Intervention de Cyril Pellevat

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 juin 2021 à 8h45
Environnement et développement durable — Proposition de résolution européenne demandant la relance du processus d'élaboration d'une directive européenne sur la protection des sols et la prévention de leur dégradation par les activités industrielles et minières : examen du rapport

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat, rapporteur :

Les activités industrielles et minières qui se sont développées au cours des siècles précédents ont eu incontestablement un impact sanitaire et écologique sur l'état des sols et des sous-sols.

Ainsi, 2,8 millions de sites seraient potentiellement contaminés dans l'Union européenne, 390 000 d'entre eux nécessiteraient un assainissement. Pourtant, seuls 65 500 sites auraient été assainis en 2018, soit moins de 2,5 % des sites pollués, selon les chiffres communiqués par la Commission européenne. Le coût de la dégradation des sols dans l'Union européenne est estimé à environ 38 milliards d'euros par an.

Or toute pollution du sol en raison de la complexité et de la variabilité de sa structure n'est pas sans conséquence sur les autres milieux naturels. Un quart de la biodiversité est contenu dans les sols. La dégradation des sols a donc des incidences considérables sur la protection des eaux, le changement climatique, la santé humaine, la biodiversité et la protection de la nature.

L'identification des sites et sols pollués, et surtout des risques qui y sont associés, reste encore aujourd'hui parcellaire dans l'Union européenne, comme nous l'a confirmé le directeur général de la prévention des risques au ministère de la transition écologique. Les différentes bases de données ne permettent pas de disposer d'une cartographie complète de l'état de dégradation des sols dans notre pays et dans l'ensemble des États membres.

Cela me conduit au deuxième point : l'absence de politique globale au sein de l'Union européenne en matière de protection des sols et de prévention de leur dégradation.

C'est à partir du début des années 2000 que les sols commencent à être considérés par le droit européen. Leur protection et leur réhabilitation sont progressivement mieux prises en compte, souvent à la suite de catastrophes industrielles. On privilégie alors une approche sectorielle fondée sur des enjeux industriels, environnementaux ou de santé. Des dispositions éparses figurent ainsi dans différentes directives européennes.

L'Union européenne n'a pas défini, jusqu'à présent, de véritable politique globale et cohérente dans le domaine des sols mais ce sujet relève de diverses politiques sectorielles. La protection des sols fait, par exemple, partie des enjeux environnementaux identifiés par la politique agricole commune.

Cette absence d'une législation européenne spécifique résulte surtout de l'échec du processus d'adoption d'une directive définissant un cadre pour la protection des sols, présentée en septembre 2006 par la Commission européenne.

Cette proposition de directive-cadre a, en effet, été bloquée par le Conseil malgré le vote favorable du Parlement européen. Cet échec au Conseil tient à l'opposition de quatre pays - l'Autriche, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Allemagne - et à l'abstention de la France, inquiets « des enjeux importants, tant en matière de politique industrielle qu'au regard de l'activité agricole », mais aussi du coût induit par la mise en oeuvre des mesures d'inventaire envisagées. Après neuf ans de négociations, la proposition de directive-cadre sur les sols fut finalement retirée en 2014.

Son adoption devait être la pierre angulaire dans la mise en oeuvre d'une véritable politique de protection des sols à l'échelle de l'Union européenne.

Cette difficulté à faire émerger une législation européenne sur les sols résulte en partie des traités. La définition d'un cadre réglementaire européen se heurte au « régime de propriété » qui relève de la compétence propre des États membres. Cette réserve de compétence nationale restreint donc le champ d'intervention de l'Union en matière de gestion des sols. Par ailleurs, l'article 192 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) soumet à la règle de l'unanimité les mesures relatives à l'affectation des sols, à l'exception de la gestion des déchets. L'approche retenue pour assurer la protection des sols influe sur le bien-fondé de l'action européenne.

Ainsi les États membres sont-ils particulièrement vigilants sur le respect du principe de subsidiarité. La protection des sols est essentiellement un enjeu national. Lors de nos auditions, il nous a été indiqué que des pays comme l'Allemagne ou les Pays-Bas qui disposent déjà d'une législation spécifique pour la protection des sols sont peu enclins à l'adoption de dispositions contraignantes dans un cadre européen.

Pendant ce temps, les processus de détérioration des sols se généralisent et s'aggravent en Europe et dans le monde. Une action commune de l'Union européenne est à la fois essentielle et légitime. Les progrès réalisés par les États membres sont extrêmement variables pour garantir une gestion durable des sols.

Ce sujet est aujourd'hui à l'ordre du jour du programme de travail de la Commission européenne pour 2021 : elle prévoit de présenter, à l'automne, une nouvelle stratégie thématique en faveur des sols qui vise à lutter contre la dégradation des sols au sein de l'Union européenne. L'objectif est de parvenir, à l'horizon de 2030, à une situation de neutralité en matière de dégradation des terres. La Commission prépare également une proposition législative, avec des objectifs contraignants, pour restaurer les écosystèmes dégradés, y compris les sols.

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