Pour nous, le régime des calamités agricoles dans sa forme actuelle est obsolète : il nous faut complètement réinventer ce système. En matière de pertes, nous estimons que c'est supportable pour les agriculteurs et qu'ils peuvent les prendre en charge jusqu'à 20 %, que ce soit par le biais de la fiscalité ou de dispositifs de prévention des risques (stockage d'eau, filet para-grêle, système anti-gel). Il nous faut en effet un vrai plan de bataille et d'accompagnement de l'investissement en faveur de la prévention : tout investissement en faveur de la prévention sera toujours plus rentable que d'intervenir sur du curatif. Pour autant, et même si cela fait des années que nous attirons l'attention sur ce point, le curatif reste le premier réflexe.
Parallèlement à ces dispositifs, et nous le signalons depuis longtemps aux assureurs, il faut mener une vraie expertise des risques et mesurer l'exposition au risque de chaque entreprise agricole afin de définir le montant le plus juste pour la prime d'assurance. Par exemple, dans le système des bâtiments agricoles, lorsqu'on installe des dispositifs anti-incendie, c'est pris en compte par l'assureur et on peut renégocier le contrat d'assurance. Les assureurs ont toute la compétence nécessaire pour mener ce travail.
Dans notre schéma et dans nos propositions, l'acteur majeur, c'est l'assureur. L'assureur peut s'appuyer sur sa proximité : le grand intérêt de ce système, c'est la rapidité d'indemnisation des agriculteurs. Aujourd'hui, le régime des calamités agricoles indemnise jusqu'à un an après les dégâts, ce qui n'est pas tenable en matière de trésorerie. Il faut donc conserver le lien avec l'assurance et vraiment utiliser toutes les compétences de l'assureur, de la gestion de la partie assurance à la partie risque. Sur la partie assurance, il faudrait une prise en charge pour les pertes de rendements allant de 20 % à 50 %, qui s'adapterait en fonction des filières. Toutes ne peuvent en effet pas être abordées de la même façon : lorsqu'il y a un épisode de gel ou de grêle violent, les secteurs de l'arboriculture et de la viticulture peuvent perdre jusqu'à 100 % des récoltes, tandis qu'on n'a quasiment jamais vu un exploitant perdre 50 % de son revenu en prairie. Il faudrait donc mettre en place des curseurs selon les filières, qui détermineraient à partir de quel niveau de pertes la solidarité nationale prendrait le relais.
Il faut ensuite regarder le taux d'indemnisation. Je rappelle que dans le cas du régime des calamités agricoles, il faut justifier d'au moins 30 % de pertes, pour une indemnité à hauteur de 28 %. Cependant, pour quelqu'un qui a perdu 100 %, ne devrait-on pas plutôt considérer que l'assureur en prend une partie en charge, sur le volet de 20 % à 50 %, et qu'ensuite cela revient à l'État ? Cela nous permettrait de renforcer la solidité économique des assureurs, tout en allant vers un vrai partenariat public-privé. Nous passerions ainsi d'un mécanisme collectif et public des calamités à un système plus proche de ce partenariat public-privé. Je considère que nous n'aurons pas le choix que de suivre cette évolution si nous voulons conserver notre souveraineté alimentaire.
Sur le capital assuré, oui, il faut trouver des curseurs qui nous permettent de nous appuyer sur ces éléments. Un hectare de prairie n'a que peu à voir avec un hectare d'arboriculture. Je crois savoir qu'en matière de chiffrage, ces simulations sont en cours. Le groupe de travail sur la réforme de la gestion des risques, piloté par Hervé Lejeune et Frédéric Descrozaille, doit bientôt rendre ces conclusions. Nous attendons quant à nous beaucoup de l'État, et en particulier du ministère de l'économie, des finances et de la relance, parce qu'il apparait très en retrait sur le sujet, en s'interrogeant seulement sur le coût immédiat. Dans l'esprit du ministre Bruno Le Maire, l'idée était plutôt celle, en contrepartie de la solidarité nationale, de l'assurance obligatoire.
Or, nous considérons que l'assurance obligatoire ajoute certaines complexités, par exemple au regard de l'accompagnement financier dans le cadre des aides européennes. On est donc plutôt sur une approche d'assurance « conditionnée ». J'ajoute que si on n'avait pas de responsables agricoles dans certaines compagnies d'assurance, qui connaissent bien ces enjeux, cela ferait au moins un ou deux ans qu'on aurait certainement mis fin à cette offre assurantielle pour l'agriculture.
Ce système ne marchera que s'il y a une offre assurantielle pour tous les secteurs, y compris donc les petits secteurs qui, seuls, ne pourront pas y arriver. Les assureurs doivent donc s'engager filière par filière, tout en conservant un socle minimal de mutualisation. C'est un chantier immense, mais le changement climatique va beaucoup plus vite que nous et nous impose d'avancer sur ces réformes.