Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 mai dernier, le Gouvernement soumettait aux commissions des finances un décret d’avance portant ouverture de 7, 2 milliards d’euros afin d’abonder le fonds de solidarité pour les entreprises et de financer l’activité partielle, mais, dès le 2 juin, il est apparu que cette somme n’était pas suffisante au regard des besoins et que la présentation rapide d’un collectif budgétaire s’imposait.
C’est l’objet du présent projet de loi de finances rectificative, qui ouvre des crédits supplémentaires pour les dispositifs déjà cités, mais également pour quelques autres, comme l’hébergement d’urgence, le transport aérien ou le monde agricole. Les recettes sont par ailleurs très légèrement revues à la hausse.
La principale information délivrée par ce texte réside moins dans ces mesures complémentaires que dans la réévaluation drastique du déficit attendu en fin d’année, puisqu’il bondirait de 178, 1 milliards à 220 milliards d’euros, soit 9, 4 % du PIB.
Cette situation inédite n’est pas liée aux mesures nouvelles, mais principalement au volume de crédits reportés de 2020 sur 2021, presque 30 milliards d’euros. On peut tout aussi bien s’effrayer de ce nouveau déficit attendu que s’interroger sur la sincérité des prévisions d’exécution des crédits budgétaires, lorsque l’on remarque que seulement un cinquième des crédits du plan de relance a été consommé à la mi-juin, hors chômage partiel.
Par ailleurs, le Gouvernement ne peut plus recourir à un décret d’avance, puisque les montants maximaux ont été utilisés par celui du 19 mai. Il propose donc de provisionner une dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles pour pouvoir ouvrir des crédits sans nouvel examen parlementaire.
Certes, la crise conduit à devoir réagir rapidement, mais il importe que l’on ne demande pas au Parlement de signer des chèques en blanc pour couvrir toutes les hypothèses… L’an passé, tous les crédits pour faire face à la crise ont été examinés par le Parlement, sous des contraintes finalement bien plus fortes.
Au-delà de l’abondement du fonds de solidarité, le texte présente d’autres points positifs comme le soutien à certaines régies publiques locales ayant subi des pertes tarifaires – nous demandons cette mesure depuis un an ! –, même si la portée de ce dispositif apparaît limitée et que sa mise en œuvre mérite d’être précisée.
Certaines priorités peuvent en revanche surprendre, notamment la majoration exceptionnelle du taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons effectués au profit des seules associations cultuelles, alors que tant d’autres associations ont besoin d’être soutenues.
Enfin, ce projet de loi de finances rectificative est censé organiser une sortie progressive des dispositifs de soutien, prolongés certes par des mesures de relance, mais cette étape devrait marquer la fin du « quoi qu’il en coûte ». Le programme de stabilité présenté en avril dernier par le Gouvernement visait d’ailleurs une réduction de la dépense publique de 60, 4 % du PIB en 2021 à 56 % dès 2022, le taux de prélèvements obligatoires restant inchangé.
Beaucoup dans la majorité sénatoriale appellent à cette réduction générale de la dépense publique, mais plaident pourtant, par leurs amendements, pour prolonger ou amplifier tel ou tel dispositif budgétaire ou dépense fiscale.
Je comprends leurs intentions, tout en notant que, à défaut de réduire la dépense, seules des initiatives sur le volet relatif aux recettes peuvent donner de la cohérence à ces propositions.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, auquel j’appartiens, plaide ainsi pour des mesures de soutien, mais aussi pour mettre fin au désarmement fiscal de l’État qui, en ôtant à celui-ci toute marge de manœuvre en recettes, le condamne demain soit à des hausses brutales d’imposition soit à sacrifier des politiques publiques dont on pressent, notamment à la lecture de l’audit réalisé par la Cour des comptes à la demande du Premier ministre, qu’elles concerneraient par priorité le champ social. Pour ma part, je ne m’y résous pas !