Ce texte comporte de nombreuses dispositions qu'il faudrait voter rapidement, car les échéances sont proches. Je pense notamment à la pérennisation des mesures SILT votées à l'automne 2017. Le groupe socialiste a toujours considéré que ces mesures, particulièrement attentatoires aux libertés, devaient être placées sous un contrôle renforcé du Parlement. C'est pourquoi nous avions suivi les rapporteurs Michel Mercier et Michel Boutant, qui avaient proposé en 2017 un délai au terme duquel il fallait revoter ces mesures après évaluation. Il nous semble que les dispositifs issus de la loi SILT doivent rester transitoire, même si l'on peut reconnaître leur utilité - cela dit, dans l'étude d'impact, le Gouvernement lui-même reconnaît qu'il en fait parfois plus un usage à des fins de communication que de réelle sécurité...
Nous souhaitons réaffirmer un doute, qui a été aussi exprimé par les rapporteurs, sur la constitutionnalité de l'allongement à deux ans des MICAS. Nous réaffirmons aussi notre refus de mesures de sûreté : pas de peine après la peine ! Une peine doit s'appuyer sur des éléments spécifiques et non sur des faits qui ont déjà été punis. De plus, les moyens du renseignement devraient suffire. Il nous semble toutefois important de mieux conjuguer les mesures de suivi socio-judiciaire, ou les mesures judiciaires, si cette mesure de sûreté devait être votée, avec les mesures administratives. Or, les auditions ont révélé la difficulté de conjuguer les deux, faute de moyens d'arbitrer en cas de contradiction. C'est pourquoi nous déposons des amendements en ce sens.
Nous sommes particulièrement sensibles au maintien à la fois du secret médical et des secrets professionnels lors des échanges entre services. Sur ce point, le texte va un peu trop loin.
Sur le renseignement, nous partageons globalement les appréciations des rapporteurs. En matière d'échanges entre services, la CNCTR contrôle ce que les services de renseignements utilisent comme techniques de renseignement. D'autres services, toutefois, utilisent des techniques de renseignement, et en particulier des données de connexion, sans être sous le contrôle de la CNCTR ; et d'autres services peuvent avoir accès à ce que ces services obtiennent sans contrôle de la CNCTR. Il faudrait donc engager une réflexion sur l'élargissement de son domaine de compétence.
Si le projet de loi réécrit l'obligation des opérateurs de conserver les données de connexion, la jurisprudence de la CEDH sur les échanges avec les services extérieurs n'est absolument pas traitée par ce texte.
Sur la CJUE, je partage l'avis de Nathalie Goulet : les témoignages de la conférence nationale des procureurs sont particulièrement inquiétants sur les moyens que nous allons donner à la justice pour effectuer un certain nombre d'enquêtes. Le dispositif de l'article 15 relève presque d'un contournement de ce que la CJUE indique, en donnant une solution partielle, fragile, mais qui dépendrait d'un acte de l'exécutif, ce qui est tout de même assez problématique si on est attaché à la séparation des pouvoirs...
Alors que la jurisprudence de la CJUE s'applique à l'ensemble des pays européens, nous n'avons pas conduit une vraie étude sur la manière dont les autres pays allaient mettre en place des moyens pour que leur justice, elle aussi, puisse continuer à fonctionner. Dès lors, il ne serait pas raisonnable d'adopter les dispositions de l'article 15. On peut aussi se demander si cette difficulté peut être traitée à droit européen constant...
Sur les archives, les orientations données par Pierre Ouzoulias nous conviennent.
Ce projet de loi, donc, est nécessaire sur un certain nombre de points, mais nous serons très vigilants sur d'autres, notamment pour protéger les libertés individuelles et le secret professionnel, et pour défendre les moyens de la justice.