Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 7 juillet 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons ce matin, en premier point de l'ordre du jour, le rapport du rapporteur général sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Comme vous le savez, monsieur le Président, mes chers collègues, nous avons connu, en 2020, une très grave crise sanitaire qui s'est traduite par une contraction historique de l'activité dont les effets ont été absorbés à plus de 80 % par les administrations publiques afin de préserver la situation des ménages et des entreprises.

Alors que nous attendions initialement une croissance de l'ordre de 1,3 % en 2020, les restrictions sanitaires et les mesures de confinement ont entrainé une chute très importante du produit intérieur brut (PIB).

Quelques indicateurs permettent d'en rendre compte. En 2020, le nombre d'heures travaillées a chuté de 9,1 %, soit 3,9 milliards d'heures travaillées en moins par rapport à 2019. Dans certains secteurs comme l'hébergement-restauration, cette contraction a même atteint 35 %. De même, la valeur ajoutée brute des entreprises s'est contractée de 8,1 % par rapport à 2019 avec, là-aussi, des résultats très impressionnants par secteur. Je pense, par exemple, au secteur du transport dont la valeur ajoutée a chuté de 17,1 %.

Au final, la France a connu une récession de 7,9 % en 2020, ce qui est un peu plus qu'en zone euro et bien plus qu'en Allemagne.

Chacun le sait, cette crise a rendu urgente et vitale la mise en oeuvre de mesures de soutien aux entreprises et aux ménages. Cela s'est fait en France, comme dans le reste des principales économies avancées, au travers de la mise en oeuvre de plan de soutien mêlant versement de subventions directes, allégements ou reports d'impôt, intervention en capital et mise en jeu de la garantie de l'État.

Le plan de soutien et de relance français, annoncé pour les années 2020 et 2021 représentait, à cet égard, un engagement équivalent à 25,5 points de PIB, ce qui est un niveau comparable à nos partenaires. Il a toutefois présenté une spécificité : celle de reposer pour plus de la moitié sur l'engagement de la responsabilité de l'État, plutôt que sur des mesures ayant un impact sur le déficit public.

En ne regardant que les dispositifs consistant à verser directement des subventions - je pense par exemple au fonds de solidarité et à l'activité partielle -, on constate que les administrations publiques ont engagé 58,7 milliards d'euros en 2020.

Dans le même temps, je rappelle que le montant de l'encours des prêts garantis par l'État contractés en 2020 s'élevait à 5 % du PIB.

Avant d'en venir à une présentation plus exhaustive de l'état de nos finances publiques, je souhaite dire quelques mots sur la manière dont le choc économique que nous avons subi a été absorbé par les différents acteurs.

En 2020, la crise économique et sanitaire s'est traduite par une contraction du revenu brut disponible au niveau national de 7,8 % soit 149,6 milliards d'euros.

Pour mémoire, le revenu brut disponible représente la somme des revenus primaires des agents économiques majorés des transferts qu'ils perçoivent et minorés des impôts et cotisations dont ils s'acquittent. En d'autres termes, c'est en observant le revenu brut disponible d'un agent que l'on peut évaluer l'impact de la crise, en tenant compte des effets des mesures de soutien.

Ce qui ressort lorsque l'on regarde la répartition de la baisse du revenu disponible entre chaque secteur de l'économie, c'est la part très importante des administrations publiques. Ainsi, en France 85,1 % de la baisse de revenu a été absorbée par les administrations publiques. Cela fait beaucoup mais c'est moins qu'en zone euro ou qu'en Allemagne.

En parallèle, les entreprises ont - quant à elles - conservé à leur compte 21,8 % de la contraction du revenu disponible. Ce montant, toutefois, pourrait être un peu plus faible en tenant compte des annulations d'impôts qui, au plan comptable, ne sont pas retracées au niveau du revenu disponible.

Cette situation découle, à mon sens, du choix fait par le Gouvernement de recourir davantage aux prêts garantis par l'État qu'à des aides directes sur fonds publics.

En effet, faute d'avoir assaini nos finances publiques avant la crise, nous avons disposé d'une capacité moindre pour intervenir sur fonds publics.

Ce qui peut être constaté, c'est que les ménages dans leur ensemble - sans me prononcer sur les situations particulières - ont été préservés du choc économique sous l'effet, notamment, de mesures comme le soutien à l'activité partielle.

Ainsi, en France comme en Allemagne, le revenu brut disponible des ménages a progressé en 2020 respectivement de 0,7 % et de 0,9 %.

J'en viens maintenant à la présentation de la situation de nos finances publiques qui sont, en conséquence de cette crise et des mesures de soutien, particulièrement dégradées.

En 2020, le déficit public a atteint 9,2 % du PIB après 3,1 % en 2019. C'est un record, qui devrait toutefois être battu dès 2021 avec un déficit de 9,4 %. Cette dégradation est principalement portée par l'État et les administrations de sécurité sociale.

Ce déficit procède d'abord d'une forte contraction des recettes publiques de l'ordre de 63,8 milliards d'euros, c'est-à-dire de 5 % par rapport à 2019. La contraction des prélèvements obligatoires représente à elle seule 44 milliards d'euros, soit une baisse de 4,1 %.

Les administrations publiques centrales et les administrations de sécurité sociale assument, chacune, une perte d'environ 21 milliards d'euros. Les administrations publiques locales ont subi, quant à elles, une contraction des prélèvements obligatoires de l'ordre de 2,8 milliards d'euros.

Toutefois, je veux rappeler ici l'impact très important des pertes de recettes tarifaires et domaniales et saluer les efforts entrepris par le Sénat pour obtenir, de la part du Gouvernement, la mise en oeuvre de mécanismes de compensation adaptés avec, par exemple, l'amélioration et la reconduction du filet de sécurité.

La diminution en valeur des prélèvements obligatoires perçus par les différentes administrations publiques ne pèse pas de la même manière en volume sur chacune d'entre elles.

Ainsi, pour les administrations centrales, la perte des 21 milliards d'euros de prélèvements correspond à une baisse de recettes de 6,4 %. Pour les administrations de sécurité sociale, cette contraction équivalente en valeur est plus faible en volume, puisqu'elle correspond à une baisse des prélèvements obligatoires de 3,6 %. Enfin, pour les administrations publiques locales, la baisse des prélèvements obligatoires de 2,8 milliards d'euros en valeur correspond à une variation d'un peu moins de 2 %.

Au global, l'aggravation du déficit public procède, ensuite, d'une hausse des dépenses publiques de l'ordre de 73,5 milliards d'euros.

Sur ce montant, le coût de l'ensemble des mesures de soutien face à la crise est évalué à 72,7 milliards d'euros en incluant les dépenses de santé.

En miroir de cette dégradation du déficit public, nous avons assisté en 2020 à une augmentation spectaculaire de l'endettement équivalent à 17,5 points du PIB.

Sur cette variation, 7,9 points résultent du besoin de financer notre déficit primaire et 7,2 points s'expliquent par un effet « boule de neige » particulièrement défavorable. Pour mémoire, l'effet « boule de neige » mesure l'évolution spontanée du ratio dette sur PIB lorsque le solde primaire est à l'équilibre. Cet effet « boule de neige » défavorable implique que même si nous avions atteint l'équilibre primaire - c'est-à-dire sans déficit - notre ratio de dette sur PIB aurait quand même augmenté de 7,2 points.

Malgré l'aggravation de notre niveau d'endettement qui est plus que problématique, nos conditions de financement sont restées très favorables. En témoigne, notamment, la diminution du taux apparent de la dette publique et la baisse continue de la charge de la dette rapportée au PIB.

Avant d'entrer plus en détail dans l'exécution du budget de l'État, il faut reconnaitre qu'il nous est difficile, en 2020, de mesurer l'ampleur des efforts de maitrise de la dépense hors crise. Le Gouvernement indiquait dans la version initiale du projet de loi que les administrations auraient réalisé un effort en dépense équivalent à 1,5 point de PIB potentiel. Plus nuancé, le Haut Conseil des Finances Publiques estimait quant à lui que cette estimation n'avait « aucune signification ». Je partage cette opinion. En effet, à combien s'élèvent les économies en dépenses qui sont imputables à la crise ? Cela n'est pas véritablement évalué s'agissant de l'État. Quelle part des dépenses de soutien et des aides à l'économie doit-elle être considérée comme exceptionnelle et temporaire ? Il y a ici matière à débat.

J'en viens à présent au budget de l'État proprement dit.

Le déficit budgétaire s'établit en 2020 à un niveau de 178,1 milliards d'euros, dépassant de loin le niveau de 148,8 milliards d'euros atteint lors de la crise financière de 2010.

Ce déficit est d'ailleurs supérieur de 85 milliards d'euros par rapport au niveau prévu en loi de finances initiale. Bien sûr, l'écart est dû pour l'essentiel à la crise sanitaire, qui crée des dépenses, surtout avec la nouvelle mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », et diminue les recettes.

Ce déficit est toutefois inférieur au déficit de 223,3 milliards d'euros prévu par la quatrième loi de finances rectificative du 30 novembre 2020, car celle-ci s'était fondée sur des hypothèses de dépenses supplémentaires qui n'ont pas été vérifiées. Les plafonds de crédit prévus par le dernier collectif budgétaire n'ont donc pas été dépassés, mais au contraire sous-exécutés.

Les recettes diminuent nettement en 2021, sous l'effet de la crise économique qui réduit de 9,0 % les recettes fiscales nettes. Elles sont toutefois supérieures de 6,7 milliards d'euros à la prévision de la quatrième loi de finances rectificative.

Les recettes d'impôt net sur les sociétés sont de 36,3 milliards d'euros, soit un quart de moins que la prévision en loi de finances initiale. En effet les derniers acomptes, versés en décembre, ont été très faibles comme on le voit dans le niveau, mois après mois, des recettes brutes. En recettes nettes, il est toutefois en hausse de 2,9 milliards d'euros par rapport à 2019 à cause de l'effet de plusieurs réformes décidées avant la crise, notamment la transformation du crédit d'impôt d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui a réduit les remboursements et dégrèvements.

La TICPE, également, a été particulièrement touchée : son produit brut a chuté lors des deux confinements du printemps et de l'automne, car cet impôt est très lié aux secteurs les plus concernés par les restrictions d'activité et de déplacements. Sur l'ensemble de l'année, son produit net diminue de 38,9 % par rapport à 2019.

En revanche, l'impôt net sur le revenu s'établit à 74,0 milliards d'euros, soit un niveau proche de la prévision en loi de finances initiale comme de l'exécution 2019 : comme on l'a vu, les revenus des salariés ont été globalement préservés, grâce notamment au financement de l'activité partielle.

Enfin la TVA a connu une évolution spontanée de - 6,5 %, car c'est un impôt dont l'évolution est proche de celle de l'activité. Toutefois, en chiffres absolus elle diminue de 15,2 % par rapport à 2019 en raison, notamment, d'un nouveau transfert de TVA à la sécurité sociale. La part de TVA revenant à l'État a particulièrement diminué au cours des dernières années.

Enfin, les recettes non fiscales s'établissent en 2020 à un niveau de 14,8 milliards d'euros, proche de l'exécution 2019 : la chute des dividendes, qui résulte de la crise sanitaire, a été compensée par des recettes exceptionnelles liées notamment à des amendes et à la signature d'une convention judiciaire d'intérêt public avec la société Airbus.

Les dépenses nettes du budget général s'établissent à un niveau de 389,7 milliards d'euros, y compris les fonds de concours, soit une hausse considérable de 16,0 % par rapport à 2019.

L'augmentation des dépenses est bien plus importante qu'en 2010, où elle avait été de 10,9 %. À l'époque cette augmentation avait été suivie, dès 2011, d'un retour au niveau de dépenses antérieur à la crise. Ce n'est pas le cas cette fois, puisque les dépenses continuent à augmenter en 2021, et les documents déjà transmis par le Gouvernement en vue du débat d'orientation des finances publiques laissent penser qu'il faudra plusieurs années avant de revenir à une véritable maîtrise de la dépense publique.

Si l'on compare les crédits exécutés avec ceux prévus en loi de finances initiale, le fait essentiel est bien sûr la création de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », qui a été dotée de 69,6 milliards d'euros de crédits budgétaires au total, dont elle a consommé 41,8 milliards d'euros. Elle n'est dépassée en importance que par les missions « Enseignement scolaire » et « Défense ».

Les missions « Solidarité, insertion et égalité des chances » et « Cohésion des territoires » ont également fait l'objet d'ouvertures de crédit importantes en cours d'année pour financer des dépenses à caractère social induites, pour la plus grande partie, par la crise sanitaire.

En sens inverse, la persistance des taux bas a une nouvelle fois abaissé la charge de la dette à un niveau inférieur à la prévision de plus de 2 milliards d'euros. C'est le paradoxe que nous avons déjà souligné : la charge de la dette, en comptabilité générale, diminue dans des proportions identiques à la hausse de la dette. Ne nous y trompons pas : cette diminution aura une fin, probablement dès 2021 avec la reprise de l'inflation. La dette, elle, ne diminuera pas avant plusieurs années.

La masse salariale augmente en 2020 de 1,7 %, ce qui correspond à la prévision en loi de finances initiale, en raison notamment de la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). Sur les trois premières années du quinquennat, l'ensemble des dépenses de personnel (c'est-à-dire la masse salariale plus les contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions ») augmentent à un rythme moyen de 1,4 %. La maîtrise « stricte » de la masse salariale qu'annonçait la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 n'a pas été réalisée, puisque l'augmentation est supérieure à celle qui a été réalisée à la même période du précédent quinquennat.

En particulier, je rappelle que la quatrième loi de finances rectificative a acté une augmentation d'environ 2 800 emplois de l'État, dont l'effet en termes de dépenses sera surtout visible en 2021. Le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques indique explicitement que l'objectif du Gouvernement se limite désormais à la stabilité de l'emploi au sein de l'État et de ses opérateurs, alors qu'il annonçait naguère une réduction des 50 000 emplois au sein du Gouvernement et des opérateurs.

Enfin, il est nécessaire lors de l'examen d'un projet de loi de règlement, de vérifier de quelle manière a été respectée la loi de programmation des finances publiques. Nous notions un premier dépassement de 3,0 milliards d'euros l'an dernier pour la norme de dépenses pilotables, alors que ce n'était que la deuxième année d'application. L'écart est, bien sûr, beaucoup plus important en 2020 : la croissance très élevée des dépenses a placé loin derrière les objectifs en termes de dépenses pilotables comme en termes de dépenses totales. L'écart de 15,4 milliards d'euros sur les dépenses pilotables n'inclut pas les dépenses de la mission « Plan d'urgence », donc il s'agit de l'effet des dépenses d'urgence sur les missions traditionnelles, ainsi que de la conséquence des mesures prises en 2019 - déjà au nom de l'urgence économique et sociale.

Voilà les quelques éléments d'analyse que je souhaitais partager avec vous, vous trouverez des développements plus détaillés dans le rapport général qui accompagne vos contributions en tant que rapporteurs spéciaux.

Je crois que cette présentation retrace l'année exceptionnelle que nous avons vécue, avec notamment l'ouverture de près de 70 milliards d'euros de crédits sur la seule mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » qui n'existait même pas dans la loi de finances initiale !

S'agissant de notre vote sur ce texte, plusieurs éléments doivent être rappelés.

D'un côté, nous avons, en conscience et en responsabilité, voté les quatre projets de loi de finances rectificative, en obtenant d'ailleurs d'importantes évolutions et apports du Sénat. Nous avons en particulier validé les mesures de soutien, essentielles pour maintenir les entreprises à flot et protéger les ménages.

De l'autre, nous ne partagions pas les choix du Gouvernement qui ont guidé la construction de la loi de finances initiale pour 2020 et qui restent d'actualité. En particulier, nous déplorions, comme en 2019, que le Gouvernement ait manifestement renoncé à redresser les comptes publics. Or l'assainissement de nos finances publiques nous auraient permis d'avoir de plus grandes marges de manoeuvre lorsque la crise est survenue. Nous nous étions aussi opposés à de nombreuses mesures et avions regretté de n'avoir pas été entendu sur le schéma de financement pour les collectivités territoriales au titre de la suppression de la taxe d'habitation.

Par ailleurs, s'il n'y a pas de problème de respect de l'autorisation parlementaire au titre de cet exercice budgétaire compte tenu de la sous-exécution des crédits votés lors du dernier projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a, en revanche, procédé à des opérations de reports massifs en fin d'année, vers l'année 2021, et sans nécessairement conserver la destination initialement prévue.

Aussi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je m'en remettrai à la sagesse de notre commission pour le vote sur ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je souhaiterais avoir simplement une précision par rapport à la présentation qui nous a été distribuée : les montants de TVA transférés à la Sécurité sociale sont-ils structurels ou conjoncturels ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

L'année 2020 est exceptionnelle et les éléments habituels d'évaluation ne sont plus valables : on a un « point aberrant » dans les mesures statistiques. Sur le plan budgétaire, les reports de crédits ont atteint un niveau inédit afin d'éviter de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative au premier trimestre, ce qui n'est pas acceptable. Le principe est l'autorisation budgétaire annuelle, et la programmation pluriannuelle n'a d'ailleurs jamais été respectée. Je ne peux pas voter ce projet de loi de règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Le Sénat a voté les projets de loi de finances rectificatives de l'année 2020. Mais nous sommes alertés par l'augmentation de la dette et du déficit. Les émissions de dette rencontrent un grand succès auprès des marchés, mais combien de temps cela va-t-il durer ? Nous vivons sur une bombe à retardement.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

On peut approuver les mesures de soutien et, en même temps, ne pas donner un blanc-seing à la dégradation des déficits. Où en nous sommes-nous par rapport à nos voisins, notamment allemands, en termes de déficit et de perspectives de retour à l'équilibre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Nous avons soutenu les projets de loi de finances rectificatives, mais ce problème des reports de crédits ne nous permet pas d'adopter le projet de loi de règlement. Notre groupe s'abstiendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je vais tirer la sonnette d'alarme, sans illusion sur la capacité du Gouvernement et des administrations à se remettre en cause. Nous sommes couverts de dette, le déficit explose et aucune réforme de structure n'est réalisée. Les responsables publics sont aveugles devant la situation et l'année est toujours calamiteuse. Les jeunes sont mal traités et devront payer la dette. Je m'abstiendrai comme mon groupe, mais il faut dire au Gouvernement que cela ne peut pas durer. On se réjouit de la réussite des émissions de dette, mais pour combien de temps ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Je partage la tonalité de ces propos. Il fallait des outils puissants pour éviter l'effondrement de l'économie et on a ouvert les vannes sans objectif précis. Or la situation des jeunes et des étudiants est très préoccupante. On n'a pas fait les réformes nécessaires dans le contexte actuel. Cette politique n'est pas crédible au regard des enjeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

La quiétude des marchés financiers est remarquable. On s'inquiétait autrefois d'une dette à 100 % du PIB... Les réformes structurelles sont en fait engagées : l'assurance-chômage, voire les retraites font partie de ce qu'on veut nous imposer pour soi-disant restaurer la crédibilité de la France, ce qui n'est pas nécessaire puisqu'on nous prête à taux négatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Dans le cadre de la loi de règlement, il faut faire le constat de ce qui s'est passé, mais on voit que le débat politique de la loi de finances est déjà engagé.

Les outils statistiques sont en effet inadaptés alors qu'il faudrait transformer non seulement les outils, mais aussi la manière de faire. Il aurait fallu mieux associer l'ensemble des partenaires, dont le Parlement.

Les réformes sont annoncées puis mises de côté. Or les indicateurs sont préoccupants et plus encore pour la France que pour ses principaux partenaires. Certains d'entre eux reviendront au niveau de 3 % de déficit dès 2024, et nous en 2027 seulement : c'est un handicap dans la compétition internationale. Le déficit est à - 9,2 % du PIB en France, - 9,5 % en Italie, - 4,3 % aux Pays-Bas, et - 4,2 % en Allemagne. La capacité de rebond n'est pas la même.

On a un problème de maîtrise de la dépense publique et les arbitrages seront difficiles. J'ai montré ce qu'est devenu l'objectif de réduction de 50 000 emplois.

La TVA transférée à la sécurité sociale a compensé des pertes de ressources, notamment en 2019 et en 2020 : il s'agit d'un transfert permanent, mais le montant peut varier selon la dynamique de l'impôt.

S'agissant des marchés financiers, il faut rappeler que la Banque centrale européenne (BCE) continue à acheter de la dette française et que les acteurs financiers sont soumis à des obligations prudentielles qui les poussent à acheter de la dette. Il faudra bien un jour diminuer la dette publique, qui s'ajoute à une dette écologique considérable et plus difficile à évaluer.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020. En conséquence, elle décide de proposer au Sénat de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous en venons maintenant à une communication des rapporteurs spéciaux de la mission « Transformation et fonction publiques » sur l'exécution des crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Nous vous présentons ce matin, avec Albéric de Montgolfier, les résultats de notre contrôle sur les projets financés par la mission « Action et transformation publiques ». Cette mission a été créée par le Gouvernement en 2018, pour une durée de vie à l'origine temporaire, puisqu'elle devait s'éteindre en 2022. La mission regroupe désormais quatre programmes hétérogènes, chacun poursuivant un objectif bien différent : la rénovation énergétique des cités administratives pour le programme 348, l'accompagnement de la transformation de l'action publique pour le programme 349, les ressources humaines pour le programme 351 et le développement numérique de l'État pour le programme 352.

Même pour nous, rapporteurs spéciaux, il est parfois difficile de nous y retrouver et de savoir ce que fait chacun. Un cinquième programme a par ailleurs été rattaché à la mission au 1er janvier 2021, le programme 148 « Fonction publique ». Il était auparavant attaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », que nous suivons également en tant que rapporteurs spéciaux.

J'en viens maintenant aux raisons qui justifient ce contrôle, et j'en citerai deux.

La première vient du constat que nous faisons maintenant depuis trois ans : les crédits de la mission sont chaque année sous-consommés, de l'ordre de 75 % à 80 % pour trois programmes, et l'année 2020 ne fait pas exception. Cette gestion, que l'on ne saurait qualifier de satisfaisante, remet en cause le vote du Parlement. Nous avions proposé un amendement d'appel lors du projet de loi de finances 2021 pour annuler 75 % des crédits de la mission et ainsi attirer l'attention du Gouvernement sur ces graves problèmes d'exécution budgétaire.

La seconde raison vient du contexte de crise sanitaire, qui a remis en avant quelques-unes des grandes priorités de la transformation de l'action publique, telle la numérisation de nos administrations et de nos services publics. Pourtant, en dépit de la création d'une mission et de programmes ad hoc, il nous est très difficile de suivre les résultats dans ce domaine.

Notre principale conclusion est la suivante : si la mission soutient des objectifs que nous pouvons partager, les véhicules budgétaires sont totalement inadaptés. Le Gouvernement aura beau jouer la carte de la « crise » pour expliquer les nouveaux problèmes de consommation des crédits en 2020 et, même si nous ne nions pas ses conséquences, cette explication est insuffisante. Chaque année, le Gouvernement propose une « nouvelle excuse ». La mission souffre en réalité de problèmes structurels, qu'il nous semble urgent de régler.

Je commencerai par aborder le programme 348, supposé porter un milliard d'euros pour la rénovation des cités administratives. Les 39 cités éligibles au programme ont bien été sélectionnées, en 2018 et 2019. Or, les travaux ont commencé pour seulement deux d'entre elles en 2020, Bordeaux et Colmar. Six cités les ont rejoints au premier semestre 2021 et 15 projets ne devraient pas commencer avant 2022. Les travaux ne devraient donc constituer la majorité des dépenses du programme qu'en 2022.

Par conséquent, aucune livraison des travaux ne pourra intervenir avant 2023, voire 2024 pour Bordeaux. Il est donc quasiment certain qu'il y aura des restes à payer au-delà de 2022, mais le ministère se refuse encore à se prononcer sur le portage de ces crédits, dans l'éventualité où la mission ne serait pas reconduite.

Certes, ces retards ont pu être aggravés par la crise sanitaire, mais ils lui sont antérieurs. La direction de l'immobilier de l'État prévoyait au départ d'engager les travaux dès l'année 2019. Ces retards sont d'autant plus dommageables que le risque de surcoût s'est significativement accru cette année. En effet, les maîtres d'oeuvre constatent une hausse du coût des matériaux de près de 10 %, du fait de difficultés d'approvisionnement. Or, l'enveloppe ouverte sur le programme 348 est une enveloppe fermée, qui nécessite un pilotage fin des crédits. Tout ceci n'incite guère à l'optimisme.

Par ailleurs, nous constatons que, parmi les projets sélectionnés, 12 ne présentent que des gains énergétiques faibles et sept ont été validés malgré un avis négatif de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages. La maitrise d'ouvrage souffre par ailleurs de lacunes significatives, parmi lesquelles un déficit de compétences et de moyens humains.

Pour un programme de cet ampleur, de près d'un milliard d'euros je le rappelle, il est enfin extrêmement dommage de ne disposer d'aucun indicateur de performance vraiment pertinent. Le principal indicateur n'est qu'une estimation des économies d'énergie attendues, basées sur des auto-évaluations des porteurs de projet, autant dire que cela n'engage pas beaucoup le responsable du programme ! Ces indicateurs ne renseignent donc pas sur les effets concrets des travaux engagés et ne se prêtent pas non plus à une mesure annuelle.

Notre première recommandation porte sur l'urgence de revoir les indicateurs du programme 348, sachant qu'une partie de ces données est d'ores et déjà transmise à la Cour des comptes. Il faut aussi aller plus vite : les crédits sont disponibles, mais rien n'est prêt ! Il revient pourtant à l'État de donner l'exemple en matière de rénovation énergétique ou de cadre de vie et d'accessibilité pour les agents !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Le rapporteur général posait la question de la réduction des déficits publics et de la masse salariale de l'État dans son rapport sur la loi de règlement 2020, ce que doit normalement permettre la transformation de l'action publique. Or, nous ne pouvons que constater son échec à produire ses effets, avec des responsables de programme incapables de consommer les crédits. Nous avons également eu l'impression, lors de nos auditions, d'une certaine auto-satisfaction des directions en charge de suivre la transformation de l'action publique : à les écouter, nos concitoyens seraient parfaitement satisfaits de leurs services publics, de leur accessibilité et de leur qualité. Ce n'est pas du tout en accord avec ce que nous pouvons observer sur le terrain.

Ainsi, les difficultés que vient de décrire Claude Nougein sur le programme 348 de rénovation des cités administratives, nous les constatons aussi sur les autres programmes. Je commencerai par le deuxième le plus important par son volume de crédits : le programme 349, qui porte le Fonds pour la transformation de l'action publique. Il était supposé être doté de 700 millions d'euros sur cinq ans, mais nous sommes encore loin du compte. Moins de 35 % des crédits ont ainsi été consommés en trois ans, et il ne reste plus que deux ans au Fonds, en théorie, pour produire ses effets.

Son objectif est pourtant louable : il doit soutenir les réformes porteuses d'économies à moyen terme au sein des services de l'État en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une telle réforme dans sa phase initiale. Un euro investi devait ainsi conduire à un euro d'économie pérenne au bout de trois ans. Ce critère de sélection a toutefois été remis en cause, justement pour pouvoir accroître le nombre de projets sélectionnés.

Là-encore, les délais sont encore trop importants pour envisager une exécution au plus juste des crédits du programme. Les délais de contractualisation avec les porteurs de projets sont en effet extrêmement longs : il y a de nombreux allers-retours avec les administrations, notamment pour réévaluer le montant d'économies attendu et le montant de crédits alloué. Résultat, la plupart de ces projets ne produiront pas leurs effets avant 2023 au moins, posant là-aussi la question du portage budgétaire des restes à payer.

Comme pour le programme 348, les indicateurs de performance sont lacunaires et il est quasiment impossible de suivre le montant total des crédits alloués à chacune des administrations. Notre deuxième recommandation invite ainsi à identifier clairement, dans les documents budgétaires, et pour chacun des programmes concernés, la part des crédits en provenance du Fonds pour la transformation de l'action publique. Cet effort de clarification doit également porter sur les projets soutenus : date d'amorçage, coût prévisionnel total, part et utilisation des crédits en provenance du FTAP. Les indicateurs de performance du programme 349 doivent être modifiés en conséquence. Nous recommandons également, hors de la phase d'amorçage, de confier directement aux gestionnaires et responsables de programme les crédits prévus sur le Fonds, pour accélérer leur mobilisation.

J'en viens maintenant au programme 351, correspondant aux crédits du Fonds pour l'accompagnement interministériel Ressources humaines, et au programme 352, qui porte les crédits de ce qui était jusqu'au 31 décembre 2020 le Fonds pour l'accélération des start-up d'État. Je vais être clair : nous recommandons de les supprimer et de réallouer leurs crédits.

L'exécution du programme 351 entraine chaque année des contorsions budgétaires, en raison des règles applicables au transfert de crédits du titre 2, soit les dépenses de personnel. Simplifions tout cela et attribuons directement les crédits sur les programmes des administrations qui mènent des réformes structurelles en matière de ressources humaines. Ces crédits pourraient sinon être portés par le programme 148 « Fonction publique », dont l'action n° 3 porte déjà plusieurs fonds destinés à soutenir des réformes ou des actions dans le domaine des ressources humaines.

Le programme 352 est de taille très limitée, autour de quelques millions d'euros par an. Nous ne voyons pas l'intérêt de maintenir ce programme, d'autant qu'il a dû être renommé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 pour mieux correspondre aux projets qu'il finançait. Il vaudrait mieux redéployer ses crédits sur l'action 16 « Coordination de la politique numérique » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». La logique interministérielle du programme serait ainsi conservée et le Fonds pourrait s'intégrer aux autres actions d'ores et déjà portées par la Direction interministérielle du numérique.

Pour résumer, nous souhaitons insister sur une triple nécessité.

Premièrement, il faut modifier les indicateurs de performance et permettre au Parlement de mieux suivre l'avancée concrète des projets financés par la mission.

Deuxièmement, il convient de faire preuve de davantage de transparence sur le devenir de la mission.

Troisièmement, il est nécessaire d'accroître la sincérité des prévisions inscrites en projet de loi de finances initiale, afin de respecter l'autorisation parlementaire. Cet effort de sincérisation doit s'accompagner d'une rationalisation des programmes de la mission.

Pour conclure, le sentiment que nous retenons avec Claude Nougein à la fin de ce contrôle est celui d'un gâchis. La ministre de la transformation et de la fonction publiques se définit elle-même comme la ministre de la qualité des services publics, mais tout ceci semble manquer d'élan, à la fois sur le plan budgétaire et sur le plan des indicateurs.

Regardez par exemple les objets de la vie quotidienne (OVQ) : le cabinet a admis devant nous que cette désignation un peu trop « incompréhensible » des réformes à mener au sein des administrations et des ministères n'avait pas suscité l'élan attendu. Rien de surprenant ! Le Gouvernement nous parle donc désormais de réformes prioritaires.

Même constat pour l'objectif de rendre accessibles en ligne les 250 démarches administratives les plus usuelles, avec un haut niveau de satisfaction des usagers d'ici 2022. Au printemps 2021, nous ne pouvons que constater que de nombreux efforts restent à mener pour que le Gouvernement respecte ses engagements. 37 démarches n'ont fait l'objet d'aucune numérisation, 45 seulement présentent un niveau acceptable de satisfaction, 140 démarches ne sont pas évaluées. Tout ceci sans compter les problèmes d'accessibilité pour nos concitoyens les plus éloignés du numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

La question que je souhaite poser aux rapporteurs est celle des objectifs fixés pour la mission. Ceux-ci vous paraissent-ils être clairement définis ? En effet, on peut s'interroger, au-delà de l'incantation à la transformation publique, sur les véritables objectifs poursuivis par le Gouvernement au travers de cette mission budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

En tant que rapporteur des crédits de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), j'ai pu constater que si ces établissements bénéficiaient en effet des crédits du fonds pour la transformation de l'action publique, ceux-ci sont de faible niveau au regard des mutations en cours.

Ces différentes structures se sont engagées dans des réorganisations internes très importantes et je m'interroge donc sur les raisons justifiant la sous-consommation des crédits du fonds. Est-ce un problème de critère ? Faut-il au contraire considérer que ce niveau de consommation relève d'une bonne gestion ou d'une volonté de montrer aux administrations bénéficiaires que ces crédits ne sont pas récurrents ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Quel a été l'effet de levier de la transformation publique sur la diminution du nombre d'emplois publics ? François Fillon, alors candidat à l'élection présidentielle, avait pour objectif la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires. Aujourd'hui, où en est-on par rapport à cet objectif ambitieux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je me joins aux constats des rapporteurs spéciaux : à partir du moment où 75 % des crédits ne sont pas consommés, il y a effectivement un problème majeur.

Les rapporteurs ont évoqué la situation des cités administratives et la nécessité de les moderniser pour renforcer leur efficience environnementale. Il me semble néanmoins qu'il n'y a pas d'indicateur pour mesurer cet objectif. Concernant la numérisation des services publics, on constate, d'une part, qu'elle n'est pas assez rapide sur certains services et, d'autre part, qu'elle ne prend pas toujours en compte l'ensemble des publics, surtout les plus éloignés du numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Concernant la rénovation des cités administratives, seuls des objectifs théoriques d'économies d'énergie ont été fixés, basés sur une auto-évaluation des porteurs de projet ! Ce constat, sur un programme d'un milliard d'euros, est d'autant plus préoccupant que les travaux n'ont été entamés que dans trois cités administratives en 2020, et six en 2021, sur les 39 sélectionnés.

Vous l'avez rappelé, plus de 75 % des crédits du programme dédié à la rénovation n'ont pas été consommés ces trois dernières années. Le Gouvernement nous promet chaque année un effet de rattrapage. Il s'agit en réalité d'un problème de fond, qui interroge sur la sincérité des prévisions du Gouvernement et sur le rôle du Parlement. Nous espérons que 2021 et, surtout, 2022, marqueront enfin de vraies améliorations quant à la consommation de ces crédits. Beaucoup de responsables de programmes aimeraient bénéficier de moyens aussi importants pour mener à bien leurs projets !

Les cités administratives, qui sont souvent des passoires thermiques construites dans les années 1970, demandent beaucoup de travaux. Ces crédits sont indispensables pour les rénover et pour améliorer la qualité de vie au travail des agents publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Qu'on ne se trompe pas sur nos principaux constats. Oui, il nous apparaît nécessaire de donner des moyens aux administrations pour transformer la fonction publique, accélérer la numérisation et moderniser l'action publique. Ce sont des objectifs utiles pour lesquels il faut savoir investir et mobiliser des crédits.

Cependant, le système qui consiste à recourir à une direction interministérielle et à saupoudrer des crédits ne fonctionne pas. Il y a un grand nombre d'administrations et d'organismes qui ont un besoin en investissement considérable, en particulier dans le domaine informatique, et Météo France constitue de ce point de vue un bon exemple. Ce n'est pas en accordant ponctuellement quelques millions d'euros que l'on peut apporter des solutions durables et accompagner des transformations profondes. Nous considérons qu'il faut redonner aux gestionnaires des administrations les moyens d'accompagner les transformations.

Par ailleurs, je n'ai pas l'impression que les Français soient satisfaits de l'accès aux services publics sur le terrain. Avec la fermeture des trésoreries et des points d'accueil de la sécurité sociale, les démarches sont parfois très compliquées. Il faut revenir à la réalité et renforcer les moyens d'accès aux services publics des personnes les plus éloignées du numérique.

Il faut enfin que soient respectées les autorisations du Parlement et arrêter de faire de la communication et de l'affichage.

Il n'est pas normal que nous progressions aussi lentement sur les passoires thermiques ou qu'autant de démarches ne soient pas numérisées avec un niveau élevé de satisfaction. La mission « Transformation et fonction publiques » emporte de grandes déceptions et affiche des résultats qui ne sont pas à la hauteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous poursuivons la restitution des travaux de contrôle de notre commission avec la présentation du contrôle budgétaire sur le rôle des maisons départementales des personnes handicapées dans la gestion de l'allocation aux adultes handicapés mené par les rapporteurs spéciaux Arnaud Bazin et Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous vous présentons ce matin, avec Arnaud Bazin, les principales conclusions de nos travaux de contrôle budgétaire sur le rôle des maisons départementales des personnes handicapées - les MDPH - dans la gestion de l'allocation aux adultes handicapés - l'AAH.

Pour mémoire, l'AAH est un minimum social attribué sous conditions de ressources à des personnes en situation de handicap. Comme pour le RSA, l'instruction des dossiers est décentralisée, à ceci près que cette tâche essentielle n'est pas confiée aux départements mais - depuis la loi « Handicap » de 2005 - aux MDPH. Son attribution est ensuite entérinée en commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et son service est assuré par les caisses d'allocations familiales (CAF). Toutefois, à l'inverse du revenu de solidarité active (RSA), le dispositif reste financé par le budget de l'État et la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Il en résulte donc une architecture institutionnelle originale, dans laquelle l'État se cantonne quelque peu au rôle de payeur. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé intéressant de nous pencher sur la part qu'y prennent les MDPH, une part décisive puisqu'elle détermine dans la pratique l'attribution de la prestation.

À ce titre, le premier constat que nous portons est celui d'un financement complexe des MDPH, et surtout d'un niveau insuffisant.

Les groupements d'intérêt public que sont les MDPH ont trois principales sources de financement : le département pour 43 %, l'État pour 35 % et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour 20 %. Cela représente un montant total de contributions d'un peu plus de 300 millions d'euros par an.

Je précise que la contribution de l'État au fonctionnement des MDPH, qui se limite à compenser les vacances des postes qui avaient été mis à leur disposition lors de leur création, est versée depuis 2017 par la CNSA.

Du côté des départements, les contraintes financières que l'État a imposées sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont forcément rendu plus complexe tout renforcement de leur contribution aux MDPH.

En tout état de cause, il ressort des entretiens que nous avons menés que la relative stabilité des concours nationaux aux MDPH est bien insuffisante pour leur permettre de faire face à la hausse massive de leur activité dans des conditions satisfaisantes. À titre d'exemple, le nombre de bénéficiaires de l'AAH a progressé de 15 % en seulement 5 ans. Tous dispositifs confondus, on constate même une hausse de 70 % du nombre des demandes depuis 2006.

Le seul constat de l'évolution du nombre de demandes est de surcroît insuffisant pour apprécier la charge réelle des services des MDPH. Une demande d'AAH n'en vaut pas forcément une autre. Je pense par exemple aux demandes d'AAH-2, le volet de la prestation - particulièrement dynamique au demeurant - réservé aux personnes ayant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %, mais justifiant d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. Ce critère de « RSDAE » pose d'importantes difficultés d'appréciation, et est à ce titre particulièrement chronophage pour les instructeurs. Encore faut-il d'ailleurs que ces derniers soient en mesure d'expertiser convenablement un critère d'accès à l'emploi...En effet, en dépit de la lettre de la loi, qui impose que l'instruction des demandes soit effectuée par une équipe pluridisciplinaire capable de croiser différentes expertises, ces équipes sont dans les faits souvent réduites à peau de chagrin. Certaines MDPH n'ont même pas un ETP complet de médecin !

Les MDPH sont dans le même temps confrontées à une forte pression pour tenir le délai légal de traitement des demandes, fixé à 4 mois. De fortes disparités peuvent être constatées à cet égard : le délai moyen au niveau national était estimé en 2019 à 4 mois et 7 jours, soit à peine au-dessus du délai légal fixé à 4 mois, mais l'on observe des variations selon les départements allant de 2 mois à plus d'un an.

Au vu de tous ces éléments, il est indispensable que soit mené un travail de qualification et de quantification des compétences dont doit disposer une MDPH pour assurer ses missions convenablement, en portant un diagnostic précis sur les effectifs et la composition des équipes pluridisciplinaires dans les MDPH.

L'augmentation annoncée de 15 millions d'euros de la dotation de la CNSA va naturellement dans le bon sens, mais l'effort devra sans doute être amplifié si l'on veut que l'objectif affiché d'appréciation globale de la situation des personnes dans un délai raisonnable ne soit plus un slogan mais bien une réalité pour tous les usagers.

La mise en place d'une « task force » en faveur des MDPH les plus en difficulté et dotée d'un budget d'intervention de 20 millions d'euros sur deux ans est également à saluer. Il faudra mener une évaluation rigoureuse de ses résultats, afin d'envisager une pérennisation, voire un renforcement de l'enveloppe ponctuelle qui lui a été attribuée.

S'agissant enfin de la contribution de l'État, il convient sans doute de se demander s'il n'est pas temps de remettre à plat les critères posés en 2006 pour valoriser les vacances de postes à compenser, et plus fondamentalement sur le sens de cette compensation quand tous les postes transférés à l'époque de la création des MDPH auront disparu. L'État doit, nous semble-t-il, sortir d'une logique de compensation au coût historique pour s'investir pleinement dans la politique du handicap et singulièrement dans la politique de l'AAH, en contribuant à doter les MDPH de moyens suffisants pour être les relais efficace de son action.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Nous n'avons également pas manqué d'être frappés, dans le cadre de nos travaux, par la connaissance très imparfaite que nous avons de l'AAH et de ses bénéficiaires, alors même que celle-ci représente une dépense de plus de 11 milliards d'euros, par ailleurs très dynamique.

Nous avons trop longtemps laissé perdurer une situation dans laquelle chaque MDPH pouvait disposer de son propre système d'information, en dépit de l'obligation légale clairement posée en 2005 tendant à l'institution d'un système d'information commun. Cette situation rendait impossible la remontée d'une information robuste sur les bénéficiaires de l'AAH.

Néanmoins, nous avons eu l'occasion de constater que des progrès certains avaient été accomplis en ce sens, avec la mise en place d'un système d'information qui, à défaut d'être commun, est au moins harmonisé. Celui-ci doit notamment permettre un traitement homogène des données relatives aux demandes et offrir un cadre commun pour les échanges de données entre les MDPH et leurs partenaires, comme les CAF ou encore les établissements médicaux-sociaux.

Le déploiement de ce SI a par ailleurs permis la publication d'un « baromètre MDPH » par la CNSA, qui marque également un progrès en termes de transparence, même si l'outil est à ce jour un peu fruste et ne permet pas d'isoler de façon satisfaisante les données relatives à l'AAH de celles relatives aux autres types de dispositifs instruits par les MDPH.

Ce choix du SI harmonisé n'en reste pas moins source de complexités et nous avons tout de même tendance à considérer, avec Éric Bocquet, qu'un système réellement commun aurait sans doute été préférable. Reste à voir si l'on peut capitaliser sur l'existant pour progresser sur cette voie. En tout état de cause, toute évolution du système devra être pensée pour et avec le point de vue des agents des MDPH, en déployant simultanément un réel effort de formation en leur direction.

La nécessité de s'approprier ces nouveaux outils, parfois à marche forcée et avec une formation minime, s'est en effet imposée aux agents comme une contrainte lourde s'ajoutant à leurs tâches quotidiennes d'instruction. Ces dimensions concrètes sont trop souvent négligées.

Plus largement, il existe un consensus parmi les MDPH pour considérer que l'effort de formation actuellement déployé par la CNSA est largement lacunaire. De réels efforts sont à mener en ce sens, en partenariat avec le CNFPT.

Cet enjeu de la formation m'amène, pour conclure, à vous présenter notre dernière série d'observations, qui porte sur l'animation du réseau et la nécessité de renforcer son pilotage.

La CNSA montre une réelle volonté pour assumer son rôle de pilote du réseau. Elle coordonne à ce titre la feuille de route gouvernementale « MDPH 2022 ».

L'hétérogénéité des pratiques entre MDPH est encore. On peut la constater en matière de délais de traitement, mais aussi en matière de taux d'attribution de l'AAH, et encore davantage en matière d'appréciation du critère de RSDAE. L'harmonisation des pratiques, qui va dans le sens d'une plus grande égalité de traitement entre usagers, justifie donc pleinement un renforcement du pilotage national.

Pour autant, la forme que celui-ci est en train de prendre laisse parfois un peu dubitatif. Les responsables de MDPH que nous avons auditionnés ont été unanimes pour regretter une évolution de la CNSA vers un pilotage très directif et centralisé, focalisé sur la remontée d'indicateurs et les enjeux budgétaires. Il y a une vraie obsession de la donnée, sans que leur partage ne donne lieu à un véritable dialogue individualisé entre la CNSA et la MDPH afin d'en faire un réel levier de progrès d'amélioration de ses performances.

L'État semble de son côté s'efforcer de reprendre quelque peu la main sur l'AAH, en lançant une mission nationale d'audit et de contrôle dont les contours, les objectifs et les moyens semblent encore flous, de même que ses modalités d'articulation avec l'action de la CNSA.

Le renforcement du pilotage ne suffit donc pas, encore faut-il que celui-ci reste clair et - j'ai envie d'ajouter - soit plus partenarial et plus humain et plus efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je veux à nouveau remercier les deux rapporteurs. D'après vous qu'est ce qui a pu empêcher la mise en place, pourtant décidée en 2005, d'un système d'information commun ? Au regard de votre connaissance du sujet et de vos expériences personnelles, quels avantages verriez-vous à ce système d'information commun ? Sur ce sujet, je partage le propos conclusif : la donnée ne doit pas être recherchée pour elle-même, et il faut veiller à conserver de l'humanité dans les relations avec les équipes qui travaillent autour de la question du handicap et avec les usagers.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Vermeillet

A mon tour, je souhaite remercier nos deux rapporteurs spéciaux pour cet exposé très intéressant. Je suis frappée par la carte qui est intégrée dans le rapport. Elle fait en effet apparaître des disparités entre départements en matière de traitement des dossiers d'AAH. Quelle est l'origine de ces disparités entre départements, est-ce une question de disparités de moyens humains ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Merci à nos deux rapporteurs qui ont travaillé sur un sujet d'importance. J'ai en mémoire, lorsque je faisais partie de la commission des affaires sociales, un travail qui avait été réalisé en 2010 sur le bilan des MDPH par notre ancien collègue Paul Blanc, et à titre personnel je ne mesure plus réellement leur rôle. Il y a en effet, comme cela a été rappelé par les rapporteurs, trois partenaires financiers sous l'autorité des conseils départementaux. Mes questions sont les suivantes : premièrement, comment se rapprocher, sur le terrain, des demandeurs qui déposent leur dossier ? Ensuite, peut-on quantifier le coût de fonctionnement des MDPH rapporté à leur réelle efficacité?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Merci aux deux rapporteurs pour ce travail qui soulève différents éléments qu'il convient de remettre à plat. Ma question rejoint, dans l'esprit, celle de Marc Laménie. Les indicateurs ont certes leur utilité mais se révèlent déconnectés du réel. Ainsi par exemple, de nombreuses MDPH préconisent, après un parcours du combattant des parents, le suivi par des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). On devrait donc aussi mesurer l'effectivité de l'accès aux droits qui sont ouverts par les MDPH. Car si les parents parfois s'interrogent sur un nombre d'heures qui leur semble peu important par rapport au handicap de leur enfant, en réalité pendant l'année scolaire, il n'y a parfois aucun recrutement d'AESH pour assurer cet accompagnement. Cela montre la limite de l'approche par les indicateurs : une fois qu'il y a prescription de droits, quelle est la réalité de leur ouverture ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je voudrais moi aussi remercier les deux rapporteurs pour leur travail sur ce sujet dont on a beaucoup parlé il y a quelques semaines à l'occasion des échéances qui viennent de s'achever et en effet dans le Finistère on s'apercevait qu'il y avait un délai de traitement particulièrement long, parfois de plus de huit mois. Et j'observe dans le rapport qu'il y a des disparités très fortes en termes de délai de l'ordre de un à six entre les départements. Les rapporteurs ont-ils pu faire une évaluation du nombre de demandes rapporté à la population qui justifierait ces disparités? Par exemple, dans la Meuse est-ce parce qu'il y a moins de demandes que les dossiers sont traités aussi rapidement? Est-ce qu'on a une idée des coûts de traitement des dossiers ? Concernant les personnels, est-ce que la pénurie de médecins entrave le fonctionnement des MDPH ? Je vois que l'une des propositions des rapporteurs est d'aller vers des points d'accueil territorialisés. S'agit-il de se rapprocher des maisons France Service pour proposer sur le territoire une présence ou alors de s'appuyer sur d'autres institutions comme les communes ou communautés de communes ou d'agglomération ? Enfin sur la question des moyens, n'est-il pas temps de se dire qu'il faudrait que ce soit le conseil départemental qui pilote totalement ces MDPH ? On a aujourd'hui le sentiment que des difficultés relationnelles entre les différents acteurs nuisent au pilotage. Sachant que nous sommes dans un domaine où les demandes évoluent fortement et les coûts induits aussi. Il s'agit ici d'une dépense quasi-obligée, qui génère pour l'État des coûts importants, mais justifie que les dépenses publiques augmentent un peu.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Sur le système d'information : il s'agit d'un sujet que nous avons croisé régulièrement au cours de nos travaux ces dernières années. On constate enfin que les choses s'enclenchent : c'est une bonne nouvelle. Il était difficilement compréhensible que nous ne disposions pas de cet outil qui concerne, sur le seul champ de l'AAH, 1,2 million d'allocataires. J'avais du mal à croire que, alors nous avons pu mettre en place le prélèvement à la source pour 38 millions de foyers fiscaux, nous serions dans l'incapacité de mettre en place un système d'information commun pour les MDPH.

Un tel système permet une meilleure connaissance des situations, et constitue donc un outil d'analyse précieux. Il permet également d'objectiver plus finement les disparités entre départements, qui s'expliquent de différentes façons. Par exemple, les effectifs des équipes pluridisciplinaires sont quelque peu à géométrie variable. Il existe d'importantes disparités en matière de formation. On constate enfin des disparités de pratiques, notamment en termes de taux d'attribution, qui ne sont pas acceptables s'agissant d'une politique nationale comme celle de l'AAH.

En réponse à Marc Laménie, le fait de disposer de points d'accueil territorialisés est un atout indéniable pour se rapprocher des demandeurs. Environ deux tiers seulement des MDPH disposent de tels points d'accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Je vais m'efforcer de répondre avec ma « double casquette » de rapporteur spécial et d'ancien vice-président aux affaires sociales d'un département d'Île-de-France puis de président. J'étais notamment en charge des affaires sociales au moment de l'institution des MDPH dans mon département, ce qui me permet de répondre au rapporteur général : il n'y a pas pu y avoir d'emblée un système d'information commun pour la seule raison que l'État a placé les départements face à la nécessité de faire sans coordination, et que ceux-ci se sont alors tournés vers différents éditeurs, qui sont encore là aujourd'hui. Ces systèmes d'information MDPH ont en outre souvent des liens avec les systèmes d'information des départements, ce qui a contribué à rendre leur unification complexe.

Pour prolonger le propos d'Éric Bocquet sur les avantages d'un système d'information unique ou au moins harmonisé, je dirais qu'un tel système permet une connaissance plus fiable de l'AAH, une facilité d'interaction avec les autres acteurs, notamment les CAF, et la simplification de la relation à l'usager. Cela peut aussi constituer un levier d'harmonisation des pratiques.

Sylvie Vermeillet nous a interrogés sur les disparités constatées entre les départements : elles reflètent d'abord l'hétérogénéité des départements. Pour avoir siégé plusieurs années au bureau de l'Assemblée des départements de France, je peux affirmer une chose : « autant de départements, autant de situations ». Cela justifie la décentralisation du dispositif, pour mieux prendre en compte la diversité du territoire, à condition bien sûr qu'on puisse toujours garantir une équité de traitement.

Je partage la nécessité exprimée par Marc Laménie de simplification de la communication avec le public. Comme président de département, je m'étais efforcé d'obtenir une simplification de l'expression des notifications de décisions adressées par la MDPH, qui était très complexe. Je me trouvais parfois moi-même en incapacité d'expliquer aux personnes concernées le sens de la décision... Je m'étais cependant heurté à une forte résistance de mon administration, qui craignait que la modification des termes de la notification n'ait pour effet d'ouvrir de nouveaux espaces de contentieux. Il faut donc mettre suffisamment de moyens d'interface pour être en capacité de présenter leurs droits aux personnes le plus clairement possible.

Nous partageons le point de vue exprimé par Sophie Taillé-Polian : les indicateurs ne doivent pas être une obsession. Il y a derrière les chiffres des réalités complexes. La vérification de la bonne activation des droits ouverts par les CDAPH nécessite notamment d'améliorer les relations et les échanges d'informations entre les MPDH et les établissements médico-sociaux.

Michel Canévet a posé une question sur les disparités en termes de délais. Il s'agit de données à manier avec précaution. Certaines décisions simples peuvent être prises très rapidement, tandis que les situations les plus douloureuses, et souvent les plus urgentes, sont évidemment les plus compliquées et leur délai de traitement est plus long. Nous devrions réussir à faire le contraire : traiter prioritairement les demandes émanant des personnes dont la situation est la plus difficile.

La pression en termes de nombre de demandes n'est pas la même selon les départements. Elle est notamment plus forte dans les départements les plus urbanisés.

Il est par ailleurs évident que la pénurie de médecins dans les MDPH et la difficulté de celles-ci à les fidéliser constituent des enjeux importants. Le constat vaut d'ailleurs pour tous les personnels : on observe un « turn-over » important, de la fatigue...

Pour compléter le propos d'Éric Bocquet sur la territorialisation de l'accueil, je dirais qu'à mon sens les centres communaux et intercommunaux d'action sociale restent les partenaires naturels des départements, même si les maisons France services peuvent aussi jouer un rôle.

Sur la question d'un rôle départemental plus affirmé, je noterais qu'en pratique les conseils départementaux, en tant que président des GIP, sont déjà les pilotes des MDPH, notamment en matière de ressources humaines. Il leur manque certaines compétences pour pouvoir exercer un pilotage global, en particulier la compétence « emploi », qui est notamment importante en matière d' « AAH-2 ». Le partenaire État est indispensable dans la chaîne de décision : il faut rappeler que l'AAH représente tout de même 11 milliards d'euros de crédits budgétaires.

La conclusion que j'en tire, c'est que, dans un domaine particulièrement complexe d'un point de vue juridique et de l'organisation administrative, finalement, nous sommes tout de même dans une optique de progrès et d'améliorations. Nous exprimons cependant une nouvelle inquiétude sur l'attitude de l'État au travers de la CNSA, qui est davantage dans le contrôle que dans une volonté d'accompagner et d'impulser ces progrès.

La commission autorise la publication de la communication des rapporteurs spéciaux sous la forme d'un rapport d'information.

La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Stéphane Sautarel, Vincent Delahaye, Rémi Féraud et Didier Rambaud, comme membres titulaires, et de MM. Vincent Segouin, Arnaud Bazin, Philippe Dallier, Jean-Michel Arnaud, Mme Isabelle Briquet, MM. Jean-Claude Requier et Pascal Savoldelli, comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020.

La commission désigne MM. Jean-François Husson et Claude Raynal rapporteurs sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (A.N., XVe lég., n° 4110 rect.) et sur la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques (A.N., XVe lég., n° 4113 rect.), sous réserve de leur transmission.

La commission demande à se saisir pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, sous réserve de sa présentation en Conseil des ministres et de son dépôt, et désigne M. Christian Klinger en qualité de rapporteur pour avis.

La réunion est close à 11 h 20.