SE DÉPLACER

Chapitre II (suite)

Améliorer le transport routier de marchandises et réduire ses émissions

Section 2 (suite)

Autres dispositions

I. – Dans le cas où le transport routier de marchandises ne parviendrait pas à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de manière significative d’ici 2028, l’État se fixe comme objectif de mettre en place une contribution assise sur le transport routier de marchandises, dont les modalités pourront être expérimentées pour une durée de deux ans, après concertation de toutes les parties prenantes et en concertation avec l’ensemble des régions.

II. – Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente chaque année au Parlement un bilan sur la trajectoire de décarbonation du transport routier de marchandises et les moyens mis en œuvre pour y parvenir, en tenant compte, dans son analyse, des dispositifs en vigueur dans les autres pays de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tabarot

M. Philippe Tabarot, rapporteur de la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable. Nous reprenons l’examen de ce texte à une heure beaucoup plus raisonnable que celle à laquelle, la nuit dernière, nous l’avons interrompu !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tabarot

Je veux, en ouverture de l’examen de l’article 32, expliquer la démarche de la commission sur cet article.

L’habilitation à légiférer par ordonnance que le Gouvernement y sollicitait posait un certain nombre de questions, pour ne pas dire de problèmes.

Se posait d’abord un problème d’ordre chronologique, puisque le transfert de la domanialité, sur lequel cette habilitation aurait reposé, n’a pas encore été examiné par le Parlement : comme la commission des lois nous l’a rappelé dans son rapport pour avis, ce débat aura lieu dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit projet de loi 3DS. Il serait donc particulièrement difficile, dans ce contexte, de se prononcer sur le dispositif qui était proposé.

Ensuite, l’habilitation demandée présentait de nombreuses zones d’ombre et plusieurs risques, notamment la création d’une concurrence fiscale entre régions, ou encore des effets de bord.

C’est pourquoi la commission a remplacé cette habilitation par la définition d’un objectif de mise en place d’une écocontribution qui trouverait à s’appliquer si et seulement si le secteur du transport routier de marchandises n’avait pas diminué de manière significative ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2028. D’ailleurs, certains de nos amendements, portant sur les prêts à taux zéro, ou encore le prolongement du suramortissement, visent justement à accompagner ce secteur économique pour lui donner la possibilité de réduire ses émissions.

En 2028, si et seulement si les objectifs ne sont pas atteints, il serait possible d’examiner la mise en place d’une écocontribution dans des formes à déterminer – vignette, ou encore tarification kilométrique – et bien sûr en concertation avec toutes les régions pour éviter les effets de bord.

Je sais que le dispositif prévu dans la rédaction actuelle de l’article 32 ne satisfait pas forcément l’ensemble de nos collègues. Néanmoins, je suis convaincu qu’il s’agit de la moins mauvaise manière de prendre nos responsabilités face à ce sujet épineux et de porter notre vision de la transition écologique, une transition que nous souhaitons planifiée, réaliste et incitative.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Avec cet article 32, nous abordons un sujet tout aussi délicat qu’explosif. Il ne s’agit nullement de nier l’enjeu ou les préoccupations légitimes de collègues élus dans certaines régions.

J’aurai tout d’abord trois interrogations sur la forme.

Premièrement, madame la secrétaire d’État, cet article est d’une incongruité législative inégalée, puisque vous voulez nous faire croire qu’une nouvelle taxe volontaire pourrait être générée par ce projet de loi, alors que vous ne pourrez rien faire tant que la loi 3DS ne sera pas adoptée et mise en œuvre.

Deuxièmement, cet article est une performance en matière de flou artistique ! Rien n’est dit sur les modalités d’assujettissement ou de collecte. Le législateur est totalement dépossédé de ce sujet, puisque vous souhaitez procéder par ordonnances.

Troisièmement, nous sommes face à une impertinence à la fois calendaire et spatiale. En effet, le Président de la République a annoncé que, durant la prochaine présidence française de l’Union européenne, il ferait de ce sujet une de ses priorités, actant ainsi le fait qu’on ne peut pas en traiter à l’échelle de la France, mais seulement à l’échelle européenne.

J’en viens au fond. Madame la secrétaire d’État, le traitement punitif que vous nous proposez en matière de taxe constitue-t-il une réponse efficiente ?

En fait, cette taxe est-elle efficace ? Non ! Elle entraînera simplement un report du trafic routier vers d’autres axes.

Est-elle vertueuse ? Non ! Comme une saignée en médecine, une sanction affaiblit le malade, mais ne le guérit pas. Si le transport routier représente 89 % du transport des marchandises, c’est tout simplement parce qu’il n’y a pas, aujourd’hui, d’alternative et que notre système économique pratique le flux tendu : les stocks roulent dans les camions !

Est-elle équitable ? Non ! Cette taxe marginalise, exclut, condamne les péninsules, les caps et les périphéries que sont notre Bretagne et d’autres régions. La Bretagne, c’est le Penn Ar Bed, c’est le bout du monde, madame la secrétaire d’État ! Et cette Bretagne nourrit la France – c’est le général de Gaulle qui lui a donné ce dessein – ; nous sommes 3 millions et nous nourrissons 17 millions de personnes.

Madame la secrétaire d’État, comment peut-on oser condamner la Bretagne, la reléguer à sa périphérie, à la misère qu’elle connaissait autrefois, lorsque les Bretons devaient migrer vers Paris ou les États-Unis ? Vous portez une responsabilité énorme !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Les Bretons ne gémissent pas, ils font des propositions avant de sortir, le cas échéant, leurs bonnets rouges…

Je veux d’ailleurs saluer la démarche extrêmement vertueuse et fructueuse du président de la commission et du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Je conclus, monsieur le président, mais c’est un sujet important !

Nous aurions pu proposer un amendement de suppression ; nous ne l’avons pas fait, parce que nous sommes aussi vertueux que ceux qui veulent nous taxer. Néanmoins, nous voulons préparer l’avenir !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Je serai d’accord avec vous sur certains points, madame Gatel, mais pas sur tous.

J’ai l’impression que le long feuilleton dramatique français de l’application du principe pollueur-payeur au transport de marchandises trouve ici une nouvelle péripétie dans la rédaction que vous nous proposez, madame la secrétaire d’État, et qui n’est absolument pas efficiente.

Il faut bien dire qu’il y a un drame français sur ce sujet : bonnets et gilets de diverses couleurs se sont déjà succédé dans notre pays et pourraient surgir à nouveau si les Français n’acceptaient pas de manière évidente tout nouveau dispositif.

Nous examinons un projet de loi sur le dérèglement climatique – nous tentons de le réguler. Je tiens donc à rappeler qu’en matière de régulation le principe pollueur-payeur est plutôt vertueux dans une économie libérale ; il permet d’envoyer un signal prix sur les externalités d’une activité.

Hier, comme vous le savez, Jean Tirole, prix Nobel d’économie, a remis au Président de la République un rapport dans lequel il indique clairement que nous ne réglerons pas le problème du dérèglement climatique sans une mise en œuvre forte et durable du principe pollueur-payeur. Je n’ai pas encore eu le temps de lire ce rapport, mais je trouve qu’il arrive de manière fort opportune, puisque la Convention citoyenne pour le climat nous demande justement d’inscrire ce principe dans le droit.

En ce qui nous concerne, nous proposerons à nouveau une écotaxe accompagnée pour les poids lourds. Nous avons fait évoluer notre proposition à la suite des discussions que nous avons eues, notamment en commission, et du rapport d’information sur le transport des marchandises face aux impératifs environnementaux. En effet, nous devons tenir compte de la nécessité de verdir les flottes de poids lourds, de trouver des alternatives, de faire fleurir des concurrences et de supprimer des exonérations locales, ainsi que certaines taxes obsolètes qui pèsent sur le transport routier.

Par ailleurs, je vous rappelle que nous avons adopté au sujet des itinéraires de fuite des poids lourds l’amendement n° 1782 rectifié ter de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau, inspiré de leur rapport.

En tout cas, madame la secrétaire d’État, nous refuserons cette écotaxe façon puzzle, qui n’a aucun sens ! L’écotaxe doit être un dispositif continu, au minimum national, au mieux européen. C’est pour cette raison, madame Gatel, que nous proposons la mise en place d’un dispositif national d’écotaxe sur l’initiative des régions qui le souhaitent.

Mon temps de parole étant épuisé, c’est tout à l’heure que je parlerai de l’Alsace et de la Lorraine, autre belle histoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

En commission, la majorité sénatoriale a fait le choix de revenir sur l’article 32, qui permettait au Gouvernement, par voie d’ordonnance, d’autoriser les régions et, le cas échéant, les départements à expérimenter une taxe sur les transports routiers de marchandises.

La commission a préféré substituer à cette habilitation un dispositif qui conditionne cette expérimentation à la non-réalisation d’ici à 2028 d’une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’un non-sens, puisque c’est justement cette taxation qui est censée permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En conditionnant ainsi la mise en œuvre de cette taxation, on prive les territoires d’un levier efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’échéance de 2028 semble en effet bien lointaine, alors que nous n’avons de cesse durant nos débats de parler d’urgence climatique.

Je note en outre que la question ne fait pas l’unanimité dans les rangs de la majorité sénatoriale. Notre collègue Catherine Belrhiti a d’ailleurs déposé plusieurs amendements visant à permettre aux régions, au premier rang desquelles le Grand Est, de s’engager sans attendre sur la voie de cette taxation. Je ne suis pas opposée par principe à ces amendements, mais je déplore qu’ils obèrent la capacité de la Collectivité européenne d’Alsace à mettre en œuvre la redevance poids lourds réclamée de longue date par les Alsaciens.

Alors que cette faculté a été octroyée à l’Alsace le 26 mai dernier par voie d’ordonnance, le Sénat a refusé d’habiliter le Gouvernement à élargir ce dispositif à d’autres territoires. Aussi, je regrette qu’à cet article le Sénat n’ait pas misé sur l’intelligence des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Jacques Fernique, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Ce que portent le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale, c’est la possibilité pour les régions volontaires d’instaurer, à la carte, une écocontribution sur les poids lourds. Cela risque fort de n’être qu’un habillage très limité et parcellaire d’une inaction quasi générale !

L’expérience alsacienne depuis 2005 montre bien qu’il ne suffit pas de souhaiter une taxe sur les poids lourds et d’en avoir la possibilité légale pour obtenir sa mise en œuvre effective.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

M. Jacques Fernique. La lenteur des démarches de mise en place de cette taxe confine à l’immobilisme de fait : depuis 2005 et l’amendement Bur, puis l’écotaxe annoncée dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’Alsace en a fait l’amer constat ; André Reichardt et moi-même sommes d’accord sur ce point !

M. André Reichardt le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Cette expérience alsacienne montre aussi clairement combien les effets de bord peuvent être dévastateurs : c’est le cas depuis quinze ans, avec une part du trafic qui se déporte sur la dorsale alsacienne pour échapper à la LKW-Maut allemande ; cela sera le cas pour le sillon routier lorrain dès que la taxe de la Collectivité européenne d’Alsace sera enfin en vigueur.

Par ailleurs, cette façon déstructurée, « façon puzzle », comme le dit très bien notre collègue Olivier Jacquin, de traiter la question de la fiscalité environnementale du transport routier ferait lourdement peser sur chaque région volontaire les coûts de collecte ; une telle taxe s’appliquerait en outre dans des périmètres régionaux qui ne sont pas ceux des transports lourds de transit, alors que ce sont eux qui doivent le plus être mis à contribution.

Il est donc nécessaire d’adopter une mesure plus cohérente, plus lisible et plus efficace que celle qui était envisagée à l’article 32 par le Gouvernement et l’Assemblée nationale.

En ce sens, notre rapporteur et notre commission ont raison d’envisager un dispositif national mieux à même de s’intégrer dans la refonte de la directive Eurovignette en cours de négociation pour rehausser son niveau d’exigence et de cohérence européenne. Cela dit, ce que l’on sait de l’accord qui semble se profiler à l’échelon européen ne paraît pas consolider les perspectives d’une harmonisation qui serait susceptible de pousser notre pays à avancer vers un dispositif pollueur-payeur adapté.

Le groupe GEST estime donc que la majorité sénatoriale a tort de trop repousser la mise en œuvre de ce principe et de la subordonner à des échéances et des conditions qui laisseraient ce levier inemployé pour de longues années encore.

Voilà pourquoi nous proposerons tout à l’heure, avec l’amendement n° 760, d’agir sans attendre pour nous donner les moyens de financer la décarbonation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Gérard Lahellec, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

M. Gérard Lahellec . Que l’on cherche à dégager des moyens pour développer des modes de transports propres et alternatifs à la route, quoi de plus juste ! Des tentatives ont déjà été menées par le passé et vous comprendrez qu’en ma qualité de Breton je puisse en avoir conservé quelques souvenirs…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Il s’agissait à l’époque de ce qui a été appelé les bonnets rouges ; lorsque l’on met 30 000 personnes dans les rues d’une petite région, et ce par deux fois, cela se voit ! Surtout, cela signifie que des raisons objectives expliquent que les choses ne passent pas tout à fait comme une lettre à la poste…

S’agissant du financement de ces modes de transport alternatifs à la route, faisons tout d’abord un constat : toutes les régions de France ne sont pas des régions que l’on traverse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Dans le cas particulier de notre région, on vient en Bretagne ou on part de Bretagne ! L’économie du transport pèse donc considérablement sur l’équilibre économique de nos activités de production. C’est d’ailleurs ce qui a motivé la grande réserve que nous avons vécu autour des mouvements dont je parlais à l’instant. Je le répète : on ne traverse pas la Bretagne !

En même temps, lorsque l’on instaure ce type de taxation, il est bon de se poser certaines questions : par qui ? pour qui ? pour quoi faire ?

S’il s’agit d’une taxation dont les bénéficiaires seraient, par exemple, les régions concernées, on peut se poser la question de savoir si elle sera mise en œuvre pour financer des routes ou pour financer autre chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

On ne le sait pas.

Ensuite, si une telle taxation devait être mise en place, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) ne serait-elle pas la mieux placée pour la collecter et pour financer les modes alternatifs ? Il me semble que cela serait beaucoup plus cohérent.

En tout cas, au regard de ces grandes questions, et sans pour autant renoncer à rechercher un mode de transport alternatif à la route, je considère pour ma part que la position adoptée par M. le rapporteur est sage. Tout au contraire d’un renoncement, il me semble que c’est une proposition à la fois constructive et économiquement efficace.

M. Michel Canévet et Mme Françoise Gatel applaudissent.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

La rédaction issue des travaux de la commission convient au groupe Les Républicains, mais il est vrai qu’au sein de la majorité sénatoriale, comme dans les autres groupes d’ailleurs, des positions divergentes peuvent se faire jour en fonction du contexte géographique ou des particularités de tel ou tel territoire.

J’aurais également préféré que notre discussion soit plus globale et qu’elle ne soit pas éclatée entre ce texte et le projet de loi 3DS.

Ce qu’il faut retenir, à mon sens, c’est que, si nous en sommes arrivés là aujourd’hui, c’est bien parce que nous avons connu quelques échecs successifs. Je ne vais pas rappeler à notre collègue Olivier Jacquin que l’écotaxe a été abandonnée par une ministre d’un gouvernement qu’il soutenait, comme notre collègue Patricia Schillinger d’ailleurs. C’est pour cette raison, je le répète, que nous en sommes là aujourd’hui !

Je rappelle également que nous avons eu ce débat, lors de l’examen de la loi d’orientation des mobilités ; nous avions alors conclu qu’il était particulièrement compliqué, pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, de mettre en œuvre de tels dispositifs.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale n’a pas vraiment éclairci les choses, en laissant les régions livrées à elles-mêmes pour la prise de décisions.

Je suis convaincu que la rédaction élaborée par la commission prend en compte toutes ces difficultés. Je voudrais d’ailleurs saluer le travail de notre rapporteur, qui a procédé à de nombreuses auditions et a tenté de trouver une position de synthèse.

Le texte, tel qu’il est rédigé à ce stade, nous convient parfaitement et la grande majorité de notre groupe suivra la position du rapporteur, tant sur l’article que sur les amendements.

Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Je voudrais dire à mon tour quelques mots d’introduction sur cet article, ce qui permettra aussi de préfigurer les avis du Gouvernement sur les amendements en discussion.

La possibilité de mettre en place une écocontribution répond d’abord, vous le savez, à plusieurs demandes qui nous ont été faites, de la part notamment de la région Grand Est et de l’Île-de-France.

L’objectif est de permettre aux régions d’instituer une contribution assise sur le transport routier de marchandises pour des portions du réseau routier national qui feront l’objet d’une expérimentation de transfert aux régions. Cette mesure s’inscrit pleinement dans la logique de différenciation dont nous allons effectivement débattre dans le cadre de l’examen du projet de loi 3DS.

Il n’est en aucun cas question pour l’État de se défausser en la matière sur les régions. Nous ne sommes pas du tout dans une logique consistant à imposer un format national uniforme ; il s’agit de s’adapter aux réalités locales avec des modalités de mise en œuvre qui soient les plus opérationnelles possible, c’est-à-dire les plus proches des besoins et des réalités de nos différents territoires.

La nature juridique de cette contribution ne sera pas définie préalablement dans la loi : les collectivités seront libres de choisir, par exemple, une redevance, ou une taxe dont l’assiette sera fonction de la distance parcourue ou de la durée d’utilisation de l’infrastructure. Elles pourront déterminer les paramètres d’assiette et de taux, dans le cadre posé par la Constitution. C’est tout l’intérêt de passer par une ordonnance. Les choses se sont très bien passées pour la Collectivité européenne d’Alsace : nous avons pu publier une ordonnance conforme à la demande et aux attentes de cette collectivité. Ainsi, nous avons préfiguré ce dispositif et ce format, qui nous semble très adapté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tabarot

Il me faut encore dire un mot, monsieur le président, avant d’attaquer l’examen des amendements.

Je voudrais réitérer à l’ensemble de mes collègues que l’écotaxe proposée par le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne signifie aucunement la disparition des camions sur nos territoires ! Elle ne permettra pas non plus, mes chers collègues, de taxer les camions étrangers tout en laissant passer gratuitement vos transporteurs locaux. Ce ne sont pas non plus des millions d’euros qui vont tomber dans les caisses de vos régions et de vos départements pour financer vos infrastructures routières et ferroviaires.

Tout simplement, l’État n’ose plus créer une taxe nationale après le fiasco à 958 millions d’euros de l’écotaxe de Ségolène Royal. Madame la secrétaire d’État, j’ai la faiblesse de penser que vous voulez vous défausser sur nos territoires ; je demande à nos collègues de ne pas tomber dans ce piège !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 96 rectifié est présenté par M. S. Demilly, Mme Morin-Desailly, MM. Chauvet et Levi, Mme Sollogoub, MM. Genet et J.M. Arnaud et Mmes Dumont et Garriaud-Maylam.

L’amendement n° 285 rectifié ter est présenté par Mme Belrhiti, M. Menonville, Mme Herzog, MM. Kern et Charon, Mmes Paoli-Gagin et Lassarade, MM. Cardoux et Mizzon, Mme Guillotin et MM. Laménie et Husson.

L’amendement n° 1692 est présenté par MM. Jacquin, Dagbert, J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, M. Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Houllegatte, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 2039 rectifié bis est présenté par M. Chaize, Mme Chauvin, MM. Daubresse, Bouchet et Karoutchi, Mmes Jacques, Demas et Puissat, M. Bonhomme, Mme Imbert et MM. Piednoir, de Nicolaÿ, H. Leroy, Burgoa, Paul, Brisson, Gremillet et D. Laurent.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour présenter l’amendement n° 96 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Antoine Levi

L’article 32 permet d’instituer des écotaxes régionales, lesquelles entraîneraient nécessairement des disparités fiscales entre les territoires.

En effet, si chaque région crée son propre mécanisme de taxation avec des taux, assiettes et modes de perception différents, ce dispositif s’avérera très complexe à gérer et créera une rupture d’égalité devant l’impôt entre les transporteurs établis dans les régions mettant en place une telle contribution et les autres transporteurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers. Cette disparité pourrait générer une diminution de l’offre de transport de proximité et serait inefficace d’un point de vue environnemental, en concentrant les flux de circulation sur certains axes.

La transition énergétique du transport de marchandises suppose un investissement massif des entreprises du secteur dans les véhicules à énergie alternative. Le poids fiscal d’une écotaxe éloignerait encore plus une telle transition.

Aussi, cet alourdissement fiscal serait en partie répercuté sur les industriels et in fine sur les consommateurs résidant dans les régions ayant mis en place une telle contribution.

Enfin, en se limitant à autoriser les régions à percevoir une contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandises, on ne précise aucun objectif que cette contribution permettrait d’atteindre.

S’agit-il de financer les infrastructures ? Dans ce domaine, le transport routier de marchandises apporte déjà sa contribution, par la taxe annuelle à l’essieu.

Si l’objectif est le report modal, celui-ci n’est pas envisageable à court terme ; rien ne garantit que l’augmentation du coût du transport pousse à le concrétiser. En effet, depuis 1985, la part du transport routier de marchandises est passée de 65 % à 89 %. Le transport fluvial ou ferroviaire ne dispose pas d’un réseau suffisant pour répondre aux besoins des industries et des consommateurs français. De plus, à supposer que ce réseau existe, le dernier kilomètre sera toujours effectué par camion.

Ainsi, sans donner de gages pour construire un réseau modal efficace offrant la souplesse et la rapidité du transport terrestre, l’écotaxe ne conduit, au moins dans un premier temps, qu’à alourdir la fiscalité des entreprises françaises de transport routier de marchandises, entreprises déjà fortement contributrices.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour présenter l’amendement n° 285 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Belrhiti

Lors de l’examen du projet de loi par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, le mercredi 2 juin 2021, une nouvelle rédaction de l’article 32 a été retenue.

Dans une logique de respect, par ailleurs salutaire, du principe de séparation des pouvoirs, le recours aux ordonnances pour légiférer en la matière a été supprimé. En revanche, la commission a décalé le principe d’une mise en place de l’écotaxe à partir de 2028, si, et seulement si – on sait ce que l’on fait avec des « si » ! –, le transport routier de marchandises ne parvenait pas à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de manière significative.

Au regard de l’importance de la problématique soulevée, cette mesure apparaît comme trop lointaine et trop peu effective. Surtout, elle risque d’instaurer une inégalité de traitement entre les territoires dont la Lorraine serait encore la grande perdante.

Par cohérence avec mes amendements n° 283 rectifié quater et 284 rectifié quater, qui seront examinés après l’article 32, je propose donc de supprimer l’article 32, tel qu’il a été rédigé par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Martine Filleul, pour présenter l’amendement n° 1692.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

En cohérence avec les propos liminaires de M. Jacquin, mon groupe demande la suppression de l’article 32.

Dans le projet de loi initial, cet article autorisait le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour laisser aux régions la possibilité de mettre en place une contribution sur le transport routier de marchandises.

Outre que nous désapprouvons le principe de l’habilitation, qui prive le Parlement de ses droits, nous ne trouvions pas satisfaisant l’esprit de cet article, qui permettait aux régions de choisir chacune leur propre dispositif fiscal. Il aurait créé des disparités entre les régions, et nous nous opposions à l’idée d’une écocontribution à la carte.

Nous sommes, au contraire, favorables à une écocontribution nationale, mais dont les recettes pourraient servir à alimenter le budget des régions.

La commission a supprimé la demande d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, mais la nouvelle rédaction proposée ne nous convient pas du tout. Celle-ci prévoit en effet que l’État se fixe un objectif de mise en place d’une éventuelle contribution dans le cas où le secteur du transport routier de marchandises n’aurait pas réduit significativement ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2028.

Il faut donner un signal tangible dès maintenant, quitte à fixer une trajectoire progressive de l’écocontribution.

Face à l’urgence écologique qu’a de nouveau mise en évidence le dernier rapport du GIEC, très alarmiste, l’horizon fixé par cet article est bien trop lointain. Nous estimons, au contraire, qu’il revient à l’État, sans attendre, de mettre en place une écocontribution, qui pourrait prendre la forme d’une redevance kilométrique. Nous avons d’ailleurs déposé des amendements en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l’amendement n° 2039 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Chaize

Plusieurs amendements de suppression ont été déposés, avec des motivations qui ne sont pas forcément homogènes.

Pour ma part, je veux supprimer cet article pour des raisons pragmatiques. Aujourd’hui, le monde du transport subit de nombreuses contraintes, avec des difficultés d’adaptation qui sont dues à l’absence de matériel accessible et performant.

Pour autant, je veux signaler l’excellent travail accompli par la commission, sous la plume de son excellent rapporteur, et vous dire d’ores et déjà, pour ne pas perdre de temps, que je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 2039 rectifié bis est retiré.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tabarot

Mes chers collègues, comme M. Chaize vient de le dire, vous demandez la suppression de l’écotaxe avec des motivations totalement différentes.

Je crois avoir répondu en partie à vos interrogations dans mon propos liminaire, que je complète en vous disant que ces dispositions de suppression reviennent sur la position équilibrée que nous avons trouvée en commission. Il me semble que l’article, tel qu’il a été adopté par la commission, donne au secteur sa chance de réduire ses émissions d’ici à 2028, et nous avons adopté des mesures pour l’accompagner dans l’atteinte de cet objectif.

Mes chers collègues, si, et seulement si, le secteur n’a pas réduit significativement ses émissions d’ici là, une expérimentation de contribution assise sur le transport routier de marchandises pourra bien sûr être envisagée, avec l’aide des régions.

Je partage le constat dressé par certains sur les écueils d’une écotaxe entièrement régionalisée, comme le prévoyait le texte du Gouvernement. C’est pour cette raison que nous avons retravaillé l’article, afin qu’il puisse exister un cadre national et que la concertation préalable intègre toutes les régions, quelles que soient les modalités retenues ; je suis d’accord avec un certain nombre d’entre vous sur ce point.

Notre dispositif n’est donc pas une écotaxe régionale, mais nous posons l’objectif, pour 2028, d’une contribution qui serait à la hauteur de l’enjeu si, à cette date, le secteur n’a pas réduit significativement ses émissions. Il est en effet indispensable de laisser le temps à toutes nos politiques d’accompagnement et d’incitation, notamment celles que vous avez votées ces derniers jours, avec le prêt à taux zéro et le suramortissement, de faire effet.

C’est pourquoi je demande le retrait de ces amendements identiques, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous serez peu surpris de cet avis du Gouvernement.

Si le Sénat s’exprime bien évidemment au nom des collectivités locales et se fait la voix des territoires, nous répondons nous-mêmes à une demande et une attente de ces derniers, en l’occurrence des régions, qui, vous le savez, ont demandé la mise en place de ces dispositifs.

Mmes Françoise Gatel et Anne-Catherine Loisier protestent.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

L’article 32, dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, répond également à une attente de la Convention citoyenne pour le climat, donc à un besoin sociétal. Nous avons largement débattu de ce format et de ce dispositif dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités. Il est temps maintenant de s’engager concrètement.

Ce format a été préfiguré avec la CEA, la Collectivité européenne d’Alsace, sans que des difficultés particulières se fassent jour.

Aussi, je crois que la rédaction de l’article 32, issue des travaux de l’Assemblée nationale, apporte une réponse pertinente, la région demeurant le niveau territorial le plus adapté pour paramétrer et calibrer le dispositif en fonction des trafics de transit.

Debut de section - Permalien
Bérangère Abba

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je tiens tout d’abord à saluer le travail extraordinaire qu’a réalisé le rapporteur pour trouver ce compromis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Il faut savoir raison garder, mes chers collègues, et je vous demande instamment de retirer vos amendements, afin que nous puissions continuer cette discussion avec beaucoup de bon sens et toute notre énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Monsieur Longeot, j’entends bien, mais, comme je l’ai dit en préambule, nous sommes en train de rejouer un nouveau drame parlementaire autour de l’écotaxe et du principe pollueur-payeur.

Je ne vais pas reprendre ce que j’ai déjà dit sur le dérèglement climatique, sur la Convention citoyenne et sur le rapport Tirole qui est sorti hier. J’entends aussi ce qui se dit de part et d’autre de cet hémicycle.

Madame la secrétaire d’État, personne n’apprécie le dispositif que vous nous proposez d’une écotaxe « façon puzzle ». Imaginez des poids lourds venant du nord de l’Europe : ils seraient confrontés à des portiques dans le Grand Est, à une vignette en Bourgogne-Franche-Comté – c’est envisageable avec votre texte –, à rien du tout en Rhône-Alpes-Auvergne et à encore un autre dispositif en PACA… Il est impossible pour des entreprises de transport de travailler ainsi ! Je constate d’ailleurs que personne ne veut de votre proposition, que vous êtes la seule à avoir défendue.

Cher Philippe Tabarot, vous faites un excellent rapporteur et vous avez su faire preuve d’ouverture, mais, franchement, procrastiner jusqu’en 2028 – « on verra plus tard, si et seulement si… » –, ce n’est pas acceptable !

Je reparlerai tout à l’heure de l’Alsace et de la Lorraine, car je vais proposer un dispositif, avec Catherine Belrhiti, pour tenir compte des décisions passées du Sénat et de l’Assemblée nationale visant à prévoir une écotaxe sur un morceau de France pour des raisons qui sont tout à fait légitimes, monsieur Reichardt ; c’est un vieux combat alsacien, comme Jacques Fernique va, je crois, le rappeler.

J’entends certes s’exprimer le « parti breton ».

Mme Françoise Gatel et M. Gérard Lahellec s ’ exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Nous maintenons bien évidemment notre amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Antoine Levi

M. Pierre-Antoine Levi. Non, je le retire, monsieur le président.

Applaudissements sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 96 rectifié est retiré.

Madame Belrhiti, l’amendement n° 285 rectifié ter est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Belrhiti

En cohérence avec le souhait émis par ma région, je vais le maintenir, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Il y aurait beaucoup à dire, monsieur le président…

Je retiens tout d’abord de la présentation de Mme la secrétaire d’État que la volonté du Gouvernement est de revenir au texte initial. Cela nous donne une idée de la manière dont le Gouvernement envisage la CMP.

Par ailleurs, en tant que représentant du « parti breton », je veux redire ici à quel point la Bretagne s’est tiré une balle dans le pied avec les « bonnets rouges ».

Je rappelle tout de même que la crise de l’écotaxe a été suivie d’une augmentation du prix du gazole partout. Les Bretons paient donc plus proportionnellement aujourd’hui, avec le milliard d’euros qui a été récupéré via l’augmentation du gazole, que si l’on avait une écotaxe différenciée.

Mme Françoise Gatel proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je le dis devant mes collègues, il existe un vrai tabou breton à tirer les conséquences de cette crise. Il y a eu une mobilisation de certains en Bretagne, et pas de toute la Bretagne, puisque moi-même, avec mes modestes moyens, je m’étais élevé contre cette position.

Par ailleurs, la volonté qui s’est exprimée est surtout qu’il n’y ait d’écotaxe nulle part en France. C’est l’idée que l’on retrouvait derrière le fameux lobby breton. L’argument de la position excentrée de la Bretagne a servi de paravent, mais ce n’était pas la motivation de ceux qui ont nourri le mouvement des bonnets rouges.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Ensuite, il y a eu un manque de courage politique de la part du Gouvernement de l’époque ; je crois, mes chers collègues, que l’on peut le dire. Et depuis lors, on tourne en rond pour essayer de trouver une solution.

Le rapport de M. Tirole, qui n’est pas exactement un écologiste ou un gauchiste, dresse un constat très clair : face à l’urgence, il n’y a pas d’autre solution que d’augmenter le prix de tout ce qui émet du CO2, dont le transport routier. Évidemment, on ne peut pas attendre 2028. Le rapport du GIEC est très clair là-dessus : il faut avancer beaucoup plus vite sur les mutations.

C’est pourquoi nous allons voter l’amendement de M. Jacquin. De toute façon, nous avons compris que, de toute manière, le Gouvernement ne conserverait pas le travail du Sénat. Et même si nous reconnaissons tous la qualité du travail du rapporteur, 2028, c’est trop loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

M. Gérard Lahellec. Permettez-moi, tout d’abord, de remercier ici toutes celles et tous ceux de nos collègues qui veulent le bonheur des Bretonnes et des Bretons, même quand ceux-ci n’ont rien compris au film.

Mme Françoise Gatel approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Pourtant, les 30 000 personnes qui ont défilé à deux reprises dans les rues de Quimper ou ailleurs n’étaient pas là pour refuser le bonheur que certains voulaient leur procurer ; ils étaient là parce qu’il y avait un problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Ensuite, il faut bien voir que l’un des défauts de l’écotaxe, à l’époque, résidait dans la précarité du dispositif et de ses décrets d’application. Ainsi, n’étaient pas exonérés d’écotaxe les camions que l’on mettait sur les trains. Voilà une illustration de ce qui n’allait pas. Ce système ne visait qu’à prélever.

Ensuite, nous vivons dans une région qui est non pas seulement périphérique, mais aussi péninsulaire. Cela veut dire qu’il faut aller loin en transport pour réaliser un produit ; et, quand le produit est réalisé, il faut le sortir de cette péninsule, ce qui alourdit considérablement les coûts du transport pour cette région de production.

C’est ce qui explique notre problème, et c’est cette équation qu’il nous faudra résoudre. Or on ne va pas y arriver en régionalisant des taxes, c’est-à-dire en confiant à la région le soin de surtaxer des produits issus de son territoire. Comme le sujet est complexe, il n’est pas anormal que l’on se donne un peu de temps pour le résoudre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Il ne s’agit pas d’une complainte bretonne, vous l’avez bien compris, mes chers collègues.

Je souscris pleinement à ce qu’a dit Gérard Lahellec. Est-ce que l’on peut éviter de créer une taxe aussitôt que l’on a une idée ? Aujourd’hui, un collectif breton de 850 entreprises, représentant 800 000 actifs, propose des pistes et des solutions. Je le répète, pouvons-nous éviter de taxer des gens d’une manière qui est totalement inefficace ?

Le sujet, c’est de permettre à des régions qui subissent un trafic routier important d’avoir des financements. Tout d’abord, madame la secrétaire d’État, où sont les 36 % de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sinon dans le budget de l’État ?

Autrement dit, l’État détourne des taxes financées par le transport routier pour alimenter son budget. Donc, si vous avez besoin d’argent, mes chers collègues, vous savez où le trouver : au lieu d’inventer une nouvelle taxe, prenez les fonds qui servent déjà à cela.

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, expliquez-moi comment ce système va marcher. En effet, si vous avez lu le texte 4D, vous savez que les régions et les départements pourront prendre en charge des tronçons des routes nationales. On aura donc des tronçons sur lesquels les régions vont pouvoir lever de la taxe et d’autres où il n’y aura rien. Pour rendre confiance aux territoires, qui en ont bien besoin, il me semble préférable de laisser ce transfert éventuel s’opérer avant de décider quoi que ce soit.

Madame la secrétaire d’État, cela ne peut pas marcher. Ce système est inefficace, nos collègues ont raison ! Oui, il y a de l’argent, mais l’État le détourne pour alimenter son budget. Mettez-le plutôt en face des problèmes pour lesquels il est levé.

Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je crois qu’il faut louer la sagesse de la commission, car, sur ce sujet comme sur bien d’autres que nous aurons à examiner, il faut se donner du temps.

En effet, d’une part, dans la situation de crise économique que nous connaissons, il convient de ne pas altérer la compétitivité de nos entreprises ; d’autre part, nous nous fixons un objectif ambitieux en matière de lutte contre les gaz à effet de serre, mais encore faut-il pouvoir l’atteindre de façon adaptée. Or ce n’est pas en taxant que l’on apportera des réponses.

Enfin, il faut prendre en considération dans notre approche la problématique de l’aménagement du territoire. Je suis élu de la pointe de la Bretagne et je sais combien les entreprises de ce territoire seraient pénalisées si une telle taxation était mise en place. Leurs dirigeants me l’ont bien dit, ajoutant que, s’il fallait délocaliser pour être compétitifs, ils s’y résoudraient à regret.

Pour tenir compte de cet éloignement, nous devons mettre en place des mesures qui ne pénalisent pas ceux qui font le choix de travailler au plus loin de nos territoires.

Mme Françoise Gatel et M. Jacques Le Nay applaudissent.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.