Intervention de Léo Moreau

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juin 2021 à 14h05
Audition des organisations professionnelles de policiers sur les conditions d'exercice de leurs missions

Léo Moreau, chargé de mission national, syndicat des cadres de la sécurité intérieure :

Comme je l'avais rappelé tout à l'heure, nous avons des interrogations quant au devenir des procédures qui n'auront pu être orientées par un magistrat dans un délai de deux ans. Ceci concerne un certain nombre de procédures, y compris en commissariat. Nous l'avons déjà dit face à la commission Mattéi. On a l'impression qu'il suffirait d'imposer par la loi une durée limite pour que les policiers et magistrats, qui se tournaient les pouces, décident de traiter leurs dossiers plus rapidement. Vos aurez bien compris que la réalité est bien différente et que nos collègues, au sein des services d'investigation, sont débordés. Lorsque vous avez 200 ou 300 dossiers en portefeuille voire davantage, il faudra effectuer un recensement. Pendant ce temps, d'autres procédures continueront d'arriver.

Qu'en sera-t-il du collègue qui ne sera pas remplacé ? Qui reprendra la procédure pour la présenter à un magistrat avant l'expiration du délai de deux ans ? Nous avons l'impression que les dispositions du projet de loi, d'une façon générale, sont pensées pour quelques dossiers de grande délinquance financière. Le code de procédure pénale s'appliquant aussi aux affaires traitées dans les commissariats et au contentieux de masse, le texte risque d'avoir des conséquences assez importantes et préjudiciables. Aujourd'hui, si nos collègues ne traitent pas les enquêtes préliminaires, ce n'est évidemment pas par choix. La charge mentale est une réalité, car il y a aussi les victimes, qui appellent pour savoir où en est leur dossier. Lorsque nous contactons les magistrats, ceux-ci nous invitent à prioriser les dossiers, le « très très urgent » devant passer avant le très urgent et avant l'urgent. Nous faisons en fonction des moyens humains et matériels qui sont les nôtres. Malheureusement, il ne suffit pas de changer la loi pour faire évoluer la situation du jour au lendemain.

Nous avons également une interrogation à propos du rappel à la loi. Nous accueillons assez favorablement sa suppression, car il s'agit d'une modalité de classement sans suite. Néanmoins, près de 300 000 rappels à la loi sont prononcés chaque année. J'ai quelques doutes quant à la possibilité de l'institution judiciaire et de la nôtre à faire appliquer 300 000 amendes ou peines d'intérêt général par an. Certains magistrats nous disent qu'ils n'ont pas d'autre choix que de classer pour d'autres motifs, car le rappel à la loi était parfois utilisé pour des faits qu'ils jugeaient d'une importance relativement faible. Si c'est cela et si cette suppression n'aboutit pas à des sanctions effectives dans les dossiers concernés, nous ne serons pas satisfaits.

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