Intervention de Jean-Paul Megret

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juin 2021 à 14h05
Audition des organisations professionnelles de policiers sur les conditions d'exercice de leurs missions

Jean-Paul Megret, secrétaire national, syndicat indépendant des commissaires de police :

Je m'efforcerai de ne pas être redondant avec les propos des représentants des autres associations professionnelles, car malheureusement, sur le sujet qui nous réunit, nous sommes tous unanimes : nous sommes confrontés à une crise profonde de la police nationale, qui fait écho à une crise profonde de la société française. Celle-ci subit énormément de violence, avec des violences de plus en plus graves. Ceux qui les commettent bénéficient, au-delà de l'excuse, de l'impunité la plus totale, et la société s'inquiète. Nous sommes aux premières loges et nous sommes ceux qui sont les plus exposés à ce débordement de violence.

Nous avons manifesté il n'y a pas longtemps, suite à des évènements plus que dramatiques, après que deux de nos collègues ont été, en deux endroits différents, lâchement assassinés. Nous avions déjà manifesté il y a quelque temps pour signaler nos grandes difficultés.

Au-delà du petit bal médiatique, la réponse du Gouvernement est inexistante, car nous sommes coincés par un certain nombre de principes, comme cela été rappelé : on ne peut rien demander à la Justice et celle-ci n'a pas de comptes à rendre, ni à la communauté nationale, ni aux élus ni aux ministres. D'un autre côté, les policiers sont régulièrement attaqués, leurs familles régulièrement stigmatisées. Nous avons été amenés à lancer, ces dernières années, des plans pour lutter contre les suicides, qui se multipliaient au sein de notre Institution. Ce n'est pas un hasard.

La situation actuelle pourrait faire sourire si elle n'était pas si grave. Le jour même de cette fameuse manifestation, alors que nous expliquions les difficultés de nos métiers, de nombreuses personnes s'y sont jointes, des citoyens, des élus et des parlementaires de tous bords, pour nous soutenir. Le soir même, le Parlement a voté des dispositions pour entraver nos missions. Je pense à la disposition sur la perquisition. Ce sont des dispositions qui, d'une façon générale, témoignent d'une méfiance vis-à-vis de l'action des forces de l'ordre. Faire participer un avocat à une perquisition, laquelle est déjà soumise à un certain nombre de règles de forme, c'est estimer que les policiers et gendarmes font n'importe quoi ou ont une attitude liberticide. C'est une façon de reprendre d'une main ce qu'on essayait de nous donner symboliquement de l'autre en manifestant à nos côtés.

Vous savez tous, malheureusement, que même si les travaux éclairés de votre commission, au Sénat s'efforcent d'édulcorer un certain nombre de conséquences funestes de certains textes, ce genre de réforme, proposé au nom des libertés, conservera une part de matérialité. Celle-ci est aujourd'hui devenue tout à fait insupportable pour ceux qui sont chargés de faire respecter la loi et les règlements dans ce pays. Nous le voyons tous les jours sur les chaînes d'information. Nous sommes amenés à faire respecter diverses prescriptions, jusqu'à des couvre-feux. Notre action n'a plus de sens et ne peut être confirmée aujourd'hui par l'étape suivante de la chaîne pénale. On demande régulièrement à notre Institution de se réformer, ce qui est le signe qu'elle n'est pas suffisamment efficace, alors que toutes les institutions, autour, ne s'interrogent jamais sur leur utilité réelle au service de la population.

Ces préoccupations sont portées du gardien de la paix aux chefs de service et directeurs centraux. Ce n'est donc pas un réflexe corporatiste mais un vrai sentiment d'abandon des pouvoirs publics.

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