Intervention de Françoise Gatel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juin 2021 à 14h05
Projet de loi relatif à la différenciation la décentralisation la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale — Audition de Mme Jacqueline Gourault ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, rapporteur :

Le Sénat accueille ce texte avec bienveillance et exigence. Nous espérons que les discussions seront fructueuses. Néanmoins, nous poussons déjà ce texte vers la lettre « E », car nous visons avant tout l'efficacité de l'action publique !

S'agissant du principe de différenciation, qui fait l'objet de l'article 1er, le Sénat ne vise pas à « détricoter » la République : la Constitution et la jurisprudence reconnaissent clairement, en effet, que la différenciation est utile pour parvenir à l'égalité. Comme pour la compétence « eau », n'y voyez pas là un « marronnier » du Sénat. Simplement, la crise sanitaire a montré la nécessaire complémentarité entre l'État et les collectivités territoriales, et l'exigence de réactivité. L'État peut avoir confiance dans les collectivités qui ne manquent jamais à leur devoir. Malheureusement, l'article 1er n'apporte rien de nouveau. Il se borne pour l'essentiel à la répétition du principe de différenciation tel qu'il est aujourd'hui admis par la jurisprudence constitutionnelle, et se trouve donc concrètement dépourvu de portée normative.

De même, à l'article 2 sur le pouvoir réglementaire local, il devrait être possible d'aller plus loin pour plus d'efficacité. Je note d'ailleurs que pendant la crise sanitaire, beaucoup de maires de petites communes ont été contraint de s'octroyer un pouvoir réglementaire local, faute d'autres solutions.

Les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) sont ce que j'appelle des « parloirs », simples lieux de dialogue entre collectivités. La plupart ne fonctionnent pas très bien et certains s'interrogent sur leur intérêt. Or, avec ce texte, elles deviendraient un lieu de décision, permettant de définir les transferts de compétence tous les six ans, après les élections, au risque d'entraver la liberté des territoires. J'y suis défavorable.

Il faut aussi plus d'audace sur la médecine scolaire et la prévention. La qualité de l'action des départements dans des domaines connexes, relatifs à la protection de l'enfance, est reconnue. Toutefois, il faudrait clarifier ses compétences en la matière. Les instituts départementaux de l'enfance et de la famille sont ainsi financés par le département, mais le président du conseil départemental n'a aucune autorité sur le personnel et n'en choisit pas le directeur ; c'est pourtant lui qui assure le financement de ces personnels. Je ne suis pas sûre que ce système fonctionne vraiment bien. Il nous paraîtrait souhaitable, par souci de cohérence, d'élargir le détachement dans la fonction publique territoriale qui est proposé, par le texte, aux directeurs adjoints, afin que le directeur ne soit pas le seul à être placé sous l'autorité du département. Quant à la médecine scolaire, Madame la ministre, vous connaissez notre position : au regard de l'état actuel de sa gestion, de sa situation financière qui confine à l'indigence, son transfert aux départements aurait dû perdurer au sein du texte...

J'en viens à l'assouplissement du fonctionnement des intercommunalités, thème qui m'est cher, vous le savez. Je souhaite une intercommunalité heureuse. L'Assemblée des communautés de France (AdCF) a beaucoup évolué sur ce sujet. Elle reconnaît l'obligation de performance et d'efficacité, et le niveau de l'intercommunalité n'est pas toujours le plus adapté : est-ce le rôle de la métropole de réparer les nids-de-poule sur les routes ? On a plutôt besoin d'une intervention de proximité. L'action des métropoles mériterait d'être réinterrogée. La Cour des comptes s'étonne du nombre de délégations de gestion dans les métropoles et les intercommunalités. Cela montre que les communes et les intercommunalités ont trouvé des solutions originales pour s'adapter à des transferts autoritaires décidés d'en haut. Cela vaut aussi pour les centres intercommunaux d'action sociale.

Je constate par ailleurs que l'autorité judiciaire comme la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) retiennent trop souvent une acception par trop large de la qualification de prise illégale d'intérêt, parfois jusqu'à l'absurde... Bien sûr, il faut être vigilant sur ce point, et il ne s'agit en aucun cas d'exonérer les élus d'obligations légitimes relatives à l'exercice de leur mandat ; mais en considérant que les élus locaux qui représentent la commune au sein des conseils d'administration des sociétés d'économie mixte (SEM) ou d'une société publique locale (SPL) commettent un délit de prise illégale d'intérêts s'ils ne se déportent pas, on va très loin, et l'on risque de ne plus trouver de candidats pour exercer les mandats locaux. Il importe donc d'agir sur ce point et de prévoir au besoin une dérogation en faveur des élus qui représentent leur collectivité au sein d'une SEM ou d'une SPL. Où en êtes-vous dans vos réflexions sur ce point ?

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