Intervention de Françoise Gatel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 juin 2021 à 16h35
Audition de M. Didier Migaud président de la haute autorité pour la transparence de la vie publique pour la présentation de son rapport annuel

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

La démocratie salue l'exigence de transparence, mais le diable est dans les détails. Je rejoins Marie Mercier, l'administration détient les informations qu'elle nous demande puisqu'elle nous signale nos oublis. Dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique, dit « 4 D », nous allons renforcer le principe du « dites-le nous une fois », c'est-à-dire le fait de ne pas être obligé de communiquer à l'administration des informations qu'on lui a déjà fournies, et que ces informations vous suivent en quelque sorte ; sur ce fondement, l'administration pourrait pré-remplir nos déclarations avec les informations dont elle dispose, ce serait bien plus pratique, plus simple, et cela n'enlèverait rien à la transparence.

La notion de prise illégale d'intérêt est délicate à manier par les élus, car ils sont alors d'emblée suspectés de vouloir se dérober à leur devoir de probité, mais il faut tout de même considérer les choses comme elles sont : il y a des difficultés liées à l'interprétation de « l'intérêt quelconque », notion ô combien subtile et qui ouvre, malheureusement, une fenêtre à la suspicion de prise illégale d'intérêt par les élus. Or, dans le texte « 4 D », nous allons examiner des mesures qui renforcent les exigences de transparence sur les sociétés d'économie mixte (SEM) et les sociétés publiques locales (SPL), et il faut s'arrêter sur des décalages d'interprétation qui peuvent avoir des conséquences importantes et qu'il faut donc prendre en compte dès maintenant.

Les élus locaux, lorsqu'ils siègent au conseil d'administration d'une SEM ou d'une SPL, sont dans une position en réalité dérogatoire au droit commun des sociétés anonymes : ils ne sont pas désignés par l'assemblée générale des actionnaires mais par les collectivités dont ils sont élus, la loi les désigne non comme des mandataires sociaux mais comme ceux de collectivités ou de groupements de collectivités, ils sont donc les dépositaires des intérêts de ces collectivités. Or, l'interprétation du champ de la prise illégale d'intérêt fait que ces élus doivent se déporter sur des délibérations qui n'ont rien à voir avec leur intérêt privé mais qui concernent en réalité la collectivité qu'il représentent - en d'autres termes, ils sont conduits à ne pas participer à des décisions pour lesquelles leurs collectivités délégantes comptent sur eux pour les représenter.

Le ministère de la justice nous semble avoir confirmé notre interprétation par sa circulaire du 12 février 2003. Vous recommandez pour votre part de modifier l'article 432-12 du code pénal pour éviter ces décalages d'interprétation. Le projet de loi « 4 D » n'est toutefois pas le meilleur véhicule pour toucher au code pénal. En revanche, la Fédération des établissements publics locaux (EPL) propose de modifier le code général des collectivités territoriales (CGCT) pour faire désigner les élus par la procédure qui est utilisée pour la représentation des collectivités dans les syndicats. Nous allons proposer des amendements en ce sens : qu'en pensez-vous - estimez-vous, en particulier, que cela suffira ? L'enjeu n'est pas mince, car les interprétations parfois excessives de la prise illégale d'intérêt représentent des risques importants pour les élus et pour l'action publique.

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