Intervention de René-Paul Savary

Commission des affaires sociales — Réunion du 30 juin 2021 à 9h35
Audition du professeur didier pittet président de la mission indépendante nationale sur l'évaluation de la gestion de la crise covid-19 et sur l'anticipation des risques pandémiques

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary :

Mais si on ne se vaccine pas en France, c'est à cause de ça !

Pr Didier Pittet. - Effectivement, on passe d'une éthique individuelle à une éthique collective. C'est pour cela que le débat autour des soignants est extrêmement important, puis il y a le débat dans le reste de la population. Chez nous, le ministre de la Santé est très clair. Il dit : « Nous rouvrons toute une série d'activités et soit ceux qui ne sont pas vaccinés ne pourront pas entrer dans les lieux clos, soit il y aura des décès et il faudra les assumer ». On ne peut pas arrêter toute une société parce que quelques personnes refusent soit d'être testées, soit d'être vaccinées. Je pense qu'il va falloir continuer à travailler dans ce sens-là. Par exemple, sur la question des écoles, fermer les écoles est catastrophique. Les pauvres petits Italiens ne vont pas à l'école depuis 18 mois. Les Allemands ont fait 6 mois sans école. Au-delà de l'éducation des enfants, il y a les problèmes à la maison, la violence et toutes les autres problématiques. Aujourd'hui, on sait mesurer la chute du PIB, mais pas l'impact de la fermeture des écoles dans dix ans. Or, c'est prioritaire. Au sein du Gouvernement, cela a souvent été répété, y compris par Emmanuel Macron : « Oui, nous nous battons pour maintenir les écoles ouvertes. » Faire davantage de télétravail pour garder les écoles ouvertes faisait sens au moment où l'on prenait des mesures collectives. Aujourd'hui, on peut avoir de l'épidémiologie de terrain et des interventions pour maintenir le nombre de cas à un niveau faible, on n'a plus besoin de ces mesures collectives. On a surtout besoin d'être présent sur le terrain pour pouvoir maintenir les écoles ouvertes. Cette question de l'application est compliquée. Dans tous les pays du monde, à part certains dans lesquels la démocratie n'existe pas, on est exposé.

Ensuite, vous revenez sur la question du conseil ad hoc, qui vise à être là de manière adéquate au bon moment et dans lequel il faut inclure la société civile. En France, vous avez des associations et France Assos Santé avec des moyens pour répondre à ces questions. Dans ce rapport, on recommande, au moment où vous constituez un conseil ad hoc, à introduire la société civile. Cela aidera certainement pour les problèmes d'hésitation vaccinale.

Vous posez ensuite la question des soins critiques. Soyons clairs : il n'y aura jamais assez de lits de réanimation et de soins intensifs. Il ne faut pas se leurrer, on ne peut pas avoir quatre fois le nombre de lits de réanimation que l'on a aujourd'hui car il faut avoir le personnel capable de s'occuper des malades. Par contre, il faut que la distribution de ces lits soit le plus homogène possible au sein des territoires en fonction des besoins. Il ne faut pas forcer ces secteurs à ce qu'ils fonctionnent avec 90 ou 98 % de taux d'occupation des lits car ces domaines sont, par essence, sujets à des variations. On le voit dans notre hôpital : en période de grippe, le taux d'occupation des lits est de 120 %, ce qui ne va pas. Il faut donc arriver à trouver de bonnes mesures, notamment un nombre adéquat de lits de soins critiques. Le nombre est sans doute à la limite d'être adéquat en France, mais il faut être sûr que l'on ait les moyens d'augmenter ces capacités lorsque c'est nécessaire. On a un peu moins parlé des lits non critiques : en Italie et en Inde, on n'avait simplement pas d'oxygène. On a vu que l'on pouvait éviter l'hospitalisation en réanimation en oxygénant les malades en dehors de la réanimation quand cela était possible. Il y a eu en France un magnifique exemple d'adaptation de ce phénomène-là et il faut que tout cela soit réétudié pour avoir des volumes adéquats. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la vraie prévention de la surcharge en réanimation a lieu en amont, par un travail sur l'intervention de terrain au moment où l'épidémie est là. L'épidémiologie de terrain a dû être adaptée en France comme partout dans le monde, mais il y avait au départ un déficit, que n'avaient peut-être pas tous les systèmes de santé publique dans le monde. Je pense que, dans chaque région, les élus locaux, en partenariat avec les responsables des hôpitaux, doivent discuter de ces capacités d'accueil, mais aussi des capacités de transfert. On l'a vu quand vous avez dû transférer des patients du Grand Est dans le reste de la France comme dans les pays étrangers. C'est normal que cela se passe comme ça car le Grand Est a eu la malchance d'être tout à coup affecté en premier par un phénomène inattendu. Ces choses-là vont se reproduire, donc il faut mieux se préparer. Quand il s'est agi de réaliser ces transferts, vous avez magnifiquement réussi. La solidarité entre pays a très bien joué sur la question des transferts de malades, à la différence d'autres sujets, comme les masques ou les tests. Je pense donc qu'il faut évaluer les capacités d'accueil en soins critiques et revoir les capacités des centres d'urgence. Vous avez tout de même un système de santé, pour ce qui est des urgences, qui a été pénalisé depuis une quinzaine ou une vingtaine d'années. Cela ne se passe pas depuis un an ou deux. Il va donc falloir reconstruire tout ça et c'est en cours.

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