Merci aux deux rapporteurs au fond et aux deux rapporteurs pour avis pour la qualité de leurs interventions. Ils nous ont fait part de leurs interrogations sur les limites de cet exercice législatif, que je partage.
Je n'ai pas de difficultés sur la prolongation des éléments de la loi SILT. Nous avons déjà eu à prendre position sur ces mesures, sans toutefois parvenir à convaincre l'Assemblée nationale qui, maintenant, admet leur pertinence. Je n'ai rien à ajouter à l'excellent rapport de Marc-Philippe Daubresse.
Sur le renseignement, le sujet est douloureux. Agnès Canayer souhaiterait que la Chancellerie nous aide à résoudre cette difficulté devant laquelle vont se trouver nos enquêteurs. Je ne pense pas que vous obtiendrez de réponse. Les conséquences de l'arrêt de la CJUE ont été analysées, et le Conseil d'État a fait preuve d'une grande créativité juridique, dans une logique d'ordre public, pour tirer parti des exceptions énumérées par la CJUE. Je ne crois pas que nous arriverons à sauvegarder l'utilisation des données de connexion pour les procédures de droit commun. On ne peut que le regretter. L'époque où Maigret et ses inspecteurs passaient leur nuit sous la pluie, dans les embrasures des rues parisiennes, est terminée, et les enquêteurs d'aujourd'hui travaillent avec d'autres méthodes, et notamment le traitement des données : les voilà placés dans une situation d'impossibilité !
Vous faites pour le mieux, et je ne vois pas comment il serait possible de faire davantage... Reste tout de même une interrogation plus générale pour la société, que notre commission a bien prise en compte - et je remercie le président François-Noël Buffet d'avoir pris l'initiative, avec son collègue président de la commission affaires européennes, d'organiser une table ronde sur le sujet « pouvoir régalien et dispositions européennes », qui était passionnante.
Il y a deux enjeux pour l'avenir, posés par les conséquences de l'arrêt de la CJUE. D'abord - et c'est un sujet commun à la commission des lois et à la commission des affaires européennes - se pose la question des conditions d'exercice du contrôle de subsidiarité. C'est un pouvoir important de notre assemblée. Pourtant, nous n'avons jamais regardé ces questions de subsidiarité au prisme de la réserve d'ordre et de sécurité nationale, prévue par l'alinéa 2 de l'article 4 du traité sur l'Union européenne. Personne n'avait imaginé que, dans le Règlement général sur la protection des données, ce sujet se poserait. Personne n'avait vraiment imaginé que la directive sur le temps de travail soulèverait la question du régime de travail de nos sapeurs-pompiers, et surtout de nos militaires... Le président de notre commission des lois devrait donc sans doute avoir une concertation avec le président de la commission des affaires européennes, sur une sorte de réactualisation du prisme d'examen du contrôle de subsidiarité, pour y introduire une logique de sécurité nationale. On ne peut certes pas reprocher à la CJUE d'avoir appliqué le droit européen : après tout, nous la poussons à être le gardien des valeurs de l'Union vis-à-vis des pays de l'Europe centrale !
Par ailleurs, les pays confrontés à la difficulté de mener des enquêtes seront ouverts à des évolutions des directives, mais nous sommes dans une procédure de codécision. Or, il n'est pas certain que la commission des libertés du Parlement européen ait la même appréciation. D'où l'intérêt d'entretenir une forme de dialogue avec cette commission pour expliquer les points sur lesquels le législateur national se trouve en difficulté, et sur lesquels la codécision du législateur européen nous sera à un moment donné nécessaire.