Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 24 juin 2021 à 10h45
Bioéthique — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail de nos rapporteurs, Muriel Jourda, Corinne Imbert, Olivier Henno et Bernard Jomier. Je n’oublie pas le président de la commission spéciale, Alain Milon, qui a animé nos débats.

Lors de l’examen des lois de bioéthique, les questions qui se posent à nous touchent à l’intime. En la matière, nul ne détient la vérité. Chacun doit pouvoir exprimer son opinion. La bonne tenue de nos débats au cours des deux précédentes lectures est à souligner.

Il est en effet essentiel d’écouter et de respecter chaque opinion, même si j’ai entendu des propos un peu excessifs ce matin. C’est l’honneur de notre assemblée d’avoir permis un débat ouvert sur un sujet aussi complexe.

Au sein du groupe Les Républicains, la liberté sur ce sujet est restée totale tout au long des débats. Chacun a pu se prononcer selon ses convictions, ses croyances, son histoire et ses doutes.

La nouvelle lecture du projet de loi relatif à la bioéthique, conséquence de l’échec de la commission mixte paritaire, nous laisse un goût amer.

L’accord sur la révision de la loi était difficile à trouver dès lors que le Gouvernement avait fait le choix d’inclure dans le texte les modifications sociétales relatives à l’accès à l’assistance médicale à la procréation. Si cette question avait fait l’objet d’un projet de loi distinct, nous aurions peut-être pu aboutir à un accord entre nos assemblées, comme ce fut le cas lors des précédentes révisions des lois de bioéthique de 2004 et 2011.

Après la PMA pour toutes les femmes, il y aura bientôt la GPA.

Le principe posé par l’article 1er au nom d’une égalité en matière de droit à l’enfant et à la procréation devrait intellectuellement inclure la gestation pour autrui.

Au cours de l’examen de l’article 1er en deuxième lecture devant le Sénat, M. le secrétaire d’État Adrien Taquet affirmait : « [L]’ouverture de l’assistance médicale à la procréation sera sans incidence sur l’interdiction de la gestation pour autrui, qui est antinomique des grands principes bioéthiques auxquels nous sommes tous attachés. » Aujourd’hui, sans doute. Mais demain ? On nous expliquera avec la même assurance qu’il s’agit d’une réforme de justice entre les couples de femmes et d’hommes, ce qui pourra s’entendre. Et on nous vendra alors une GPA dite « éthique ».

Toutes les propositions de la commission spéciale en matière de procréation et de filiation ont été écartées par les députés. Tout en actant l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées, celle-ci avait maintenu le critère médical, notamment d’infertilité d’accès à l’AMP pour les couples hétérosexuels, et réservé la prise en charge par la sécurité sociale aux démarches fondées sur des motifs médicaux.

En deuxième lecture, la confusion sur le vote de l’amendement tendant à instaurer l’AMP post mortem a entraîné le rejet de l’article 1er lors de la seconde délibération en deuxième lecture.

Promouvoir une égalité totale entre les couples est illusoire. Un enfant aura toujours deux lignées parentales différentes : c’est ce qui l’inscrit dans le genre humain, universellement mixte. On ne peut pas dire à un enfant qu’il est né de deux pères ou de deux mères, même s’il peut effectivement être élevé dans une famille mono ou homoparentale.

C’est d’ailleurs ce qui a motivé la rédaction de l’article 4, relatif la filiation, retenue par notre assemblée en première et deuxième lectures. Nous avions refusé le principe d’une filiation établie sur le fondement de la volonté pure pour les deux mères. Nous avions considéré l’adoption comme l’unique possibilité d’établir une telle filiation.

Le Sénat avait également souhaité un contrôle plus strict de la reconnaissance de la filiation d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une GPA. Il avait introduit l’article 4 bis, qui interdit toute transcription complète à l’état civil dans les cas de GPA. La transcription du lien biologique de filiation est établie, mais l’autre transcription se fait par des moyens autres qu’une transmission automatique, c’est-à-dire par l’adoption.

À titre personnel, j’étais favorable à la levée de l’anonymat en matière de don des gamètes. Chacun veut savoir qui il est et d’où il vient. La quête des origines est pour les enfants nés sous X ou par AMP un véritable combat. Certes, le donneur n’est pas le parent. Mais faire don de ses gamètes n’est pas un acte anodin et banal ; c’est transmettre une part de sa propre identité. D’ailleurs, les pays ayant levé l’anonymat ont vu non pas une diminution du nombre de donneurs, mais un changement du profil de ceux-ci.

En ce qui concerne le don d’organes, de tissus et de cellules, il est regrettable que les positions du Sénat sur le statut de donneur, ainsi que sur l’abaissement de l’âge du consentement pour le prélèvement de cellules hématopoïétiques et sur les dispositions relatives aux majeurs protégés n’aient pas été retenues par les députés.

Les questions fondamentales de bioéthique, en particulier celles qui sont liées à la recherche, ont été occultées par les débats sur la procréation et la filiation.

Sur le volet relatif à la recherche, le Sénat s’est attaché à concilier les espoirs considérables nés des apports de la science en matière de connaissances, de diagnostic précoce, de dépistage et de traitements, d’une part, et le refus de pratiques parfois déjà en vigueur dans des pays moins-disants du point de vue éthique, d’autre part.

L’essor de la médecine génomique doit être soutenu, mais dans un cadre sécurisé. Le Sénat avait trouvé le juste équilibre et évité le risque eugénique, mais l’Assemblée nationale a persisté dans sa volonté d’autoriser la création d’embryons chimériques par l’adjonction de cellules souches embryonnaires humaines à un embryon animal. À défaut d’encadrement crédible, le Sénat s’était positionné contre cette possibilité lors des deux premières lectures, de même qu’il s’était opposé à la modification du génome d’un embryon humain.

Signe de leur obstination à vouloir maintenir des dispositions sans valeur ajoutée, les députés ont réintroduit les six membres supplémentaires issus du secteur associatif au sein du CCNE.

Nous allons nous prononcer dans quelques instants sur la motion déposée par la commission spéciale. Le rétablissement par l’Assemblée nationale de la quasi-totalité de son texte, y compris sur des points pourtant non clivants, démontre une fois de plus sa détermination à ne pas tenir compte des propositions du Sénat.

Pour toutes ces raisons, une large majorité du groupe Les Républicains votera en faveur de la question préalable.

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