Le projet de loi relatif à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, est le fruit d'un travail collectif riche, qui a impliqué une large partie des membres du Gouvernement : près de vingt ministres et secrétaires d'État, sous la conduite du Premier ministre, ont participé à son élaboration.
Il est né de quatre constats posés à l'occasion du Grand Débat national : une attente très forte de nos concitoyens à l'égard de notre politique de renforcement de l'action publique de proximité ; une aspiration tout aussi importante à une meilleure prise en compte des particularités locales et à une organisation territoriale des politiques publiques moins uniforme et moins rigide ; une volonté des acteurs locaux d'être confortés et soutenus dans l'exercice de leurs missions ; et une forme de fatigue des élus comme des citoyens à l'égard des réformes institutionnelles, après vingt ans d'évolutions incessantes.
À la demande du Président de la République, nous nous sommes donc fixé pour objectif de bâtir un « acte de décentralisation adapté à chaque territoire », résolument tourné vers l'action publique, et non vers une énième redistribution générale des compétences.
Ce projet a été patiemment construit depuis près de dix-huit mois, dans la concertation, malgré la crise sanitaire, avec l'ensemble des échelons de collectivités et dans l'ensemble des régions du territoire, notamment dans les outre-mer - cela se traduit par un titre entier, que Sébastien Lecornu défendra avec moi dans l'hémicycle, consacré aux spécificités de ces territoires. Le projet de loi a également intégré les attentes nouvelles qui ont été exprimées par les citoyens et les élus à l'occasion de la crise de la covid-19, notamment en matière de sanitaire.
Il répond donc aux attentes pragmatiques, concrètes et utiles formulées dans les territoires, et constitue une marque de respect, d'écoute et de compréhension à l'égard des élus locaux.
Il marque un tournant dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales : si l'État fixe un cadre et fournit une boîte à outils concrète, il appartient aux collectivités locales et à leurs élus de saisir l'opportunité qui leur est offerte pour exprimer leurs singularités et leurs projets.
Le projet de loi traite en effet de la quasi-totalité du champ de l'action publique locale, en se concentrant sur les grands défis auxquels les décideurs locaux font face : je pense en particulier à la transition écologique, aux mobilités, à l'urbanisme, au logement, à la santé, à la cohésion sociale et à l'éducation.
Les quatre « D » de l'intitulé du projet de loi en résument les objectifs.
Tout d'abord, la « différenciation » territoriale, pour s'adapter aux réalités locales. Elle se traduit, par exemple, par une extension du pouvoir réglementaire local, des mesures adaptées aux enjeux transfrontaliers, ou encore l'expérimentation d'un financement différencié du revenu de solidarité active (RSA) en métropole, envisagé depuis longtemps et que la différenciation permet enfin de réaliser.
La « décentralisation » ensuite, pour conforter les compétences des collectivités territoriales dans les domaines, que j'ai déjà cités, de la mobilité, du logement, de l'insertion, de la transition écologique ou de la santé. À titre d'illustration, les départements et les métropoles pourront se voir transférer une partie du réseau routier national non concédé sur leur territoire afin de parachever le mouvement de décentralisation des routes aux départements et métropoles. Les objectifs de production de logement social définis par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et applicables aux communes seront pérennisés, tout en prenant davantage en compte les réalités locales. Le travail mené en commun avec Emmanuelle Wargon, qui défendra le texte avec moi sur ce volet, a permis d'aboutir à une proposition équilibrée qui recueille l'assentiment des élus locaux.
La « déconcentration », troisième élément, pour rapprocher l'État du terrain, dans une logique d'appui et de contractualisation avec les collectivités territoriales. Par exemple, le Gouvernement souhaite faciliter le recours par les collectivités aux capacités d'appui en ingénierie du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), établissement public de l'État. La parole de l'État sur le terrain sera réunifiée en faisant du préfet de région le délégué territorial de l'Agence de la transition écologique (Ademe).
Enfin, la « décomplexification » de l'action publique locale est le dernier volet que je porterai avec Amélie de Montchalin, et qui a été considérablement renforcé au cours des derniers mois à la demande du Premier ministre.
J'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir avec le Président du Sénat, le président de la commission des lois et les deux rapporteurs de votre commission, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud. J'ai également eu un entretien avec Dominique Estrosi Sassonne et Valérie Létard dans le cadre du rapport d'information qu'elles ont rédigé sur l'évaluation de la loi SRU. Je crois ne pas me tromper en affirmant que nous sommes tous dans un état d'esprit constructif et que nous voulons voir ce texte aboutir. D'ores et déjà, vous avez dû retrouver une partie des propositions que le Sénat avait formulées dans le rapport intitulé 50 propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales.
Je crois que l'examen dans lequel nous nous engageons nous permettra d'aller encore plus loin puisque plusieurs mesures pourront rejoindre le texte initial sans difficulté, d'autres demanderont quelques ajustements pour trouver un point d'équilibre. Évidemment, nous avons aussi quelques lignes rouges sur lesquelles je suis certaine que nous allons revenir au fil de notre échange.