Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 30 juin 2021 à 8h30
Projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la constitution et relatif à la préservation de l'environnement deuxième lecture — Examen du rapport

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Merci au rapporteur du travail accompli depuis la première lecture. Les auditions ont été nombreuses, riches et très intéressantes, elles nous ont réellement éclairés.

Les auteurs de ce projet de révision constitutionnelle n'ont pas dévoilé clairement la portée juridique de ce texte. Au contraire, ils entretiennent le flou. Il me semble - et c'est ce qu'a dit le Conseil d'État - que ce texte a pour effet de changer les équilibres prévus par la Charte de l'environnement, notamment son article 6, qui définit ce qu'est le développement durable, lequel concilie la préservation de l'environnement, le développement économique et le progrès social. Il y a là une indication claire que trois impératifs constitutionnels doivent être rapprochés, articulés, pour déterminer ce qu'est une politique de développement durable et apprécier ce qu'est une loi respectueuse de la Charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle - c'est le rôle du Conseil constitutionnel.

Si l'on écrit que la République garantit la préservation de l'environnement, on écrit quelque chose qui est contradictoire avec cet article 6 de la Charte et, quand le garde des sceaux nous dit que c'est justement le rôle du juge que de concilier l'inconciliable, il nous fait rentrer dans un raisonnement qui est tout simplement faux sur le plan juridique. En effet, quand le juge constitutionnel concilie des principes, c'est que la Constitution n'a pas elle-même créé de hiérarchie entre ceux-ci. La disposition qui nous est proposée introduirait une telle hiérarchie, puisque la garantie de la préservation de l'environnement ne serait plus appréciée au regard du principe de conciliation entre préservation de l'environnement, développement économique et progrès social. Ce serait entrer réellement dans un inconnu constitutionnel, avec un mandat que le Constituant donnerait au Conseil constitutionnel de faire prévaloir la garantie de la préservation de l'environnement sur tout autre principe. Ce n'est plus le raisonnement juridique que développe depuis maintenant cinquante ans le Conseil constitutionnel quand il doit concilier des principes conflictuels.

Ce saut dans l'inconnu, ou bien le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire à l'Assemblée nationale ne l'ont pas perçu, ou bien ils le dissimulent, ce qui est plus grave encore. C'est pourquoi je souscris pleinement à la proposition de notre rapporteur, qui fait rentrer le fleuve dans son lit et permet, par la référence à la Charte de l'environnement, de mettre en avant l'article 6 de cette Charte pour servir de guide à la lecture de la modification proposée de l'article 1er de la Constitution. Nous faisons là un travail constructif et utile, car je ne crois pas que nos concitoyens veuillent sortir du concept de développement durable pour déterminer ce qu'est une politique de l'écologie dans notre pays. Comme la proposition de révision constitutionnelle nous en ferait sortir, nous ne pouvons pas l'accepter en l'état.

Nous affirmons, au-delà d'une position juridique, une position de fond sur la politique de l'écologie : la politique de l'écologie, c'est bien la conciliation de trois objectifs constitutionnels, et non la prééminence de la préservation de l'environnement sur les deux autres objectifs. Je regrette que le débat n'ait pas suffisamment fait ressortir cette question de fond. Voulons-nous décider de larguer les amarres et d'avoir une autre politique de l'écologie, qui serait inscrite dans la Constitution et qui, nécessairement, serait une politique de décroissance ? Ou bien refusons-nous cela ? En ce qui me concerne, je pense que nous devons le refuser, tout en montrant notre engagement dans l'accélération d'une politique de lutte contre le réchauffement climatique.

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