Je vais m'efforcer de répondre avec ma « double casquette » de rapporteur spécial et d'ancien vice-président aux affaires sociales d'un département d'Île-de-France puis de président. J'étais notamment en charge des affaires sociales au moment de l'institution des MDPH dans mon département, ce qui me permet de répondre au rapporteur général : il n'y a pas pu y avoir d'emblée un système d'information commun pour la seule raison que l'État a placé les départements face à la nécessité de faire sans coordination, et que ceux-ci se sont alors tournés vers différents éditeurs, qui sont encore là aujourd'hui. Ces systèmes d'information MDPH ont en outre souvent des liens avec les systèmes d'information des départements, ce qui a contribué à rendre leur unification complexe.
Pour prolonger le propos d'Éric Bocquet sur les avantages d'un système d'information unique ou au moins harmonisé, je dirais qu'un tel système permet une connaissance plus fiable de l'AAH, une facilité d'interaction avec les autres acteurs, notamment les CAF, et la simplification de la relation à l'usager. Cela peut aussi constituer un levier d'harmonisation des pratiques.
Sylvie Vermeillet nous a interrogés sur les disparités constatées entre les départements : elles reflètent d'abord l'hétérogénéité des départements. Pour avoir siégé plusieurs années au bureau de l'Assemblée des départements de France, je peux affirmer une chose : « autant de départements, autant de situations ». Cela justifie la décentralisation du dispositif, pour mieux prendre en compte la diversité du territoire, à condition bien sûr qu'on puisse toujours garantir une équité de traitement.
Je partage la nécessité exprimée par Marc Laménie de simplification de la communication avec le public. Comme président de département, je m'étais efforcé d'obtenir une simplification de l'expression des notifications de décisions adressées par la MDPH, qui était très complexe. Je me trouvais parfois moi-même en incapacité d'expliquer aux personnes concernées le sens de la décision... Je m'étais cependant heurté à une forte résistance de mon administration, qui craignait que la modification des termes de la notification n'ait pour effet d'ouvrir de nouveaux espaces de contentieux. Il faut donc mettre suffisamment de moyens d'interface pour être en capacité de présenter leurs droits aux personnes le plus clairement possible.
Nous partageons le point de vue exprimé par Sophie Taillé-Polian : les indicateurs ne doivent pas être une obsession. Il y a derrière les chiffres des réalités complexes. La vérification de la bonne activation des droits ouverts par les CDAPH nécessite notamment d'améliorer les relations et les échanges d'informations entre les MPDH et les établissements médico-sociaux.
Michel Canévet a posé une question sur les disparités en termes de délais. Il s'agit de données à manier avec précaution. Certaines décisions simples peuvent être prises très rapidement, tandis que les situations les plus douloureuses, et souvent les plus urgentes, sont évidemment les plus compliquées et leur délai de traitement est plus long. Nous devrions réussir à faire le contraire : traiter prioritairement les demandes émanant des personnes dont la situation est la plus difficile.
La pression en termes de nombre de demandes n'est pas la même selon les départements. Elle est notamment plus forte dans les départements les plus urbanisés.
Il est par ailleurs évident que la pénurie de médecins dans les MDPH et la difficulté de celles-ci à les fidéliser constituent des enjeux importants. Le constat vaut d'ailleurs pour tous les personnels : on observe un « turn-over » important, de la fatigue...
Pour compléter le propos d'Éric Bocquet sur la territorialisation de l'accueil, je dirais qu'à mon sens les centres communaux et intercommunaux d'action sociale restent les partenaires naturels des départements, même si les maisons France services peuvent aussi jouer un rôle.
Sur la question d'un rôle départemental plus affirmé, je noterais qu'en pratique les conseils départementaux, en tant que président des GIP, sont déjà les pilotes des MDPH, notamment en matière de ressources humaines. Il leur manque certaines compétences pour pouvoir exercer un pilotage global, en particulier la compétence « emploi », qui est notamment importante en matière d' « AAH-2 ». Le partenaire État est indispensable dans la chaîne de décision : il faut rappeler que l'AAH représente tout de même 11 milliards d'euros de crédits budgétaires.
La conclusion que j'en tire, c'est que, dans un domaine particulièrement complexe d'un point de vue juridique et de l'organisation administrative, finalement, nous sommes tout de même dans une optique de progrès et d'améliorations. Nous exprimons cependant une nouvelle inquiétude sur l'attitude de l'État au travers de la CNSA, qui est davantage dans le contrôle que dans une volonté d'accompagner et d'impulser ces progrès.