Je voudrais d'abord évoquer une question de forme. La convocation aux travaux de votre commission ne nous a pas laissé d'autre choix que d'y participer par visioconférence et nous réalisons que certains de nos camarades sont présents dans la salle au Sénat, ce que nous ne comprenons pas bien.
Notre organisation représente exclusivement les gardiens gradés, les adjoints de sécurité et les personnels administratifs techniques et spécifiques. Le moral n'est pas bon. Les difficultés rencontrées par les policiers dans le cadre de l'exercice de leurs missions sont multiples. Leur autorité est bafouée, piétinée, ce qui se traduit par des refus de se soumettre aux contrôles et aux vérifications, des refus d'obtempérer, de l'entrave à leur action à l'occasion d'autres vérifications ou contrôles sur la voie publique. Cela prend également la forme d'outrages, de violences volontaires, voire pire, comme nous l'avons malheureusement vécu récemment.
Nous sommes soumis à un stress et à une certaine précarité. Le code de déontologie, et c'est bien normal, se veut très exigeant envers les policiers - qui forment sans doute la corporation la plus soumise aux sanctions disciplinaires.
Pour d'autres raisons, c'est sûrement une des corporations qui est aussi le plus soumise à l'action de la justice. Les policiers sont soumis à des violences, en service et hors service, eux et leurs proches, de même qu'au sein des services. Cela fait aussi partie de leurs préoccupations.
Socialement, nos collègues sont soumis à des charges importantes et à des horaires atypiques, fluctuants. Il n'y a pas de sanctuarisation de leur temps de repos, qu'il s'agisse des week-ends ou de repos de cycle, pour les collègues en régime cyclique. Il n'y a pas davantage de sanctuarisation de leur temps de congé. Nous avions un dispositif prévisionnel de congé qui fonctionnait plus ou moins bien mais l'opérationnalité prenant le pas, il est de plus en plus difficile pour nos collègues d'avoir une visibilité sur leurs congés à venir et sur les moments de respiration qu'ils pourront partager en famille ou entre amis.
A tout ceci s'ajoute l'absence quasi-systématique de soutien dans leur service, au sein de l'Institution. Voilà ce qui, en dehors de la confrontation à la violence, à la précarité et à la mort, dans l'exercice de leurs missions, peut conduire les policiers vers l'état d'esprit qui est le leur.
Vous nous avez également interrogés sur le projet d'États généraux de la Justice. Nous appelions cet évènement de nos voeux et notre secrétaire général Grégory Joron a partagé deux tribunes dans la presse avec la secrétaire générale d'Unité Magistrats Force Ouvrière pour appeler à la tenue de ces États généraux. Il se pose à l'évidence un problème de réponse pénale, particulièrement vis-à-vis des auteurs d'infractions envers les policiers. Nous devons trouver des solutions. De graves problèmes se posent, plus largement, au regard de l'évolution de la justice. Là où, il y a trente ans, l'aménagement de peine constituait l'exception et l'emprisonnement la règle pour les délits et crimes, les choses se sont inversées : l'emprisonnement est devenu l'exception et l'aménagement de peine la règle. C'est le résultat de dispositions accumulées, notamment sous les ministères de mesdames Taubira et Belloubet. Il faut vraiment que l'on revienne à quelque chose de plus efficient.
La sanction pénale a vocation à punir à réparer et, cerise sur la gâteau, à réinsérer des auteurs d'infractions. A l'heure actuelle, la sanction pénale ne répond plus aucune de ces trois tâches. Il se pose sans doute un problème de moyens. Les moyens carcéraux sont ce qu'ils sont. Sans doute d'autres moyens de la justice doivent-ils être améliorés. Il suffit par exemple de songer aux greffiers. Nous n'avons aucune garantie que ce puisse être le cas dans des délais assez brefs. Nous souhaitons qu'un débat public s'ouvre quant à ce qu'attend la société vis-à-vis de la justice, en explicitant ce que la société ne veut plus (les féminicides, les atteintes aux policiers et aux personnes dépositaires de l'autorité publique d'une manière générale). Nous attendons que toutes ces infractions soient ciblées par la justice de manière systématique.