Parmi les difficultés au quotidien, dans l'exercice des missions, nous ne pouvons évidemment, en tant que syndicalistes, passer sous silence la question des conditions de travail et des moyens alloués. Le budget de la police nationale est un budget déséquilibré, comme vous le savez, avec 90 % de masse salariale, au détriment de l'investissement et du fonctionnement, qui n'ont perdu « que » 130 millions d'euros en l'espace de trois ans. Combien de voitures en moins, de rénovations immobilières en moins ou d'ordinateurs en moins cela représente-t-il? Au quotidien, le policier se retrouve entravé, faute d'ordinateurs, de véhicules corrects, sans compter un immobilier parfois délabré et qui tombe en décrépitude. Au quotidien, ce n'est pas facile. Il faudra revenir sur ce budget de la police nationale. Je mettrai de côté le budget 2021, qui a été placé sous perfusion à la faveur du Plan de relance. J'ose espérer que le budget 2022 ne sera pas en baisse par rapport à ceux qui ont précédé et que nous verrons un peu d'ambition dans les moyens alloués aux forces de sécurité.
L'autre moyen touchant aux conditions de vie et de travail des policiers réside dans les moyens réglementaires et juridiques, comme l'ont souligné plusieurs intervenants. Souvent, des efforts sont produits au moment de la rédaction des textes mais ceux-ci se trouvent entravés, parfois par l'exercice parlementaire de la navette, parfois par des décisions du Conseil Constitutionnel ou du Conseil d'État, lequel a censuré certaines dispositions qui nous semblaient intéressantes pour nos collègues.
Je pense par exemple à l'engagement pour les forces mobiles et à la décision du Conseil Constitutionnel relative à la protection des policiers, lorsque leur visage est diffusé sur les réseaux sociaux. Il faudrait qu'on ait l'ambition d'aller jusqu'au bout pour réellement donner aux policiers les moyens juridiques et réglementaires d'exercer sereinement leurs missions au quotidien.
Si le policier va mal, il a néanmoins une forte motivation pour protéger les personnes et les biens, ce qui le conduit parfois à effectuer des heures supplémentaires ou être rappelé le week-end. Il n'en demeure pas moins qu'in fine, c'est lui qui est en souffrance car il perçoit une perte de sens du métier.
Je ne reviendrai pas sur la procédure pénale. De nombreuses choses ont été dites. Des choses avaient été annoncées mais n'ont pas été faites. Je pense en particulier à toute la partie numérique. Je m'interroge d'ailleurs quant à ce qu'il est advenu d'un budget de plus de 100 millions d'euros qui devait être consacré à la direction du numérique. En voyant que le logiciel Scribe n'est toujours pas opérationnel en matière d'investigation, nous ne pouvons que nous interroger quant aux moyens alloués aux forces de sécurité.
Enfin, si, effectivement, les policiers travaillent bien avec les magistrats dans le cadre des enquêtes, quel que soit le cadre d'enquête, un tableau contenu dans un rapport sénatorial sur la loi « sécurité globale » nous apporte un tout autre éclairage sur la réponse pénale. Sur trois ans, il a été fait état de toutes les agressions à l'encontre des policiers, des fonctionnaires exerçant des missions de service public et des sapeurs-pompiers. Les taux d'emprisonnement prononcés et les quantums de peine prononcés m'invitent à rejoindre le verdict du Sénat, dont le rapport soulignait l'existence d'un fossé entre les peines encourues et les peines prononcées. Je ne parle même pas des peines exécutées, car le constat irait encore plus loin. Les policiers ne comprennent pas l'aboutissement de leur travail au bout de la chaîne pénale et les citoyens ne le comprennent pas davantage. Pour preuve, moins d'un Français sur deux fait confiance à la justice.
Une fois que l'on aura établi ce diagnostic, il faudra avoir le courage de donner une impulsion nouvelle. Si chacun s'accorde sur le principe de séparation des pouvoirs, la politique pénale s'impulse et seul le Garde des Sceaux peut le faire. Cela peut être fait en corrélation avec les policiers. On nous a parfois reproché de ne pas livrer tous les éléments dans les enquêtes. Si on ne donne pas aux policiers tous les moyens de mener des enquêtes, les taux d'élucidation peuvent effectivement s'avérer compliqués à gérer. Cette chaîne pénale devra être prise en compte par l'ensemble des acteurs. En tant que législateurs, vous pouvez nous y aider à travers l'écriture des textes et nous vous en remercions.