Intervention de Florence Parly

Réunion du 29 juin 2021 à 21h30
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Article 13

Florence Parly :

La commission des lois du Sénat a souhaité donner un caractère expérimental à la disposition qui étend, à l’ensemble des URL, les traitements algorithmiques prévus à l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.

Le présent amendement a pour objet de supprimer ce caractère expérimental, qui est inutile à plusieurs titres.

D’abord, la technique de l’algorithme a d’ores et déjà donné lieu à une expérimentation, qui a été prolongée à plusieurs reprises. Nous disposons désormais du recul suffisant et de tous les enseignements utiles pour perfectionner cet outil. Je le rappelle, les algorithmes sont indispensables pour la détection de la menace terroriste, nous en avons parlé ; plusieurs États européens y ont recours. L’efficacité de ces outils sera d’autant plus grande que ceux-ci pourront concrètement traiter, au-delà des seules données téléphoniques, les données internet. Je l’ai indiqué, je le répète, chacun le sait, c’est par internet que passe aujourd’hui l’essentiel des communications.

La loi permet déjà, en principe, de traiter les données internet, mais, en pratique, les algorithmes ne peuvent pas distinguer entre les URL qui sont de pures données de connexion et celles qui sont des données mixtes, c’est-à-dire qui révèlent indirectement une partie du contenu de la communication.

Comme l’a indiqué la CNCTR dans sa délibération sur le projet de loi, les URL qui sont des données mixtes ne sont pas porteuses par elles-mêmes du contenu, sur lequel elles ne donnent jamais que des indices très limités. Le surcroît d’atteintes à la vie privée est donc extrêmement réduit, d’autant que le dispositif est entouré de très nombreuses garanties.

Par ailleurs, il n’est pas exact de penser que seule la nature expérimentale de la mesure lui donnerait un caractère proportionné. Le Conseil constitutionnel ne l’a d’ailleurs nullement pris en compte pour valider, en 2015, l’article L. 851-1 du code de la sécurité intérieure. Nous renforçons encore substantiellement les garanties qui entourent la mise en œuvre de l’algorithme.

Seul un nombre très résiduel de données peut, finalement, être transmis aux services de renseignement, uniquement à ceux du premier cercle et à l’issue d’une procédure très contrôlée faisant intervenir plusieurs autorisations du Premier ministre, qui ne peuvent elles-mêmes être exécutées qu’avec l’accord de la CNCTR.

Enfin, le Parlement dispose de nombreux leviers pour demander des comptes au Gouvernement sur la mise en œuvre des algorithmes. Sans revenir sur les prérogatives substantielles de la délégation parlementaire au renseignement, je rappelle que le Gouvernement devra remettre un rapport au Parlement, au plus tard le 31 juillet 2024 sur le sujet spécifique de l’extension à toutes les URL.

Il appartiendra alors aux membres du Parlement d’en tirer les conséquences en prenant les initiatives, y compris législatives, qu’il jugera appropriées.

En matière de lutte contre le terrorisme, le Parlement doit doter les services de renseignement des outils efficaces, c’est-à-dire proportionnés et stables, qui permettent une action dans la durée. Tel est l’objectif du présent amendement que vous propose le Gouvernement, éclairé par l’expérimentation des quatre années qui s’achèvent.

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