Intervention de Éric Bocquet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 juillet 2021 à 9h30
Contrôle budgétaire — Rôle des maisons départementales des personnes handicapées dans la gestion de l'allocation aux adultes handicapés aah - communication

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet, rapporteur spécial :

Nous vous présentons ce matin, avec Arnaud Bazin, les principales conclusions de nos travaux de contrôle budgétaire sur le rôle des maisons départementales des personnes handicapées - les MDPH - dans la gestion de l'allocation aux adultes handicapés - l'AAH.

Pour mémoire, l'AAH est un minimum social attribué sous conditions de ressources à des personnes en situation de handicap. Comme pour le RSA, l'instruction des dossiers est décentralisée, à ceci près que cette tâche essentielle n'est pas confiée aux départements mais - depuis la loi « Handicap » de 2005 - aux MDPH. Son attribution est ensuite entérinée en commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et son service est assuré par les caisses d'allocations familiales (CAF). Toutefois, à l'inverse du revenu de solidarité active (RSA), le dispositif reste financé par le budget de l'État et la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Il en résulte donc une architecture institutionnelle originale, dans laquelle l'État se cantonne quelque peu au rôle de payeur. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé intéressant de nous pencher sur la part qu'y prennent les MDPH, une part décisive puisqu'elle détermine dans la pratique l'attribution de la prestation.

À ce titre, le premier constat que nous portons est celui d'un financement complexe des MDPH, et surtout d'un niveau insuffisant.

Les groupements d'intérêt public que sont les MDPH ont trois principales sources de financement : le département pour 43 %, l'État pour 35 % et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour 20 %. Cela représente un montant total de contributions d'un peu plus de 300 millions d'euros par an.

Je précise que la contribution de l'État au fonctionnement des MDPH, qui se limite à compenser les vacances des postes qui avaient été mis à leur disposition lors de leur création, est versée depuis 2017 par la CNSA.

Du côté des départements, les contraintes financières que l'État a imposées sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont forcément rendu plus complexe tout renforcement de leur contribution aux MDPH.

En tout état de cause, il ressort des entretiens que nous avons menés que la relative stabilité des concours nationaux aux MDPH est bien insuffisante pour leur permettre de faire face à la hausse massive de leur activité dans des conditions satisfaisantes. À titre d'exemple, le nombre de bénéficiaires de l'AAH a progressé de 15 % en seulement 5 ans. Tous dispositifs confondus, on constate même une hausse de 70 % du nombre des demandes depuis 2006.

Le seul constat de l'évolution du nombre de demandes est de surcroît insuffisant pour apprécier la charge réelle des services des MDPH. Une demande d'AAH n'en vaut pas forcément une autre. Je pense par exemple aux demandes d'AAH-2, le volet de la prestation - particulièrement dynamique au demeurant - réservé aux personnes ayant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %, mais justifiant d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi. Ce critère de « RSDAE » pose d'importantes difficultés d'appréciation, et est à ce titre particulièrement chronophage pour les instructeurs. Encore faut-il d'ailleurs que ces derniers soient en mesure d'expertiser convenablement un critère d'accès à l'emploi...En effet, en dépit de la lettre de la loi, qui impose que l'instruction des demandes soit effectuée par une équipe pluridisciplinaire capable de croiser différentes expertises, ces équipes sont dans les faits souvent réduites à peau de chagrin. Certaines MDPH n'ont même pas un ETP complet de médecin !

Les MDPH sont dans le même temps confrontées à une forte pression pour tenir le délai légal de traitement des demandes, fixé à 4 mois. De fortes disparités peuvent être constatées à cet égard : le délai moyen au niveau national était estimé en 2019 à 4 mois et 7 jours, soit à peine au-dessus du délai légal fixé à 4 mois, mais l'on observe des variations selon les départements allant de 2 mois à plus d'un an.

Au vu de tous ces éléments, il est indispensable que soit mené un travail de qualification et de quantification des compétences dont doit disposer une MDPH pour assurer ses missions convenablement, en portant un diagnostic précis sur les effectifs et la composition des équipes pluridisciplinaires dans les MDPH.

L'augmentation annoncée de 15 millions d'euros de la dotation de la CNSA va naturellement dans le bon sens, mais l'effort devra sans doute être amplifié si l'on veut que l'objectif affiché d'appréciation globale de la situation des personnes dans un délai raisonnable ne soit plus un slogan mais bien une réalité pour tous les usagers.

La mise en place d'une « task force » en faveur des MDPH les plus en difficulté et dotée d'un budget d'intervention de 20 millions d'euros sur deux ans est également à saluer. Il faudra mener une évaluation rigoureuse de ses résultats, afin d'envisager une pérennisation, voire un renforcement de l'enveloppe ponctuelle qui lui a été attribuée.

S'agissant enfin de la contribution de l'État, il convient sans doute de se demander s'il n'est pas temps de remettre à plat les critères posés en 2006 pour valoriser les vacances de postes à compenser, et plus fondamentalement sur le sens de cette compensation quand tous les postes transférés à l'époque de la création des MDPH auront disparu. L'État doit, nous semble-t-il, sortir d'une logique de compensation au coût historique pour s'investir pleinement dans la politique du handicap et singulièrement dans la politique de l'AAH, en contribuant à doter les MDPH de moyens suffisants pour être les relais efficace de son action.

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