Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 16 juin 2021 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous examinons aujourd'hui le rapport d'Agnès Canayer et Marc-Philippe Daubresse sur le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement. Nous accueillons Pierre Ouzoulias, rapporteur pour avis de la commission de la culture, et Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Faute d'intervention du législateur, plusieurs dispositions du code de sécurité intérieure arriveront à échéance en 2021, après avoir été prorogées par la loi du 24 décembre 2020. Sont concernées, d'une part, les dispositions introduites par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), pour prendre le relais du régime de l'état d'urgence et, d'autre part, une disposition créée par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement qui porte sur la technique dite de l'algorithme.

Le texte vise donc en premier lieu à pérenniser tout en les adaptant les mesures de police administrative permettant de lutter contre les actes de terrorisme issues de la loi SILT : les articles 1er à 4 de cette loi avaient instauré des mesures de police administrative inspirées de l'état d'urgence, à savoir les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), et les visites domiciliaires et saisies. S'agissant de mesures fortement attentatoires aux libertés, le législateur a prévu un contrôle parlementaire renforcé, ainsi qu'une caducité de ces dispositions, initialement fixée au 31 décembre 2020, avant d'être reportée au 31 juillet 2021. C'est la raison pour laquelle il y a urgence à légiférer.

Le projet de loi que nous examinons ce matin prévoit donc de pérenniser ces dispositifs, en leur apportant quelques ajustements, visant, par exemple, à limiter la durée de mise en place des périmètres de protection - article 1er bis - ; à élargir la mesure de fermeture administrative des lieux de culte en permettant la fermeture des locaux annexes afin de faire face aux stratégies de contournement parfois observées - article 2 - ou à permettre la saisie des supports informatiques à l'occasion d'une visite domiciliaire lorsque la personne fait obstacle à l'accès aux données informatiques concernées ou à leur copie - article 4.

En ce qui concerne les MICAS, le projet de loi instituerait notamment la possibilité, pour le ministre de l'intérieur, d'exiger un justificatif de domicile ou de prononcer une interdiction de paraître à l'encontre des personnes faisant par ailleurs l'objet d'une assignation à résidence, afin de faire face à l'organisation de certains grands événements, comme les Jeux Olympiques, par exemple.

Nous avions déjà proposé de pérenniser ces dispositions lors du dernier examen en séance, plutôt que de les proroger. Le Gouvernement nous avait répondu, en ligne avec nos collègues députés, que ce n'était pas possible à cause de la pandémie. Nous avons donc perdu huit mois sur ce sujet... Le Sénat avait adopté à cette occasion plusieurs ajustements, qui reprenaient des recommandations formulées par notre commission. Je ne peux que souscrire à la pérennisation de ces dispositions proposée par le projet de loi, que nous demandions, au regard du bilan positif de leur application, et aux ajustements proposés, qui reprennent les amendements que nous avions adoptés à l'époque.

Le projet de loi vise en second lieu à permettre un suivi effectif des personnes condamnées pour des actes de terrorisme sortant de détention. Ceux-ci, comme l'avait expliqué Muriel Jourda devant notre commission il y a quelques semaines, ne bénéficieront pas de mesures d'accompagnement à leur élargissement. La loi instaurant des mesures de sûreté, adoptée par le Parlement le 27 juillet 2020, a en effet été censurée par le Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement propose donc une autre voie permettant de renforcer le suivi des personnes condamnées pour terrorisme sortant de détention. Le dispositif est double. D'une part, le texte instaure une mesure de sûreté à destination de ce public, dénommée « mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion », qui permettrait de soumettre les personnes condamnées pour terrorisme d'une particulière dangerosité à des obligations visant à favoriser leur réinsertion à l'issue de leur peine. C'est l'objet de l'article 5. D'autre part, l'article 3 porte la durée des MICAS à deux ans pour les personnes condamnées pour des actes de terrorisme et sortant de détention, afin d'assurer leur surveillance effective.

Comme nous l'avons rappelé lors de l'audition de Marlène Schiappa la semaine dernière, nous estimons que pèse un risque constitutionnel sur l'allongement de la durée des MICAS, qui sont des mesures administratives. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré, dans sa décision du 29 mars 2018, que les MICAS, compte tenu de leur rigueur, ne sauraient, sans méconnaître les exigences constitutionnelles, excéder, de manière continue ou non, une durée totale cumulée de douze mois. Il a ajouté, dans le commentaire de cette même décision, que, quelle que soit la gravité de la menace qui la justifie, une telle mesure de police administrative ne peut pas être prolongée aussi longtemps que dure cette menace, alors que le Gouvernement propose de les étendre d'un à deux ans, précisément en raison de cette particulière gravité.

Le renforcement des dispositifs de suivi judiciaire nous apparaît comme la voie juridiquement la plus adaptée pour répondre à l'enjeu que représente, en termes de sécurité publique, l'élargissement des condamnés terroristes dans les prochaines années, et ce d'autant que les mesures judiciaires offrent une garantie plus importante en termes de respect des droits et des libertés des personnes.

C'est pourquoi, dans la suite logique de l'adoption par le Sénat, il y a quelques semaines, de la proposition de loi du président de la commission des lois François-Noël Buffet sur ce sujet, nous vous proposons de préférer au dispositif proposé par le projet de loi une mesure judiciaire à visée non seulement de réadaptation sociale, mais également de surveillance de l'individu, tout en supprimant l'allongement de la durée des MICAS à deux ans. Il s'agit donc de la reprise du dispositif adopté par le Sénat le 25 mai 2021, qui répond à une démarche d'ensemblier, et adapte le dispositif adopté par le Parlement en juillet 2020 pour répondre aux objections soulevées par le Conseil constitutionnel.

Les principales différences entre la mesure proposée par le Gouvernement dans son article 5 et la mesure que nous vous proposons d'adopter tiennent aux obligations susceptibles d'être prononcées et à l'autorité prononçant la mesure, le Gouvernement préférant le juge de l'application des peines, et nous, la juridiction régionale de la rétention de sûreté, pour des questions de cohérence.

En troisième lieu, en ce qui concerne la prévention du terrorisme, le texte adapte dans son article 6 la communication des informations relatives à l'admission d'une personne en soins psychiatriques. Cet article prévoit en effet d'étendre, avec une portée assez large, la possibilité de communication des informations relatives à l'admission d'une personne en soins psychiatriques aux représentants de l'État chargés du suivi de cette personne, mais aussi à plusieurs services de renseignement. Je vous propose de considérer que la possibilité, pour les services de l'État, d'accéder aux données relatives aux hospitalisations doit être strictement encadrée, et donc de restreindre la portée de cet article aux seuls préfets et aux personnes et agents placés sous l'autorité spécialement désignée à cette fin.

Certains collègues ont exprimé le souhait de refuser plusieurs mesures de ce texte, qu'ils considèrent comme attentatoires aux libertés. D'autres veulent aller plus loin et durcir les critères. Nous sommes sur une ligne de crête. Notre commission a toujours su trouver un bon équilibre entre sécurité et liberté, que nous avons essayé de conserver. Certains amendements, qui concernent notamment les populations étrangères, tomberont sous le coup de l'article 45 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

J'aborde maintenant la partie du projet de loi relative au renseignement. La loi du 24 juillet 2015, qui a été neuf fois modifiée depuis, a fixé pour la première fois le cadre légal de l'action des agents de la communauté du renseignement français. Notre rapporteur Philippe Bas avait alors affirmé, à juste titre, que cette loi constituait une étape fondamentale dans l'histoire du renseignement et était le signe de la maturité de notre démocratie.

L'expression de cette maturité repose, en matière de renseignement, sur un subtil équilibre entre l'efficacité des services et la protection de nos libertés constitutionnelles, au premier rang desquelles figure le respect de la vie privée. Six ans plus tard, il convient de consolider cet équilibre, qui doit faire face à une double évolution et à une double menace juridique.

Évolution de la menace, d'une part, avec une menace terroriste qui était surtout le fait d'auteurs partant sur des zones de conflits, notamment syro-irakiennes, et qui devient celle d'un djihadisme d'atmosphère, selon la formule de Gilles Kepel, ce qui nécessite de capter des signaux plus faibles. Évolution des techniques, d'autre part, avec l'émergence des communications satellitaires et de la 5G. Nous devons donner à nos services de renseignement les moyens d'avoir toujours un pas d'avance sur ces évolutions.

La menace juridique est elle-même double. D'une part, à la date du 31 décembre prochain, plusieurs fois repoussée, l'expérimentation de la technique dite de l'algorithme cessera. Nos services ne pourront plus utiliser cette technique prometteuse, mais qui reste à améliorer et à peaufiner. D'autre part, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) s'est prononcée en octobre dernier, dans l'arrêt Quadrature du Net, appliqué par le Conseil d'État dans une décision du 21 avril dernier dite « French Data Network », sur la non-conventionalité de la conservation généralisée des données de connexion, qui sont la base de l'information à laquelle peuvent accéder les services de renseignement. Elle impose au Gouvernement français de mettre en conformité son dispositif avant le 21 octobre prochain. Tel est l'objet de l'article 15 de ce projet de loi. Cette contrainte nous oblige à légiférer dans un temps restreint.

En conséquence, le projet de loi prévoit plusieurs évolutions en matière de renseignement, que je vous résumerai en cinq point principaux.

En premier lieu, ce texte encadre mieux la transmission et l'exploitation de renseignements entre services. Dans la communauté du renseignement, le principe est l'étanchéité. Mais on voit bien que les services de renseignement sont amenés, pour une plus grande efficacité, à se parler, à échanger de plus en plus d'informations. Cela ne signifie pas qu'ils doivent pouvoir s'échanger tous les renseignements issus de toutes les techniques de renseignement. Le principe de proportionnalité doit être respecté. C'est la raison pour laquelle, comme l'avait souligné la délégation parlementaire au renseignement en 2020, il convient d'encadrer cette technique d'échange des renseignements entre services.

Le texte prévoit de soumettre la transmission d'informations entre les services à l'autorisation du Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), si les renseignements collectés transmis sont utilisés pour une finalité qui est différente de celles pour lesquelles ils ont été collectés. Sont soumis à cette même obligation les renseignements, qu'ils soient collectés ou extraits, s'ils sont transmis à un service qui n'aurait pas pu y avoir accès faute d'avoir accès à la technique qui a permis de les obtenir. Le texte propose un encadrement de la transmission de renseignements : un agent habilité sera chargé, au sein de chaque service, d'assurer la traçabilité des renseignements transmis et la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement aura accès à toutes les informations relatives à ces transmissions, qu'elle pourra, en tant que de besoin, interrompre. Les autorités administratives pourront aussi transmettre des informations, même couvertes par le secret professionnel. Tout refus devra être justifié. Enfin, l'article 17 élargit la transmission des services judiciaires vers les services de renseignement, notamment pour les questions de cybercriminalité.

Le texte vise en deuxième lieu à pérenniser les algorithmes. Ceux-ci, prévus par l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, sont utilisables uniquement pour lutter contre le terrorisme. Ils consistent à imposer aux opérateurs de communications électroniques de mettre un système dans leurs réseaux afin de détecter les connexions qui, elles-mêmes, permettent de révéler une menace terroriste. Ces algorithmes ont été autorisés pour la première fois en 2015 et ils ont été mis en oeuvre à partir de 2017. Trois algorithmes sont actuellement expérimentés sur des communications téléphoniques. C'est un chalutage : on prend toutes les données, elles sont traitées et on en ressort de l'information. Cela implique une ingérence forte dans la vie privée, ce qui impose de soumettre cette technique à des garanties fortes. C'est pour cette raison que son utilisation est limitée aux questions de terrorisme, et qu'elle ne peut être autorisée que par le Premier ministre, après avis de la CNCTR, pour une durée de deux mois renouvelable. Seules les données de connexion - et non le contenu de ces connexions - sont concernées, et les informations ne peuvent être qu'anonymes. S'il y a besoin de lever l'anonymat, une deuxième autorisation doit être demandée, toujours au Premier ministre et avec avis de la CNCTR.

Les algorithmes sont utiles et prometteurs, mais ils ne sont pas utilisés dans toutes leurs potentialités. La possibilité de recourir aux algorithmes sur les données informatiques de connexion n'a pas été mise en oeuvre. Les services nous disent que c'est parce qu'ils n'ont pas la possibilité d'accéder aux URL. Ces algorithmes permettent de détecter des signaux faibles, qui sont particulièrement utiles au regard de l'évolution de la menace terroriste. L'article 12 pérennise donc cette technique, tandis que l'article 13 l'étend aux URL, tout en renforçant les garanties. Je vous proposerai d'acter le principe de la pérennisation des algorithmes, mais de soumettre à expérimentation l'accès aux URL jusqu'au 31 juillet 2025. Le rapport prévu par l'Assemblée nationale sur le sujet ne me semble pas suffisant.

Le troisième volet de cette partie sur le renseignement concerne l'anticipation des évolutions technologiques.

Demain, l'intelligence artificielle sera un outil nécessaire pour les services de renseignement. Il faut donc faire de la recherche et développement (R&D) et, pour cela, disposer de données fiables, pour entraîner les ordinateurs. C'est pourquoi l'article 8 autorise à conserver les données anonymisées issues de techniques de renseignement pendant une durée maximale de cinq ans, à des fins de recherche et développement. L'article 10 pose une obligation de coopération des opérateurs pour aider les services à mettre en place deux techniques importantes et efficaces, l'IMSI-catcher et le recueil de données de connexion, qui existent déjà. Le développement des constellations de satellites, avec les projets de SpaceX ou d'Amazon, notamment, multiplie les sources de connexions. Mais, avec les connexions satellitaires, ce n'est plus un numéro de téléphone qui appelle un numéro de téléphone. Ces connexions sont portées par des opérateurs étrangers, elles proviennent du ciel : il est plus compliqué de capter de l'information sur ce flux de connexions. L'article 11 introduit une expérimentation pour permettre de capter les communications satellitaires, qui sont ou seront justement très utilisées par les terroristes ou par les criminels, notamment en Guyane.

Le quatrième volet de la partie renseignement vise à tirer les conséquences de la jurisprudence européenne sur la conservation des données de connexion. La conservation généralisée et automatique des données prévue dans notre système a été jugée contraire aux standards de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la directive « vie privée » de 2002. Le Conseil d'État a, dans sa décision du 21 avril 2021, ouvert un certain nombre de portes pour trouver une solution. Il faut suivre un chemin de crête entre l'efficacité de la conservation des données et la préservation des libertés. Cet article s'insère dans ce « trou de souris », en prévoyant qu'on puisse faire conserver par l'opérateur des données relatives au contrat et aux paiements ou des données liées à l'identité civile, selon des durées allant d'un à cinq ans. Pour les besoins de la criminalité grave et la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et la sauvegarde de la sécurité nationale, l'opérateur doit également conserver, pendant un an à compter de la connexion, toutes les données techniques permettant d'identifier la source et celles permettant d'identifier le matériel, c'est-à-dire les adresses IP.

S'il existe une menace grave, actuelle et prévisible, contre la sécurité nationale, alors le Premier ministre lui-même peut enjoindre, par décret, aux opérateurs de conserver pendant un an certaines catégories de données de trafic - dont les fadettes - et de localisation, cette menace devant être réévaluée tous les ans. Pour sauvegarder un accès à ces données dans le cadre de la criminalité grave, le texte introduit une injonction de conservation rapide, dont on ne sait pas trop ce qu'elle recouvre, mais qui fait le lien entre l'autorité judiciaire et la conservation des données.

L'essentiel semble ainsi préservé, mais le champ s'est réduit sur la conservation des données de connexion, notamment en ce qui concerne la criminalité ordinaire. Dans le cadre des procédures judiciaires et des enquêtes, deux millions de réquisitions sont faites chaque jour par la justice pour obtenir des informations sur un vol, une violence, etc. Or les dispositions de l'arrêt de la CJUE, et celles de la décision du Conseil d'État, affirment clairement qu'on ne peut utiliser la conservation généralisée et anonyme des données pour un objectif de lutte contre la criminalité ordinaire. Elle ne doit concerner que la criminalité grave. Où situer la frontière entre les deux ? Les juges la détermineront à l'avenir, mais il n'en reste pas moins qu'il existe une crainte très importante de la part des institutions judiciaires - en particulier des procureurs de la République, qui nous l'ont dit fortement lors des auditions - de ne plus pouvoir recourir aux informations issues de la conservation des données de connexion par les opérateurs. C'est un enjeu majeur, mais nous n'avons pas véritablement d'ouverture juridique. Je vous proposerai de réfléchir encore jusqu'à la séance à une solution technique.

Enfin, dernier point sur la partie renseignement, le texte prévoit d'ajuster l'encadrement de certaines techniques, ce qui ne pose pas de problème, ainsi que de renforcer les procédures de contrôle. L'avis de la CNCTR devient liant, et le Premier ministre ne peut pas passer outre - il ne l'a d'ailleurs jamais fait -, sauf à ce que le Conseil d'État soit saisi. L'article 17 bis renforce les pouvoirs de la délégation parlementaire au renseignement et l'article 17 ter soumet à contrôle de la CNCTR les communications internationales interceptées sur le sol français.

Enfin, le projet de loi comporte des évolutions, avec l'article 19 du projet de loi, sur la question de la communicabilité des archives portant atteinte à la défense nationale. Il y a aujourd'hui un conflit entre le code du patrimoine, qui fixe le délai au-delà duquel certains documents sont communicables de plein droit, et le code pénal, qui condamne tous ceux qui révèlent le contenu de documents classifiés. Pour les articuler, une instruction interministérielle n° 1300 a prévu la nécessité de déclassifier les documents avant de les communiquer, ce qui entraine un allongement des délais de communication de ces documents, et suscite une grogne forte des historiens.

Le point d'équilibre proposé par l'article 19 du projet de loi nous paraît pertinent : il est prévu que les documents seront communicables au bout de cinquante ans, sauf ceux qui appartiennent à quatre catégories : ceux qui sont relatifs aux caractéristiques techniques des installations militaires ou nucléaires, qui seront communicables à compter de la date de fin de leur affectation ; ceux qui sont relatifs à la conception et aux techniques d'emploi de matériels de guerre, qui seront communicables à la fin de leur emploi par les forces armées ; ceux qui sont relatifs aux procédures opérationnelles de renseignement, qui seront communicables à la date de leur perte de valeur opérationnelle ; et ceux qui sont relatifs à la dissuasion nucléaire, qui seront eux aussi communicables à partir de leur perte de valeur opérationnelle.

Les historiens craignent que certains documents ne soient pas communicables alors qu'ils n'entrent pas dans ces quatre catégories. Nous devrions peut-être imposer aux services détenteurs d'archives classées secret défense une obligation de faire l'inventaire, et de déclassifier au fur et à mesure. Je crois cependant que l'article prévoit un bon compromis entre les impératifs constitutionnels concurrents : le libre accès aux archives et la protection de la sécurité nationale. On peut peut-être l'améliorer, notamment sur les contrôles. Nous continuerons d'y réfléchir d'ici à l'examen en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Merci, au nom de la commission de la culture, de nous avoir permis de nous saisir pour avis de l'article 19, parce qu'il touche directement à la loi de 2008, qui est fondatrice du régime d'accès aux documents historiques et aux archives. La commission des lois du Sénat avait porté le texte de 2008, en la personne du sénateur René Garrec, qui avait une sensibilité très particulière pour tout ce qui touche à la mémoire et à l'histoire - il avait d'ailleurs participé à certaines des grandes heures de l'Histoire de notre pays.

La loi de 2008 portait une triple exigence : le libre accès à toutes les archives ; la compétence du législateur pour définir les régimes dérogatoires ; un rôle interministériel au ministère de la culture dans la gestion, au profit des usagers, des relations avec les autres ministères qui détiennent des archives, comme notamment celui de l'armée et celui des affaires étrangères.

À la suite d'une instruction générale interministérielle, qui a été prise sous la forme juridique d'un arrêté, ces principes ont été remis en question. Cet arrêté, en effet, considère que tout acte classé défense postérieur à 1934 doit être déclassifié avant de pouvoir être communiqué, ce qui a obligé notamment le service historique de la défense à déclassifier un million de pièces, dont certaines, paradoxalement, avaient déjà fait l'objet de publications ! Ainsi, de ce document très secret qui émane de l'état-major particulier du général de Gaulle à Londres, daté du 15 juin 1943 : cette pièce, qui était consultable, était classifiée et, pour être de nouveau communicable, a été déclassifiée par un magnifique coup de tampon apposé sur le document original, par décision n° 502 133 du 23 mars 2020. Cette instruction interministérielle a été attaquée, et le rapporteur public a considéré qu'elle n'était pas fondée en droit. Le Conseil d'État rendra cet après-midi une décision essentielle.

Dans les quatre catégories prévoyant des délais plus long avant la communicabilité des documents - qui ne sont pas remises en cause par la commission de la culture - il y a des documents classés, mais aussi des documents non classés, qui jusqu'à présent étaient communicables et qui ne le seraient plus du fait de la création de ces quatre nouvelles catégories. Je pense, par exemple, aux ouvrages hydrauliques de grande hauteur, comme le barrage de Bort-les-Orgues sur la Dordogne : les plans sont librement consultables aujourd'hui, mais ne le sauraient plus demain, à la faveur de ces nouvelles catégories. Ce qui pose problème à la commission de la culture, c'est que les documents classés dans ces quatre catégories pourraient être de nouveau consultables en fonction de délais glissants et qui ne sont pas toujours très bien définis par la loi. Le Conseil d'État a demandé au ministère de la défense de définir des actes positifs permettant de savoir à quel moment ces documents pourraient être consultables.

La commission de la culture a parfaitement conscience du nouveau contexte lié au terrorisme. À cet égard, nous avons considéré qu'il n'était pas toujours opportun de considérer que la désaffectation d'une infrastructure permettait la communication des documents. Ainsi, de la pile atomique Z.O.E., construite dans mon département, à Fontenay-aux-Roses, dans le fort de Châtillon, qui fut la première pile nucléaire à produire de l'électricité en 1947. Elle a été désaffectée en 1978. Selon la rédaction actuelle de l'article 19, les plans devraient être communicables. Lors de nos auditions, j'ai demandé aux militaires s'ils trouvaient judicieux que les plans d'une pile atomique soient disponibles librement sur Internet... Non, évidemment : même s'il s'agit d'une technologie primitive, des États terroristes pourraient, à moindres frais, s'emparer de cette technologie pour produire, au mieux, une centrale nucléaire, au pire, des armes atomiques.

La commission de la culture a estimé qu'il était sans doute nécessaire, pour certaines catégories de documents, de ne pas procéder à une déclassification et à une communication systématique : mieux vaut laisser au service émetteur la possibilité de retenir encore ces textes.

La commission de la culture vous propose donc un renversement de perspective, qui s'inspire des pratiques en cours dans des pays qu'on ne peut pas soupçonner de libéralisme absolu en matière de secret défense, comme les États-Unis ou Israël. Aux États-Unis, tout ce qui concerne la défense n'est pas communicable avant 30 ans ; ensuite il revient à chaque service émetteur de décider ce qui pourra être communicable, ou non. La liste est mise à jour très régulièrement afin de déclassifier les documents qui peuvent être communiqués. Sur ce modèle, la commission de la culture vous propose que, au-delà du délai légal actuel de 50 ans, une période s'ouvre, que nous avons portée à 25 ans - mais on peut discuter de cette durée - à l'issue de laquelle les services détenteurs des archives devront dire à l'usager et aux services des archives quelles seraient les pièces pour lesquelles ils demandent la prolongation de dix ans du délai d'incommunicabilité, ce délai pouvant être renouvelé autant de fois qu'il est nécessaire pour continuer à protéger des secrets militaires importants. Les historiens que nous avons consultés sur ce dispositif le trouvent beaucoup plus clair que celui porté par l'article 19, qui leur faisait craindre de ne pas pouvoir disposer d'une information claire et suffisante pour organiser leurs recherches en fonction de la communication des pièces. Ils préfèrent porter le délai de 50 ans à 75 ans, mais avoir la certitude que, pour entreprendre leurs recherches, ils pourront disposer des pièces.

Lors de l'audition du ministère de la culture et de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), nous avons eu beaucoup de mal à comprendre comment, d'un point de vue pratique, le chercheur pourrait demander des actes qui entrent dans ces quatre nouvelles catégories. Il semble que, dans certains ministères, le travail de recensement des documents archivistiques n'était pas poussé suffisamment loin pour permettre rapidement à ces services de donner des informations fiables sur la communicabilité, au regard à la fois des critères constitutifs des quatre nouvelles catégories et des critères liés à la déclassification.

Cet article est complexe, et nous n'avons eu qu'une semaine de réflexion ! Il aurait fallu un travail beaucoup plus important...

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s'est saisie pour avis des articles 7 à 19 du projet de loi, qui concernent les services de renseignement, les techniques d'investigation qu'ils peuvent utiliser et les règles qui encadrent cette utilisation, ainsi que la lutte contre les drones présentant une menace, et enfin les archives intéressant la défense nationale.

Le contexte sécuritaire reste marqué par le terrorisme, avec un continuum sécurité-défense qui constitue toujours un enjeu crucial pour la sécurité de nos concitoyens, même si la menace actuelle est davantage endogène que par le passé. Nos armées affrontent toujours une menace terroriste globale. La fin annoncée de l'opération Barkhane ne signifie pas la fin de toute présence militaire au Sahel : l'opération Chammal se poursuit, ainsi que l'opération Sentinelle sur notre territoire.

Le terrorisme constitue la première des menaces, mais nos services continuent également à faire face aux agissements de puissances étrangères décomplexées, qui utilisent en particulier tous les moyens fournis par les nouvelles technologies et le cyber.

Dans ce contexte, il était important que nos services de renseignement - ceux du ministère des armées et ceux des autres ministères - continuent à disposer des moyens les plus efficaces pour mener leur action.

La création d'un régime des interceptions satellitaires, la possibilité de solliciter les opérateurs de télécommunications en matière d'IMSI-Catching pour s'adapter à la 5G, ou encore l'extension des algorithmes aux URL, permettront ainsi aux services de rester dans la course technologique. Par ailleurs, nous nous félicitons de la possibilité nouvelle de brouiller les drones menaçants. Cette menace est loin d'être théorique, nous en avons déjà de nombreux exemples sur le territoire national. La gendarmerie nationale est d'ailleurs en pointe sur ce sujet.

Il fallait par ailleurs, pour encadrer cette évolution, des règles juridiques répondant à deux nécessités. Premièrement, la continuité avec le cadre fixé par la loi du 24 juillet 2015, car les services, ayant désormais formé leurs agents à ce cadre, ont besoin de cette stabilité. Deuxièmement, des garanties suffisantes pour que les libertés, et en particulier la vie privée, ne subissent pas d'atteinte excessive.

Je crois que le projet de loi répond bien à ces deux exigences, comme cela ressort nettement de nos auditions. Dès lors, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ne propose à ce stade que quelques modifications. Il s'agit de deux amendements, pour renforcer la protection des rapports de la Délégation parlementaire au renseignement et de la Commission de vérification des fonds spéciaux couverts par le secret de la défense nationale. Ces amendements prévoient que ces rapports soient désormais présentés et non plus remis aux autorités prévues par la loi ; c'est d'ailleurs déjà le cas en pratique pour la commission de vérification des fonds spéciaux. Un amendement est destiné à mieux encadrer l'expérimentation des interceptions satellitaires. C'est une technologie encore balbutiante, et il faut en laisser la pleine maîtrise aux services du premier cercle, en particulier à la Direction générale de la sécurité extérieure. Il sera temps ensuite, si nous pérennisons ce dispositif, de l'ouvrir aux services du second cercle, et en particulier à la gendarmerie, qui en aura besoin à l'avenir pour ses enquêtes si les communications satellitaires se banalisent.

S'agissant enfin du nouveau régime de communication des archives, le sujet est encore en réflexion ; le dispositif prévu par le texte convient aux armées, mais nous avons conscience qu'il suscite des débats ; peut-être pourrons-nous aboutir collectivement à une avancée d'ici la séance avec la commission des lois et la commission de la culture.

Sous réserve de ces remarques et de ces amendements, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a approuvé le présent projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Merci aux rapporteurs pour leur travail. J'ai assisté à presque toutes les auditions. Ce texte apparaît comme un texte anodin, mais il ne l'est pas, car il comporte un certain nombre de dispositifs qui peuvent poser problème : l'article 15 notamment suscite une opposition extrêmement forte de la conférence des procureurs - la première d'une telle ampleur selon notre rapporteur Marc-Philippe Daubresse ! C'est pourquoi nous regrettons les délais et les conditions dans lesquels ce texte est présenté et doit être adopté : nous sommes dans une seringue !

L'article 15 correspond en fait à la transposition d'une décision de la CJUE, sur laquelle nos collègues et voisins européens portent des appréciations variées et variables. Ce que nous sommes en train de faire dans l'urgence aujourd'hui risque de poser ensuite des problèmes d'harmonisation européenne... Il y a une vraie dichotomie entre les services qui nous expliquent que tout va bien, et un ensemble de personnes auditionnées, qui trouvent au contraire que cela pose des problèmes - et il ne s'agit pas seulement des associations habituellement chargées de la protection des données personnelles. Bref, ce texte est beaucoup plus problématique qu'il n'y paraît, et nous n'avons pas le recul, ni tous les éléments nécessaires, pour apprécier toutes les coordinations éventuelles à prévoir.

J'attends donc avec beaucoup d'intérêt le débat en séance, tout en regrettant que ce texte ait été si peu discuté à l'Assemblée nationale, notamment en commission.

Sur la question des archives, je me joins à l'hommage rendu à René Garrec, ancien président de la Basse-Normandie et souhaite rappeler l'intervention extraordinaire de Robert Badinter, en séance, lors de l'examen du texte en 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ce texte comporte de nombreuses dispositions qu'il faudrait voter rapidement, car les échéances sont proches. Je pense notamment à la pérennisation des mesures SILT votées à l'automne 2017. Le groupe socialiste a toujours considéré que ces mesures, particulièrement attentatoires aux libertés, devaient être placées sous un contrôle renforcé du Parlement. C'est pourquoi nous avions suivi les rapporteurs Michel Mercier et Michel Boutant, qui avaient proposé en 2017 un délai au terme duquel il fallait revoter ces mesures après évaluation. Il nous semble que les dispositifs issus de la loi SILT doivent rester transitoire, même si l'on peut reconnaître leur utilité - cela dit, dans l'étude d'impact, le Gouvernement lui-même reconnaît qu'il en fait parfois plus un usage à des fins de communication que de réelle sécurité...

Nous souhaitons réaffirmer un doute, qui a été aussi exprimé par les rapporteurs, sur la constitutionnalité de l'allongement à deux ans des MICAS. Nous réaffirmons aussi notre refus de mesures de sûreté : pas de peine après la peine ! Une peine doit s'appuyer sur des éléments spécifiques et non sur des faits qui ont déjà été punis. De plus, les moyens du renseignement devraient suffire. Il nous semble toutefois important de mieux conjuguer les mesures de suivi socio-judiciaire, ou les mesures judiciaires, si cette mesure de sûreté devait être votée, avec les mesures administratives. Or, les auditions ont révélé la difficulté de conjuguer les deux, faute de moyens d'arbitrer en cas de contradiction. C'est pourquoi nous déposons des amendements en ce sens.

Nous sommes particulièrement sensibles au maintien à la fois du secret médical et des secrets professionnels lors des échanges entre services. Sur ce point, le texte va un peu trop loin.

Sur le renseignement, nous partageons globalement les appréciations des rapporteurs. En matière d'échanges entre services, la CNCTR contrôle ce que les services de renseignements utilisent comme techniques de renseignement. D'autres services, toutefois, utilisent des techniques de renseignement, et en particulier des données de connexion, sans être sous le contrôle de la CNCTR ; et d'autres services peuvent avoir accès à ce que ces services obtiennent sans contrôle de la CNCTR. Il faudrait donc engager une réflexion sur l'élargissement de son domaine de compétence.

Si le projet de loi réécrit l'obligation des opérateurs de conserver les données de connexion, la jurisprudence de la CEDH sur les échanges avec les services extérieurs n'est absolument pas traitée par ce texte.

Sur la CJUE, je partage l'avis de Nathalie Goulet : les témoignages de la conférence nationale des procureurs sont particulièrement inquiétants sur les moyens que nous allons donner à la justice pour effectuer un certain nombre d'enquêtes. Le dispositif de l'article 15 relève presque d'un contournement de ce que la CJUE indique, en donnant une solution partielle, fragile, mais qui dépendrait d'un acte de l'exécutif, ce qui est tout de même assez problématique si on est attaché à la séparation des pouvoirs...

Alors que la jurisprudence de la CJUE s'applique à l'ensemble des pays européens, nous n'avons pas conduit une vraie étude sur la manière dont les autres pays allaient mettre en place des moyens pour que leur justice, elle aussi, puisse continuer à fonctionner. Dès lors, il ne serait pas raisonnable d'adopter les dispositions de l'article 15. On peut aussi se demander si cette difficulté peut être traitée à droit européen constant...

Sur les archives, les orientations données par Pierre Ouzoulias nous conviennent.

Ce projet de loi, donc, est nécessaire sur un certain nombre de points, mais nous serons très vigilants sur d'autres, notamment pour protéger les libertés individuelles et le secret professionnel, et pour défendre les moyens de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

J'interviendrai à propos de l'article 19 : historienne a été mon premier métier ! Ce texte marque un recul par rapport à la loi de 2008. Actuellement, les archives publiques dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l'État dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l'État ou encore à la sécurité publique, peuvent être librement communiquées après l'expiration d'un délai de 50 ans. Ce projet de loi établit un délai indéterminé et glissant dans le temps. Le plus grave est que l'administration émettrice du document sera la seule à décider si la diffusion est possible. En votant la loi telle quelle, le législateur se dessaisirait de son pouvoir au profit de l'administration, et des archives actuellement accessibles pourraient retourner dans les cartons, si l'interprétation de l'administration, ou de sa tutelle politique, change.

Certains ouvrages de recherche, par exemple sur la guerre d'Algérie, avec ce nouvel article de loi, ne pourraient pas être écrits aujourd'hui. Je pense au premier livre qu'a écrit Benjamin Stora, qui a d'ailleurs rédigé récemment le rapport sur le Mouvement national algérien pour l'indépendance. Il s'était appuyé, comme beaucoup d'historiens politiques, sur des fiches de policiers des Renseignements généraux. Il va devenir très compliqué pour certains historiens de faire leur métier : comment faire l'histoire d'un parti politique sans avoir accès aux fiches des Renseignements généraux, rédigées par des policiers qui se sont rendus à des rassemblements politiques ?

Les rédacteurs de la loi invoquent la valeur opérationnelle des archives du monde du renseignement. Cette formulation, à mon avis, reste vague. De fait, le monde du renseignement en France continue à utiliser certaines techniques qui ont été développées il y a longtemps... De nombreux champs de l'histoire contemporaine du pays ne pourront plus être étudiés - et il ne s'agit pas seulement des questions sensibles tournant autour de la mémoire coloniale ou de la guerre d'Algérie. J'avais travaillé, pour ma part, sur la Commune de Paris de 1871. Sans les archives de la police, je n'aurais pas pu faire mon travail.

Cet article sur les archives entre en contradiction avec le discours présidentiel, notamment sur les questions mémorielles. Emmanuel Macron estimait pourtant que, de l'Algérie au Rwanda, la France devait regarder son histoire en face. Si cet article est voté, nous regarderons notre histoire de loin !

Il n'y a pas d'historien qui fasse des recherches pour mettre en danger la sécurité nationale ou les intérêts de la Nation. Ce serait plutôt l'affaire des chroniqueurs - et les historiens ne sont pas des chroniqueurs, ce sont des gens sérieux ! Nous avons donc déposé plusieurs amendements sur cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Merci aux deux rapporteurs au fond et aux deux rapporteurs pour avis pour la qualité de leurs interventions. Ils nous ont fait part de leurs interrogations sur les limites de cet exercice législatif, que je partage.

Je n'ai pas de difficultés sur la prolongation des éléments de la loi SILT. Nous avons déjà eu à prendre position sur ces mesures, sans toutefois parvenir à convaincre l'Assemblée nationale qui, maintenant, admet leur pertinence. Je n'ai rien à ajouter à l'excellent rapport de Marc-Philippe Daubresse.

Sur le renseignement, le sujet est douloureux. Agnès Canayer souhaiterait que la Chancellerie nous aide à résoudre cette difficulté devant laquelle vont se trouver nos enquêteurs. Je ne pense pas que vous obtiendrez de réponse. Les conséquences de l'arrêt de la CJUE ont été analysées, et le Conseil d'État a fait preuve d'une grande créativité juridique, dans une logique d'ordre public, pour tirer parti des exceptions énumérées par la CJUE. Je ne crois pas que nous arriverons à sauvegarder l'utilisation des données de connexion pour les procédures de droit commun. On ne peut que le regretter. L'époque où Maigret et ses inspecteurs passaient leur nuit sous la pluie, dans les embrasures des rues parisiennes, est terminée, et les enquêteurs d'aujourd'hui travaillent avec d'autres méthodes, et notamment le traitement des données : les voilà placés dans une situation d'impossibilité !

Vous faites pour le mieux, et je ne vois pas comment il serait possible de faire davantage... Reste tout de même une interrogation plus générale pour la société, que notre commission a bien prise en compte - et je remercie le président François-Noël Buffet d'avoir pris l'initiative, avec son collègue président de la commission affaires européennes, d'organiser une table ronde sur le sujet « pouvoir régalien et dispositions européennes », qui était passionnante.

Il y a deux enjeux pour l'avenir, posés par les conséquences de l'arrêt de la CJUE. D'abord - et c'est un sujet commun à la commission des lois et à la commission des affaires européennes - se pose la question des conditions d'exercice du contrôle de subsidiarité. C'est un pouvoir important de notre assemblée. Pourtant, nous n'avons jamais regardé ces questions de subsidiarité au prisme de la réserve d'ordre et de sécurité nationale, prévue par l'alinéa 2 de l'article 4 du traité sur l'Union européenne. Personne n'avait imaginé que, dans le Règlement général sur la protection des données, ce sujet se poserait. Personne n'avait vraiment imaginé que la directive sur le temps de travail soulèverait la question du régime de travail de nos sapeurs-pompiers, et surtout de nos militaires... Le président de notre commission des lois devrait donc sans doute avoir une concertation avec le président de la commission des affaires européennes, sur une sorte de réactualisation du prisme d'examen du contrôle de subsidiarité, pour y introduire une logique de sécurité nationale. On ne peut certes pas reprocher à la CJUE d'avoir appliqué le droit européen : après tout, nous la poussons à être le gardien des valeurs de l'Union vis-à-vis des pays de l'Europe centrale !

Par ailleurs, les pays confrontés à la difficulté de mener des enquêtes seront ouverts à des évolutions des directives, mais nous sommes dans une procédure de codécision. Or, il n'est pas certain que la commission des libertés du Parlement européen ait la même appréciation. D'où l'intérêt d'entretenir une forme de dialogue avec cette commission pour expliquer les points sur lesquels le législateur national se trouve en difficulté, et sur lesquels la codécision du législateur européen nous sera à un moment donné nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous devons avoir conscience que nous allons examiner un texte sur lequel plane encore l'ombre du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État. Cela doit nous amener à nous poser un certain nombre de questions fondamentales. Nous avons déposé des amendements en commission pour montrer notre opposition à ce texte. Bien sûr, il faut mener une lutte acharnée contre le terrorisme. Mais nous estimons que notre arsenal législatif antiterroriste est déjà largement suffisant.

Ce texte nous propose de pérenniser des mesures qui, à cause de l'ampleur de l'atteinte aux libertés publiques qu'elles présentaient, avaient été mises en place avec des clauses de caducité. Leur pérennisation ne s'accompagne que de quelques ajustements, et de quelques pseudo-restrictions, qui sont largement insuffisantes. Ce texte s'inscrit dans une multiplication de lois sécuritaires, dérogatoires au droit commun, et qui sont votées sans évaluation préalable des dispositifs qui existent déjà, de leur nécessité et de leur efficacité.

Les dispositifs issus de la loi SILT sont très intrusifs. Ils s'apparentent à des assignations à résidence et des perquisitions contrôlées par l'administration, et ils contournent la procédure judiciaire et les droits de la défense. Leurs conséquences sont très lourdes pour les personnes visées, qui sont jugées potentiellement dangereuses. En outre, en 2018, lors de l'examen périodique universel de la France à l'Assemblée générale des Nations unies, plusieurs États se sont inquiétés du manque de respect des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en France, et ils ont insisté sur la nécessité de mettre en place un mécanisme indépendant de suivi.

En ce qui concerne le renseignement, le recours très large aux techniques de renseignement les plus intrusives porte atteinte au principe de l'individualisation de la surveillance, qui est le fondement de la loi de 2015. À cet égard, le Conseil national des barreaux souligne que l'extension des facultés conférées aux services de renseignement, la légitimation sans réserve de ces méthodes d'investigation, l'imprécision de la définition des situations justifiant leur recours, ainsi que l'insuffisance de mécanismes de contrôle et de recours ne garantissent pas la proportionnalité des mesures d'intrusion dans la sphère privée au regard des objectifs visés. Nous avons déposé des amendements en commission, et nous en redéposerons en séance.

Je terminerai sur l'article 19, qui a eu un grand écho dans la sphère des chercheurs et des historiens. Nous avons été très alertés, je l'avais évoqué lors de l'audition de la ministre Marlène Schiappa, sur les nombreux points de vue qui émergent sur ce sujet, sans qu'ils soient partisans, idéologiques ou dogmatiques. La présentation par le rapporteur pour avis de la commission de la culture, Pierre Ouzoulias, devrait recevoir l'assentiment de ces personnalités, même si notre commission aura à y retravailler. En conséquence, je ne peux que souscrire à sa proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J'interviendrais uniquement sur l'article 19. Je salue tout ce qui a été dit par les précédents orateurs, l'effort conceptuel consenti par Pierre Ouzoulias au nom de la commission de la culture, ainsi que l'apport de nos collègues de la commission des affaires étrangères. Nathalie Goulet a rappelé l'attachement qui est le nôtre à la loi de 2008, qui fait suite à loi de 1979. Souvenons-nous du discours de Robert Badinter en 2008, qui avait très largement excédé le temps de parole qui lui était imparti ! Les différentes propositions émanent de trois commissions, et des amendements ont été déposés par Catherine Morin-Desailly, Nathalie Delattre, Esther Benbassa et Pierre Ouzoulias, ainsi que par certains collègues de notre groupe. Vous avez proposé une concertation avant la séance publique, ce qui serait effectivement très précieux. La loi de 2008 prévoyait des exceptions compte tenu des intérêts de la Nation par rapport à des équipements stratégiques que nous devons prendre en compte.

Les cinq amendements que nous avons présentés visent à mettre des barrières. L'alinéa 3 ne peut pas prévoir pour tous ces cas l'allongement du délai sans autre précision. Les alinéas 8 et 10 prévoient, eux, la prolongation des délais jusqu'à ce que les dispositifs, qui ne sont pas très clairement définis, perdent leur valeur opérationnelle. C'est donc le pouvoir exécutif qui est souverain en la matière. Or il est tout à fait imaginable que le dispositif soit toujours opérationnel, ce qui empêchera définitivement l'accès à une partie de la connaissance. Nous ne disons pas que la sécurité nationale ne soulève aucun problème, mais la rédaction de ces trois alinéas est tellement floue que l'on ne peut pas s'en affranchir. Il serait intéressant d'interroger le Gouvernement sur ce qu'aura dit le Conseil d'État cet après-midi, car le premier pourrait réviser sa copie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous avons beaucoup de points de convergence entre nous, quelle que soit notre sensibilité, sur le texte du Gouvernement, qui se montre ouvert pour perfectionner son dispositif. Je reste toutefois hésitant concernant les mesures individuelles de contrôle postérieures à la sortie d'incarcération. Deux méthodes sont en concurrence, qui nous impose de choisir la moins risquée du point de vue constitutionnel, sachant que ce besoin d'un contrôle individuel prolongé est nécessaire.

Je constate une acceptation assez généralisée de la poursuite d'une expérimentation favorisant l'utilisation de l'algorithme comme moyen de détection des signaux faibles de préparation à des opérations attentant à la sécurité nationale. Nous nous retrouvons aussi sur la balance entre la protection des libertés publiques et la capacité de transmission d'informations entre services du renseignement. Nous le savons tous, la décision récente de la CJUE sur l'accès aux données de connexion entraîne un affaiblissement massif de nos capacités de lutte contre la délinquance. Même restrictive, elle ouvre une marge d'intervention aux États nationaux pour réaliser leur travail de sécurité nationale sur l'accès aux données utiles en la matière. Elle constitue donc un pas en arrière extrêmement préjudiciable. En réalité, c'est le signal que la démarche collective de l'Union européenne fondée sur le libre marché telle que nous l'avons tous acceptée voilà des décennies manquait de vigilance par rapport à la préservation des prérogatives d'autorité et de défense de la sécurité des citoyens, s'agissant notamment de la recherche des infractions. On aurait pu s'attendre à une position plus mesurée de la part de la CJUE, qui est composée de magistrats professionnels très expérimentés. Puisque tel ne fut pas le cas, les États devraient prendre une initiative politique.

Pour ce qui est de l'accès aux archives, nos solutions sont très voisines concernant non pas le principe d'exception, qui existe depuis le début de la législation sur ce sujet, mais la façon de l'utiliser. Un travail de perfectionnement devrait porter sur la procédure du maintien en classification d'un certain nombre de documents, pour des raisons d'impératifs de sécurité, comme l'a justement souligné Pierre Ouzoulias. Et, chers collègues de la commission des affaires étrangères, la fin de l'utilisation de matériels de guerre par la France n'emporte pas automatique la cessation de l'emploi de ces outils par nos alliés à qui nous les avons cédés ! Il serait discourtois de faire circuler librement de telles données. Je vous rejoins sur le fait que seul l'exécutif peut apprécier la pertinence d'une classification, sous contrôle du juge. La décision qui émanera aujourd'hui du Conseil d'État à l'issue du délibéré sera aussi un moyen d'identifier si le contrôle du juge sur les décisions de reclassification sera ou non efficient.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Concernant la loi SILT, je fais miens les propos de Philippe Bonnecarrère et Alain Richard, y compris les alertes qu'ils ont lancées. Jean-Yves Leconte, qui a été très assidu lors de nos auditions, réaffirme qu'il convient non pas de pérenniser cette loi, mais de la prolonger tout en continuant les expérimentations. Nous avons déjà eu le débat à ce sujet, et le Sénat s'est prononcé il y a huit mois sur cette pérennisation. En outre, j'ai été chargé au nom de la commission du contrôle renforcé du Sénat sur ces dispositifs, et notre commission a adopté deux rapports d'évaluation. Notre collègue soulève à juste titre la question délicate de la nécessité de mieux conjuguer ce qui relève du judiciaire et de l'administratif, qu'a tenté de résoudre le président Buffet dans la proposition de loi votée récemment.

Le Parquet national antiterroriste et la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) estiment que 15 % à 20 % des détenus condamnés pour des actes de terrorisme qui vont sortir de prison sont encore extrêmement dangereux. Cela signifie que, sur un total de 250 personnes, 50 sont susceptibles de récidiver et de commettre des attentats en un moment délicat où de grands événements sportifs vont avoir lieu. Gérald Darmanin et Marlène Schiappa ont d'ailleurs répété qu'au cours des dix-huit derniers mois, le Gouvernement avait déjoué un grand nombre d'attentats. On ne peut pas baisser la garde en la matière.

Sur le maintien du secret médical, je suis d'accord avec Jean-Yves Leconte pour dire que le texte va trop loin, notamment sur les aspects psychiatriques. C'est pourquoi je présenterai un amendement sur ce point.

Selon Alain Richard, il faut choisir, sur les deux méthodes possibles, la moins risquée constitutionnellement. Je vous invite à réexaminer la situation, car le Conseil constitutionnel dit qu'il faut limiter les MICAS à un an, quelle que soit la gravité des faits. Je ne l'imagine pas modifier sa jurisprudence, alors qu'il a plutôt tendance à la durcir ces temps-ci, avec une probable censure de l'article 3 du présent texte. La méthode présentée par le président Buffet et rapportée par Muriel Jourda est beaucoup plus conforme à son interprétation. En cas de rejet de l'article 3, sans alternative de notre part, nous serions bien démunis... Je rappelle également qu'une mesure de sûreté n'est pas une peine, raison pour laquelle le Sénat l'a votée à deux reprises.

Madame Goulet, je suis parlementaire depuis près de trente ans. J'ai présidé des séances à l'Assemblée nationale, j'ai été au Gouvernement, j'ai organisé de multiples auditions, jamais je n'ai entendu un tel cri d'alarme des procureurs ! La lutte contre la délinquance risque d'être mise à mal par l'article 15, puisque, selon la conférence nationale des procureurs de la République, de nombreuses mesures d'enquête risquent de devenir impossibles. Peut-être dramatisent-ils la situation, mais on ne peut pas en rester là. On ne peut pas non plus se contenter de supprimer l'article, car comme l'a dit Agnès Canayer, nous avons l'échéance du 21 octobre et la décision, sur une ligne de crête, du Conseil d'État. Je soutiens la proposition de ma collègue, mais il faudra approfondir le sujet d'ici à la séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Nos collègues ont tous soulevé des points très sensibles.

Madame Goulet, l'article 15 est perfectible et nous contraint, comme l'a dit Alain Richard. Nous sommes confrontés à des enjeux importants en matière d'enquête préalable, qui pèsent fortement sur l'institution judiciaire, en particulier les procureurs. Si ce point n'a pas été soulevé à l'Assemblée nationale, c'est sans doute parce que les procureurs n'y ont pas été auditionnés. Cet article limite la conservation générale et individualisée des données aux actes de criminalité grave, et les enquêteurs n'auront plus les moyens de remplir leurs missions dans les autres cas. L'utilisation des SMS restera possible, mais les techniques habituelles utilisées, telles que les « fadettes » ou la géolocalisation, ne seront pas applicables pour les infractions pénales ordinaires. Les contraintes proviennent aussi de la jurisprudence de l'Union européenne. Et même si le Conseil d'État a laissé une petite ouverture, une intervention plus forte au niveau européen est la seule voie possible. On ne peut pas supprimer l'article 15, qui est essentiel, au risque d'empêcher toute conservation des données et de mettre à bas tout l'édifice du renseignement.

S'agissant de l'article 7 relatif à l'échange des données entre services ou à la transmission de renseignements aux services, la CNCTR contrôle les techniques de renseignement, quels qu'en soient leurs auteurs. L'article 16 institue un véritable avis conforme de la CNCTR liant le pouvoir exécutif, conformément à la jurisprudence qui impose l'intervention d'une autorité judiciaire ou une autorité administrative indépendante ayant un pouvoir contraignant. Ce dernier peut toutefois saisir le Conseil d'État qui statue dans les vingt-quatre heures. Il peut passer outre en cas d'urgence dûment justifiée. Cette transposition d'un dispositif qui existait déjà pour les interceptions de sécurité dans les lieux privés me paraît bienvenue.

L'article 19 ayant trait aux archives est l'autre point clef du texte. Nous sommes évidemment attachés à la loi de 2008 et à la nécessité de trouver le juste équilibre entre l'accès aux archives et à la connaissance pour les historiens, les plus directement concernés, mais aussi à toute personne qui en formule la demande. Les historiens réclament des délais clairs afin de savoir à quelle date ils pourront avoir accès à certaines pièces, d'où les 75 ans et les tranches de 10 ans renouvelables proposés par Pierre Ouzoulias. Ces mesures me cependant semblent moins protectrices que celles de l'article 19, qui est plus souple en prévoyant une communicabilité des documents au bout de 50 ans, sauf s'ils appartiennent à l'une des quatre catégories, auquel cas la déclassification dépendra de l'évolution des conditions, notamment de la valeur opérationnelle, et interviendra au cas par cas. Reste la question de savoir à quel moment il sera possible d'imposer l'inventaire aux services en vue de déclassifier certains documents, ce qui supposera un travail colossal.

Le renversement de la charge de la preuve, tel que le propose la commission de la culture, me semble dangereuse eu égard aux enjeux opérationnels. C'est pourquoi, même si le texte est perfectible, il prévoit un juste équilibre, et nous y travaillerons jusqu'à la séance publique. De surcroît, tous les amendements qui donnent des dates fixes sont risqués - pourquoi 100 ans par exemple ?

Éliane Assassi m'a interrogé sur les mécanismes de contrôles. Ils ont été renforcés depuis 2015, y compris dans le présent texte, qui apporte de grandes précisions à ce propos, qu'il s'agisse de l'organisation des services, de la traçabilité, des contrôles a priori ou a posteriori, de l'extension des pouvoirs de la délégation parlementaire au renseignement, de la destruction ou de la conservation, etc.

Comme l'a dit notre collègue Jean-Pierre Sueur, nous allons encore travailler sur tous ces points délicats, notamment sur les délais de communicabilité. Nous présenterons un amendement pour restreindre la protection prévue par l'article 19 aux documents qui révèlent de nouvelles informations. En effet, toutes les techniques mises à jour dans le Bureau des légendes n'ont plus à être couvertes par le secret de la défense nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Merci de toutes ces explications très précises.

En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je propose de retenir que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux mesures administratives de lutte contre le terrorisme issues de la loi SILT, à l'institution d'une mesure de sûreté à destination des personnes condamnées pour terrorisme sortant de détention, à la communication d'informations relatives à l'admission d'une personne en soins psychiatriques lorsque celle-ci représente une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics en raison de sa radicalisation à caractère terroriste, à l'exploitation et à la transmission de renseignements entre services de renseignement et aux services de renseignement, aux techniques de renseignement, à la conservation des données par les opérateurs de communications électroniques, aux dispositifs de lutte contre les aéronefs circulant sans personne à bord malveillants, et, enfin, au régime de communicabilité des archives protégées par le secret de la défense nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je m'interroge sur ce périmètre, compte tenu de la jurisprudence de la CEDH : les échanges avec les services étrangers sont-ils bien inclus ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ce sujet ne pose pas de problème de recevabilité, mais, sur le fond, c'est une autre affaire...

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Le débat a déjà eu lieu sur l'amendement de suppression COM-41 : avis défavorable.

L'amendement COM-41 n'est pas adopté.

L'amendement COM-68 tend à conserver le caractère expérimental des mesures issues de la loi SILT, tout en reportant leur date de caducité au 31 décembre 2024. Or ces mesures, saluées par l'ensemble des acteurs concernés, ont déjà été validées par le Conseil constitutionnel : avis défavorable.

L'amendement COM-68 n'est pas adopté.

Article 1er bis

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Notre amendement COM-96 garantit le caractère non discriminatoire des vérifications opérées dans le cadre d'un périmètre de protection. Ce faisant, nous traduisons une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel : avis favorable à l'amendement COM-69 rectifié de Jean-Yves Leconte, qui est identique.

Les amendements COM-96 et COM-69 rectifié sont adoptés.

L'amendement COM-86 rectifié précise que, lorsque les officiers de police judiciaire sont assistés d'agents de police judiciaire et d'agents de police judiciaire adjoints ou de membres de la réserve civile de la police ou de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, ceux-ci doivent être placés sous leur contrôle effectif. Il s'agit d'une précision utile : avis favorable.

L'amendement COM-86 rectifié est adopté.

Article additionnel après l'article 1er bis

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement COM-13 a trait à la durée des périmètres de protection. Je suis obligé d'émettre un avis défavorable, comme je le ferai pour nombre d'amendements, car le Conseil constitutionnel a fait de la limitation de la durée l'un des éléments de sa décision de conformité de ce dispositif à la Constitution.

L'amendement COM-13 n'est pas adopté.

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement COM-14 prévoit que la fermeture de l'établissement peut être portée à 12 mois lorsqu'un lieu de culte fait l'objet d'un second arrêté de fermeture. La mesure de fermeture d'un lieu de culte est une mesure très attentatoire aux libertés ; cette mesure doit être proportionnée. Par ailleurs, les différentes personnes auditionnées nous ont indiqué que la durée de six mois était suffisante pour mettre en oeuvre d'autres mesures administratives. Avis défavorable.

L'amendement COM-14 n'est pas adopté.

L'amendement COM-97 me semble plus précis que le Gouvernement en parlant de lieux « gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte ». Il reprend un amendement déposé l'année dernière quand nous avons examiné la question de la fermeture des locaux annexes aux lieux de culte.

L'amendement COM-97 est adopté.

L'amendement COM-15 propose de supprimer la condition selon laquelle la fermeture des lieux de culte ne peut intervenir qu'aux fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme. Tel est l'objet de l'article 44 du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Chaque projet de loi doit garder sa cohérence ; l'avis est donc défavorable.

L'amendement COM-15 n'est pas adopté.

Avec l'amendement COM-16, le ministre du culte exerçant dans un lieu de culte fermé aux fins de prévention des actes de terrorisme serait automatiquement expulsé, sauf décision motivée de l'autorité administrative. Or, il est déjà prévu que les étrangers dont la présence constitue une « menace grave pour l'ordre public » puissent faire l'objet d'une mesure d'expulsion ; certains ministres du culte ont fait l'objet de cette mesure. Notre corpus législatif nous donne les moyens juridiques de répondre à cette préoccupation, et il n'est donc pas nécessaire de prévoir une mesure automatique d'expulsion supplémentaire. Avis défavorable.

L'amendement COM-16 n'est pas adopté.

L'amendement COM-9 souhaite ajouter les « atteintes répétées aux valeurs de la République ». Avis défavorable.

L'amendement COM-9 n'est pas adopté.

Avec l'amendement COM-17, les lieux de culte ayant fait l'objet de deux mesures de fermeture administrative et dans lesquels il est toujours provoqué à la violence peuvent faire l'objet d'une mesure de fermeture définitive. Là encore, les différentes personnes auditionnées nous ont indiqué que la durée de six mois était suffisante pour mettre en oeuvre d'autres mesures administratives. Sur les huit mesures de fermeture prononcées, six des lieux de culte n'ont jamais rouvert. Avis défavorable.

L'amendement COM-17 n'est pas adopté.

L'amendement COM-18 propose qu'il soit possible de confisquer les biens mobiliers, immobiliers ou financiers. Une confiscation des biens constitutifs d'une infraction est déjà possible, aller plus loin serait contraire au principe de proportionnalité, avis défavorable.

L'amendement COM-18 n'est pas adopté.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Avec l'amendement COM-42, nos collègues communistes proposent de supprimer l'article 3, au motif que celui-ci allongerait la durée de certaines MICAS à 24 mois. Nous partageons ce raisonnement. Pour autant, il y a d'autres éléments importants dans cet article 3. J'émets un avis défavorable, mais nous présenterons ultérieurement un amendement supprimant l'allongement à 24 mois.

L'amendement COM-42 n'est pas adopté.

L'amendement COM-20 propose de porter le nombre de fois auquel la personne peut être astreinte de se présenter aux services de police ou aux unités de gendarmerie à trois par jour, au lieu d'une fois dans le droit actuel. Nous avons visité, au cours de nos travaux sur ce projet de loi, un centre du programme d'accompagnement individualisé et de réaffiliation sociale (PAIRS), dédié notamment à la réinsertion des personnes détenues pour terrorisme. Quand on demande à une personne de pointer trois fois dans son lieu de résidence et qu'elle doit, par exemple, se rendre à l'autre bout de Paris pour suivre les activités du programme PAIRS, c'est matériellement impossible. Avis défavorable.

L'amendement COM-20 n'est pas adopté.

Les amendements COM-19 et COM-53 proposent de restreindre le périmètre dans lequel une personne peut être assignée à résidence. Le Conseil constitutionnel a fait du périmètre prévu - au minimum celui de la commune - un élément de la constitutionnalité de la mesure. Avis défavorable aux deux amendements.

Les amendements COM-19 et COM-53 ne sont pas adoptés.

Notre amendement COM-98, conformément aux éléments que je vous ai exposé, supprime la prolongation de la durée maximale des MICAS à deux ans pour les personnes condamnées pour terrorisme sortant de détention. La voie judiciaire nous parait plus pertinente.

L'amendement COM-64 supprime la possibilité pour le ministre de l'intérieur d'imposer à la personne de justifier de son lieu d'habitation ; les amendements COM-65 et COM-22 proposent la suppression de l'allongement des MICAS pour les personnes condamnées pour terrorisme sortant de détention. Si l'amendement COM-98 est adopté, ces trois amendements tombent.

L'amendement COM-98 est adopté ; les amendements COM-64, COM-65 et COM-22 deviennent sans objet.

L'amendement COM-88 prévoit d'intégrer au code de la sécurité intérieure une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, selon laquelle la détermination des interdictions de contacts imposés à l'intéressé doit tenir compte de sa vie familiale. Avis favorable.

L'amendement COM-88 est adopté.

L'amendement COM-54 supprime la limitation de durée à l'interdiction de paraître dans de grands événements qui pourrait être prononcée à l'encontre des personnes soumises à une interdiction de sortir du périmètre d'une commune. Or, le texte prévoit que cette interdiction de paraître soit strictement limitée à celle de l'événement concerné. La durée de trente jours permet de couvrir l'ensemble des grands évènements à venir - par exemple, la Coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques. Avis défavorable.

L'amendement COM-54 n'est pas adopté.

Mon avis concernant l'amendement COM-21 est défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui ont été indiquées précédemment ; le Conseil constitutionnel s'est prononcé.

L'amendement COM-21 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement COM-23 propose de géolocaliser les personnes qui optent pour un bracelet électronique dans le cadre des MICAS. Ce bracelet doit seulement permettre de vérifier qu'elles ne sortent pas du périmètre auquel elles sont astreintes. Avis défavorable.

L'amendement COM-23 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement COM-24 propose d'ouvrir la possibilité de réaliser des visites domiciliaires à d'autres fins que celle de prévenir la commission d'actes de terrorisme. Là encore, nous sortirions du cadre strict fixé par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

L'amendement COM-24 n'est pas adopté.

L'amendement COM-25 propose d'élargir les critères permettant de réaliser une visite dominicale. Pour les mêmes raisons que l'amendement précédent, avis défavorable.

L'amendement COM-25 n'est pas adopté.

Article 4 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement COM-99 vise à supprimer l'article 4 bis. La présence de témoins au cours d'une visite domiciliaire constitue une garantie essentielle au respect des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif. Cependant, en cas d'anonymisation des témoins sur le procès-verbal, l'occupant des lieux ne disposera plus d'aucun moyen de vérifier que ceux-ci existent effectivement et que la visite domiciliaire a été effectuée dans le respect des prescriptions légales. En conséquence, nous proposons de supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Lors de leur audition, les syndicats de police nous expliquaient qu'ils avaient recours au témoignage de personnes présentes sur place pendant les perquisitions, afin de s'assurer que celles-ci se passent bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Cela évite les contentieux liés à la procédure. L'amendement COM-70 deviendra sans objet si l'amendement COM-99 est adopté.

L'amendement COM-99 est adopté ; l'amendement COM-70 devient sans objet.

Article 5

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement COM-43 supprime l'article 5 ; je ne peux qu'y être défavorable.

L'amendement COM-43 n'est pas adopté.

L'amendement COM-100 reprend la proposition de loi adoptée par notre assemblée il y a trois semaines.

L'amendement COM-100 est adopté ; l'amendement COM-27, les amendements identiques COM-26 et COM-55, de même que les amendements COM-28, COM-29, COM-56, COM-10 et COM-67 deviennent sans objet.

Article 6

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement COM-66 dénonce un amalgame entre terrorisme et psychiatrie. Cela ne me paraît pas être le cas. Il existe une part minoritaire de personnes présentant un risque terroriste et souffrant de troubles mentaux. Pour assurer leur suivi dans les meilleures conditions, il paraît nécessaire que les préfets et les agents sous leur autorité puissent avoir connaissance des entrées et des sorties de ces personnes en soins sans consentement.

Le terroriste avec des troubles psychiatriques qui a décapité le chef d'entreprise en Isère venait d'un département proche. Je propose le retrait de cet amendement, au profit de l'amendement COM-101 rectifié, qui me semble plus précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Cet article rejoint le travail commun effectué par la commission des lois et la commission des affaires sociales sur la psychiatrie. Nous avions mis en place un certain nombre de dispositifs concernant la communication du dossier médical. Sur ces questions, le préfet est en situation de compétence liée, ce qui pose des difficultés ; en effet, les préfets ont parfois une appréciation plus fine de la situation que les médecins. Je suis favorable à l'amendement de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur Leconte, acceptez-vous de retirer votre amendement au profit de celui de M. Daubresse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Tout à fait.

L'amendement COM-66 est retiré.

L'amendement COM-101 rectifié est adopté.

Article additionnel après l'article 6

L'amendement COM-31 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 6 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'amendement COM-89 rectifié propose de clarifier le contenu du rapport devant être remis annuellement au Parlement. Avec l'amendement COM-102, nous souhaitions axer ce rapport sur les dispositifs judiciaires préventifs effectivement mis en oeuvre. M. Richard ayant accepté de rectifier son amendement pour intégrer le mien, j'y suis favorable.

L'amendement COM-102 est retiré.

L'amendement COM-89 rectifié est adopté.

Articles additionnels après l'article 6 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je vous propose de déclarer les amendements COM-11, COM-12, COM-32, COM-33, COM-34, COM-35, COM-36 et COM-40 irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution, car ils concernent le droit des étrangers. La préoccupation est légitime, mais nous sortons du périmètre de notre texte.

L'amendement COM-47 relaie les préoccupations des régies de transports. Cet amendement, déjà rejeté dans le cadre de l'examen de la proposition de loi sur la sécurité globale, me paraît également irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution. De même, les amendements COM-48, COM-49, COM-50, COM-51 et COM-52 seraient irrecevables.

Les amendements COM-11, COM-12, COM-32, COM-33, COM-34, COM-35, COM-36, COM-40 COM-47, COM-48, COM-49, COM-50, COM-51 et COM-52 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 7

L'amendement rédactionnel COM-103 est adopté ; l'amendement COM-93 rectifié devient sans objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-71 propose de subordonner l'ensemble des transmissions de renseignement entre services à une autorisation du Premier ministre, après avis de la CNCTR. L'équilibre proposé par le texte sur ces transmissions me paraît déjà satisfaisant. Avis défavorable.

L'amendement COM-71 n'est pas adopté.

Avec l'amendement COM-72, lorsque les services de renseignement se voient transmettre des informations couvertes par un secret protégé par la loi, cette transmission doit être autorisée au préalable par la CNCTR. Or cette commission ne contrôle que les techniques de renseignement. Avis défavorable.

L'amendement COM-72 n'est pas adopté.

L'amendement COM-73 concerne le délai de conservation par les services de renseignement des données issues des autorités administratives, que Jean-Yves Leconte propose de réduire à trois mois ; ce nouveau délai paraît trop court.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ces informations étant acquises sans le contrôle de la CNCTR, les services renseignements ont besoin de les traiter sans les accumuler. Dans ce cadre, le délai de trois mois peut être suffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Le délai est trop court, notamment dans le cadre du suivi d'un individu, qui peut intervenir sur un plus long terme. Avis défavorable.

L'amendement COM-73 n'est pas adopté.

L'amendement COM-82 concerne la remise d'un rapport sur la définition d'un cadre légal pour les échanges avec les services de renseignements à l'étranger. La commission est traditionnellement défavorable aux demandes de rapport. Le sujet est cependant en effet particulièrement sensible, du fait de la récente décision de la CEDH.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Madame la rapporteur, je comprends l'avis défavorable, mais peut-être la délégation parlementaire au renseignement (DPR) pourrait-elle de se pencher sur le sujet ? Cela pourrait faire l'objet d'un travail et d'un rapport au cours de l'année.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Le sujet vient de faire l'objet d'une décision de la CEDH ; il est nécessaire d'y travailler, sous peine de compliquer les échanges avec un certain nombre de services de pays alliés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Vaugrenard est présent dans trois instances : la DPR, la CNCTR et la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS). Il est bien conscient du fait que nous ne sommes pas favorables aux rapports, mais il nous indique que les autres pays sont en avance sur nous et qu'il faut assurément traiter le sujet. Bien sûr, la DPR est le lieu idoine pour cela ; mais, comme vous le savez, les échanges y sont confidentiels.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Les rapports comportent malgré tout une partie publique, qui est conséquente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Depuis M. Urvoas, le rapport de la DPR est devenu substantiel ; avant cela, on n'y trouvait pratiquement rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il serait souhaitable que nous ayons une analyse précise des effets de la décision de la CEDH relative aux échanges de données.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce serait d'autant plus précieux que, selon la CEDH, cette question doit être soumise à un contrôle indépendant. Si cela n'est pas mis en oeuvre, la CEDH pourra nous le faire observer.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je cite un cas très simple : la France avait arrêté sur son territoire une personne d'origine libanaise pour un problème de fraude fiscale ; relâchée, cette personne vient d'être extradée aux États-Unis, car il s'avérait qu'elle finançait le Hezbollah. Cela prouve que les États-Unis ont plus de moyens que nous pour surveiller nos propres ressortissants. La coordination est donc nécessaire.

L'amendement COM-82 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 7

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-2 inclut parmi les finalités des techniques de renseignement la lutte contre le financement du terrorisme et du trafic d'armes. Cet amendement est satisfait ; ces finalités sont déjà incluses à l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je veux bien supprimer le trafic d'armes. En ce qui concerne le financement du terrorisme, la directrice de Tracfin, lors de son audition, n'était pas opposée à une précision dans cet article L. 811-3.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

La lutte contre le terrorisme inclut par nature le financement du terrorisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je redéposerai l'amendement en séance.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-3 vise à étendre la durée de conservation des informations nécessitant une traduction. On comprend l'objet de cet amendement, mais, rédigé ainsi, il ne permet pas d'atteindre l'objectif poursuivi. La conservation au-delà de la durée prévue serait destinée à de pures finalités techniques, à l'exclusion de toute finalité de surveillance. Avis défavorable.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

Article 8

L'amendement de précision COM-104 est adopté.

L'amendement de précision COM-92 est adopté.

Article 10

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-44 supprimerait l'article 10, qui conforte les capacités des services de renseignement à utiliser l'IMSI-catcher après l'arrivée de la 5G. Avis défavorable.

L'amendement COM-44 n'est pas adopté.

L'amendement rédactionnel COM-105 est adopté.

Article 11

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Les amendements identiques COM-106 et COM-115 limitent l'expérimentation des techniques d'interception des correspondances par voie satellitaire aux seuls services du premier cercle.

Les amendements COM-106 et COM-115 sont adoptés.

L'amendement COM-63 réduit d'un an les réquisitions sur les communications satellitaires. En passant de quatre à trois ans, le délai paraît trop court. Avis défavorable.

L'amendement COM-63 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 11

Les amendements COM-37 et COM-38 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 12

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-45 supprime la pérennisation des algorithmes. Avis défavorable.

L'amendement COM-45 n'est pas adopté.

Article 13

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Par les amendements COM-107 et COM-62, nous souhaitons placer l'extension des algorithmes aux URL sous un régime expérimental. Le traitement serait autorisé jusqu'au 31 juillet 2025, avec un recours au Parlement pour décider de sa prorogation ; la date s'aligne sur celle prévue pour l'interception des communications satellitaires. L'amendement COM-62 retient comme fin de l'expérimentation l'année 2024.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L'expérimentation que nous avions souhaitée a porté ses fruits. Aujourd'hui, le système concernant les algorithmes devrait être pérennisé dans de bonnes conditions.

L'amendement COM-107 est adopté.

L'amendement COM-62 n'est pas adopté.

Article 15

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-1 vise à supprimer l'article 15 ; cela reviendrait à supprimer toute la conservation des données de connexion au bénéfice des services de renseignement et de la lutte contre la criminalité grave ; avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'amendement COM-108 précise un certain nombre de dispositions de l'article 15, notamment sur les données conservées.

L'amendement COM-74 supprimerait l'injonction de conservation rapide. Nous nous interrogeons sur cette procédure d'injonction ; toutefois, elle fait le lien entre les données conservées et l'institution judiciaire. Nous avons donc besoin de garder cette injonction.

L'amendement COM-108 est adopté.

L'amendement COM-74 devient sans objet.

Article 16

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-46 ferait de l'avis de la CNCTR sur les techniques de renseignement un avis conforme. Il est largement satisfait, puisque le Conseil d'État sera saisi de toute décision contraire du Premier ministre à un avis de la CNCTR, ce qui ne s'est encore jamais produit. Avis défavorable.

L'amendement COM-46 n'est pas adopté.

Article 16 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-109 prévoit que la CNCTR est informée des avis rendus par un seul de ses membres statuant dans des procédures d'urgence, notamment dans le cadre d'installation de dispositif à domicile. De manière générale, l'article 16 bis simplifie les procédures pour assurer la maintenance ou retirer des balises à domicile.

L'amendement COM-109 est adopté.

Article 17

L'amendement rédactionnel COM-87 est adopté.

Article 17 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Les amendements identiques COM-110 et COM-116 concernent la transmission du rapport par la DPR.

Les amendements identiques COM-110 et COM-116 sont adoptés.

Article additionnel après l'article 17 bis (nouveau)

Les amendements identiques COM-111 et COM-117 sont adoptés.

Articles additionnels après l'article 17 ter (nouveau)

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-80 revient sur la question des échanges avec les services étrangers des organismes internationaux. Tant que nous n'avons pas travaillé sur le sujet, il est trop tôt fixer des orientations. Avis défavorable.

L'amendement COM-80 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-81.

Article 18

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

L'amendement COM-39 supprime la condition de « menace imminente ». Cette disposition a été ajoutée sur la recommandation du Conseil d'État. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Tous ceux qui ont regardé le match de football hier soir ont pu constater qu'un deltaplane pouvait pénétrer tranquillement dans un stade. Il faut donc éviter que des drones malveillants ne viennent perturber les manifestations sportives. Le brouillage, loin d'être attentatoire aux libertés, est une vraie mesure de défense.

L'amendement COM-39 n'est pas adopté.

Article 19

Concernant l'amendement COM-113, nous ne sommes pas favorables à la communicabilité des archives intéressant la défense nationale à l'issue de 75 ans et avec un système de réexamen glissant tous les dix ans. Avis défavorable, de même qu'aux amendements COM-7, COM-60, COM-75 rectifié, COM-83, COM-4, COM-57, COM-76 rectifié, COM-84, COM-6, COM-59, COM-78 rectifié et COM-94.

En revanche, avis favorable aux amendements COM-5, COM-58, COM-77 rectifié et COM-85.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cela fait beaucoup d'amendements émanant d'instances et de sénateurs différents qui, à ce stade, sont balayés. J'espère que cela implique une nouvelle discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Tout à fait. Ces amendements, le plus souvent identiques, soulèvent une question, mais n'apportent pas de solutions. L'amendement COM-112 prévoit que seuls les documents qui révèlent de nouvelles informations en matière de renseignement sont protégés.

Les amendements COM-113, COM-7, COM-60, COM-75 rectifié, COM-83, COM-4, COM-57, COM-76 rectifié, COM-84, COM-6, COM-59, COM-78 rectifié et COM-94 ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-112 et les amendements identiques COM-5, COM-58, COM-77 rectifié et COM-85 sont adoptés.

L'avis concernant l'amendement COM-114 est favorable, sous réserve sous réserve que la dernière phrase du nouvel article 213-3-1 proposé soit supprimée.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Si Pierre Ouzoulias le rectifie maintenant, nous l'intégrons dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Les amendements identiques COM-8, COM-61, COM-79 rectifié et COM-95 offrent au juge la possibilité d'ordonner en référé la communication d'un document en cas d'avis favorable de la CADA. Le contrôle du juge doit toutefois être entier, car il lui revient de vérifier que l'administration a soupesé convenablement, d'une part, les intérêts du demandeur qui souhaite accéder à ces documents, et, d'autre part, la préservation de notre souveraineté. Avis défavorable.

Les amendements COM-8, COM-61, COM-79 rectifié et COM-95 ne sont pas adoptés.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

La réunion, suspendue à 11 h 30, est reprise à 16 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Madame la ministre, monsieur le ministre, merci d'avoir accepté de venir devant notre commission, pour vous exprimer sur le sujet de la numérisation de la justice. C'est, pour nous, une question extrêmement importante. Sans doute, elle ne fait pas la une de tous les journaux. Mais ce n'est pas l'objectif ! Il s'agit de créer de bonnes conditions de travail pour nos magistrats, nos greffiers, nos policiers, les avocats, tous ceux qui collaborent à l'oeuvre de justice. Ces conditions sont compliquées, parfois incompréhensibles, du fait de difficultés techniques majeures qui occasionnent une perte de temps importante et, au lieu de simplifier les choses, les complexifient. Sans vouloir paraître pessimiste, je tiens à ce que nous ayons un débat de vérité. Je sais que vous avez travaillé sur le sujet, que vous avancez, je n'ai pas de doute.

Voici tout de même quelques éléments de contexte. Les crédits de paiement consacrés à l'informatique du ministère s'élèvent en 2021 à 267 millions d'euros, contre 242 millions d'euros en 2020. C'est donc une augmentation très nette de 10 %, à périmètre constant. Outre 50 emplois créés au secrétariat général du ministère, un peu plus de 206 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus en 2021 au profit du plan de transformation numérique 2018-2022, contre 177 millions d'euros en 2020. Là encore, c'est un progrès incontestable. Lors de votre audition sur le projet de loi de finances pour 2021, monsieur le garde des sceaux, vous aviez précisé que 353 millions d'euros de crédits de paiement auront été dépensés à la fin de l'année 2021, sur les 530 millions d'euros dont ce plan, d'une durée de cinq ans et qui doit s'achever en 2022, est doté.

Pour autant, la crise sanitaire a mis en lumière les dysfonctionnements structurels dont souffrent nos juridictions en matière numérique, qu'il s'agisse d'équipements bureautiques ou, surtout, de solutions logicielles qui, pour partie, sont dépassées. Lors de nos déplacements dans les juridictions, et au cours d'entretiens avec les magistrats, les greffiers et les avocats, nous avons constaté des difficultés réelles, concrètes, pratiques. Nous avons constaté l'urgence qu'il y avait à faire avancer ce sujet.

Au tribunal judiciaire de Lyon, en mars dernier, les greffiers nous ont alertés, par exemple, sur les conditions de mise en oeuvre de la réforme de l'intermédiation financière des pensions alimentaires. Celle-ci nécessite la transmission d'informations entre les juridictions et les caisses d'allocations familiales (CAF). Les CAF disposent d'un outil informatique qui est assez performant, mais qui ne communique pas avec le logiciel de la justice civile! Les greffiers doivent ainsi ressaisir toutes les informations permettant d'assurer l'exécution de la décision du juge.

C'est pourquoi nous avons souhaité vous entendre cet après-midi. Mon propos ne se veut pas désagréable, mais l'on observe que les juridictions commerciales ou les juridictions administratives, plus petites, certes, sont devenues très performantes. Pourquoi ces difficultés dans l'institution judiciaire ? Nous devons progresser collectivement sur ce point. C'est un service que nous devons à nos magistrats, greffiers, avocats, policiers et surtout à nos concitoyens. Ce n'est ni un cri d'alarme ni un cri de désespoir que je pousse : je ne fais qu'exprimer la volonté politique de la commission de contribuer à des avancées significatives dans ce domaine.

Pouvez-vous nous présenter l'organisation, au sein du ministère, du pilotage de la numérisation de la justice ? Quelles sont les améliorations que vous souhaitez ? Pourriez-vous nous faire un bilan de la mise en oeuvre du plan de transformation numérique et des moyens mis en place ? Enfin, parmi les exemples parlants, je pense à la signature électronique des actes en matière civile et pénale, où en est-on ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Ni cri d'alarme, ni cri de désespoir : vous avez raison de ne pousser ni l'un ni l'autre, monsieur le président, parce que nous sommes en train de progresser, et que nous avançons à grands pas. J'ai la volonté farouche de faire avancer le numérique, qui est un outil essentiel pour les magistrats, les greffiers, les avocats, les huissiers, mais surtout, aussi, pour le justiciable, qui peut remplir par le truchement du numérique son dossier d'aide juridictionnelle, et avoir accès aux différentes étapes de la procédure civile.

Merci d'avoir organisé cette audition, qui s'inscrit bien sûr dans une logique d'information du Parlement, qui était la mienne dès le vote du budget 2021.

Au regard de l'importance des enjeux de la transformation numérique de la justice, j'ai mis en place de façon informelle un rendez-vous bisannuel de suivi de la transformation numérique de mon ministère pour, d'une part, les rapporteurs budgétaires des commissions des finances et des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale et, d'autre part, les services du ministère de la justice spécifiquement en charge de ces questions. La première édition s'est d'ailleurs tenue le 5 février dernier.

Lorsque j'ai pris mes fonctions en juillet 2020, nous sortions d'un premier confinement, qui avait fortement affecté le ministère de la justice. Les défis à relever étaient de taille, avant même d'engager les grandes réformes que je porte aujourd'hui devant vous. J'ai bien sûr constaté l'investissement des services et des agents pour relever les défis de cette crise, et je veux ici saluer les efforts considérables de tous les professionnels de la justice pour se relever et déployer les moyens numériques qui ont permis à l'institution judiciaire de fonctionner durant cette période. Grâce à ces efforts, toutes les missions de la justice ont pu être maintenues à l'occasion du second confinement.

L'engagement de la Chancellerie dans sa transformation numérique est total. J'en veux pour preuve l'investissement budgétaire réalisée chaque année en la matière, avec une ambition portée à 232 millions d'euros pour 2021. C'est un effort sans précédent en matière numérique pour la justice - et ce, sans même parler du plan de relance.

Pour une numérisation réussie de l'administration de la justice, je porte trois grandes orientations.

Premièrement, nous avons d'abord réalisé un effort inédit de mise à niveau des équipements du ministère. La modernisation des infrastructures du ministère nous est apparue indispensable pour améliorer la qualité et la fiabilité des services numériques existants. La crise sanitaire a fortement accéléré ces travaux, et j'entends bien poursuivre cet effort en 2021 et en 2022. Pour cela, j'ai obtenu un financement à hauteur de 5 millions d'euros au titre du plan de relance.

Face à cette crise, la toute première urgence était d'augmenter massivement les capacités de connexion au réseau du ministère de la justice. En quelques semaines, nous sommes passés de 2 000 accès simultanés à plus de 30 000. Les sites équipés en fibre optique sont passés de 198 en 2017 à 979 en 2021. Une augmentation significative de la dotation en équipements a été réalisée ces derniers mois. Nous sommes passés de 7 500 ordinateurs portables en 2017 à 44 000 en juin 2021 : 100 % des magistrats sont équipés ; 39,5 % des fonctionnaires de greffe et 41 % pour les autres fonctions. Prochainement, 6 000 ordinateurs portables seront distribués, prioritairement aux greffes.

S'agissant de l'accès aux applicatifs métier, il convient de préciser que les trois applications essentielles pour la justice pénale - Cassiopée, API et le casier judiciaire - sont désormais accessibles à tous, et à distance. Les applicatifs nécessaires au traitement à distance des contentieux civils sont également opérationnels, et je peux annoncer que, depuis mai 2021, 100 % des juridictions civiles ont un accès en ligne à leurs logiciels métier.

Nous avons aussi continué à travailler pour rendre accessible à distance de nouveaux applicatifs, en particulier ceux des cours d'appel et des juges pour enfants statuant en assistance éducative. Une expérimentation est actuellement en cours, à Metz, avec de premiers résultats particulièrement encourageants. Par ailleurs, le ministère travaille au déploiement des autres outils numériques au profit de tous les utilisateurs. Près de 2 500 équipements de visioconférences sont déployés. En mai 2021, une convention nationale a généralisé et simplifié la communication électronique pénale entre les juridictions et les barreaux. Notamment, l'outil PLEX (PLateforme d'échanges EXterne) permet la communication électronique de procédures avec les avocats et a concerné l'envoi dématérialisé de près de 400 000 procédures l'an passé.

Nous devons avoir, monsieur le président, le souvenir commun de l'époque de la photocopie des dossiers, à 3 francs la page : il fallait six mois pour obtenir une copie de dossier. Cela se fait maintenant en un clic.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Un outil facilitant la communication électronique avec les huissiers est également en cours d'expérimentation.

Troisièmement, des bornes WiFi ont été déployées, leur nombre passant de 433 en 2017 à 4 200 en 2021.

Quatrièmement, mes équipes ont travaillé afin de disposer d'une signature électronique équivalente à la signature manuscrite papier, ayant la même force probante, pour pouvoir dématérialiser les dossiers de procédure. Les premiers déploiements réalisés avec succès ont d'abord eu lieu sur la procédure pénale numérique. Sur les 24 sites bénéficiant de la numérisation des procédures correctionnelles, la signature manuscrite est remplacée par la signature électronique pour tous les actes qui y sont établis. Récemment, à Paris, le jugement relatif à l'affaire du Mediator a ainsi été signé électroniquement pour faciliter son envoi électronique à des milliers de parties civiles.

J'ai souhaité ensuite fixer un cap très clair, qui est de recentrer les trajectoires des grands projets numériques sur la justice du quotidien, avec un bénéfice immédiat pour le justiciable. Les réformes législatives, l'émergence de nouveaux projets, la crise sanitaire, les difficultés inhérentes à tout projet informatique ont pour partie bouleversé le déroulement du plan décidé en 2017. Actuellement, les moyens qui y sont consacrés, à savoir 260 emplois dédiés au plan de transformation numérique et un budget d'investissement de 530 millions d'euros sur cinq ans, sont affectés à plus d'une centaine de projets d'ampleurs très diverses. Pour y mettre bon ordre, j'ai souhaité prioriser douze projets afin de placer au coeur de notre stratégie numérique le bénéfice immédiat pour le justiciable. Je pense par exemple à la dématérialisation de la procédure pénale, à la dématérialisation de l'aide juridictionnelle, au logiciel « Parcours » mis à la disposition des éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse pour mettre en oeuvre le nouveau code de justice pénale des mineurs, à la justice civile numérique, ou à la dématérialisation de la gestion du travail d'intérêt général.

La procédure pénale peut être entièrement numérique, de bout en bout : depuis la plainte de la victime jusqu'au jugement. C'est un gain de temps et d'efforts pour tous les professionnels du droit, notamment pour les avocats, qui peuvent disposer plus rapidement des procédures nécessaires à la défense des intérêts de leurs clients. C'est aussi un net allégement des formalités qui pèsent au quotidien sur les policiers et les gendarmes, qui sont dispensés désormais d'établir des copies de leurs procédures. C'est également un gain pour les fonctionnaires du greffe, qui assument actuellement des missions d'archivage, de manutention et de reprographie.

La procédure pénale numérique (PPN) s'articule autour de plusieurs phases. D'abord, l'automatisation du traitement des procédures sans poursuites, dans toutes les juridictions métropolitaines, d'ici décembre 2021, pour autoriser l'enregistrement sans manipulation humaine de près de 2 millions de procédures par an, ainsi que l'information des victimes des suites données à leur plainte. Concrètement, les usagers pourront obtenir en ligne le résultat du traitement de leur plainte. À ce jour, cette phase a été déployée dans 61 tribunaux. Puis, la numérisation des procédures correctionnelles au sein d'une quarantaine de juridictions, afin d'y tenir d'ici mars 2022 des audiences correctionnelles numériques. La signature manuscrite est remplacée par la signature électronique. Cela a été déployé dans 24 tribunaux. Les outre-mer bénéficieront évidemment du déploiement de la PPN, qui sera par exemple installée à Saint-Pierre de la Réunion dès cet automne. Les services de la PPN seront disponibles dans toutes les juridictions de France d'ici décembre 2023.

J'ai souhaité mettre en place une maîtrise des coûts, et faire évoluer les méthodes de travail. Ces efforts sont menés de manière coordonnée, en lien étroit avec les services de la ministre de la transformation et de la fonction publique, que je veux ici chaleureusement remercier pour son aide et ses conseils précieux.

Les mesures nouvelles de suivi des projets sont mises en oeuvre avec le développement d'un outil de comptabilité analytique. Le ministère de la justice s'est rapproché de la direction interministérielle du numérique afin de capitaliser sur de bonnes pratiques, dont l'organisation de revues de projet sur les douze projets phares du ministère.

Enfin, pour mener cette transformation, le ministère de la justice n'a pas hésité à se faire accompagner, avec l'appui de la ministre de la transformation et de la fonction publique. À ma demande, le Premier ministre a accordé un financement supplémentaire de plus de 53 millions d'euros. La collaboration étroite des services de nos deux ministères nous permet d'envisager que le ministère de la justice puisse, sur le long terme, assumer ses responsabilités avec ses propres compétences.

Un pilotage externalisé des chantiers numériques pourrait en apparence présenter des avantages : rapidité, agilité... Toutefois, la Cour des comptes a rappelé dans son rapport sur les grands projets numériques de l'État qu'il convient de garder un juste équilibre entre internalisation et externalisation, car la maîtrise technologique ne suffit pas : la connaissance des métiers est tout aussi essentielle pour réussir notre transformation numérique. C'est en travaillant en proximité avec le terrain, les greffiers, les magistrats, les tribunaux, les agents de l'administration pénitentiaire, les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, que nous réussirons notre transition numérique. Je tiens donc à ce que le ministère conserve son autonomie numérique. J'ai réalisé 50 nouveaux recrutements au sein du secrétariat général pour le numérique à cette fin.

Enfin, j'ai souhaité valoriser le respect de trois grands principes en réaffirmant le rôle clé du ministère de la justice à l'heure du numérique. La justice est une institution humaine. Sa transformation numérique doit y contribuer, en la rendant plus accessible, plus lisible pour nos concitoyens et en leur assurant les mêmes garanties de droit, que la procédure soit numérique ou en papier. La protection des données est un enjeu majeur pour tous nos concitoyens. Je veille à ce que tous les traitements de données à caractère personnel donnent lieu à une information et à une voie de recours pour tous nos concitoyens.

La mise en oeuvre de l'open data des décisions de justice est tout aussi capitale : le numérique, c'est aussi le moyen de rendre la justice plus transparente et accessible. Dès cet automne, l'open data des décisions du Conseil d'État et de la Cour de cassation favorisera l'accès au droit. À terme, et au plus tard en 2025, plus de 350 000 décisions seront concernées chaque année pour l'ordre administratif, et plus de 3,5 millions de décisions pour l'ordre judiciaire.

Je veille enfin tout particulièrement à l'inclusion de tous les citoyens et au risque d'exclusion liée à la fracture numérique. Les efforts menés pour l'inclusion des personnes en situation de handicap doivent également être menés en matière numérique. Pour cela, un audit sur les démarches en ligne de mon ministère a été réalisé et un travail est engagé pour favoriser leur accessibilité. Partout sur le territoire, des points justice ont été intégrés aux maisons France Service, permettant à chacun de trouver au plus près de chez lui l'appui dont il a besoin pour ses démarches numériques.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques

Je vous remercie pour cette opportunité d'échanger sur un sujet qui est au coeur des préoccupations des Français, et du Gouvernement dans son ensemble. C'est, je le sais, une préoccupation partagée par votre commission. La transformation numérique de nos services publics est une priorité. Elle concerne en premier lieu le service public de la justice, et nous y travaillons en étroite collaboration avec le garde des sceaux, comme en témoigne cette audition conjointe, avec une relation chaleureuse et précise, alignée avec la stratégie numérique de transformation de l'action publique que je porte.

C'est un enjeu majeur car, derrière le numérique, il s'agit bien de garantir l'effectivité de l'accès au droit et au service public et donc, pour ce qui nous occupe aujourd'hui, à la justice. Je partage avec le garde des sceaux la conviction que c'est un élément fondamental de notre pacte républicain et une condition essentielle du bon fonctionnement de l'État de droit.

Cette transformation tient donc une place particulière dans le chantier majeur de la modernisation de l'administration que je conduis au sein du ministère de la transformation et de la fonction publiques, qui réunit pour la première fois dans une même maison la gestion des ressources humaines, les outils numériques des agents et des usages, et la transformation des organisations publiques.

La numérisation des services publics est une priorité de la transformation des administrations pour ce quinquennat. Le constat est simple : les Français peuvent faire leurs courses sur internet, payer leur abonnement en ligne, préparer leurs vacances depuis chez eux, mais doivent encore trop souvent réaliser les démarches administratives en papier ou se déplacer pour aller déposer un dossier auprès de services publics. Nous ne pouvons pas nous y résoudre. Nous devons faire entrer complètement nos services publics dans le XXIe siècle en y mettant la méthode, l'énergie et les moyens nécessaires.

Le Président de la République nous avait fixé un cap en 2017: en 2022, tous les services publics du quotidien devaient être accessibles en ligne. Le garde des sceaux l'a souligné : cette ambition s'est vue réaffirmée par la crise sanitaire, qui est venue renforcer les attentes de nos concitoyens pour des services publics de qualité, plus proches, plus efficaces. Cette crise sanitaire nous a également conduits à accélérer de façon très significative les chantiers que nous avions engagés.

Le ministère de la transformation et de la fonction publiques a la responsabilité du numérique de l'État. II se trouve donc au coeur de cet engagement ambitieux de numériser tous les services publics du quotidien, et il doit s'assurer de sa déclinaison dans tous les périmètres ministériels. En tant que ministre, j'exerce une pression amicale sur mes collègues ministres mais, surtout, j'apporte un soutien humain et financier pour accompagner ces transformations qui sont particulièrement lourdes pour les organisations.

Pour que chacun puisse suivre la mise en oeuvre de cet engagement, je publie, de manière totalement transparente, tous les trimestres, un point d'avancement sur la numérisation des 250 démarches les plus usuelles des Français dans tous les domaines. La dernière publication a eu lieu en avril et la prochaine aura lieu en juillet. Je vous en transmettrai une copie, monsieur le président.

Nous pouvons mesurer l'étendue des progrès accomplis : en 2017, 63 % des 250 démarches en question étaient numérisées, tous ministères confondus. Aujourd'hui, nous sommes à 83 % de numérisation. Nous visons 100 % pour 2022. Cela dit, c'est surtout la qualité qui compte. Nous nous assurons donc que chaque démarche donne l'occasion à l'usager de donner son avis, grâce à un bouton conçu à cet effet. La note moyenne recueillie sur les services publics en ligne est de 7,3/10. Nous pouvons faire mieux, d'autant que 80 % des premiers contacts avec une administration se font en ligne...

Il ne s'agit pas de tout passer sous un format numérique. Plus fondamentalement, le numérique participe à renouveler le rapport qu'ont nos concitoyens avec l'administration, notamment en facilitant le partage de données entre administrations. Le préremplissage des formulaires, par exemple, simplifie le quotidien des Français. Nous allons renforcer cette pratique, dans le respect de la protection des données personnelles, en particulier pour simplifier la demande d'aide juridictionnelle en préremplissant les ressources grâce aux données déjà connues de l'État. La partie simplification du projet de loi 4D, que je porte, contient des dispositions à ce sujet. J'aurai l'occasion d'y revenir devant votre commission demain à l'occasion de mon audition sur ce texte.

Je tiens enfin à souligner que le numérique doit être un facteur d'efficacité de nos services publics et en aucun cas ne doit se développer au détriment du maintien d'un accès diversifié aux services publics, sur tout le territoire. Il peut s'agir d'un accueil physique ou d'un point téléphonique pour les publics qui seraient éloignés du numérique. Je sais que vous y êtes, en tant que représentants des territoires, particulièrement attachés.

Pour atteindre ces objectifs ambitieux de numérisation, nous avons mis en place une stratégie de transformation numérique des administrations. Je l'ai présentée le 4 mars dernier. Cette transformation vise trois principaux publics.

Le citoyen, tout d'abord, c'est-à-dire - pour le sujet qui nous concerne aujourd'hui - le justiciable, qu'il soit particulier, entreprise ou encore association. Ce sont bien entendu ceux pour qui nous travaillons d'abord et avant tout. L'agent public, ensuite. Ce sont les hommes et les femmes dont j'ai la charge en tant que ministre de la fonction publique. Ils ont parfois été délaissés, le numérique prenant souvent le visage de l'usager, et moins celui de l'agent qui est derrière le guichet. Trop souvent, les agents ont vu le numérique comme une contrainte, voire une menace, alors qu'il est une opportunité s'il est correctement déployé, et si l'accompagnement nécessaire est prévu. Je pense aux greffiers bien sûr, aux magistrats et à tous les agents qui travaillent au quotidien pour que la justice soit rendue dans ce pays.

En matière d'équipement, nous avons déployé 185 000 ordinateurs portables à l'interministériel en un an entre mars 2020 et mars 2021. C'est plus de quatre années normales de déploiement. Nous devons aller plus loin pour simplifier les procédures, réduire l'usage du papier, développer la signature électronique... Je sais que le garde des sceaux y travaille avec beaucoup de conviction au sein de son ministère.

Le troisième public est constitué par les partenaires de l'action publique, ceux qui contribuent au service public. L'action publique, ce n'est pas que l'État : le service public de la justice dépend de professions règlementées, comme les avocats, les huissiers, ou les notaires, qui doivent être associées à cette transformation.

La stratégie de transformation que je porte repose sur trois enjeux principaux : qualité, transparence, et souveraineté. La qualité concerne l'expérience pour les usagers du service public, et les outils en interne des agents doivent permettre des gains de productivité, et donc un meilleur service.

La transparence renvoie à l'enjeu de l'open data. Notre culture administrative est souvent trop verticale et trop centrée sur l'État. L'ouverture, c'est aussi l'ouverture des données. Le Premier ministre a récemment réaffirmé notre ambition très forte en la matière dans l'ensemble des champs ministériels. Nous avons décidé d'ouvrir plus de 60 nouveaux jeux de données particulièrement demandés en 2021, comme la carte scolaire des collèges, les fichiers fonciers des personnes morales ou encore les données d'information routière en temps réel. L'open data est aussi un enjeu très important pour les décisions de justice, sur lequel nous travaillons.

Enfin, il y a un vrai enjeu de souveraineté. La souveraineté, c'est s'assurer à la fois que l'on garde la main sur les solutions que l'on achète, celles qu'on développe, et nos usages en matière de données personnelles. Le 17 mai dernier, avec Bruno Le Maire et Cédric O, nous avons présenté la stratégie du Gouvernement en matière d'hébergement et de cloud. J'ai acté que les administrations devaient mobiliser les technologies d'hébergement du meilleur niveau technologique, mais à deux conditions extrêmement strictes : d'une part, une protection de haut niveau sur les enjeux de cybersécurité, et d'autre part une protection contre toute règle extraterritoriale, afin de s'assurer que les données restent sur le territoire européen. Ce sujet de la souveraineté est particulièrement prégnant dans la justice, car les attentes de nos citoyens en matière de protection de leurs données sont très légitimes dans un domaine éminemment régalien. Je connais la préoccupation constante du garde des sceaux sur cette question.

Afin de mener cette transformation à bien, le ministère de la transformation et de la fonction publiques déploie des moyens inédits pour soutenir tous les autres ministères, notamment dans le cadre de la relance. Dès mon arrivée en juillet, j'ai souhaité renforcer les moyens dédiés à la transformation numérique de l'État et j'ai obtenu une enveloppe dédiée dans le cadre de France Relance. Jamais autant de moyens n'avaient été déployés pour le numérique de l'État.

Ces moyens, ce sont bien entendu des crédits budgétaires, avec les 700 millions d'euros du fonds pour la transformation de l'action publique lancé par le Président de la République dès le début du quinquennat, qui a notamment financé la procédure pénale numérique ou le système d'information de l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle. Ces crédits, ce sont aussi 1 milliard d'euros du plan de relance destinés à la transformation numérique des administrations d'État, dont 500 millions pilotés par mon ministère et répartis comme suit : 208 millions d'euros permettent de financer une amélioration sensible de la qualité des outils des agents, avec l'augmentation des débits réseau au sein de plus de 800 services et juridictions du ministère de la justice ; 204 millions d'euros permettent d'améliorer les services pour les usagers, et financent la numérisation des démarches judiciaires, comme la saisine du tribunal de proximité pour le contentieux locatif ; 88 millions d'euros sont destinés à la transformation numérique des collectivités territoriales.

Ces moyens, ce sont aussi des méthodes, avec le suivi des réformes prioritaires, que je réalise en toute transparence via le baromètre des résultats de l'action publique sur le site du Gouvernement. Il contient une réforme emblématique du ministère de la justice : le suivi du travail d'intérêt général et, demain, l'accès à l'aide juridictionnelle. Sur le site internet du Gouvernement, vous pouvez voir précisément le nombre de postes de travail d'intérêt général proposés en tant que peine, département par département.

Pour transformer, l'ingrédient essentiel sera toujours les femmes et les hommes qui conduisent le changement, nos agents publics. C'est la raison pour laquelle, entre externalisation et internalisation, nous portons une vraie stratégie en matière de ressources humaines au sein de la fonction publique. J'ai présenté ma stratégie pour la filière numérique publique le 20 mai dernier dans une école d'ingénieurs en informatique. Elle repose sur quatre principales actions. D'abord, renforcer l'attractivité des métiers du numérique de l'État, en améliorant notre marque employeur ; favoriser la diversité ; simplifier les modalités de recrutement, en proposant notamment des grilles salariales adaptées à la concurrence ; enfin, former les agents tout au long de leur carrière, que ce soit dans la filière numérique ou en dehors.

Enfin, mon ministère développe et déploie des services numériques mutualisés et essentiels. Je pense en particulier, en matière d'identité numérique, à FranceConnect, qui avait 500 000 utilisateurs en 2017. Il en compte 23 millions aujourd'hui. C'est FranceConnect qui permet de récupérer en ligne son certificat de vaccination, ou encore de faire sa procuration pour les élections. Nous en étendrons l'usage au maximum de démarches relevant du ministère de la justice.

Je ne vais pas revenir bien entendu sur les points détaillés par le garde des sceaux à l'instant. Nous sommes en train d'accélérer, avec des échéances qui se calculent non plus en années mais en mois, notamment pour la PPN, l'aide juridictionnelle ou encore le travail d'intérêt général. Mes équipes sont mobilisées pour appuyer la Chancellerie sur ces différents travaux.

Nous voulons un numérique choisi, et pas un numérique subi par les Français. Le numérique dans le service public doit être un canal d'accès additionnel, en complément des guichets et d'autres canaux comme le téléphone ou l'accueil physique. Le but n'est pas d'arriver à une justice 100 % dématérialisée, mais d'offrir, à ceux qui le souhaitent et à ceux qui le peuvent, la capacité de réaliser leurs démarches en ligne. C'est la raison pour laquelle nous déployons très volontairement les espaces France Services. Il y en a 1 304 sur le territoire aujourd'hui, et il y en aura 2 000 en 2 022, qui offrent un bouquet de services publics : les impôts, les allocations familiales, Pôle emploi, l'assurance retraite ou encore le ministère de la justice - qui n'a jamais eu, à lui tout seul, 2 000 points d'accueil ! D'ici 2022, chaque usager pourra trouver une maison France Service à moins de 20 minutes de son domicile.

Le Premier ministre a également annoncé le 5 février 2021 le lancement d'un plan téléphone : les usagers pourront contacter un numéro de téléphone support pour toutes leurs démarches.

La transformation numérique de la justice s'inscrit donc, vous l'aurez compris, dans une ambition de transformation de nos administrations que nous portons collectivement au sein de ce Gouvernement : le sujet est abordé chaque trimestre au sein du conseil des ministres. Nous voulons améliorer concrètement le service public au quotidien pour les Français, et renforcer l'efficacité de notre action publique. Le chantier engagé est important mais, au regard de la qualité de la coopération entre mon ministère et la Chancellerie, nous ne pouvons qu'espérer que les objectifs fixés soient atteints dans les meilleures conditions et dans les meilleurs délais.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Nous nous intéressons de près au fonctionnement de la justice. Lorsque nous avons examiné le projet de budget et que nous sommes allés dans les différents tribunaux, les difficultés informatiques sont apparues nettement. La crise n'a fait que renforcer cette impression. Puisque nous allons régulièrement dans les tribunaux, je dois vous dire que nous voyons une réelle progression en termes de matériel, même si le rythme de déploiement n'est pas aussi rapide que ce qui avait été annoncé. Quand un agent reçoit un ordinateur portable, celui-ci remplace son ordinateur fixe. C'est intelligent, et cela permettra un déploiement plus rapide.

Le problème semble plutôt être du côté des logiciels. Lorsque nous étions à Lyon, nous avons vu que la réforme de l'intermédiation financière des pensions alimentaires était ralentie par le manque d'interfaces : la greffière nous montrait qu'elle devait tout ressaisir à la main - sans possibilité de sauvegarde intermédiaire ! Le logiciel Cassiopée utilise WordPerfect, que tout le monde a abandonné depuis 30 ans, sauf le ministère de la justice... Nous avons vu une greffière essayer de saisir une peine, avec par exemple de la prison ferme, du sursis et une obligation de soins : elle a bien saisi les données mais, dans le résultat, il manquait l'obligation de soins. Il a donc fallu qu'elle aille bidouiller le système pour pouvoir l'ajouter et l'imprimer ! Ce ne sont que de petits embarras, certes, mais ils se cumulent, et lassent les agents. Qu'avez-vous prévu pour améliorer ces systèmes ?

La juridiction unique nationale des injonctions de payer (Junip) semble abandonnée pour plus de proximité, mais aussi, peut-être, pour des problèmes techniques. Pouvez-vous nous en dire plus ? C'était attendu par certains tribunaux. Sur la signature électronique, vous nous avez répondu : les juridictions l'attendent aussi. Le point justice dans les maisons France Service est davantage un projet qu'une réalité : il n'y a pas toujours un fonctionnaire disponible pour répondre aux questions.

Pour terminer sur une note positive, nous étions à la réunion, ma collègue Agnès Canayer et moi-même, le 5 février, et nous avons pu voir la mise en place des travaux d'intérêt général : il y a des avancées, mais des dysfonctionnements perdurent.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je suis sénateur alsacien et mon département a les mêmes attentes que le reste du territoire français en matière de numérique. Mais nous avons en plus un droit local, alsacien mosellan. Voilà qui n'est pas fait pour simplifier la situation... Je souhaite vous interroger sur le registre des associations d'Alsace et de Moselle, qui est différent du répertoire national des associations qui concerne le reste du pays. Il est tenu par voie électronique mais, contrairement au répertoire national des associations, il n'est pas consultable sur Internet et il n'est pas non plus possible d'accomplir les démarches d'inscription ou de modification en ligne. Il nous paraît pourtant souhaitable que le système national du répertoire national des associations soit étendu aux associations de droit local. Toutes les questions de principe et financières sont déjà tranchées. Pourriez-vous, monsieur le garde des sceaux, examiner cette affaire et la faire avancer ?

Ma seconde question s'adresse à Mme la ministre chargée de la transformation numérique. Le taux de satisfaction des usagers est reflété par la note de 7,3 / 10 que vous avez évoquée. Je souhaite me faire l'interprète des « 2,7 » restant, qui correspondent à des problèmes qui nous remontent. Il y a encore une difficulté en ce qui concerne l'accompagnement d'une partie de la population, qui ne trouve pas, pour maintes raisons, la solution qu'elle recherche.

Vous avez l'intention de mettre en oeuvre un important plan numérique dans ce pays, sans qu'il s'agisse de substituer le numérique à tous les contacts : j'ai bien noté qu'il y aura encore de l'accueil physique, et un numéro de téléphone de contact. Mais lorsqu'on se connecte, par exemple, pour obtenir un permis de conduire, ce n'est que tout en bas de page qu'il est indiqué que, si l'usager ne peut pas faire cette démarche par voie numérique, il est possible d'aller en préfecture pour être accompagné... Et ensuite, en préfecture, le référent est parfois bien difficile à trouver. Il faut prendre en compte tous les besoins, et ceux-ci nous sont relayés par les élus locaux. Si vous mettez en place un numéro de téléphone support, de grâce, évitez les arborescences infinies où l'on vous demande de taper 1, puis de taper 2, en vous faisant attendre indéfiniment !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

J'ai été comme vous, bien évidemment, et comme tout le monde, catastrophée par le meurtre de Mérignac. Cette affaire est tellement significative qu'une mission d'inspection a été diligentée pour essayer de la tirer au clair. Elle a montré plusieurs dysfonctionnements dans la transmission de l'information entre la police et la justice. Cette femme avait porté plainte, son mari violent était recherché par la police, et cet individu s'est présenté deux fois à des convocations de l'administration pénitentiaire sans être inquiété. Pensez-vous que des outils informatiques plus performants auraient pu permettre d'éviter ce drame ? Ou croyez-vous que le monde de la justice et celui de la police sont hermétiques de façon presque philosophique ? Quelles évolutions prévoyez-vous pour éviter que de telles défaillances et de tels drames se reproduisent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il y a longtemps que les juges des tribunaux de commerce attendent une adresse en « justice.fr ». Ils travaillent sur leurs boîtes personnelles, ce qui pose un certain nombre de problèmes, comme nous l'avions signalé lors du budget. Votre ministère avance-t-il sur ce dossier ? Vous avez parlé de souveraineté et de protection. Pour ces dossiers, avez-vous recours à des cabinets privés ? Le ministère de la santé y a recours pour faire des évaluations. Vous avez engagé une cinquantaine de personnes sur ces dossiers au ministère. J'en conclus que vous traitez la question en interne. Pouvez-vous nous le confirmer ? Y a-t-il un impact financier du Brexit sur le système informatique et numérique du ministère ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je n'ai pas entendu dire qu'il y ait un impact du Brexit sur le développement numérique de la Chancellerie. Je vais me renseigner. Je sais par contre que plusieurs décisions prises outre-Manche, en matière de mandats d'arrêt européen et de procédure civile, nous préoccupent.

M. Reichardt est alsacien, je le sais d'autant plus qu'il a écrit dans les Dernières nouvelles d'Alsace qu'il m'impute - à tort - la fin de la commission du droit local d'Alsace-Moselle. Tout le monde peut se tromper... Au contraire, j'ai tout fait pour restaurer cette commission, parce que je suis attaché au droit local d'Alsace-Moselle, comme j'ai eu l'honneur d'aller le dire à Strasbourg. J'avais d'ailleurs chargé la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, de piloter un certain nombre de réunions pour restaurer cette commission si chère au coeur des Alsaciens et des Mosellans. J'ai reçu en avril dernier un rapport proposant le rétablissement de cette commission sous un nouveau format, avec un rattachement au Premier ministre, une composition rénovée, des attributions et une organisation renforcées. Mes services travaillent actuellement à la rédaction du projet de décret, qui s'inspirera de ces préconisations. Un avant-projet sera soumis avant l'été à l'arbitrage du Premier ministre. Nous nous étions engagés à redonner vie à cette commission importante.

Vous m'interrogez sur les féminicides. Vous me posez une question singulière et infiniment délicate : aurait-on pu éviter ? On ne peut pas répondre à cette question, tant il est vrai qu'on ne peut pas réécrire l'histoire. On peut d'autant moins la réécrire que, par les temps qui courent, on a une vision de la justice exclusivement fondée sur le fait divers. On en demande davantage au ministère de la justice qu'il y a dix ou quinze ans : on lui demande non seulement de juger les crimes, mais aussi de les compter. Et chaque fois qu'un crime est commis, c'est la faute du ministère de la justice !

Pourtant, nous sommes au rendez-vous des efforts que nous avions promis de faire, qu'il s'agisse des téléphones grave danger, des bracelets anti-rapprochement ou des ordonnances de protection. J'ai dû recadrer les choses il y a peu, dans une circulaire, en disant en substance que les bracelets anti-rapprochement ne pouvaient pas rester dans les tiroirs : on en a augmenté l'utilisation de 100 %. Je m'en félicite. J'ai constaté également que des téléphones grave danger avaient été distribués par la Chancellerie. Sans doute sont-ils mieux utilisés que les bracelets anti-rapprochement parce que les magistrats se sont davantage emparés de cet outil, qui est aussi plus ancien. Parfois, aussi, la victime ne souhaite pas qu'un bracelet anti-rapprochement soit posé, il faut aussi le dire ! La plateforme qui centralise ces appels et ces alertes nous a communiqué des chiffres impressionnants. On évite beaucoup de crimes, beaucoup d'agressions, qui ne feront jamais la une des journaux. La Chancellerie a été au rendez-vous de ses obligations, légitimes, en distribuant ces outils dans toutes les juridictions, et en demandant aux juridictions qu'elles les utilisent, au mieux et au maximum.

Certes, l'inspection conjointe que nous avons demandée révèle un certain nombre de dysfonctionnements. Nous avons demandé s'ils étaient, ou non, constitutifs d'une faute déontologique. Nous aurons la réponse à la fin de ce mois. En tous cas, un certain nombre de dysfonctionnements ont été mis en lumière. Oui, il y avait un problème de coordination. Et le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice conduisent des travaux visant précisément à améliorer la prise en charge des victimes, notamment pour les faits de violence conjugale. C'est le ministère de l'intérieur qui pilote le dossier. Nous avons déjà une plateforme de signalement disponible pour les seules violences sexuelles et sexistes. Nous souhaitons l'élargir. Des travaux sont en cours. Le portail existant sera rebaptisé « plateforme nationale d'aide aux victimes », et son périmètre sera étendu à d'autres infractions. En tous cas, il est indispensable que les services se coordonnent davantage et qu'on ne laisse pas passer des informations capitales.

Aurait-on pu éviter ? Peut-on tout éviter ? On essaie, bien sûr, de faire au mieux avec ces outils, mais vous n'empêcherez jamais, malheureusement, un fou furieux de s'affranchir d'une injonction d'éloignement ou des règles que fixe un bracelet anti-rapprochement, et de contourner la protection du téléphone grave danger.

Il y a 1 992 points justice, madame Vérien, ce n'est pas une illusion, c'est une réalité. J'en ai visité, intégrés à France Services : il y a tout sur place. Ces points justice s'adressent à des gens défavorisés, fragiles. On y retrouve une sorte de délocalisation de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Il y a une maison France Services dans ma commune : encore faut-il qu'une personne compétente soit disponible !

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Cela ne peut pas être un permanent, en effet. Mais il y a déjà 1 992 points ouverts. Par ailleurs, en doublant le nombre de délégués du procureur, nous avons permis à ceux-ci d'aller là où des infractions de basse intensité sont commises. Je recevrai bientôt les retours d'expérience de cette justice de proximité pénale. Je pense que les chiffres seront encourageants.

Vous m'avez parlé de deux situations où cela ne fonctionnait pas bien. Nous avons mis en place un point d'entrée unique de déclaration et de suivi des incidents pour l'ensemble des agents du ministère, précisément pour répondre à ces problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Comme les dysfonctionnements sont récurrents, les agents n'appellent pas systématiquement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Il existe effectivement une difficulté, car il n'y a pas de lien direct d'échange entre le logiciel WinCI-TJ et le portail de la CAF. Il s'agit d'un choix de sagesse, qui tient à l'ampleur du chantier et aux risques inhérents au transfert des données. Toutefois, ces deux exemples ne doivent pas entraver notre optimisme quant au fonctionnement du numérique dans ce ministère. Nous avons fait des efforts considérables, et nous avons des outils qui fonctionnent bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Et pourtant, j'ai au moins trois exemples de lieux où des problèmes persistent : Paris, Lyon, et Auxerre.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Qu'il y ait eu des incidents dans ces trois villes ne peut suffire à ternir l'optimisme qui est le mien, qui n'est pas un optimisme béat, quant au fonctionnement du numérique dans notre ministère. La justice de proximité est quelque chose qui me tient à coeur, et j'ai tous les jours des retours positifs sur le fonctionnement des différents outils. Je ne l'ai pas caché, il y a eu certains retards, certaines difficultés issues de la covid. Mais de véritables améliorations ont été apportées, avec de véritables services rendus. Dès mon arrivée au ministère, j'ai veillé à prioriser les choses, considérant que qui trop embrasse mal étreint, pour aboutir à douze grands chantiers que nous allons mener à leur terme, et ce, dans les délais.

La PPN ne posera pas de difficultés, puisque les applications informatiques concernées sont, pour l'instant, uniquement dédiées au stockage de dossiers. En revanche, la conception de Cassiopée rend très complexe et lourde l'intégration de réformes législatives successives. Mais le sujet est moins la refonte de Cassiopée que l'évolution de notre doctrine en matière de trame. Par exemple, pour la mise en oeuvre du code de la justice pénale des mineurs, mes services ont revu toute leur organisation - pensez qu'ils doivent coder des trames de 160 pages modifiables à volonté ! Il s'agit d'un travail de long terme, qui, s'il n'est pas prévu dans l'actuel plan de transformation numérique, devra absolument être mis à l'agenda dans un délai bref.

Nous estimons que le projet de juridiction nationale des injonctions de payer se situe trop loin de la réalité pour le faire aboutir. D'abord, ce projet est très éloigné de mes préoccupations de proximité, et le choix de centraliser ces injonctions de payer en une juridiction unique nous semble assez peu compatible avec l'objectif du Gouvernement, à savoir renforcer une justice proche du justiciable. Ensuite, sur le plan budgétaire, il aurait nécessité des dépenses de recrutement importantes dans un contexte économique difficile. Par ailleurs, le développement de solutions numériques permet de pallier les difficultés inhérentes au traitement des injonctions de payer, c'est pourquoi la juridiction nationale des injonctions de payer n'est plus à l'ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Ma question portait sur la numérisation du registre des associations. J'aimerais obtenir une réponse par écrit.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin, ministre

Dans le plan de relance, 200 millions d'euros sont consacrés aux outils des agents publics, 200 millions d'euros aux démarches numériques, et 80 millions aux collectivités. À chaque fois que nous appuyons et finançons un projet, nous testons les applicatifs métiers avec les agents. Dans l'ensemble de la politique de transformation de l'État, nous sommes passés à une logique d'amélioration continue, en rupture totale avec les périodes précédentes. Pour résumer, dans de nombreux cas, un cahier des charges était signé, et au bout de quelques années, le projet était livré. Le travail était ensuite considéré comme terminé - que cela fonctionne parfaitement ou non ! Aujourd'hui, nous utilisons ce que l'on appelle la méthode « agile », une méthode de développement des outils numériques qui permet de procéder par « petites briques », qui sont testées en permanence et à chaque étape avec les agents et les usagers. Ce « changement de braquet » nous permet aujourd'hui d'atteindre 73 % de satisfaction dans les démarches numériques en ligne du quotidien. C'est pourquoi l'échange avec le ministère de la justice est à mes yeux très fructueux : nous apportons non seulement des moyens, mais aussi une méthode efficace, qui a mené au rétrécissement des délais. Ce schéma s'applique à l'ensemble de la politique numérique de l'État telle que je la pilote aujourd'hui. Ceci étant dit, il faut ensuite traiter les difficultés qui sont remontées au niveau central via les différents points d'accès que nous avons mis en place. Nous le faisons d'ailleurs très bien au travers de « service public plus », qui permet aux usagers de faire remonter une expérience, quelle qu'elle soit, dans n'importe quel service public, pour que nous prenions connaissance des difficultés et que nous les traitions. Cela participe également de la démarche de simplification qui consiste à ne pas multiplier les lois, car beaucoup de ces transformations peuvent se mettre en place en continu.

Concernant l'Agence nationale des titres sécurisés, je vous invite à vous rendre sur le site internet « observatoire.numerique.gouv.fr ». Vous y trouverez les 250 démarches numériques les plus usuelles des Français, évalués au travers de huit critères, comme la satisfaction, la rapidité de connexion, ou encore la possibilité d'obtenir un service de support si l'on est coincé dans sa déclaration. Là encore, nous sommes dans une démarche d'amélioration continue et transparente. Ces chiffres sont présentés chaque trimestre en conseil des ministres, et ils ont un véritable impact politique, puisque 80 % de l'accès des citoyens aux services publics se fait aujourd'hui par l'outil numérique.

Oui, nous avons recours à des développeurs extérieurs au ministère. D'une part, il est pour moi nécessaire d'écouter la Cour des comptes, qui rapporte que seuls 31 % des projets sont aujourd'hui internalisés. L'objectif est de monter à 37 %, ce qui conduirait à embaucher 400 chefs de projet expérimentés. Ré-internaliser la compétence est une politique que je mène très activement pour le compte de tous les ministères. Certains recrutements sont effectués par les ministères directement, d'autres par la direction interministérielle du numérique, qui re-déploie ensuite ce que l'on appelle des brigades d'intervention numérique sur les projets.

D'autre part, le sujet de l'hébergement de données, le cloud, doit être absolument traité. Nous avons pour cela deux options. La première est d'utiliser un cloud interne, à l'image de ceux de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et du ministère de l'intérieur. Si un nouveau projet très régalien a besoin d'être hébergé par un cloud interne sécurisé, c'est possible : les investissements seront réalisés, mais toujours dans le cadre d'une interministérialité, afin de maitriser les coûts. L'autre possibilité est d'avoir recours à un prestataire de cloud externe. Dans ce cas, nous avons fixé deux critères que je vous ai présentés. Un label de sécurité, intitulé « cloud de confiance », est délivré par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, qui vérifie en premier lieu des éléments comme le cryptage ou la sécurisation des données contre les cyberattaques. En deuxième lieu, l'enjeu est que ces données soient protégées contre les lois extraterritoriales. Cela fait suite à l'arrêt Schrems de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui avait acté la nécessité de protection des données européennes, notamment contre le cloud act américain.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Un rapport déposé à l'Assemblée nationale en février dernier a souligné le résultat globalement positif de l'expérimentation de la PPN, notamment via l'association étroite des agents et acteurs de la chaîne pénale. En effet, la PPN modifie concrètement leurs pratiques, qu'elle a pour objectif de simplifier. Pourriez-vous nous dresser un bilan de la PPN en termes de gain de temps dans les différents services participant à l'expérimentation ? Quels sont les points pour lesquels sont envisagées des adaptations ou ajustements dans la perspective de sa généralisation ?

Parmi les chantiers prioritaires en matière de numérisation du service public, vous mentionniez utilement, en mars dernier, l'équipement des agents publics. Ce sujet pose l'enjeu de la culture et des compétences numériques de ces agents. Quel retour formulent ces derniers sur l'utilisation des outils numériques de la justice ? Quelle adaptation de leur formation est envisagée pour intégrer ces nouveaux outils ? Enfin, dans quelle mesure cette compétence numérique a-t-elle vocation à être prise en compte pour les recrutements dans le secteur de la justice ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Il y a quatre ans, Nicole Belloubet, alors garde des sceaux, nous faisait part du caractère décisif du numérique pour son action ministérielle, notamment dans le cadre de réunions bimestrielles qu'elle présidait, consacrées à son déploiement. Nous savons que l'issue a été quelque peu difficile.

Cherchez-vous à réaliser une numérisation du ministère de la justice qui serait centralisée, ou, au contraire, plutôt décentralisée ? Raisonnez-vous par des grands systèmes, tels que les fameuses « chaînes civiles-pénales », ou au contraire, par l'expérience des juridictions et l'idée de faire remonter les bonnes pratiques du terrain ?

Qui travaille concrètement sur ces sujets ? S'agit-il d'informaticiens, de magistrats ? Je n'ai pas de philosophie sur ce qui doit être internalisé ou pas.

Par exemple, je note la manière époustouflante avec laquelle la profession notariale a résolu la question des signatures numériques et comment elle a maintenu ses systèmes opérationnels pendant le confinement.

J'aimerais comprendre comment le ministère traite à la fois les besoins numériques et l'environnement réglementaire et législatif. Au niveau de la chaîne pénale, vous êtes obligés de traiter les deux aspects en même temps. Les policiers nous disent qu'ils sont obligés d'attendre un traducteur pour pouvoir notifier à une personne étrangère ses droits dans sa langue, alors qu'il serait plus simple d'utiliser un ordinateur. On se dit également que vos greffiers, monsieur le garde des sceaux, ont, à l'évidence, autre chose à faire que de numéroter les pièces des procédures d'instruction.

À mon sens, le sujet de la numérisation ne peut être déconnecté de la question de la simplification, à laquelle notre président est attaché dans les débats actuels - en particulier concernant la procédure pénale. Auriez-vous des précisions complémentaires sur la manière dont fonctionne cette numérisation ?

Enfin, concernant la partie externalisée, qui est l'acheteur public ? Cette partie est-elle centralisée au sein d'une direction interministérielle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Avec les évolutions de ces derniers mois, s'il devait y avoir une nouvelle séquence de télétravail, le niveau d'accomplissement des missions des juridictions serait-il proche de 100 % ?

Les juridictions pénales seront-elles assurées d'une interface avec l'ensemble des services de police judiciaire ?

Chaque justiciable est-il assuré de savoir quand sa plainte sera classée sans suite ? C'est l'une des grandes carences du système actuel : beaucoup de gens ont une plainte classée et ne le savent pas.

Enfin, je suggère une réflexion. Il me semble, monsieur le garde des sceaux, que vous manquez de statistiques sur le fond de ce qui est jugé. Il existe des recueils de jurisprudence sur le plan conceptuel, mais, en ce qui concerne le volume traité par la justice pénale et aussi par la justice civile, les occasions sont rares de comprendre la solution de fond correspondant à un certain type de litiges. Ce qui me frappe et ne me rassure guère, c'est que ce travail est en train d'être réalisé par des legal techs privées. Avec le développement numérique du ministère, pensez-vous disposer d'indications statistiques sur le fond des jugements qui permettent un pilotage plus éclairé de la marche de la justice ?

Une maxime du business américain me semble particulièrement appropriée pour ces grands programmes : « bon, rapide, économique ; choisissez-en deux ».

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Dans le cas de la justice prédictive, on a effectivement tout intérêt à ce que l'institution produise ses propres statistiques, non seulement sur les volumes mais aussi sur le fond de l'application du droit.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin, ministre

Le plan de relance prévoit de consacrer 28 millions d'euros à la formation numérique des agents. Nous sommes donc en train de déployer des montants très significatifs. Dans le cadre des fonds de la transformation de l'action publique, le dernier projet soutenant le ministère de la justice s'élève à plus de 12 millions d'euros ; avec cette somme sont formés des greffiers pour le déploiement de la PPN. Mon ministère accompagne, finance et soutient la formation.

En lien avec la réforme de la haute fonction publique, vous avez peut-être entendu que nous allions créer un tronc commun de formations. L'école nationale de la magistrature (ENM) sera associée à ce tronc commun dont l'un des éléments est la transition numérique. À partir de la rentrée de 2021-2022, tous les élèves magistrats, commissaires de police, futurs préfets et directeurs d'hôpitaux formés à l'institut national de service public (INSP) - soit à peu près 1 000 personnes - auront les mêmes références et la même méthodologie en matière de numérique. Au-delà de l'outil de travail, c'est la conception même des politiques publiques qui évolue.

Concernant l'achat public numérique, chaque ministère passe ses marchés et, en règle générale, ce sont les directeurs du numérique qui en ont la responsabilité. Néanmoins, nous mutualisons nos engagements sur un certain nombre de sujets - la formation par exemple. Le ministère des armées porte un marché interministériel qui va permettre de former 7 000 agents en 2021. La mutualisation est portée soit par un ministère, soit par la direction interministérielle du numérique qui, récemment, a développé le programme « Label » permettant à l'ensemble de l'écosystème d'innovation de pouvoir référencer ses propositions de solutions, afin que nous achetions aussi à de plus petites entreprises innovantes.

Avec la forte accélération des derniers mois au niveau de l'équipement, des logiciels, de la formation, de l'accompagnement et aussi des pratiques managériales, nous avions encore, il y a quelques semaines, 78 % des agents des administrations centrales et 50 % des agents des services déconcentrés qui télétravaillaient. Cela nous a permis d'assurer la continuité du service public et de ne pas subir les interruptions ou les discontinuités que nous avions pu connaître un an auparavant. En un an, nous avons fait ce que nous pensions faire en quatre ou cinq ans. Comme disait Winston Churchill, il ne faut pas gâcher une bonne crise ; je ne sais pas si elle a été bonne mais, sur le plan du numérique, elle nous a en tout cas permis d'accélérer.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

J'ai oublié de répondre à Madame Goulet concernant les juges consulaires. Je souhaite qu'ils puissent bénéficier d'adresses électroniques se terminant par « justice.fr » ; à ce titre, j'ai demandé à ce qu'une expérimentation soit lancée. La prochaine étape est la mise à disposition d'un accès à l'intranet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il serait judicieux, monsieur le garde des sceaux, que l'expérimentation se passe à une plus grande échelle.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

C'est assez simple à mettre en place, madame la sénatrice ; c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas choisi d'échelle plus grande. Les juges consulaires du tribunal de commerce de Versailles en sont déjà dotés et ceux des autres tribunaux du ressort de la cour d'appel en disposeront d'ici mi-juillet.

Pour répondre à monsieur Mohamed Soilihi, la PPN s'articule autour de plusieurs phases. La première phase concerne l'automatisation du traitement des procédures sans poursuites dans toutes les juridictions métropolitaines d'ici décembre 2021, afin d'autoriser l'enregistrement sans manipulation humaine de près de 2 millions de procédures par an ; à ce jour, 61 tribunaux sont déjà équipés.

Ensuite, il y a la numérisation des procédures correctionnelles ; 24 tribunaux sont déjà équipés. La PPN met à la disposition des juridictions des outils numériques pour faciliter le traitement de la procédure. Il s'agit d'un service en libre accès ; à titre d'exemple, une application de communication électronique de procédure avec les avocats a déjà permis l'envoi de 400 000 procédures.

Pour mémoire, ces enregistrements automatiques concerneront 2 millions de procédure pour la fin de l'année 2021 - soit 40 % des procédures transmises à l'autorité judiciaire -, ce qui est un véritable succès.

L'achat public, monsieur Bonnecarrère, est opéré par le secrétariat général de la Chancellerie. Mais, dans le même temps, nous prenons l'avis du terrain. Je suis très sensible aux bonnes pratiques, et j'ai d'ailleurs fait créer un moteur de recherche avec toutes celles recensées dans les juridictions ; plutôt que d'imposer une circulaire par bonne pratique, j'ai souhaité les rassembler dans un moteur de recherche.

Nous avons un nombre considérable de téléchargements qui concernent aussi bien l'administration pénitentiaire que les juridictions consacrées aux mineurs. Parmi les centaines de bonnes pratiques qui s'enrichissent tous les jours de l'expérience des magistrats ou des greffiers, je peux vous citer la généralisation des convocations des justiciables par le téléphone portable ; cette expérience née du confinement mérite d'être étendue.

Autre bonne pratique : pour donner une seconde vie à certains scellés, des juridictions nous ont indiqué qu'elles les distribuaient à des associations caritatives. Un protocole peut être signé entre une juridiction et une association ; à Bordeaux par exemple, j'ai assisté à la distribution de draps et de paires de chaussures qui avaient été saisis.

Les juges consulaires pourront également nous faire part de bonnes pratiques en matière de jugement commercial.

Il faut trouver un équilibre entre l'internalisation et l'externalisation. La justice n'est pas une matière comme les autres. Nous faisons travailler les gens de terrain, les magistrats, les greffiers, les ingénieurs. Les réunions sont très régulières. J'ai donné un certain nombre de directives très claires. Comme il y avait trop de projets, j'ai indiqué qu'il fallait en prioriser certains ; nous en avons retenu douze. Le principal critère de sélection était la proximité ; cela devait parler immédiatement au justiciable.

Parmi ces projets retenus, il y a celui consacré aux familles de détenus, que l'administration pénitentiaire trouve formidable ; celui dédié au casier judiciaire, qui marche très bien ; pour les gens les plus démunis, il y a la possibilité de remplir les demandes d'aide juridictionnelle ; un système permet désormais une meilleure identification des victimes d'attentats ; il y a également la numérisation de la procédure pénale et la mise en oeuvre du code de justice des mineurs - lors de notre discussion au Sénat à l'époque, vous aviez fini par me convaincre de reporter la date d'entrée en vigueur de ce texte, et nous avons mis à profit ce délai afin de préparer l'outil informatique pour les magistrats.

Nous avons consommé le budget ; cela prouve que nous avons beaucoup bougé, et nous bougerons encore. Si vous souhaitez davantage de précisions techniques, la porte de la Chancellerie est ouverte.

Monsieur Richard, il y a eu un deuxième confinement et le service judiciaire a bien fonctionné...

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

L'administration pénitentiaire, sans possibilité de recours au télétravail, a bien fonctionné ; je tiens à rendre hommage à ses courageux agents qui ont effectué un travail formidable. Le respect des gestes barrières a permis à la fois que l'administration pénitentiaire poursuive son travail et que les détenus reçoivent des visites. Même si nous avons déploré un décès, il y a eu peu de contaminations et nous n'avons pas connu de mutineries, ce qui n'a pas été le cas dans les autres pays.

Au niveau de l'administration judiciaire également, la machine a continué à tourner. Symboliquement, il me paraissait indispensable de rappeler que la justice était une denrée essentielle et qu'elle pouvait continuer à assurer ses missions, même si l'utilisation de la visioconférence a pu être contestée par certains avocats.

Concernant les statistiques, j'ai demandé un certain nombre de travaux, notamment sur la récidive ; c'est important, car cela permet d'affiner une politique pénale. Nous disposons déjà de chiffres mais, assez curieusement par les temps qui courent, personne ne veut les entendre. Par exemple, sur les peines planchers : les peines prononcées étaient plus sévères après leur abrogation ; l'objectif n'a donc vraisemblablement pas été atteint.

Avec les chiffres dont je dispose, je peux dire également que la délinquance n'a pas baissé pendant cette période où les peines planchers étaient en vigueur - ce qui fait dire à certains syndicats de police que cela a été un fiasco. On connaît également le nombre de meurtres par an dans notre pays. Cela dit, je conçois qu'il faudrait affiner ces chiffres.

Les chiffres du ministère de l'intérieur et ceux du ministère de la justice ne disent pas deux vérités différentes, comme je peux l'entendre parfois. Prenons l'exemple des féminicides ; si un homme tue une femme, son acte sera qualifié de féminicide, mais la justice dira peut-être qu'il s'agit d'un homicide volontaire commis sur une femme, mais pas dans le cadre conjugal ; et cela, seule la justice peut le dire.

Il y a aussi des manières différentes de présenter certains chiffres. On a pu ainsi demander aux policiers de privilégier les mains courantes aux plaintes, dans le but de faire artificiellement baisser les chiffres de la délinquance ; mais personne n'était dupe.

Je suis tout à fait prêt à ce que l'on dispose de davantage de chiffres. Les ministères de l'intérieur et de la justice envisagent de créer ensemble un observatoire, notamment pour répondre à ces questions.

Par ailleurs, nous devons nous améliorer non pas sur l'exécution des peines, mais sur le moment où intervient l'exécution ; cela doit aller plus vite, et les chiffres peuvent nous permettre d'accélérer le processus.

Je dois également pouvoir rendre des comptes aux parlementaires. J'ai été interrogé à l'Assemblée nationale il y a deux jours sur le sujet de la récidive ; un rapport sera prochainement rendu public. Nous n'avons rien à cacher. J'entends bien ce que vous me dites et j'y suis sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Cela vaut-il aussi pour le classement des plaintes ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Oui, bien sûr. Les raisons du classement sont également intéressantes à connaître. Un classement sans suite n'est pas forcément significatif de désinvolture ; la raison peut être l'insuffisance d'éléments pour aller au-delà. Concernant les classements sans suite en matière de violences sexuelles, j'ai demandé au procureur qu'ils en précisent mieux les raisons ; soit le fait n'est pas constitué, soit il s'agit d'une prescription.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le garde des sceaux, s'agissant du poids de l'exécution des peines, vous avez raison de préciser les choses. La difficulté ne réside pas dans l'exécution de la peine - elle l'est en général -, mais dans son délai d'exécution. Nous devons parvenir à réduire ce délai, afin que l'exécution intervienne le plus rapidement possible.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

J'ai porté deux textes, que vous avez d'ailleurs votés : l'un sur le code de la justice pénale des mineurs, qui entre bientôt en vigueur et va permettre de réduire les délais ; l'autre sur la justice de proximité, avec la proposition de loi du député Dimitri Houbron, qui permet là aussi d'apporter une réponse beaucoup plus rapide. Dans le cadre de la justice de proximité, l'intervention des délégués du procureur permet de traiter les délits de petite délinquance pratiquement du jour au lendemain.

Il ne faut pas non plus confondre vitesse et précipitation. Le taux d'exécution des peines - un peu plus de 90 % - est plutôt satisfaisant si on le compare à celui des autres pays. En revanche, cela ne va pas assez vite. J'ai un certain nombre de solutions sur lesquelles j'ai demandé à mes services de travailler ; je vous ferai part rapidement des résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Vous avez évoqué la priorisation de douze projets numériques. Avez-vous la liste, de manière à ce que l'on comprenne bien de quoi il s'agit ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Ces projets concernent la numérisation de la procédure pénale et de la justice civile ; l'élaboration d'un système d'information de l'aide juridictionnelle (Siaj) ; la mise en oeuvre du code de justice pénale des mineurs, qui nécessite un système d'information - Parcours - permettant le suivi des jeunes confiés au service de protection judiciaire de la jeunesse (PPJ) ; le développement d'un système d'information pour la gestion du travail d'intérêt général - TIG 360 ° -, qui représente une alternative essentielle à la détention ; la facilitation des démarches des détenus et de leur famille grâce au numérique en détention (Ned) ; la mise à disposition des agents pénitentiaires de moyens leur permettant d'accéder aux applications de gestion de la détention à partir de smartphones ; le système permettant une meilleure identification des victimes d'attentats et de catastrophes ; la refonte du casier judiciaire ; l'amélioration et la simplification de la gestion des agents du ministère ; et enfin, la gestion numérique des dossiers de ressources humaines, avec le système d'information Harmonie.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Je citais précédemment le tribunal d'Auxerre. Pour terminer sur une note positive, les salles d'audience sont aujourd'hui équipées d'écrans. La PPN est en cours, et les greffiers voient leur quotidien amélioré grâce à un accès numérique au dossier. Clairement, les choses avancent.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Donc il y a des choses qui fonctionnent à Auxerre !

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Merci, madame la sénatrice.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le garde des sceaux, à quel moment serez-vous en mesure de nous donner des informations sur les États généraux de la justice ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

J'ai déjà donné quelques informations. Par ailleurs, le Premier ministre a répondu à une question sur le sujet aujourd'hui au Sénat.

Je rappelle que ces États généraux de la justice ont été demandés par les deux plus hauts magistrats de notre pays. Je compte me rendre auprès de nos concitoyens avec les magistrats, les greffiers et les avocats pour expliquer ce qu'est la justice de notre pays. J'en ai assez qu'elle soit réduite à la caricature de justice laxiste. Je ne veux pas plus qu'elle soit décriée sur le terrain institutionnel et républicain, comme je l'ai précisé aux syndicats de police lors de notre rencontre. La police et la justice méritent autre chose que cet opprobre.

Nous sommes dans une période où la justice n'est présentée que sous l'angle du fait divers. On n'a plus aucun recul, on ne veut plus réfléchir sur ces questions, on s'interdit la nuance ; naturellement, il faut expliquer et expliquer encore.

Je souhaite associer les parlementaires. Dans ma bouche, monsieur le président, ce n'est pas un vain mot ; chaque fois que j'ai pu travailler avec les parlementaires, je l'ai fait sans aucun ostracisme politique. Vous aurez prochainement un certain nombre de précisions à ce propos.

Les professionnels de la justice seront également associés, cela va de soi. Nous travaillerons sur un certain nombre de thématiques qui auront vocation à couvrir l'ensemble des difficultés. L'idée est de tout mettre à plat. À la rentrée, vous serez complètement informés. N'ayez aucune crainte, monsieur le président, et d'ailleurs je pense que vous n'en avez pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je n'ai aucune crainte, monsieur le garde des sceaux. Les sénateurs de la commission des lois seront mobilisés pour participer à ces États généraux. Par ailleurs, nous avons engagé un cycle d'auditions qui a débuté hier avec les syndicats de police ; l'objectif était de les entendre à la suite des manifestations du mois de mai et après certains propos qui ont pu être tenus à cette occasion. Je m'inscris dans ce que vous avez dit, à savoir qu'il ne faut pas opposer police et justice, au risque de courir de grands périls. Je dois noter que, lors de cette audition, l'état d'esprit des syndicats de police présents était peut-être critique mais en aucun cas vindicatif à l'égard de l'institution judiciaire.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Lorsque j'ai été convié par le ministre de l'intérieur au Beauvau de la sécurité, j'ai bien dit aux syndicats de police que l'on pouvait discuter de tout, y compris des sujets qui fâchent, mais que je ne voulais plus entendre ce que j'avais entendu lors de cette manifestation. J'ai condamné sévèrement cette scène où l'on voyait la justice balayer les cadavres ; pour moi, cette scène était insupportable.

Ma défense de l'institution judiciaire n'est pas corporatiste mais républicaine. Je veux sanctionner les dysfonctionnements lorsqu'ils apparaissent. Nous n'affirmons pas que la justice ne peut pas se tromper, mais la police et la justice ne sont rien l'une sans l'autre ; nous travaillons tous au service de la République. J'observe que les propos tenus lors de cette manifestation n'ont pas été réentendus.

Les échanges avec les syndicats de police ont été courtois, la réunion a duré cinq heures. Un certain nombre de problèmes ont été évoqués ; des propositions ont été faites. Il faut que la police et la justice communiquent mieux. Cela dit, il y aussi un discours syndical qui ne correspond pas à celui du terrain. Je ne confonds pas les syndicats de police et les policiers, de même que je ne confonds pas les syndicats de magistrats et les magistrats. Au quotidien, les policiers travaillent bien avec les procureurs, et ils le disent. Nous avons envisagé un référent parquet pour chaque juridiction. Le préfet, l'élu local, le magistrat du siège, du parquet et le policier doivent pouvoir se rencontrer et échanger ; c'est une façon républicaine et efficace de voir les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Merci à tous.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 40.