Intervention de Frédéric Lagache

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juin 2021 à 14h05
Audition des organisations professionnelles de policiers sur les conditions d'exercice de leurs missions

Frédéric Lagache, délégué général, Alliance Police nationale :

Il a été rappelé que plusieurs commissions s'étaient déjà réunies, ayant mis en exergue les difficultés que rencontrent les policiers dans l'exercice de leurs missions, notamment la menace terroriste, la pression migratoire, la radicalisation des mouvements sociaux, ainsi que l'application des règles sanitaires et l'augmentation de la délinquance.

Cette pression a conduit depuis plusieurs années à une augmentation, comme vous le savez, des heures supplémentaires. Elle a également conduit à une hyper-vigilance de nos collègues, qui s'est transformée en un épuisement de l'ensemble des forces de l'ordre. Cette pression a aussi fait des policiers les cibles de tous les acteurs qui ne veulent plus voir les forces de l'ordre dans ce pays. Le seul fait d'incarner l'autorité, quelle qu'elle soit (élus, instituteurs, pompiers...) suffit à faire de nous des cibles de la délinquance au quotidien et des terroristes. Nous l'avons vu à la lumière des affaires dramatiques que nous avons pu vivre. Nous sommes aussi la cible de responsables politiques, de certaines associations et de certains journalistes, à tel point que le policier doit aujourd'hui se cacher de sa fonction afin d'éviter d'être visé dans le cadre de sa vie citoyenne. Il doit se protéger lui-même et il doit protéger sa famille. Aucun enfant de policier ne peut dire à ses camarades d'école qu'il est l'enfant de policiers, sauf à être systématiquement visé.

Notre manifestation intersyndicale, à laquelle vous avez fait allusion, avait réuni près de 35 000 personnes, policiers et citoyens, mobilisés en une semaine. Ce fut l'occasion de souligner des messages essentiels à nos yeux.

Il faut une cohérence entre l'action du ministère de l'Intérieur c'est-à-dire l'action de nos collègues (ceux qui identifient les délinquants, rassemblent les preuves puis présentent les individus aux magistrats) et le ministère de la Justice (ceux qui vont faire appliquer la loi). Dès lors que les faits sont constitués, une incompréhension se fait jour, très fréquemment, au regard de l'application de la loi. Ce fut d'ailleurs l'objet de cette manifestation, qui a fait l'unanimité parmi les syndicats de police. Nous étions nombreux et ce mouvement a été compris de la population. En atteste un sondage, dont on ne peut soupçonner qu'il fût manipulé par une quelconque organisation syndicale : il indiquait que les citoyens de ce pays avaient plus confiance dans la police que dans la justice de leur pays.

Il faut bien sûr, comme cela a été rappelé, disposer de policiers motivés, tant par leur pouvoir d'achat direct que par leur pouvoir d'achat indirect. Comment peut-on vivre décemment et appréhender notre métier sereinement avec un salaire de 2 000 euros par mois, alors qu'eu égard au niveau des loyers, dans de nombreuses villes, il ne laisse que 800 euros pour vivre. Ni vous ni moi, à mon avis, ne pourrions appréhender le métier sereinement dans de telles conditions.

Nous plaidons enfin pour que notre action s'appuie sur des textes et des règlements adaptés. Nous entendons parler depuis très longtemps de l'allègement de la procédure pénale, afin que nos collègues enquêteurs passent plus de temps à enquêter qu'à faire de la paperasse. Je me souviens de certaines manifestations lors desquelles on nous avait promis monts et merveilles sur ce chapitre de l'allègement de la procédure pénale. L'une d'elles avait eu lieu place Vendôme, autre lieu symbolique, sans que cela ne suscite d'ailleurs autant de polémiques que notre dernière manifestation. Toujours est-il que la procédure pénale a continué par la suite de s'alourdir. Les choses sont dites mais ne sont - quasiment - jamais faites.

Alors que le policier devient de plus en plus une cible, comme nous l'avons vu lors d'attentats terroristes, la loi sur la sécurité globale prévoyait des dispositions de floutage et d'anonymisation du policier dans le cadre de l'exercice de ses missions. Le sujet avait été évoqué à de multiples reprises dans différentes commissions, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Cette demande est malheureusement peu entendue, même si l'on nous dit souvent, en aparté, que nous avons raison.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion