Intervention de Léo Moreau

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juin 2021 à 14h05
Audition des organisations professionnelles de policiers sur les conditions d'exercice de leurs missions

Léo Moreau, chargé de mission national, syndicat des cadres de la sécurité intérieure :

Le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure est majoritaire au sein du corps de commandement de la police nationale. Un certain nombre de constats sont dressés de longue date. Ils étaient énoncés dans le rapport de 2018.

Ils sont également posés dans le cadre du Beauvau de la Sécurité. Ils ont trait notamment à l'encadrement et à la formation. Je voudrais en donner trois illustrations récentes.

La première concerne le nouveau logiciel de rédaction des procédures, Scribe, dont le déploiement a été annoncé par l'ancien directeur général de la police nationale, monsieur Morvan, en novembre 2017. Cet outil est utilisé par l'ensemble des policiers au quotidien pour rédiger leurs procès-verbaux. Notre logiciel actuel, le LRP3, est obsolète et son ergonomie complique le travail de nos collègues. Il avait été annoncé en 2017 que le déploiement du logiciel Scribe aurait lieu au sein des services en 2019. Nous sommes en 2021 et n'avons toujours aucune nouvelle. Notre organisation avait rédigé un tract intitulé « Scribe ou momie ? ». Malheureusement, nous pourrions reprendre ce trait d'esprit aujourd'hui, car nos collègues attendent toujours ce logiciel qui doit leur faire gagner du temps au quotidien.

Deuxième exemple, en matière de ressources humaines, si les services de la DRCPN avaient suffisamment de moyens humains et informatiques pour fonctionner correctement et garantir des mouvements de mutation et la prise d'arrêtés dans des délais décents, au moment des prises d'échelons, les risques psychosociaux diminueraient de manière sensible. En ce qui concerne le corps de commandement et notre dernier mouvement général de mutation, le télégramme, qui est le message qui officialise les mutations et changements de poste, est tombé le 30 avril pour une prise de poste prévue théoriquement le 1er mai, c'est-à-dire le lendemain. Je ne suis pas sûr que de nombreuses administrations connaissent une officialisation des mouvements de mutation dans des délais aussi brefs, qui laissent peu de temps à nos collègues pour organiser leur vie familiale.

Dernier exemple, je vais aborder un sujet qui concerne aussi les officiers et commissaires de police : aucune prime judiciaire ne valorise l'exercice de l'encadrement au sein de la filière judiciaire, alors que nous sommes confrontés à un problème d'attractivité des postes d'officiers et de commissaires au sein de ces services, qu'il s'agisse des commissariats ou de services d'OPJ, alors même que, dans le même temps, les officiers de gendarmerie voient leur qualité d'officier de police judiciaire valorisée et l'exercice des missions judiciaires valorisé. Une fois encore, nous nous interrogeons donc quant à la parité qui existe entre police nationale et gendarmerie.

Quant au projet de loi « justice », nous pourrons y revenir dans le cadre de nos échanges. Nous avons adressé un courrier à l'ensemble des parlementaires après notre rassemblement du 19 mai. Ce courrier revenait sur les dispositions qui nous inquiètent. C'est le cas de la présence de l'avocat en perquisition, qui fait suite à l'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale. Nous espérons qu'à l'issue du parcours législatif du texte, cette disposition ne sera plus imposée aux officiers de police judiciaire et aux magistrats. Elle pose notamment des questions pratiques de sécurité : comment va-t-on assurer la sécurité de l'avocat et de son véhicule dans un certain nombre d'endroits où nous sommes amenés à perquisitionner ? Nous sommes équipés. Nous disposons de gilets pare-balles et pouvons placer des policiers pour surveiller notre parc automobile. Ce ne sera pas forcément le cas pour les avocats, ce qui pourrait poser énormément de difficultés, en plus d'alourdir encore la procédure pénale et les contraintes qui pèsent à la fois sur les enquêteurs et sur les magistrats.

Concernant l'enquête préliminaire, nous nous interrogeons quant au devenir, au bout des deux ans, des enquêtes qui n'auront pu être traitées. Je pense aux dossiers attribués à un officier de police judiciaire ou à un enquêteur au sein d'un service, dans les cas où cet agent partira en mutation. Vu l'état des ressources humaines, cet agent ne sera malheureusement pas toujours remplacé. Que deviendront alors les dossiers qui n'auront pas pu être présentés à un parquetier pour faire l'objet d'une décision quant à la suite de la procédure ?

Des interrogations se font jour également à propos des crédits de réduction de peine. Nous sommes naturellement favorables à ce que les réductions de peine soient limitées pour tous les agresseurs de personnes dépositaires de l'autorité publique. Ce projet de loi envoie toutefois, simultanément, d'autres signaux assez négatifs. Ainsi, en cour d'assises, pour entrer en voie de condamnation en première instance, le quantum requis passera de six à sept voix sur neuf, au sein du jury, ce qui nous interpelle. On nous a parfois reproché d'opposer police et justice. Nous estimons faire partie d'une même chaîne pénale. Nous discutons d'ailleurs avec l'Union syndicale des magistrats- organisation majoritaire parmi les magistrats. Je crois que ce sont des choses qui nous interpellent tous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion