Le rapporteur général posait la question de la réduction des déficits publics et de la masse salariale de l'État dans son rapport sur la loi de règlement 2020, ce que doit normalement permettre la transformation de l'action publique. Or, nous ne pouvons que constater son échec à produire ses effets, avec des responsables de programme incapables de consommer les crédits. Nous avons également eu l'impression, lors de nos auditions, d'une certaine auto-satisfaction des directions en charge de suivre la transformation de l'action publique : à les écouter, nos concitoyens seraient parfaitement satisfaits de leurs services publics, de leur accessibilité et de leur qualité. Ce n'est pas du tout en accord avec ce que nous pouvons observer sur le terrain.
Ainsi, les difficultés que vient de décrire Claude Nougein sur le programme 348 de rénovation des cités administratives, nous les constatons aussi sur les autres programmes. Je commencerai par le deuxième le plus important par son volume de crédits : le programme 349, qui porte le Fonds pour la transformation de l'action publique. Il était supposé être doté de 700 millions d'euros sur cinq ans, mais nous sommes encore loin du compte. Moins de 35 % des crédits ont ainsi été consommés en trois ans, et il ne reste plus que deux ans au Fonds, en théorie, pour produire ses effets.
Son objectif est pourtant louable : il doit soutenir les réformes porteuses d'économies à moyen terme au sein des services de l'État en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une telle réforme dans sa phase initiale. Un euro investi devait ainsi conduire à un euro d'économie pérenne au bout de trois ans. Ce critère de sélection a toutefois été remis en cause, justement pour pouvoir accroître le nombre de projets sélectionnés.
Là-encore, les délais sont encore trop importants pour envisager une exécution au plus juste des crédits du programme. Les délais de contractualisation avec les porteurs de projets sont en effet extrêmement longs : il y a de nombreux allers-retours avec les administrations, notamment pour réévaluer le montant d'économies attendu et le montant de crédits alloué. Résultat, la plupart de ces projets ne produiront pas leurs effets avant 2023 au moins, posant là-aussi la question du portage budgétaire des restes à payer.
Comme pour le programme 348, les indicateurs de performance sont lacunaires et il est quasiment impossible de suivre le montant total des crédits alloués à chacune des administrations. Notre deuxième recommandation invite ainsi à identifier clairement, dans les documents budgétaires, et pour chacun des programmes concernés, la part des crédits en provenance du Fonds pour la transformation de l'action publique. Cet effort de clarification doit également porter sur les projets soutenus : date d'amorçage, coût prévisionnel total, part et utilisation des crédits en provenance du FTAP. Les indicateurs de performance du programme 349 doivent être modifiés en conséquence. Nous recommandons également, hors de la phase d'amorçage, de confier directement aux gestionnaires et responsables de programme les crédits prévus sur le Fonds, pour accélérer leur mobilisation.
J'en viens maintenant au programme 351, correspondant aux crédits du Fonds pour l'accompagnement interministériel Ressources humaines, et au programme 352, qui porte les crédits de ce qui était jusqu'au 31 décembre 2020 le Fonds pour l'accélération des start-up d'État. Je vais être clair : nous recommandons de les supprimer et de réallouer leurs crédits.
L'exécution du programme 351 entraine chaque année des contorsions budgétaires, en raison des règles applicables au transfert de crédits du titre 2, soit les dépenses de personnel. Simplifions tout cela et attribuons directement les crédits sur les programmes des administrations qui mènent des réformes structurelles en matière de ressources humaines. Ces crédits pourraient sinon être portés par le programme 148 « Fonction publique », dont l'action n° 3 porte déjà plusieurs fonds destinés à soutenir des réformes ou des actions dans le domaine des ressources humaines.
Le programme 352 est de taille très limitée, autour de quelques millions d'euros par an. Nous ne voyons pas l'intérêt de maintenir ce programme, d'autant qu'il a dû être renommé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 pour mieux correspondre aux projets qu'il finançait. Il vaudrait mieux redéployer ses crédits sur l'action 16 « Coordination de la politique numérique » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». La logique interministérielle du programme serait ainsi conservée et le Fonds pourrait s'intégrer aux autres actions d'ores et déjà portées par la Direction interministérielle du numérique.
Pour résumer, nous souhaitons insister sur une triple nécessité.
Premièrement, il faut modifier les indicateurs de performance et permettre au Parlement de mieux suivre l'avancée concrète des projets financés par la mission.
Deuxièmement, il convient de faire preuve de davantage de transparence sur le devenir de la mission.
Troisièmement, il est nécessaire d'accroître la sincérité des prévisions inscrites en projet de loi de finances initiale, afin de respecter l'autorisation parlementaire. Cet effort de sincérisation doit s'accompagner d'une rationalisation des programmes de la mission.
Pour conclure, le sentiment que nous retenons avec Claude Nougein à la fin de ce contrôle est celui d'un gâchis. La ministre de la transformation et de la fonction publiques se définit elle-même comme la ministre de la qualité des services publics, mais tout ceci semble manquer d'élan, à la fois sur le plan budgétaire et sur le plan des indicateurs.
Regardez par exemple les objets de la vie quotidienne (OVQ) : le cabinet a admis devant nous que cette désignation un peu trop « incompréhensible » des réformes à mener au sein des administrations et des ministères n'avait pas suscité l'élan attendu. Rien de surprenant ! Le Gouvernement nous parle donc désormais de réformes prioritaires.
Même constat pour l'objectif de rendre accessibles en ligne les 250 démarches administratives les plus usuelles, avec un haut niveau de satisfaction des usagers d'ici 2022. Au printemps 2021, nous ne pouvons que constater que de nombreux efforts restent à mener pour que le Gouvernement respecte ses engagements. 37 démarches n'ont fait l'objet d'aucune numérisation, 45 seulement présentent un niveau acceptable de satisfaction, 140 démarches ne sont pas évaluées. Tout ceci sans compter les problèmes d'accessibilité pour nos concitoyens les plus éloignés du numérique.