Madame la ministre, monsieur le ministre, merci d'avoir accepté de venir devant notre commission, pour vous exprimer sur le sujet de la numérisation de la justice. C'est, pour nous, une question extrêmement importante. Sans doute, elle ne fait pas la une de tous les journaux. Mais ce n'est pas l'objectif ! Il s'agit de créer de bonnes conditions de travail pour nos magistrats, nos greffiers, nos policiers, les avocats, tous ceux qui collaborent à l'oeuvre de justice. Ces conditions sont compliquées, parfois incompréhensibles, du fait de difficultés techniques majeures qui occasionnent une perte de temps importante et, au lieu de simplifier les choses, les complexifient. Sans vouloir paraître pessimiste, je tiens à ce que nous ayons un débat de vérité. Je sais que vous avez travaillé sur le sujet, que vous avancez, je n'ai pas de doute.
Voici tout de même quelques éléments de contexte. Les crédits de paiement consacrés à l'informatique du ministère s'élèvent en 2021 à 267 millions d'euros, contre 242 millions d'euros en 2020. C'est donc une augmentation très nette de 10 %, à périmètre constant. Outre 50 emplois créés au secrétariat général du ministère, un peu plus de 206 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus en 2021 au profit du plan de transformation numérique 2018-2022, contre 177 millions d'euros en 2020. Là encore, c'est un progrès incontestable. Lors de votre audition sur le projet de loi de finances pour 2021, monsieur le garde des sceaux, vous aviez précisé que 353 millions d'euros de crédits de paiement auront été dépensés à la fin de l'année 2021, sur les 530 millions d'euros dont ce plan, d'une durée de cinq ans et qui doit s'achever en 2022, est doté.
Pour autant, la crise sanitaire a mis en lumière les dysfonctionnements structurels dont souffrent nos juridictions en matière numérique, qu'il s'agisse d'équipements bureautiques ou, surtout, de solutions logicielles qui, pour partie, sont dépassées. Lors de nos déplacements dans les juridictions, et au cours d'entretiens avec les magistrats, les greffiers et les avocats, nous avons constaté des difficultés réelles, concrètes, pratiques. Nous avons constaté l'urgence qu'il y avait à faire avancer ce sujet.
Au tribunal judiciaire de Lyon, en mars dernier, les greffiers nous ont alertés, par exemple, sur les conditions de mise en oeuvre de la réforme de l'intermédiation financière des pensions alimentaires. Celle-ci nécessite la transmission d'informations entre les juridictions et les caisses d'allocations familiales (CAF). Les CAF disposent d'un outil informatique qui est assez performant, mais qui ne communique pas avec le logiciel de la justice civile! Les greffiers doivent ainsi ressaisir toutes les informations permettant d'assurer l'exécution de la décision du juge.
C'est pourquoi nous avons souhaité vous entendre cet après-midi. Mon propos ne se veut pas désagréable, mais l'on observe que les juridictions commerciales ou les juridictions administratives, plus petites, certes, sont devenues très performantes. Pourquoi ces difficultés dans l'institution judiciaire ? Nous devons progresser collectivement sur ce point. C'est un service que nous devons à nos magistrats, greffiers, avocats, policiers et surtout à nos concitoyens. Ce n'est ni un cri d'alarme ni un cri de désespoir que je pousse : je ne fais qu'exprimer la volonté politique de la commission de contribuer à des avancées significatives dans ce domaine.
Pouvez-vous nous présenter l'organisation, au sein du ministère, du pilotage de la numérisation de la justice ? Quelles sont les améliorations que vous souhaitez ? Pourriez-vous nous faire un bilan de la mise en oeuvre du plan de transformation numérique et des moyens mis en place ? Enfin, parmi les exemples parlants, je pense à la signature électronique des actes en matière civile et pénale, où en est-on ?