Nous devons avoir conscience que nous allons examiner un texte sur lequel plane encore l'ombre du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État. Cela doit nous amener à nous poser un certain nombre de questions fondamentales. Nous avons déposé des amendements en commission pour montrer notre opposition à ce texte. Bien sûr, il faut mener une lutte acharnée contre le terrorisme. Mais nous estimons que notre arsenal législatif antiterroriste est déjà largement suffisant.
Ce texte nous propose de pérenniser des mesures qui, à cause de l'ampleur de l'atteinte aux libertés publiques qu'elles présentaient, avaient été mises en place avec des clauses de caducité. Leur pérennisation ne s'accompagne que de quelques ajustements, et de quelques pseudo-restrictions, qui sont largement insuffisantes. Ce texte s'inscrit dans une multiplication de lois sécuritaires, dérogatoires au droit commun, et qui sont votées sans évaluation préalable des dispositifs qui existent déjà, de leur nécessité et de leur efficacité.
Les dispositifs issus de la loi SILT sont très intrusifs. Ils s'apparentent à des assignations à résidence et des perquisitions contrôlées par l'administration, et ils contournent la procédure judiciaire et les droits de la défense. Leurs conséquences sont très lourdes pour les personnes visées, qui sont jugées potentiellement dangereuses. En outre, en 2018, lors de l'examen périodique universel de la France à l'Assemblée générale des Nations unies, plusieurs États se sont inquiétés du manque de respect des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en France, et ils ont insisté sur la nécessité de mettre en place un mécanisme indépendant de suivi.
En ce qui concerne le renseignement, le recours très large aux techniques de renseignement les plus intrusives porte atteinte au principe de l'individualisation de la surveillance, qui est le fondement de la loi de 2015. À cet égard, le Conseil national des barreaux souligne que l'extension des facultés conférées aux services de renseignement, la légitimation sans réserve de ces méthodes d'investigation, l'imprécision de la définition des situations justifiant leur recours, ainsi que l'insuffisance de mécanismes de contrôle et de recours ne garantissent pas la proportionnalité des mesures d'intrusion dans la sphère privée au regard des objectifs visés. Nous avons déposé des amendements en commission, et nous en redéposerons en séance.
Je terminerai sur l'article 19, qui a eu un grand écho dans la sphère des chercheurs et des historiens. Nous avons été très alertés, je l'avais évoqué lors de l'audition de la ministre Marlène Schiappa, sur les nombreux points de vue qui émergent sur ce sujet, sans qu'ils soient partisans, idéologiques ou dogmatiques. La présentation par le rapporteur pour avis de la commission de la culture, Pierre Ouzoulias, devrait recevoir l'assentiment de ces personnalités, même si notre commission aura à y retravailler. En conséquence, je ne peux que souscrire à sa proposition.