Parmi les risques majeurs auxquels notre société est confrontée, la transition écologique figure en premier lieu. Dans le monde, au cours des vingt dernières années, le nombre de catastrophes naturelles a augmenté de 74 % par rapport aux vingt années précédentes, causant 1,2 million de décès et affectant plus généralement 4,2 milliards de personnes. Sur la seule année 2020, un triste record a été franchi avec plus de 126 milliards d'euros de dommages.
En France, entre 2020 et 2050, le coût des sinistres climatiques devrait être multiplié par cinq ou six dans certains départements, majoritairement situés dans l'ouest. Il est donc urgent d'agir, comme nous le rappellent les épisodes récents, tels que la tempête Alex ou les épisodes de gel et les intempéries de juin.
Nous devons également faire face à des risques émergents, et notamment le risque cyber. En 2020, dans le monde, ce risque correspond à 800 000 plaintes et à plus de 4 milliards de dollars de pertes, avec une progression des plaintes de plus de 70 % par rapport à 2019 et, en termes de coût, de plus de 20 % par rapport à 2019. En France, 1 640 plaintes ont été déposées, soit 1,3 fois plus qu'en 2019 et 3,8 fois plus qu'en 2018.
Un autre risque émergent est le risque pandémique. Le Forum économique mondial identifie celui-ci comme le premier risque à court terme. Nous aurons malheureusement de nouvelles pandémies dans le futur. En France, le risque d'augmentation des pandémies est le troisième risque à 5 ans d'après notre étude annuelle des risques.
Quid de l'assurance privée face à la montée de ces risques ?
L'assurance privée ne peut pas seule gérer ces risques exceptionnels. En effet, l'assurance repose sur le principe de la mutualisation : les primes servent à indemniser ceux qui ont des sinistres. Or, quand tout le monde est touché en même temps, ce principe ne fonctionne plus. C'est la raison pour laquelle les risques systémiques sont exclus des contrats d'assurance, tels que les contrats contre les pertes d'exploitation.
On peut trouver des solutions sur des risques non assurables comme les catastrophes naturelles. Notre régime est une chance en France, beaucoup de territoires dans le monde aimeraient avoir une couverture des aléas naturels. Il est rendu possible par la mutualisation sur l'ensemble des contrats d'assurance dommage, c'est-à-dire une mutualisation géographique très importante, permettant une mutualisation à moindre coût pour les assurés. Toutefois, la branche dite « catastrophes naturelles » est déficitaire pour la cinquième année consécutive avec 2,2 milliards d'euros de prestations versées pour 1,7 milliard d'euros de cotisations collectées. Même sur les risques pour lesquels on a trouvé des solutions, l'aggravation de ceux-ci pose des difficultés financières. Le constat est le même pour le risque cyber, pour lequel le ratio qui compare la charge de sinistres par rapport aux primes est passé de 84 % à quasiment 170 %. Sur l'assurance agricole, on paye en moyenne 105 % des primes en sinistres.
Heureusement, l'assurance repose sur la mutualisation entre les assurés d'une même branche, mais aussi entre les différents risques assurés par l'assureur. Sur l'assurance récolte, ce sont les autres branches d'assurance qui compensent l'excédent de sinistres. C'est la clé du fonctionnement de l'assurance. Quand nous devons faire face à une année exceptionnelle, avec une baisse de la sinistralité, ce n'est pas pour autant qu'il faut baisser les tarifs ou rembourser les primes, car ce surplus va financer l'excédent de risques sur d'autres branches.
Nous souhaitons accompagner les citoyens, les entreprises et les pouvoirs publics pour identifier en amont les risques et appréhender la vulnérabilité de leurs installations face aux risques, et en particulier au risque climatique. Nous souhaitons leur permettre de faire face à ces évènements climatiques, et nous agissons dans le sens d'une plus grande prévention. On essaie en somme de repousser les limites de l'assurabilité en faisant plus de prévention, de prévenir plutôt que de guérir.
Sur les deux risques émergents, nous portons deux propositions concrètes.
Premièrement, sur les conséquences économiques des catastrophes de type pandémique, mais pas seulement, nous avons présenté notre proposition dite « CATEX », dès juin dernier, élaborée collégialement. Cette proposition n'a, à ce stade, pas été retenue par le Gouvernement qui a lancé d'autres pistes. En France et en Europe nous n'avons pas encore trouvé d'autres solutions de type assurantiel, à part celle que nous avons mise sur la table.
Deuxièmement, pour ce qui est du risque cyber, il reste des efforts à faire sur la prévention, en particulier sur les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). Toutes les enquêtes le montrent, ainsi que les audits de risque. Au plan réglementaire, nous attendons également des pouvoirs publics qu'ils précisent et qu'ils lèvent les interrogations sur l'assurabilité des rançons et des amendes administratives qui n'est pas formellement interdite par les textes.
S'agissant des risques qui s'aggravent, l'assurance récolte et les catastrophes naturelles sont des risques déjà pris en charge mais sur lesquels nous avons des propositions. Les principales propositions consistent à lutter contre la non-assurance. Dans les premières réunions récentes organisées sur le sujet par le ministre de l'agriculture, Julien Denormandie, et réunissant l'ensemble de la filière et des assureurs, le problème de la non-assurance fait consensus. 70 % des surfaces ne sont pas couvertes. Nous travaillons dans les groupes de travail mis en place dans le cadre du Varenne de l'eau pour trouver une solution qui ne pénalise pas ceux qui sont déjà assurés.
Sur les catastrophes naturelles, nous plaidons pour une actualisation du régime, sans remettre en question ses fondamentaux. Il faut renforcer les dispositifs de prévention à tous les niveaux.
En conclusion, une interrogation demeure sur la dimension systémique de certains risques, comme la pandémie ou une cyberattaque mondiale, alors qu'ils sont en train d'évoluer et peut-être d'exploser. Pour les risques dits « extrêmes », la seule mutualisation ne suffit pas. Il faut se tourner vers des partenariats public-privé qui ont prouvé leur efficacité. Tous les assureurs sont conscients de ces enjeux car ils sont aux premières loges aux côtés des victimes de ces catastrophes, donc nous sommes particulièrement motivés pour contribuer à ces travaux.