Intervention de Pierre Ouzoulias

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 juin 2021 à 9h00
Projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Pierre OuzouliasPierre Ouzoulias, rapporteur pour avis de la commission de la culture :

Merci, au nom de la commission de la culture, de nous avoir permis de nous saisir pour avis de l'article 19, parce qu'il touche directement à la loi de 2008, qui est fondatrice du régime d'accès aux documents historiques et aux archives. La commission des lois du Sénat avait porté le texte de 2008, en la personne du sénateur René Garrec, qui avait une sensibilité très particulière pour tout ce qui touche à la mémoire et à l'histoire - il avait d'ailleurs participé à certaines des grandes heures de l'Histoire de notre pays.

La loi de 2008 portait une triple exigence : le libre accès à toutes les archives ; la compétence du législateur pour définir les régimes dérogatoires ; un rôle interministériel au ministère de la culture dans la gestion, au profit des usagers, des relations avec les autres ministères qui détiennent des archives, comme notamment celui de l'armée et celui des affaires étrangères.

À la suite d'une instruction générale interministérielle, qui a été prise sous la forme juridique d'un arrêté, ces principes ont été remis en question. Cet arrêté, en effet, considère que tout acte classé défense postérieur à 1934 doit être déclassifié avant de pouvoir être communiqué, ce qui a obligé notamment le service historique de la défense à déclassifier un million de pièces, dont certaines, paradoxalement, avaient déjà fait l'objet de publications ! Ainsi, de ce document très secret qui émane de l'état-major particulier du général de Gaulle à Londres, daté du 15 juin 1943 : cette pièce, qui était consultable, était classifiée et, pour être de nouveau communicable, a été déclassifiée par un magnifique coup de tampon apposé sur le document original, par décision n° 502 133 du 23 mars 2020. Cette instruction interministérielle a été attaquée, et le rapporteur public a considéré qu'elle n'était pas fondée en droit. Le Conseil d'État rendra cet après-midi une décision essentielle.

Dans les quatre catégories prévoyant des délais plus long avant la communicabilité des documents - qui ne sont pas remises en cause par la commission de la culture - il y a des documents classés, mais aussi des documents non classés, qui jusqu'à présent étaient communicables et qui ne le seraient plus du fait de la création de ces quatre nouvelles catégories. Je pense, par exemple, aux ouvrages hydrauliques de grande hauteur, comme le barrage de Bort-les-Orgues sur la Dordogne : les plans sont librement consultables aujourd'hui, mais ne le sauraient plus demain, à la faveur de ces nouvelles catégories. Ce qui pose problème à la commission de la culture, c'est que les documents classés dans ces quatre catégories pourraient être de nouveau consultables en fonction de délais glissants et qui ne sont pas toujours très bien définis par la loi. Le Conseil d'État a demandé au ministère de la défense de définir des actes positifs permettant de savoir à quel moment ces documents pourraient être consultables.

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