Merci pour vos propos sympathiques envers les équipes de la Haute Autorité, je les leur transmettrai. Nous demandons à nos agents d'être le plus disponible possible, j'ai été impressionné par le nombre d'appels que nous recevons - une trentaine par jour, parfois assez longs.
Nous n'inventons pas les rubriques, elles sont fixées par la loi et le décret, nous ne disposons donc pas de marge de manoeuvre. Je suis sensible à ce que vous me dites sur la complexité ; nous-mêmes, membres du collège de la Haute Autorité, nous déposons des déclarations de patrimoine et d'intérêt, je sais les difficultés de l'exercice.
Pour les déclarations de patrimoine, je crois qu'il serait difficile à l'administration de fournir des documents pré-remplis, car elle ne dispose pas de tous les éléments, il y a des informations à lui communiquer. Du reste, la plupart des irrégularités sont mineures et elles se corrigent, cela ne pose aucun problème ; si elles sont plus importantes, on cherche alors à savoir pourquoi. En réalité, nous sommes dans l'échange, l'accompagnement des élus, nous le faisons dès qu'on nous le demande. Il y a aussi le droit à l'erreur, et quand nous constatons des erreurs, nous demandons une déclaration rectificative. Sur les déclarations d'intérêt, les omissions peuvent également être mineures ou majeures, et seules les omissions substantielles sont transmises à la justice.
Le Président de la République doit présenter une déclaration de fin de mandat sur son patrimoine, dans les 5 mois, qui est rendue publique et qui peut être comparée à sa déclaration de candidat, qui a aussi été rendue publique. Nous contrôlons ces déclarations et les rendons publiques.
Le répertoire désormais utilisé pour les déclarations d'intérêt représente un progrès pour faire comprendre la fabrication de la loi, car la représentation d'intérêt y est traçable. Cependant, nous avons pointé des insuffisances et nous souhaitons que le législateur reprenne la main, car le décret manque de précision ; il est étonnant en particulier de se focaliser sur les actions faites par les personnes physiques et non par les personnes morales, des sociétés trouvent là une façon de contourner la loi. Nous publierons demain le bilan pour l'année 2020, confirmant ce risque : certaines entreprises ne figurent pas dans le répertoire, alors qu'elles jouent un rôle évident. En combinant le critère de l'initiative et celui de dix actions, on peut échapper à l'obligation de s'inscrire sur le répertoire, c'est la raison pour laquelle nous demandons un changement, probablement de niveau législatif.
L'extension des règles aux collectivités territoriales a été décidée, vous avez obtenu un report à l'été 2022. La Haute Autorité s'est engagée à réaliser une étude de faisabilité, nous avons travaillé avec une dizaine de collectivités territoriales, en relation avec les associations d'élus, pour proposer un dispositif pertinent. Nous pourrions revoir certains seuils, au moins pour ne pas être submergés de dossiers, mais aussi se focaliser d'abord sur quelques secteurs prioritaires comme les transports, l'environnement, le BTP - nous travaillons dans ce sens, il y a des marges de progrès.
Nous avons présenté dix propositions parce que nous sommes convenus d'évoquer seulement les nouvelles, tout en rappelant les anciennes.
Je sortirais de mon rôle en commentant la réforme de la haute fonction publique ; cependant, je sais que s'il y a plus de mobilité, il y aura plus de saisines de la Haute Autorité, - avec l'obligation de statuer dans les 15 jours pour les pré-nominations et les 2 mois pour les projets de reconversion professionnelle -, c'est un argument de plus pour combler les lacunes que nous avons repérées, afin que tout le monde soit logé à la même enseigne.
Sur les difficultés liées à l'interprétation de la prise illégale d'intérêt, j'ai répondu par avance à Mme Gatel. Nous identifions bien le sujet, j'ai eu des échanges avec le parquet national financier, avec le parquet général de la Cour cassation, tout le monde reconnaît qu'une précision de la loi serait utile, et le plus efficace serait de passer par l'article 432-12 du code pénal, qui est l'article de référence ; cependant, si la règle est précisée dans le CGCT, le juge ne manquera pas d'y être attentif, y compris le juge pénal.
Le juge est sensible à ce que l'élu rende des comptes et donc qu'il participe aux débats du conseil d'administration dans lequel il représente sa collectivité territoriale, c'est autre chose quand il s'agit de voter sur une indemnité, ou la concession d'un marché public, évidemment. Les difficultés viennent de zones plus équivoques, par exemple dans le conseil d'administration de certaines SEM et de missions locales, mais aussi du fait que le conflit d'intérêt, en droit français et c'est une originalité de notre droit, peut opposer non pas seulement un intérêt privé et un intérêt public, mais également deux intérêts publics, entre deux entités publiques. C'est une dimension dont nous devons tenir compte. Des collectivités territoriales nous sollicitent à titre de conseil, nous faisons attention à ce que l'action publique progresse. Je crois que les élus n'évaluent pas toujours bien les conséquences de certains de leurs choix techniques, comme le fait de recourir à une structure de droit privé plutôt qu'à une régie : ils peuvent penser ne faire qu'arbitrer entre deux outils d'une action publique qui reste entre leurs mains, sans voir que la nomination de personnels issus de la collectivité territoriale entre dans le champ d'application des articles 432-12 et suivant du code pénal. Nous avons de la pédagogie à faire, je me réjouis que le président du Sénat ait accepté qu'une réunion se tienne dans vos locaux, le 14 octobre prochain, avec l'ensemble des déontologues : ce sera l'occasion d'échanger avec eux et d'apporter des réponses aux problèmes qui se posent.