Intervention de Thierry Cozic

Réunion du 30 juin 2021 à 21h00
Loi de finances rectificative pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Thierry CozicThierry Cozic :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « nous sommes arrivés au bout de nos dogmes économiques ». Cette phrase, prononcée par le Président de la République au G7 de Biarritz en 2019, laissait poindre un changement de paradigme dans notre approche de l’économie en France.

Une remarque s’impose d’emblée : par ce PLFR, le constat que le Président de la République a lui-même dressé et que la crise du covid-19 a conforté n’est pas pleinement pris en compte. En réalité, par ce PLFR, on s’efforce d’adapter les mêmes dogmes à une réalité qui nous échappe. Alors qu’un changement de paradigme s’impose, monsieur le ministre, vous souhaitez persister dans la même voie.

Si vous n’avez de cesse de traquer les moindres aspérités des plus précaires, les aides pour les plus aisés ne sont conditionnées qu’à la sacro-sainte confiance que vous leur accordez aveuglément…

Dernièrement, alors que la pandémie de covid-19 n’en finit pas de ne pas finir, et alors que les groupes du CAC 40 continuent de bénéficier d’aides publiques massives, ces derniers ont versé 51 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit 22 % de hausse par rapport à l’année passée. Pourtant, le résultat net agrégé des groupes du CAC 40 s’est effondré de plus de 55 %.

« Fort avec les faibles et faible avec les puissants » : telle est votre doctrine en matière de conditionnalité des aides.

Je note en revanche que la mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage, qui a dû passer sous les fourches caudines du Conseil d’État, se trouve suspendue au nom de « l’incertitude économique ». Cette réforme était bien l’expression d’une politique peu encline à la confiance envers nos assurés.

Si, pour les plus précaires, suspicion et flicage sont de mise, pour les plus aisés, confiance et pacte de responsabilité le sont. Chacun appréciera sur qui pèse l’obligation de justification…

La conditionnalité des aides n’est pas le seul écueil qui semble poindre dans votre politique financière et économique : le plan de relance que vous avez mis en place est déjà obsolète ; il est incomplet et lacunaire.

Pourtant, nous partageons les mêmes ambitions pour les investissements de demain : nous voulons être présents dans la recherche sur l’intelligence artificielle, dans la robotique et dans les biotechnologies.

Nous pourrions utiliser un plan de relance solide afin d’engager la transition écologique que le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous presse d’amorcer.

Pourtant, quand on compare les budgets financiers, il manque un ordre de grandeur : en effet, les Chinois et les Américains font dix fois plus que nous. Il nous faut donc un plan de relance de l’investissement dans une perspective de moyen et de long terme.

Après avoir abordé l’en-cours, je souhaite tout de même évoquer l’avenir proche. L’arrêt du « quoi qu’il en coûte » est nécessaire. Il ne serait pas responsable de laisser croire à cette tribune que nous pourrions garder notre économie sous perfusion ad vitam æ ternam.

Néanmoins, si nous ne voulons pas nous retrouver dès décembre prochain avec un nouveau PLFR, la question de l’accompagnement de sortie de crise est centrale.

Je rappelle que l’endettement brut des entreprises non financières a augmenté de 170 milliards d’euros de février à septembre, ce qui constitue une singularité bien française. À cet endettement, il faut de plus ajouter les dettes qui découlent du report du paiement des impôts et des cotisations.

Nous devons dès maintenant réfléchir à des critères opérationnels d’annulation sélective de dettes pour éviter les effets d’aubaine. Lorsque cela est possible, une approche au cas par cas est nécessaire pour mettre à contribution non pas seulement l’argent public, mais les banques et les entreprises.

Vous l’avez compris à la lumière des points que je viens d’aborder, monsieur le ministre : il reste bien des efforts à accomplir pour que la prise en compte de nos problématiques économiques soit pleinement satisfaite. L’heure est non plus à l’incantation, mais à l’action.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il est grand temps de tirer les conséquences politiques des déclarations du Président de la République ? C’est le moment, puisqu’il paraît que nous sommes arrivés « au bout de nos dogmes économiques ».

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